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Il n'y avait jamais d'autres possibilités. Calléis était l'entièreté de son existence — l'enfant de huit ans, entre deux rendez-vous médicaux, assistait aux rencontres professionnelles et visionnait les diffusions du Solem en tant que devoirs de la plus haute importance.
Il n'y avait jamais eu d'autres choix, son père l'avait conditionné dès qu'elle fut en âge d'écrire, lire et comprendre un minimum ce qui se déroulait. Un jour, ce serait elle à sa place.

Il n'y avait pas de place à l'erreur ; si elle échouait, se trompait, perdait, Alice se retrouvait sans rien. (D’où il se trouvait, il veillait, plaçait tous ses espoirs en sa fille unique) Calléis est le poids d'une vie, le choix d'une vie.  Une éducation entièrement basée sur la connaissance de son avenir tracé avant même sa naissance. Et des murs entourant son enfance, se plonger dans l’apprentissage de tous les domaines les plus poussés, cours particuliers avancés. Parce qu’elle n’eut jamais l’occasion de profiter d’une pseudo période où l’innocence règne. Il n’y avait pour elle que les fluorescences de néons de salles d’attente, la maladie progressant, fatalement prenant, prenant (jusqu’où ? ― parents craignant d’enterrer leur enfant). Si elle n’étudiait pas, il ne lui restait qu’à fixer le plafond (elle préférait encore s’assurer une connaissance de l’univers l’entourant).

Liens coupés avec les branches connexes de sa lignée, énergie entière rivée sur Harmon'île, Lentis (pas de temps pour de telles trivialités aux apparences suintant d'hypocrisie). Que restait-il, quand la nature flétrissait et que le fléau ne s'arrêtait pas ? Condamnés. Les artères de leur tendre Lentis ne parvenaient plus à pousser l'énergie, ne subsistait que le noyau central. Tremblait l'âme face à une réalisation ardente que les espoirs désespérés n'étaient que ceux d'une famille au chevet d'un malade phase terminale. De ce Solem, c'est tout ce qui résultait : cette vague étouffante laissant comprendre qu'il n'y avait plus rien à faire.

Les documents s’étalaient devant ses prunelles voilées, toux brusque prenant son corps, la secouant, alors que le logiciel intégré à son téléphone reportait dans ses écouteurs la retranscription orale de ce qu’elle ne pouvait lire.
― elle déchira la bulle dans laquelle Alice s’était plongée depuis son départ d’Haptos, cette voix qui résonna à l’entrée de sa tente (peu importe ce qui arrive, je t’aime, ne l’oublie pas et je suis fière de toi, Noah. C’est un si beau métier, laisse-moi savoir les retours et vestiges sacrés de nos ancêtres, colosse de verdure) Entrez. Lever la main pour apaiser les grognements automatiques d’un dragon prêt à tout pour assurer la sécurité de celle qu’il guide depuis qu’il n’était qu’une petite Sonistrelle.

Froncer les sourcils, écouter sans interrompre, rouages d’un cerveau surchauffant, dont le repos n’est désormais plus que lointain souvenir ― Enchantée, Nyna Milleport. Accordez-moi quelques secondes je vous prie. souffla la dirigeante alors qu’elle attrapa le thermos encore moitié rempli de cette concoction visant à supporter son système immunitaire au mieux des capacités, attrapant deux Pokéball traînant sur une table et rangeant les papiers éparpillés dans une pochette glissée dans un coffre-fort. D’une sphère sorti un Vacilys imposant, à la force se dégageant de chacun de ses mouvements. Surveille la tente, Vacilys.

Se tourner à nouveau vers l’étrangère venue des plages, si vous voulez bien me suivre murmura-t-elle, l’esprit emporté ailleurs inévitablement (dans les profondeurs d’une jungle dont elle connaissait tant de recoins), attendant que Nyna franchisse la porte de la tente pour en sortir, suivie de près par Dichotomie (qu’importe les cicatrices, qu’importe le vol arraché à sa portée, il possédait griffes et crocs pour défendre et des ondes ultrasoniques pour démunir les cibles).

