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((Descendre vers les chambres)) Observer les hublots dans le couloir, l'eau sombre, avancer, ne pas faire attention.
Et les tentacules qui s'étendent et le souffle qui se coupe et essaie de voir la silhouette difforme, impossible à déterminer. Est-ce vraiment des tentacules ? Pourquoi est-ce que ça s'entoure sur le hublot ? Je peux entendre le métal qui crie. Et l'ombre devenir soudainement presque triangulaire. On va plonger. L'eau va prendre la place dans les couloirs, le bateau rejoindra les abysses. Parce que cette informe créature inconnue et étrangère ouvrira l'hublot, le fera voler en éclats, pour une raison inconnue.
Est-ce ainsi que ma vie se termine ? Devant, je ne bouge pas.

Je n'ai pas bougé quand le feu a tout emporté.
J'accueille la faucheuse quand elle se rapproche de moi, prunelle fixée sur cette ombre qui semble prendre en épaisseur qui recouvre entièrement la fenêtre, projette sur moi des ténèbres imposantes.
Est-ce des tentacules ou des racines, ou simplement des liens ? Quand mes pas me rapprochent de la vitre qui nous sépare pour tenter de la dévisager, la détailler le plus possible, quand ma prunelle ne parvient pas à faire de sens de ce qui se trouve à l’extérieur, jusqu’à ce que les secousses ébranlent le bateau. Mais je suis le seul qui apparaît perturbé. Pourquoi les autres ne réagissent-ils pas ? Une créature dont tout laisse à croire qu’elle est plus immense que le bateau lui-même projette son ombre sur nous, m’englobe de sa réflexion ténébreuse… Je retiens mon souffle. De cette ombre, rien n’est discernable. Ce ne sont que des traits sombres dont les détails se perdent dans l’absence et le vide. L’eau est tachée d’encre.

((et puis, soudainement, alors que l’alarme de débarquement imminent retentit, l’eau redevient paisible
― comme si rien de tout ça ne s’ancrait dans la réalité))

« Tu t’souviens quand il a eu le pied dans le plâtre ? » Nathaniel laissa filer un rire bas d’entre ses lèvres. « Putain, ouais… Ce con avait fait le malin en skate- Et en plus t’arrêtais pas de lui voler ses béquilles. » Gabrielle haussa un sourcil. « Sérieux ? J’m’en rappelle même pas. » Son frère hocha la tête, risette narquoise au bord des lèvres. « J’t’assure. Même que t’as fini avec un poignet dans l’attelle genre un mois après et que maman a pas arrêté d’te dire que c’était le karma. » Gabrielle se redressa, les yeux écarquillés. « Waaaah, sérieux c’était pour ça ? J’me souviens qu’elle me parlait de karma, mais je- Wah. »

« Y’a aussi quand il a été mordu par un Patachiot au refuge, là, » lança Nathaniel en ricanant, gentiment moqueur - plus nostalgique que vraiment railleur. « C’était que dalle, mais maman était folle… » Nathaniel tourna la tête vers al. « Que dalle ? Il a quand même gardé une cicatrice, hein. »

Al marchait dans ses pas - et al n’avait jamais été plus près de ce qu’il avait été que lorsqu’al s’était tenu·e dans l’une de ces rues de New Pyra dévastées, au milieu des morceaux de bétons tombés par blocs, des éclats de verre et des brisures de miroir de l’ancienne façade d’une friperie qu’al avait fréquenté pendant des années, sous le regard furieux d’un Léviator qui aurait pu lia tuer.

(ndlr : Citadel est un Minisange.)
Nathaniel ne lui avait répondu que d’un silence - aussi Gabrielle laissa-t-al voguer son regard sur ce qui l’entourait, et puis en direction de la fenêtre à demi-ouverte, derrière al, au bord de laquelle Citadel s’était perchée, dans un coin, observant l’extérieur. Comme si elle avait senti que l’apprenti·e ranger l’observait, elle sautilla sur place et se tourna vers al, la fixant depuis l’autre côté de la vitre.

Il acquiesça, s’acharnant sur la roulette du briquet, alignant les étincelles comme autant de petites étoiles filantes oubliées dans la nuit, sans voeu à porter là-haut.

Dans le lointain, par les fenêtres ouvertes, al entendit sonner le clocher d’une église, et compta chacun des ricochets, jusqu’au douzième ; l’écho frissonna dans l’air longtemps, comme un treizième coup fantôme qui fit remonter un frisson, le long de son échine.

Tu rassembles les morceaux - des miroirs brisés et des démons libérés par les reflets morcelés d’un toi dont tu n’es plus certain depuis longtemps, entité floue côtoyée dans un crâne martelé de reproches assassins.

Et elle - et elle deviendra une muse parmi tant d’autres, un regret pour nourrir les averses, un silence pour te complaire dans des adieux jamais soufflés, dans des peut-être renoncés avant même d’avoir été prononcés ; et le sel de tes remords jetés par-dessus ton épaule n’en finiront pas de ne jamais t’accorder le pardon que tu ne mériteras pas.

« Don’t call them ‘my family’, » tu lances, peut-être un peu trop brusque, peut-être un peu trop cinglant - éclats de verre blanc éparpillés dans le bourdonnement lointain qui s’étire à vos pieds.

Si, comme les étoiles filantes, vous vous destiniez à la même obscurité ; si vous renonciez et si, main dans la main, vous décidiez que c’en était assez et que la loterie de vos vies, ce soir, s’arrêtait - qui vous retiendrait ?

(Il est passé, le temps des doigts croisés, des surfaces en bois frôlées, des pièces trouvées la face vers le ciel qu’on jette dans les fontaines - il est révolu, le genre de l’innocence, de l’enfant qui croyait qu’il suffisait d’un voeu pour réécrire les récits dont il n’a jamais été le héros.)