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Il semblait si frêle, si fragile face à l'oiseau, montrant les dents et grondant avec force – c'était terrifiant, de réaliser qu'un Pokémon qu'on associait à un jeune, un bébé, encore incapable de rugir et condamné à miauler, était désormais la seule chose se tenant entre soi et le danger. Même- même en novembre, trois paires d'yeux écarlates dans la nuit et une douleur lui tirant des hurlements qu'il était encore incapable de réaliser avoir été les siens, même à ce moment-là, Chiyoko n'avait pas été seule créature à affronter les Obscurs ; ils avaient été plusieurs dresseurs, leurs équipes prêtes (du moins celles des autres) et entraînées. Cette fois-

Cette fois, ça n'était que Raion, ses petits crocs, ses miaulements et sa fougue contre deux fois plus grand que soi.

« Eylian, » à son oreille – what ? Il ne voulait pas lâcher son Hélionceau des yeux, mais le murmure était pressant, et Romeo s'agitait, merde, est-ce que l'Ursaring avait- « Mayhem, come here, » et la tête qu'on tourne par réflexe pour observer – au sol, ou plutôt ce qui ressemblait à un sol, toute une masse brune faite de muscles et de fourrure, l'air inerte. Mayhem avait- Arceus, l'Absol avait vaincu l'Ursaring. Ils étaient- ils allaient s'en sortir. « Tiens bon, Raion, » à l'adresse du félin grondant qui essayait de plaquer au sol l'oiseau, agrippant ses ailes avec ses petites griffes et feulant dès que son adversaire s'efforçait de les soulever – Mayhem allait venir l'aider, et ils pourraient- uh.

« What do you want? » Il ne bougeait pas, grondant, perché sur son ancien adversaire – tournant, cherchant, Romeo la voix agacée, la voix colère, (les réflexes acérés pour surmonter la terreur) comme si- « Skreigh- » Oh. Oh – Eylian sentit qu'il lui lâchait la main (pointe d'horreur sous les côtes, le geste de rattraper aussitôt réprimé, instinct réflexe) et pivota un peu plus, « be careful » soufflé tandis qu'il le voyait avancer. Skreigh. La Scalpion, probablement inconsciente quelque part dans les branches, à une dizaine de mètres tout au plus. Romeo avait manqué la laisser tomber dans leur fuite, mais- Ce n'était jamais facile, pas vrai ? Maintenant qu'il avait une ouverture, une chance de la retrouver – comment Eylian pourrait-il jamais le protester ?

L'Absol, obéissant à l'ordre de son dresseur dès lors qu'il le vit s'éloigner pour chercher sa camarade, bondit à l'assaut du volatile, redoutable et agile. Raion s'écarta pour le laisser passer, profitant ensuite des étranges bourrasques couleurs nocturnes (quasi invisibles dans l'obscurité) distrayant leur adversaire pour ouvrir grand la gueule et cracher une gerbe de flammes violentes en sa direction. Le Bazoucan piailla, furieux ; Eylian- Eylian leva une main pour recueillir Mitsu, dans sa capuche, et le tendit en avant avec un espoir aussi stupide qu'il était désespéré. « Endors-le, Mitsu, » parce qu'il avait vu le petit champignon faire tomber Frenzy comme Raion, agacé de leurs agitations ; parce qu'il avait lui-même été la victime de ses spores lorsqu'il avait tenté de le faire rentrer à l'intérieur contre son gré un jour de pluie un peu trop battante.

Peut-être que quelqu'un, quelque part, l'entendit ; une poignée de secondes plus tard, l'oiseau s'effondra, son vol ralentissant d'abord peu à peu avant de s'arrêter net. Raion gronda encore un instant, les crocs dévoilés ; enfin, il se détourna, bondissant vers Eylian avec un miaulement satisfait. Xerneas – Xerneas, ils avaient vaincu. Ils s'en étaient sortis. « Il est KO, » lança Eylian, pivotant pour commencer à avancer en arrière. Mayhem était déjà hors de vue, sa silhouette blanche s'étant volatilisée dans les ombres tandis qu'il ne lui prêtait pas attention. « T'as trouvé Skreigh ? »

Pas de réponse.

La nuit et ses ombres, les feuilles et ses silences, Calléis et ses mystères – mais pas de réponse, pas de voix, pas même de sons ou de bruits de marche et de recherche.

C'était glaçant.

« Romeo ? You there ? » et Eylian pressa le pas, la voix brusquement plus forte – il était juste à côté, non ? Il était parti moins de cinq minutes auparavant ; ils avaient été attaqués juste au-dessus, il n'avait pas pu s'éloigner autant, where is he et le coeur qui accélère, peu à peu, pas encore, pas à nouveau, I can't- « Romeo, please, » la voix qui casse, les intonations éraflées, des torsions dans les côtes et un je t'en prie qu'on lance au ciel si jamais il nous écoute. Il ne pouvait pas avoir perdu Romeo ; il lui suffisait de retrouver le corps inconscient de l'Ursaring, et à partir de là, il pourrait…

Il pourrait…

Il pourrait, mais il n'y avait ni Ursaring, ni Romeo sur son chemin. C'est pas possible. Ce n'était pas possible – il n'avait pas changé de trajectoire, il n'avait pas changé d'endroit ; tout était pareil, tout ressemblait au chemin qu'ils avaient emprunté, mais il n'y avait plus personne. (Son souffle s'amenuisait, ses tempes heurtaient.) Ni Ursaring, ni- ni Bazoucan, son corps ayant lui aussi disparu lorsqu'il fit aussitôt le chemin en sens inverse, paniqué, ni même- Arceus, c'était comme si c'était le même coin, mais sans aucune traces de leur présence. Comment était-ce- Comment est-ce que c'était même- ça n'avait pas de sens, ça n'était pas logique, mais c'était la réalité – « Romeo ? » et toujours rien, rien, rien, rien et non, « non, j'hallucine, j'dois halluciner, c'est ça ? »

Rien.

Raion miaulait aux alentours, l'air tout aussi perturbé (terrifié) que lui.

« C'est pas possible, c'est pas- il doit être là, il était là, Romeo, please, » tell me you're here, dis-moi que tu vas bien, je t'en prie – parce que s'il n'allait pas bien ; s'il était perdu seul, avec ces voix et dans cet endroit traître et face à tous ces Pokémons agressifs ; s'il était- Eylian pourrait aller dénicher Xerneas lui-même depuis sa grotte et le menacer jusqu'à ce qu'il le lui rende.

Sans une once d'hésitation.