Alice mena la jeune femme dans les broussailles des berges, non loin du temple, dans un endroit suffisamment éloigné pour leur assurer une tranquillité qu’elle renforça en sortant Kabutops. Dichotomie, surveille les environs avec Kabutops d’accord ? Ses doigts tendres frôlant la blessure traversant l’aile (autrefois, Dichotomie aurait pris son envol pour planer et posséder une meilleure vue). … pardon souffle adressé à son dragon avant qu’elle ne reporte son attention sur celle l’ayant poussé indirectement à sortir. Vous pouvez parler en toute sécurité, Nyna. Comment puis-je vous être aider? (il y avait dans sa voix, le mélange d’une douceur et d’une fatigue)

L’enfant… il y a dans ce murmure une pression, une ombre au tableau, dans sa voix des noirceurs d’outre-tombe. Si personne ne formule les hypothèses, si nul n’échappe les indices et les entoure autour d’une identité (pourrait-elle s’extirper de la certitude de connaître ?) ; d’un comportement évasif, des disparitions dans les profondeurs d’Adamantia après la dernière rencontre, de son absence le lendemain même du Solem, de sa provenance et tout ce qui l’entoure. Alice aurait tout donné pour se tromper (comment pouvait-elle reprocher à un « parent » (qu’importe les liens exacts) de mettre une terre à feu et à sang pour retrouver l’enfant ?). Elle-même ne pouvait s’imaginer les extrêmes auxquels elle pourrait se perdre si Noah disparaissait du jour au lendemain sans laisser de traces, sans rien lui dire, cette angoisse profonde qui s’enroulerait autour de sa gorge, pour qu’elle craigne le pire.

Ne dis pas un mot à son sujet ― il y a une supplique dans les airs informulée, impossible à réellement saisir, des échos indistincts d’anxiété tourmente, anxiété insomnie. Je t’ai entendu parler à Noah avant d’arriver à ma tente… une ouïe affinée pour palier à la vue incertaine, à la vue ombres et lumières, des jeux auxquels elles se prêtent continuellement, des silhouettes dans la clarté, une absence totale de vision dans la noirceur. Vous êtes amis ? Saisis les indices au vol et une voix douce, et une voix tendre, et l’inquiétude qui ravage, qui brûle les poumons et ébranle la stature droite provenant de la noblesse et des heures passées à travailler la position. Respiration déjà creuse et sifflante alors qu’elle s’asseyait sur l’herbe, préférant réserver ses forces et ne pas s’obliger à demeurer debout.

Elle l’écoutait attentivement, prêtait l’oreille pour ne rien manquer, doigts fins jouant avec le pendentif reposant à son cou, habitude profondément ancrée. Elle l’écoutait attentivement, d’une écoute respectueuse (et intriguée), sans la moindre note d’impatience (elle s’était toujours dévouée entièrement à ses habitants ― prendre un instant hors de sa tente pour une jeune femme de Kopadia ne représentait point un effort supplémentaire, tous méritaient de se faire entendre). On lui avait appris dès sa petite enfance à se taire quand les adultes parlaient et si aujourd’hui, Alice était l’adulte entre les deux, elle en tirait de cette leçon une capacité à reconnaître quand c’était l’heure pour elle de s’exprimer, laissant le champ libre à Nyna de trouver les mots, de les ficeler pour qu’ils s’écoulent, pour que tout finisse par posséder un sens qu’elles deux appréhendaient parfaitement, sans l’ombre d’un doute. Tu as raison, un brouillard entoure les recherches… La dirigeante elle-même s’était plongée dans les études historiques, dans la recherche effrénée de réponses pour ralentir le mal les affligeant, ce que cette Kopédienne disait, l’archéologue le savait parfaitement (elle partageait cette sensation étouffante de trop peu).

