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“La Fleur ?” Tu avais un peu honte de l’avouer, mais tu ne savais pas grand chose sur les traditions de Lentis - pas parce que ça te t’intéressait pas, mais parce qu’on ne t’en avait jamais vraiment parlé. Il fallait dire que tu avais toujours un peu de difficulté à t’intégrer, même si tu ne t’étais jamais senti autant chez toi auparavant, et même si tu sentais que tu étais bien parti pour rester (en même temps, où irais-tu ?). Les recoins de Lentis t’effrayaient toujours autant que lorsque tu étais arrivé, ce sont ses mystères qui te poussaient à rester près de chez toi, t’aventurer le moins possible. Si tu étais là, aujourd’hui, c’était seulement et uniquement pour Bochi (même si la température n’était pas des plus clémentes aujourd’hui, et tu te demandais sérieusement si tu n’avais pas fait le voyage pour rien).

Parce que cette pluie, elle n’avait rien de la pluie habituelle que tu aimais, appréciais. Elle n’avait rien de celle qui abreuvait tranquillement les goutières d’Ike-kai, le soir, lorsque tu avais décidé de sortir parce que le sommeil t’avait quitté. C’était un sentiment désagréable, pesant, de ton corps confronté à la gravité de chaque goutte sur tes épaules. Chacune, te rapportant un peu plus à la réalité de ce monde courant à sa perte ; les larmes du ciel tombaient rudement, abondamment, et chaque remous dans le lac un peu plus triste que le précédent. Chaque goutte te rappelant que tu avais quitté cette ville de cauchemars pour une autre qui en était submergée - où tout pointait vers une calamité apparente -  à la seule et unique différence que tu n'avais plus l'impression d'être seul à souffrir, maintenant. Pouvais-tu vraiment prendre plaisir dans cela ? Et puis, jamais, jamais tu n'aurais pu te douter que cela prendrait une telle ampleur.

Tu n'avais que toi à blâmer. Que toi à blâmer de ton inattention envers ce monde qui t'avait accueilli, de cette destruction imminente que tu n’avais même pas remarqué, trop enfermé dans ton propre monde et la fatalité qu’il renferme. Mais, maintenant qu’Umiko en avait parlé, tu ne pouvais plus ignorer les événements (et encore moins les prévenir), et alors, tout doucement, l’appréhension prenait de plus en plus de place, juste à toute la prendre, jusqu’à ce que la peine et la misère ne soient plus que le revers de la médaille, jusqu’à ce que la dégradation soit de plus en plus apparente dans tes yeux ternis, et peut-être l’avait-il remarqué ; mais la pluie rendait tout beaucoup plus difficile à voir.

Sûrement, au fond, que ceux présents en ce moment avaient senti le drame arriver à des kilomètres ; s’étaient donc réunis
des créatures des quatre coins de Lentis afin de préserver leur endroit, leur maison. Mais, comment éviter l'inévitable ? Voir les baleines dans ce lac te faisait mal au cœur. Elles qui peinaient à se déplacer (comment s'étaient-elles même rendues là ?), elles qui étaient coincées dans un environnement beaucoup trop petit pour elles, une place qui n'était pas du tout faite pour les accueillir. Pourquoi avais-tu l'impression de lire le désespoir dans leur regard ?

Parce que les pétales fanés ne reviendraient jamais à leur état d'origine.

“Pouvons-nous faire quelque chose, tu crois ? Pour… les aider ?”

Peut-être (sûrement, au fond), que lui et toi, tous les deux, ne pouviez faire grand chose. Parce que vous n'étiez que deux jeunes âmes, beaucoup trop jeunes pour comprendre réellement la vie et ses enjeux, beaucoup trop jeunes pour comprendre ce qui avait engendré la situation - et si tu ne connais même pas la cause, comment pouvais-tu en trouver la solution ? Mais, tu refusais de te morfondre, de te laisser aller à des pensées aussi défaitistes. Parce que ce n'était pas que toi qui était potentiellement en danger. C'était l'archipel tout entier. Et si, seulement si tu pouvais faire quelque chose, il serait égoïste de ta part de l'ignorer.

Au fond de toi, tu étais triste d’apprendre que la Fleur était morte. Et si elle était un peu comme le monde de ces Pokémons sauvages, alors il était normal qu’ils cherchent à la rejoindre (même s’ils ne pouvaient pas). Tu te sentais triste, un peu déprimé d’avoir l’impression que tout se terminait ainsi - mais ce n’était pas tout. Vous pouviez encore aider, qu’avait dit Umiko. Pas la Fleur, mais ceux qui se trouvaient tout autour, les Pokémons rassemblés ici aujourd’hui. “Oui, d’accord.” Tu n’avais aucune idée de ce que cela signifiait, à quel point ça pouvait être dur, mais tu n’avais aucune raison de refuser. On te demandait ton aide, tu ne pouvais pas simplement dire non.

Ni une ni deux, tu t’actives, ramassant le plus possible de feuilles et les tenant sur toi, prenant soin à garder un côté sec le plus possible. Le temps pressait. Avec cette pluie, les petits Funécire étaient en danger. Tu prends avec toi une dizaine de feuilles avant de retourner vers ton ami. “Tu crois que c’est assez, ça ?”
À côté de toi, il y en avait justement un qui flottait, tu ne l’avais pas encore remarqué, mais il était là depuis un bon moment. “Oh, bonjour toi.” Tu n’arrivais pas à dire s’il avait peur ou s’il était perdu, quoi qu’il en soit il était à côté de toi et ne te quittait pas. Alors tu prends une des feuilles de ton autre main et la positionne de sorte à protéger le petit Pokémon. Au moins, il risquait rien ainsi.

Et si pour les feuilles, c’était assez, il fallait maintenant tous les trouver et les guider à l’abri. Mais, où était donc ce fameux abri ? Tu ne connaissais pas vraiment le coin, et tu ne voulais pas trop t’aventurer loin car tu risquais fortement de te perdre. Là tout l’avantage d’être accompagné, peut-être qu’Umiko savait, lui. “Tu connais le coin, toi ? Où pouvons-nous guider les Funécire ?” De préférence, quelque part où ils ne se feraient pas déranger par la suite. Et pour ce qui est du chant… “Je n’ai jamais vraiment essayé de chanter… mais je peux hum, essayer.”
Comment chantaient les baleines ? Il fallait croire que tu allais bien vite le découvrir. Si tu réussissais, si ta mélodie enchantait les Wailmer, ils te suivraient et après, tu les guiderais. Ce serait bien la première fois que ce n’était pas toi qui attendait qu’on te montre le chemin.