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Banale. Un mot simple, efficace, que tu t’infliges comme une punition.

Loin de toi ces corps mâtes à souhait, ces courbes finement dessinées qu’on effleure du bout des doigts à défaut de ne pouvoir en saisir les formes charnues à pleine main, ces danses gracieuses sur les plages chaudes et ces sourires rayonnants.

Toi, jeune fille de l’archipel, tu n’as rien de ces femmes envoûtantes que l’on vend aux vacanciers. Si tu n’aurais pas craché sur leur charme prétendument naturel, au moins te félicites-tu de ne pas tomber dans le jeu du superficiel.

Du haut de ton menu mètre soixante, pour cinquante trois kilos, trônent deux iris teintes d’un fragment de ciel Kopédien. Une tignasse nuit d’été tombe sur tes épaules frêles en deux cascades maintenues maladroitement par des élastiques. Ta peau est blanche comme si le soleil ne l’atteignait que rarement. Enfin, discrète, trône sur ta cheville gauche une petite lettre “G” gravée à la pointe de l’aiguille.


Jeune femme discrète et solitaire, tu laisses les discussion animées et le centre de l’attention aux autres. Grande amatrice de silences, on te trouvera à marcher avec le doux roulement des vagues sur un bord de plage quand l’ambiance sera à son apogée sur les pistes de danse.

Polie, sérieuse et faisant toujours preuve de sang-froid, on a tendance à t’apprécier pour ce que tu es quand bien même tu ne crois pas toujours à tes sourires.

Cette sérénité apparente cache en toi une certaine mélancolie. Un chagrin érodé par les épreuves de la vie et une colère déraisonnée contre le monde sont ce qui font de toi une jeune femme parfois impassible. Les ambitions des autres te semblent souvent futiles. Carrière, relations, luxe, à tes yeux ce ne sont que des carotte suspendue au dessus du vide. Sacré comble pour une personne aussi fascinée que toi.

Ta rencontre avec une légende disparue t’a donné une passion pour l’Histoire et ses mythes d’un autre temps, pour les pièces abandonnées au fil des ans sur le bord de l’échiquier. Chaque pierre a quelque chose à raconter. Chaque bâtisse. Chaque ruine. Chaque plage ou montagne cache un récit et tu as soif de les découvrir. Retrouver ce qu’on a perdu, réanimer ce qui a été délaissé, comprendre ce qu’on a oublié.

Tu portes également une admiration malsaine pour le macabre. La mort, la fin de quelque chose ou la destruction d’une autre. Si tu penses être incapable de tuer de tes propres mains ou que tu serais trop bienveillante pour assister à la mort de quelqu’un, ce sont tout de même les histoires que tu préfères. Et les doutes qui t’habitent. Car depuis le décès de ton petit frère, dont tu portes la culpabilité,  la mort d’autrui t’indiffère. Tout le monde doit y passer, et ton heure viendra à toi aussi. C’est pourquoi tu passe ton temps à te jouer du risque, comme une provocation à l’encontre du ciel.

C’est cette tendance à te laisser happer par l’appel du danger qui a mené à ton sauvetage par le gardien de ton île, auquel tu voues désormais une grande dévotion. Depuis que tu as la certitude que cet être luminescent existe, tu ne cesse d’espérer le voir à nouveau. Tu prend soin des plages que tu parcours, lui adresse régulièrement des paroles silencieuses et cherche - sans succès - des indices te permettant de le dénicher au coeur de l’océan. Il s’agit probablement là de ton désir le plus profond : poser à nouveau tes yeux sur le Froussardine Luminescent, voire même sur ses confrères.