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Tu sais ce que ton nom veut dire ? Bonfire, ce feu que certains considèrent comme célébration, comme une fête, d'autres l'utilisent pour brûler leurs déchets, ce qui ne sert plus. Tu n'as jamais servi, selon ton père. Déchet, inutile, c'est de ta faute. De ta faute que ta mère est morte, parce que tu voulais sortir trop vite, parce que les secours n'avaient pas pu arriver qu'elle s'était déjà vidée de son sang. À ses yeux, tu n'as jamais été son enfant. Elle aurait dû survivre, pas toi. Au moins, il y avait tes sœurs pour prendre soin de toi. À quatre, elles pouvaient bien le faire, non ? Quatre paires de bras pour te tendre la main, t'aider à te relever, prendre soin de toi lorsque tu es malade, t'aider dans tes devoirs, te rassurer lorsque tu as peur le soir. Lorsque les ténèbres t'envahissent. Tes lumières. Tu as toujours été reconnaissant de ce qu'elle ont fait pour toi.

Et pourtant, il y avait ce manque. Lorsqu'on te rappelait maintes et maintes fois à quel point tu ressemblais à ta mère. Lorsque ton père ne daignait même pas t'adresser un regard. La rage, c'était tout ce que tu ressentais en le regardant, rage bouillante et dangereuse, tu le ressentais à chaque empreinte rouge sur ta joue. Tu les encaissais. Au fil du temps, créer une carapace, tenter de se protéger parce que tu ne pouvais pas toujours compter sur les autres. Faible. Tu voulais les rendre fières, tes sœurs. Parfois, quand les larmes se faisaient plus présentes, quand tu ne pouvais les retenir, elles t'apportaient au phare de la ville. Tu adorais le regarder, observer la lumière qui se démenait à guider les bateaux dans la brume, et peut-être que tu imaginais être l'un de ses bateaux, toi aussi. La brume, tu voulais la chasser.

C'était une petite maison, rien de bien extravagant. Mais tout de même assez pour tous vous loger et vous nourrir. Et pourtant, il t'arrivais de sauter des repas, de rester dans ta chambre parce que tu ne pouvais sortir. Tu entendais tes sœurs qui ripostaient, en désaccord avec ce traitement que tu ne méritais pas. Elles ont toujours été là pour te défendre. Tu n'as jamais pu les remercier comme il se doit.
Tu n'avais pas la vie parfaite, tu n'avais pas une vie facile même, mais au moins elles étaient là. Et dans un grand coup de vent, la maladie te les as volé, les a emporté avec elle.

Mais comment comprendre la mort, lorsque tu avais tout juste sept ans ? Dans ta tête, elles allaient revenir. Pourquoi t'auraient-elles laissé seul avec lui ? Tu avais besoin d'elles, toi. À partir de ce moment, c'est devenu beaucoup plus intense à la maison. Bien souvent, tu passais ton temps dans ta chambre, effrayé d'aller parler à ton géniteur, à celui qui était supposé te protéger. Mais maintenant, tu devais te protéger seul de lui. Et, à chaque nuit, regarder les étoiles en te disant que tu le haïssais. Observer ces marques sur toi avec un regard voulant vengeance, et pourtant, cet espoir salvateur qui espérait juste que tout allait mieux aller.

You can crush and break down my walls, but my heart will survive


"Baelfire ! Comment oses-tu échouer tes cours comme ça ?! Tu crois que j'ai juste ça à faire, payer pour tes études ? Tu les payeras seul."

Travailler. Si jeune, et tu devais te trouver de petits emplois, payer pour l'inscription scolaire, pour les livres. Heureusement, il y avait Ibari, qui rendait toujours les choses plus douces. Parce que c'est ce qu'elle était, la douceur. Une lumière dans ce monde de ténèbres, le noir qui t'envahissait dès qu'elle n'était plus dans ton champ de vision. Sa beauté qui t'éclairais à chaque jour, le matin et le soir lorsque vous marchiez ensemble pour aller en cours, la fin de semaine lorsqu'elle t'aidait discrètement à finir tes tâches pour que tu puisses partir plus vite. Et pourtant, pourtant, qui dit lumière dit ombre. Tu étais toujours dans l'ombre, de lui, de ce fantôme qui ne devrait pas exister. Et la rage qui s'imprègne peu à peu, à chaque jour, parce que tu pouvais pas comprendre comme elle pouvait préférer un mort à toi, quelqu'un de vivant, en chair et en os. Tu ne voulais qu'elle, mais elle ne le voyait pas. Accrochée à la mort, elle ne remarquait pas tout ce qu'il y avait de vivant chez toi.

