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― Son regard se perdait dans l'horizon aux couleurs chaudes d'un coucher de soleil, boisson à la main qui n'avait rien à envier aux arômes de la maison pas trop loin, beaucoup trop proche. À Anthos, à la météo bien trop tempérée, les souvenirs affluaient sans offrir la possibilité de respirer.

Mais comment pourrait-elle leur expliquer qu'elle était de retour sans réellement l'être ? Ils ne comprendraient pas, ils ne pourraient pas comprendre et son absence s'éternisait, elle espérait qu'on vienne à l'oublier.

Parce qu'elle n'avait pas la possibilité de tenter de leur décrire les travers, les pertes, les trouvailles, le pourquoi.

― Mais je peux jouer avec toi, moi...
- Ce n'est pas pareil, ce n'est pas toi que je veux. »

Fut un temps, elle veillait sur les autres, sur lui. Fut un temps, elle aidait. S'affairait aux tâches ménagères dont celles de prendre soin des plus jeunes, changer les couches, border, mais surtout le voir quand les autres n'étaient pas en mesure de le faire. Toujours s'assurer que tous se sentent spéciaux. Parce que l'amour qui gonflait sa cage thoracique en coutant les disputes et les rires de cette famille dépassait l'entendement.

― Elle avait laissé de côté les rêves, les envies, quand l'argent s'est amoindri - mis de côté toutes les possibilités d'une carrière et de scènes. Mis de côté tous les désirs, tout ce qui lui tenait à coeur pour cette famille bien plus importante. Toujours importante. Toujours la faire passer avant tout. Les chaussons de danse mis dans le placard, laissés à prendre la poussière, ne plus mettre les pieds dans les salles aux miroirs s'étendant partout parce que cette mère ne pouvait gérer les enfants seuls, fallait donner un coup de main.

Raccrocher sur le seul domaine qui la faisait se sentir elle-même.

Quand on se sentait plus léger que le vent, plus haut que les oiseaux... Pourtant, ne jamais nourrir de rancoeur à l'égard de ses frères et soeurs. N'avoir pour eux rien de plus que de l'amour, cette affection poussant à toujours les réconforter, toujours les voir.

― Son quotidien s'était noyé entre les couches à nettoyer, la vaisselle, les cours à faire. Son quotidien s'était noyé sous les rêveries dans les classes, les aides à la maison, ses bras entourant ceux des plus jeunes, sa douceur qui s'étendait toujours partout.

Ses frères et soeurs sont tout pour elle. Ils sont la raison de son sourire, des étoiles dans ses yeux, la raison de chaque note qui résonne, des mélodies qui les entourent. La raison des peintures dessinées par leurs fossettes, les danses menées.

Loin d'eux, les chorégraphies perdent de leur sens, les mélodies s'étiolent, les chants n'ont plus leur choeur.

― Tu ferais quoi, toi Wa'Modai ?  

La Froussardine a sorti sa tête de l'eau pour le dévisager de ses beaux grands yeux en écoutant le soupir venant s'éteindre sur les lèvres bien apprêtées de la jeune adulte. Qu'est-ce que ce poisson ferait ? Lui-même vivait en banc. Lui-même était plus fort en compagnie des autres, mais rêvait-il d'autres eaux, d'autres découvertes, lui, parfois ?

... elle, elle aimerait bien.

Wa'Modai, arrêter le temps ; c'est ce qu'elle aimerait faire.

Loin des cours dont elle ne brillait pas, loin de tout.

― Elle était partie quand Mana avait commencé à sortir de l'ombre dans laquelle il était plongé. Elle était partie avec ses petites économies soigneusement tissées dans son sac, tenues contre le coeur, dans l'espoir des sommets depuis toujours désirés.
Dans l'espoir d'exister.

Sinnoh l'a accueilli trois ans auparavant, pour qu'elle danse, pour qu'elle performe, pour qu'elle se sente à nouveau libre, le coeur battant au bord des lèvres dans une ivresse que sa passion lui avait toujours offerte.
Mais Sinnoh ne l'avait pas aidé à se faire connaître.

Sinnoh n'avait pas rempli ses rêves.
Quelques traînées de poudres, quelques scènes, petites scènes mal arrangées, aux lumières trop tamisées, quand les spotlight retombent disgracieusement sur le corps. Mais pas les étoiles montantes, la gravité était trop forte.

Trop brusque.
Retomber sur terre.

Les ecchymoses à l'âme, l'amertume au coeur, incapable d'abandonner et de laisser de côté les demi-pointes. Parce que toutes les frictions en valaient la peine.

Elle était partie pour essayer.
Comment dit-on qu'on a échoué ?
Danser avait toujours été son souhait

― Il y a cet éclat. Celui qui brille un instant, celui qui se brise dans un souffle. Il y a cet éclat, au milieu de tous les autres, plus vif, mais quand les étoiles brillent trop
le destin est funeste un murmure un "ça va aller" et une capture plus tard pour que cette chute ne devienne pas mortelle.

Tous savent que les Meteno venant d'atterir doivent rejoindre une Pokéball pour leur assurer la survie.

Une nuit de mélancolie bousculée par plus en détresse que soi, l'obscurité ne lui avait jamais paru aussi dense à Lentis. Mais pour elle, les étoiles n'étaient plus qu'une douceur amère de rêves qu'il fallait ranger dans une boîte, précieusement et tendrement, pour les contempler des années plus tard. Plus important existait que les désespoirs de tentatives soldées par un échec.

Plus important qu'une vertigineuse descente orchestrée par une mortelle gravité.
Saura-t-elle un jour côtoyer les sommets ?
Saurait-il un jour rejoindre à nouveau la stratosphère ?

C'était la première nuit, celle de son retour.

―  "N'oublies pas de regarder en avant." Avancer au travers des enfants qui essaient les différentes postures, ce temps qui se déroulait si paisiblement sitôt entre les murs de sa passion. Elle savait que d'autres buts l'attendaient au dehors, Il réclamait sa bénévolence, mais un court instant : se permettre d'oublier sous le regard admiratif d'un oisillon tombé du nid.

Un jour de pluie, ils avaient retrouvé ce Couaneton sur les marches de la petite école dans laquelle elle avait commencé ses cours, à deux ans. Aile abimée. Saurait-il seulement un jour à nouveau voler ? Soigné et pris en charge par l'assistante qu'elle était, acceptant de rentrer plus tôt et terminer plus tard à ses frais, il fut rapidement remis sur pied... et n'avait quitté l'académie depuis.

Un regard calme; posé. Il l'observait tous les jours enseigner, lui disait au revoir chaque soir et aux matins, attendait sagement son arrivée aux portes.

― Pas beaucoup d'adultes viennent s'inscrire pour un cours de danse, alors ce n'est pas compliqué de se souvenir de leurs passages.
Cette jeune femme qui semblait totalement incapable de tenir sur ses deux pieds sans tomber. Sans le dire, Cae' ne la voyait absolument pas faire de la danse classique, ou du moins, pas sans blessures dans les premiers temps.

Mais elle ne la revit jamais.

― Quand ses bras entourent l'étoile, elle s'imagina prendre Mana, prendre Octa, prendre les enfants entre ses bras.
Quand ses bras entoure l'étoile, l'amène contre son corps, entre ses jambes, les larmes coulent sur ses joues, une berceuse mélodieuse, silencieuse, alors que la lueur de la lune traverse les rideaux.
Ils sont si prêts... 

Et pourtant, entre eux existent un gouffre, quand Cae est partie pour tenter de nager sur les vagues d'une liberté qui ne restait pas dans son sillage.
Tout s'était perdu entre les envies, les doutes, les besoins; est-ce qu'elle saurait se retrouver ? Elle devait Lui faire confiance, la lumière reviendra toujours en bout de ligne.

En attendant, elle devait frôler la terre de Lentis en évitant sa famille,
à la recherche de quelque chose de réel

Elle avait seulement voulu briller...
Pourquoi les noirceurs étaient plus denses que les lueurs ?
Elle avait seulement voulu espérer,
Mais la gravité est bien trop puissante.