Sa paume serrait fermement le pendentif dont l’importance paraissait par l’attention accordée à son maintien, son polissage régulier.
Un souffle (un peu saccadé, un peu superficiel, brûlant) et un faible sourire incertain alors qu’Alice scrutait celle qui se trouvait face à elle. Non pas par irrespect, pas parce qu’elle ne lui accordait pas sa confiance, remettait en doute ses paroles, simplement pour essayer d’arracher quelques détails à sa silhouette embrouillée, simple tâche dans le paysage tout aussi brumeux. (comme lorsqu'elle questionna son fils à propre de la couleur de ses yeux
― gris, gris comme les nuages au-dessus de leurs têtes continuellement
grisaille éternelle, mais grisaille sienne)

J’ai besoin de théories. Vraiment. Parce que j’ai épuisé les miennes. Si Lentis te demande de défendre, je m’en remets à son choix. Le temps n’est plus compté, il est manquant… Alors j'essayerais sincèrement de te répondre dans la mesure de mes connaissances et croyances.

Une grande inspiration, le regard qui dévia légèrement dans le vague, une certaine vulnérabilité peut-être dans les traits, trop fugace pour en être certaine toutefois. Dites… en toute honnêteté et transparence, pensez-vous que nous avons eu entièrement tort de préserver le secret qui nous a été remis par nos prédécesseurs concernant Aureas ? (Elle ne pouvait sonder le regard de ses habitants, ne pouvait déceler les reproches dans leurs prunelles, n’avait comme unique choix que de s’en remettre à leurs paroles)

i wanna be somebody’s first call in the night when they don’t know if it works out — ils se hissaient si hauts, si droits, tous les regards se tournaient vers eux et l’avenir de leur people gisait entre leurs mains. Dans le creux de leurs paumes abîmées par toutes les décisions menées, par les secrets préservés, par les projecteurs braqués sur eux. Ils étaient admirés, ils étaient détestés, tantôt on s’imaginait à leur place, voulant reproduire exactement leurs actions, tantôt on clamait pouvoir faire bien mieux, tout régler (si seulement on les remplaçait). C’était le fardeau qui ployait sur leurs épaules, celui qu’ils ont tous les cinq choisis de porter.

Mais dès que les lumières s’éteignaient, que les respirations ralentissaient, que les yeux se fermaient, quand les villes et le camp se calmaient, Alice le savait. Tous rayonnaient dans l’absence à leurs côtés. Le lit était vide et froid. Ils n’avaient que leurs pensées et leurs draps dans lesquels s’enrouler, chaleur humaine absente (elle espérait se tromper), le temps n’était pas à aimer — promesses sur leurs lèvres de protéger une île pour laquelle leur âme serait vendue, un amour profond et sincère pour ce qu’ils dirigeaient, elle le savait, Alice.

Elle le savait qu’Aina-kea portait à Kopadia une affection brûlante, étincelante, de celle qui ne s’explique pas ; elle le savait que Moira voyait en Adamantia un trésor abîmé par les événements, d’une serre cendres et qu’importe les conditions de son ascension, l’Adamantoise donnait toute son énergie à protéger ce que les murs ne parvenaient plus à préserver. Que derrière les apparences de l’Haptais, New Pyra comptait et que les mesures extrêmes prises dernièrement prenaient racines dans une volonté froide d’assurer la sécurité des habitants. Et si Anthos se séparait des autres régions dans son fonctionnement, que ce n’était pas la même responsabilité enchaînant le responsable… De tous les représentants qui ont un jour siégés à Anthos, de tous ceux qui siégeraient, pour être élus, la confiance du peule est nécessaire (ne se gagne qu’avec un minimum d’intérêt pour Verpré, pour leur permettre de prospérer).  

Elle eut un vague sourire, laissa le sujet de l’enfant et de son fils dériver, pour ne plus revenir dessus ; pour ne plus risquer de s’avancer en terrains inconnus. Il y avait des théories qui valaient bien taire, si elle n’y pensait pas (elle ne savait pas). Merci pour votre honnêteté. Les mots s’envolèrent, d’une profonde sincérité. L’archéologue ne désirait pas que l’on tente d’épargner ses sentiments, les questions posées cherchaient les réelles réponses. Étouffer quelques toussotements dans le creux de son coude, enlever les lunettes correctives teintées si habituelles, toujours portées. La luminosité n’était point suffisante pour lui causer des soucis, soleil caché derrière les nuages, pupilles bougeant constamment (les premières sources des rumeurs).

Petits mouvements saccadés de droite à gauche, gauche à droite (elle ne le sentait pas, consciente grâce aux miroirs des hôpitaux, de leur maison à Haptos, petite, silhouettes encore plus brouillées, encore plus difficiles à discerner. Non… Ivanna est la principale raison. Je n’en sais pas tant à son sujet, mais vous avez pu observer les extrêmes dans lesquels elle peut aisément tomber. Ce n’est pas nouveau, elle a toujours eu des … tendances excessives. Elle pouvait perturber et terrifier même enfant, et si vous pensez que Teobald est intense, il n’est rien comparativement à elle. Avez-vous déjà entendu parler d’enfants soldats, Nyna ? Le souffle vint à manquer.

Brusquement.
Laissant Alice tousser à nouveau bien plus douloureusement que les petits toussotements précédents, côtes brûlantes, élançant quand la quinte s’apaisa. Elle attrapa son thermos pour boire plusieurs petites gorgées de son thé, offrant le temps à la jeune femme d’enregistrer ses paroles ainsi. Vous me semblez terriblement … réfléchie et préoccupée. Mais si jeune. Avez-vous quelqu’un à qui parler quand les choses dérivent ? sur les lèvres, les espoirs se mourraient, les inquiétudes se déposaient, une traînée de poudre qui piquait les yeux la nuit, dans sa tente, lorsqu’elle écoutait Noah s’évader de la sienne (il fallait croire qu’être mère et dirigeante la portait à s’inquiéter pour tous).

Pensez-vous… qu’il y a quelque chose à sauver encore ? s’épuisaient les pensées à tourner en boucle, la déchéance, la déférence ressentie pour une nature qui fanait (condamnée). Mais si Nyna devait protéger alors, pouvaient-elles se permettre d’espérer? Une lueur à laquelle se raccrocher (s’il partait).
— et qu’elle se retrouvait
(seule) parce qu’elle était leur dirigeante, pas leur amie.

in the mirror seeing you’re still all alone, when the lights come up and no one’s left to call

D'aussi loin qu'elle se souvienne, Alice avait réservé sa vie entière à l'éducation, à apprendre comment reprendre les rênes de Calléis. Il n'y avait jamais eu de place pour une personne à ses côtés, enfermée dans sa cuisine à Haptos ou entièrement consacrée à Calléis.
Elle avait grandi seule, enterrée son père seule, prenait soin de sa mère seule. Alors, sa vie se terminerait également dans cette solitude particulière. Celle qu’elle ne pouvait reprocher à personne, si ce n’était elle-même ; si ce n’était sa famille, sa lignée et les responsabilités les affligeant. Le mariage sur les lèvres de sa mère chaque fois qu’Alice allait lui rendre visite dans ce centre pour personnages âgées. Mais c’était bien loin d’habiter les préoccupations de la dirigeante (quel intérêt de se marier si la terre n’était plus là pour les soutenir ?).

Ce n’est pas exactement ça… enfin, ce n’est pas une enfant soldate, mais c’est la meilleure comparaison pour imager l’extrême de sa pensée… (la fin justifiait les moyens représenté en une unique personne ― c’était clairement ainsi qu’Ivanna se hissait) Alice ne pouvait que se souvenir des avertissements de son père, tout juste la vingtaine, s’apprêtant à le remplacer à la tête d’Harmon’île. Parce qu’Ivanna ne fut pas entraînée dès son plus jeune âge à éteindre son cœur et cibler les autres, seulement, les pensées bouillonnant dans son esprit s’envolaient et les étincelles devenaient feux de forêt d’une facilité effrayante. Tous se battaient corps et âme pour leurs idéaux et ce qu’ils leur semblaient juste, très peu allaient jusqu’à ne point considérer la vie des autres sur le chemin.

Léger sourire sur des lèvres fatiguées, léger sourire triste aux souvenirs d’un fils accusé de l’état physique déplorable de celle qui l’avait recueilli sans jamais le regretter, sans jamais hésiter. (Jamais elle ne lui ferait porter le fardeau d’une santé l’ayant presque abandonnée lorsqu’elle n’avait à peine que huit années). Ça va aller. L’habitude forgeait une résistance mentale à la déchéance physique (et l’archéologue ne voulait pas qu’une jeune femme s’inquiète de son état outre-mesure, ce n’était pas à elle de se questionner, pas à elle de sentir son cœur se serrer sous le joug de l’angoisse). Elles avaient toutes deux bien suffisamment d’autres raisons de ne pas fermer l’œil la nuit, les souffles de la nature perturbant un sommeil jamais tranquille.

Oui… et c’est pour ça que vous pouvez venir me voir, n’importe quand. Personne n’avait à porter un fardeau seul, pas celui qui ployait sur les épaules, et de la même façon que ses bras seront toujours ouverts pour Noah (qu’importe les décisions qui seront prises dans un avenir bien trop proches), cette étrangère pouvait s’échouer temporairement sur les rivages abîmés d’une adulte lessivée. Elle ferma les paupières, pour ce que cette vision lui servait, s’en remit à ses autres sens pour profiter de la température grisaille les entourant.

Hocher la tête, s’abreuver de paroles et d’espoir, parce que si Lentis n’abandonnait pas, elle ne possédait pas le droit de baisser les bras (même lorsque le découragement déchirait et transperçait le myocarde, donnant le sentiment que tout était pour s’arrêter d’une seconde à l’autre). Une petite inspiration pour ne pas provoquer une nouvelle flamme dans les poumons. Alors, alors il faut chercher les ruines, s’enfoncer dans les profondeurs inexplorées… mais il faut choisir qui envoyer. Je refuse de laisser des pilleurs de tombes chercher ce qui reste de vivant à Lentis. Nous cherchons à comprendre et sauver, mais trop de personnes ici chercheront à voler et détruire pour l’ascension et le pouvoir.

Alice ne portait plus confiance en ceux qui l’entouraient ― difficile d’accepter de remettre entre les mains d’inconnus n’ayant jamais prouvés leur potentiel qu’ils n’iront pas dévaster le peu encore debout de leur nature. ( Il y avait simplement une impression puissante de pouvoir faire confiance à cette Nyna ; elles ne cherchaient que le même dénouement). Mais ce n’est pas sans danger, que ce soit la forêt ici ou ailleurs, la nature est violente et cherchera à protéger au péril de leur vie… Les risques se dressaient, montagnes avides d’un sang frais, de la folie à imposer dans les esprits.

Alice n’était pas étrange aux divagations excessives, les réflexions qui s’étendaient en quête d’une réponse, s’engageant dans un chemin trop éloigné de la réalité qui les entourait. Elle-même y était régulièrement sujette, alors qu’elle épluchait indéfiniment la documentation entourant les luminescents, l’histoire de Lentis. N’importe quel ouvrage ayant un rapport de près ou de loin avec la situation actuelle. Elle déplorait tout de même que cette jeune femme soit aux prises avec de tels cheminements de pensées. L’expérimentant, la dirigeante en connaissait le caractère étouffant, épuisant, éreintant.

Pas étrangère à la route entreprise seule sans jamais se reposer sur qui que ce soit, se tenir debout contre vents et marées par manque de choix. Ce n’était pas un désir, mais une nécessité ― la seule assurance de survie, de pouvoir parvenir aux buts fixés, aux attentes dépeintes. De réussir. Qu’importe réussir quoi. Ainsi, un doux, presque tendre, sourire effleura ses lèvres alors que Nyna assura qu’elle y penserait ― Alice choisit de ne pas insister, de la prendre au mot, même si elle doutait bien que ce soit le cas. Sans que ce ne soit pour autant malveillant, dans l’intention de la duper. Seulement, en avançant seule, il était aisé d’oublier comment décharger un peu des responsabilités qui incombaient.