"Comment peux-tu l'aimer, Ibari ? Il est mort ! Mort !! Je suis là, moi, je peux t'embrasser, te réconforter. Pourquoi restes-tu obsédée par lui, alors qu'il n'est plus là ?! Pourquoi ?!"

Obsession.

"Bae.."

Why am I never good enough ?

Tu étais bien placé pour parler d'obsession. Toi qui n'avais qu'elle en tête depuis que tu l'as rencontrée, son rire qui était le seul à pouvoir réchauffer ton corps. Toute ta vie, passer ton temps à te poser des questions, mais jamais personne pour y répondre. Les couleurs qui s'effacent tranquillement lorsqu'elle s'enfuit, les larmes aux yeux. Et tu t'en veux. Parce que tu l'aimes, parce que tu aurais tout fait pour elle, sauf la faire pleurer. C'était la dernière chose que tu voulais. Tu voulais continuer de les voir, ces sourires. Ils étaient les seuls qui te donnaient envie de continuer à te lever le matin, les seuls pouvant enlever la mort qui te collait au nez, détectable à des kilomètres. Et au fond, tu comprenais. Pourquoi voudrait-on te sauver ?


Parfois, tu allais en bateau avec ton père. Tu n'aimais pas spécialement ça, étant donné que tu ne sais pas nager, mais avais-tu vraiment le choix ? Tu devais l'aider à la pêche (tu détestais la pêche en général, l'idée d'attraper de pauvres créatures te répugnait). Pensif, tu regardais à l'horizon. Tu l'avais vu, cette planche qui était craquée, prête à se briser. Tu l'avais vu, mais ton père ne l'avait pas vu. Un pied mal placé, et il était maintenant à l'eau, au beau milieu de l'océan, te suppliant de l'aider. Mais… allais-tu l'aider ? Tu y as pensé. Tu ne sais pas combien de temps, mais tu le regardais se débattre, tenter de se raccrocher au bateau du mieux qu'il pouvait, et même si l'idée de lui envoyer la bouée t'étais passée par la tête, tu n'avais rien fait de tel. Tu t'étais rappelé toutes les cicatrices et les marques qu'il t'avait faites, les traumatismes que tu as, à cause de lui, et tu as décidé que tu serais bien mieux sans lui. Et en un sens, peut-être que tu avais raison. Sûrement, même.


"Ibari, tu viens ? Le bateau est prêt à partir."

Vous aviez décidé de partir d'Oliville. Quitter et oublier les mauvais souvenirs, chasser les démons qui te possédaient. Une chance qu'Ibari était là, qu'elle comprenait. Autant il y avait ce bien que tu voulais faire, c'était le mal qui ressortait. Une phrase de trop ou un geste mal placé, et les mots sortaient sans que tu ne puisses les contrôler. Et elle te pardonnait tout le temps. Ensemble, vous alliez partir ailleurs, une place où on ne te connaissait pas, ni toi ni ton passé. Dans un sens, tu savais que tu allais regretter ce phare que tu aimais tant, cette lumière qui t'aidait à dormir le soir. C'est pour le mieux, c'était ce que tu t'efforcais de dire à chaque jour.

Finalement, c'est sur le port de Kopadia que vous êtes arrivés. Vous étiez jeunes, tu avais quatorze ans mais Ibari était majeure, agissait comme ton gardien légal pour tout ce qui était paperasserie. Tu n'avais rien, rien d'autre qu'elle et un maigre sac contenant le restant de tes possessions - tes seules possessions. Tu ne te rappelles pas beaucoup de cet arrivé à Lentis. Tu étais dans un autre état, tentant de fuir ce passé qui était toujours plus rapide, si seulement on t'avait appris à courir.

Pourtant, il y a ce visage que tu n'oublierais jamais. Ces couleurs qui t'aveuglaient autant qu'elles t'attiraient, et tu n'es plus tellement sûr du moment exact où tu l'avais vu, mais tu savais déjà que tu voulais la revoir.
L'adaptation était difficile, toi qui n'aimais pas le changement. Une nouvelle ville, de nouveaux endroits, mais heureusement les nombreux touristes t'avaient permis de rapidement faire des profits de ce qui s'avérait être une passion pour toi : l'artisanat. Dans tous les sens du terme, c'était une passion qui te faisait sentir vivant, et bien vite tu t'étais rendu compte que tu avais ce côté artistique qui ressortait beaucoup. Et parfois, tu regardes tes dessins, et tu réalises qu'ils en disent beaucoup plus sur toi que tu ne le voudrais.

Parce que parler de toi, parler de ton passé, c'est avouer cette faiblesse que tu repoussais vivement. C'est accepter les larmes qui coulent le soir avant de t'endormir, c'est montrer cette colère que tu tentes de garder en toi.

Résumé: