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Le répit ne vint jamais.
Comment pouvait-il après tout ? Ils avaient certainement triomphé de la Lanssorien et de son armada de petits mais les Obscurs continuaient de saccager la ville –on pouvait le voir à travers les vitres de l’ambulance, on pouvait l’entendre à travers les cris et les rugissements. Ils n’étaient pas hors de danger ; personne à New Pyra ne l’était véritablement, hormis peut-être les monstres à visages humains qui avaient lâché sur eux cette malédiction ténébreuse depuis bien au-delà des nuages. Valentino serra dents et poings, aussi crispé par la douleur de son dos que par la colère et l’indignation qui pulsait désormais dans ses veines comme du poison brûlant. Au nom de quelle cause pouvait-on justifier de tels crimes ? Aucune. Il n’existait pas une seule raison, aux yeux du jeune homme, que l’on pourrait tenter d’expliquer pour faire sens de ce qu’il venait de voir et de vivre.
Valentino avait la tête qui lui tournait un peu et sa gorge était sèche et irritée –ils avaient tous respiré de la fumée lorsque les flammes du dragon s’étaient mises à tout consumer autour d’eux. Les odeurs de brûlé semblaient avoir pénétré au cœur du monde textile qu’il portait, du moindre de ses cheveux –et les souvenirs qui s’invitaient déjà en flash à l’envers de ses paupières à chaque fois qu’il cillait risquaient d’être encore plus longs à effacer.
Si c’était seulement possible.

Riptide sur le genoux, l’adolescent s’efforçait de rester aussi alerte que possible. Il avait refusé tous les anti-douleurs qu’on lui avait proposé car il se refusait d’avoir sa conscience altérée par une quelconque euphorie artificielle alors que sa sœur se trouvait encore dans les rues et qu’il n’avait pas la moindre nouvelle de Gabrielle et que même cette ambulance n’était pas à l’abri d’un nouvel assaut. Il s’était donc contenté de paracétamol et du gel rafraîchissant qui avait été appliqué en urgence à chacune de leurs brûlures. Il fallait rester éveillé, il fallait rester lucide –pourtant son esprit qui cherchait par tous les moyens à échapper aux affres de ses blessures allait et venait jusqu’au bord de sa conscience sans jamais vraiment franchir la limite ; le temps semblait s’écouler différemment dans l’ambulance, et cinq minutes passées à fixer le goutte-à-goutte régulier du sac à fluide d’une intraveineuse lui parût avoir duré plus d’une heure lorsqu’une pression sur son épaule le fit sursauter (puis grimacer de douleur) et le ramena les deux pieds bien ancrés dans la réalité.

« T'es une bonne fenêtre… »

Valentino cilla une ou deux fois avant de réaliser qu’Eagle était en train de s’assoupir, la tête sur son épaule. La voir ainsi somnolente lui tirailla l’estomac tout autant que cela le conforta dans son choix de refuser les antidouleurs. Mais il restait mal à l’aise car il craignait que ses camarades ne soient pas en état de commander quoique ce soit à leurs pokémons en cas de problème et il n’était pas certain de pouvoir être bien utile sans eux, aussi frustrant cela pouvait-il être.
Il ne fit aucun remarque à Eagle et la laissa se reposer sur lui si ça lui chantait ; il n’était pas d’humeur aux remarques narquoises ou acerbes, plus concentré sur l’écran de son portable presque greffé à l’une de ses mains, jetant frénétiquement des coups d’œils impatients et inquiets à l’écran qui semblait décidé à ne pas afficher de bonne nouvelle de sitôt sous le verre fissuré. Il soupira, le corps agité d’une bougeotte anxieuse qui faisait tressauter son genoux à une cadence épuisante. Il fallait qu’il fasse quelque chose d’utile ou il allait devenir fou.

« Est-ce que vous avez de l’eau ? » Fit-il, la voix rauque, à l’un des secouristes qui lui tendit aussitôt une petite bouteille en plastique de 50cl. « Merci. »

Il en but trois longues gorgées qui eurent le don étrange de lui irriter la gorge davantage avant de l’apaiser, puis tendit le goulot à Riptide qui eut tôt fait de boire tout ce qui restait –la chaleur des flammes l’avait déshydratée elle aussi.
Carbón aussi avait besoin de reprendre des forces. Valentino doutait qu’un simple repos de courte durée dans sa pokéball ne soit suffisant pour que l’enfant-feu ne retrouve sa combativité ; il récupéra la pokéball de sa poche et le fit sortir –heureusement qu’il était de petite taille autrement il n’aurait pas tenu dans cette ambulance surchargée. Le Charbambin qui apparut dans le sempiternel éclat rouge avait retrouvé conscience –c’était déjà ça. À cette lumière, Valentino ne remarqua aucune blessure particulière sur son pokémon et il soupira de soulagement, craignant que son épuisement soit dû à pire qu’il n’aurait pu le penser.

« Ten, come esto. »
("Tiens, mange ça.")

De sa sacoche-banane accrochée à sa hanche, il tira deux des morceaux de charbon qu’il avait récupéré quelques jours plus tôt dans la vallée Eyepolis –ceux que le Charbi sauvage avait laissé derrière lui– et les tendit à son Charbambin pour que celui-ci puisse s’en repaître et retrouver un peu plus de forces avant de le rappeler à nouveau dans sa pokéball pour le laisser se reposer davantage.
La sphère rouge et blanche de retour dans sa poche, Valentino soupira.

Toujours pas de nouveaux messages.
Toujours autant de bruits dehors.
Toujours pas de répit.