Mais elle ne put se laisser aller longtemps aux réflexions légères d’une ressemblance les liant ― parce que l’heure n’était pas au repos. L’heure n’était pas à l’attente, mais aux actions, à agir. Planait au-dessus de leurs têtes un immense nuage si sombre qu’il cachait les rayons du soleil autrefois timides, mais bien présents. La pression augmentait au fil des jours, des minutes même ((et au travers, les angoisses d’une mère craignant de perdre son enfant ; enfant fermant les portes vers son cœur encore et toujours)) lugubre était la certitude que chaque seconde s’écoulant sans réelle piste était une seconde de moins pour sauver l’ensemble des habitants de Lentis.

Il allait de soi, la jeune femme était préparée, armée d’une myriade de compétences pratiques et utiles en expédition, dans les zones sauvages, lorsque le danger plongeait et piquait droit sur la cohorte. Pour autant, Alice n’était pas apaisée, n’était pas en paix. Ophelia, Noah, Nyna, tous trois étaient jeunes. Certes, complètement et entièrement dignes de confiance, et ayant prouvé à plusieurs reprises qu’ils possédaient les capacités de survivre et se défendre ((et la douleur qui résonnait au creux de ses côtés quand elle songeait au risque de le perdre ; cette fatalité se présentant sous l’impossibilité permanente de voler de son guide, son garde, son ami de toujours, blessure acquise en lui prêtant secours)) une vie contre une autre. Mais Dichotomie respirait toujours, santé parfaite en dehors de cette cicatrice éternelle, rappel perpétuel des événements affrontés.

Soyez assurée que je ne doute aucunement de vos capacités. Seulement que les dangers qui s’opposeront … risquent de représenter un obstacle de taille jamais anticipée. Et qu’en tant que dirigeante, elle ne pouvait s’empêcher d’angoisser, de craindre, de peser le pour et le contre. Quand tout ce qu’elle avait fait jusqu’à présent, depuis sa plus tendre enfance, n’avait pour unique but que de préserver Harmon’île et sa population. Leur bien-être. Leur santé. ((Paysage à jamais modifié ― elle avait échoué))   Oui, je la connais. J’envisage la possibilité de lui léguer le poste de conservatrice du musée dans le futur… le seul écart de conduite qu’Ophelia ait jamais eu prenait racine à Anthos, lors d’une réunion du Solem, si bien qu’Alice ne lui en tenait aucunement rigueur et n’utilisait pas cette impulsion à sa charge. Ce serait injuste.

Prendre le temps de considérer la demande lancée avec un véritable sérieux ― elle se réchauffa au moyen du thé qui était, désormais, presque terminé avant de répondre à la Kopédienne. Envoyer une grande quantité de gens dont les intentions m’échappe ne me tente pas plus qu’à vous. Lentis, les luminescents, Calléis, me tiennent à cœur autant que leur préservation et malheureusement, l’avidité humaine… n’est pas très compatible. Vous aurez mon soutien, je vous l’assure. J’assurerais à vos côtés l’organisation et les recherches et vous accompagnerais également sur le terrain. Je réquisitionnerais la présence de ma scientifique qui partage mes valeurs. Possédez-vous un numéro de téléphone ? Ça faciliterait la communication pour la suite des événements.

Elle ne pouvait décemment pas laisser Nyna s’occuper de réunir un groupe d’elle-même et foncer dans les terres sauvages, réclamait les droits partagés des préparations ((sans pour autant prétendre que son support ne dépendait que de l’acceptation)). Et il allait de soi qu’Alice ne resterait pas sagement au camp à se tourner les pouces pendant qu’ils cherchaient et essayaient de comprendre.