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Pour raconter l'histoire de Lucida, il faut tout d'abord raconter celle de ses ancêtres. Naos Krayle, le grand-père maternel de Lucida, fit partie des premières vagues d'immigrants qui vinrent s'installer sur l'archipel de Lentis. Chercheur, il avait entendu parler des pokémons luminescents et souhaitait faire partie de ceux qui parviendraient à en élucider les mystères. Grand explorateur, il avait à cœur le bien-être de tous, humains comme pokémons, et s'opposait fermement aux violences commises par les braconniers et autres humains en quête de profit. Il passa une vingtaine d'années à arpenter les différentes îles, minus Adamantia qui avait rapidement fermé ses portes, et recensa l'intégralité de ses notes dans de nombreux cahiers. Il publia plusieurs livres, recoupant ses recherches sur les différentes îles et visant à faciliter le travail de ses comparses chercheurs. Cela semblait être un bien belle carrière, cependant, il y avait un endroit qu'il n'avait jamais réellement pu explorer, et son âme de chercheur s'en trouvait fort insatisfaite. Ainsi, il se mit à tenter d'obtenir une autorisation d'explorer le territoire d'Adamantia. Ce ne fut pas chose aisée : le comportement xénophobe des adamantiens lui faisait obstacle, et peu étaient ceux qui parvenaient à obtenir un droit de passage. Il lui fallut plusieurs années avant que finalement, après de nombreux efforts et un harcèlement quasi continuel du gouvernement adamantien, il parvint à obtenir un laissez-passer.
Cependant à cette époque il commençait déjà à n'être plus tout jeune, et en territoire inconnu un incident est vite arrivé. Il se trouvait en Adamantia depuis désormais 2 ans lorsqu'un bref instant de déconcentration lui causa un terrible accident. Ramené jusqu'en ville par son Cerfrousse paniqué, il fut soigné malgré le vœu initial de certains de laisser l'étranger périr. Lors de son rétablissement, il se rapprocha d'une femme qui venait régulièrement visiter sa soeur, la voisine de chambre de Naos. Ils finirent par devenir proches, et lorsqu'il devint évident que les séquelles de Naos ne lui permettraient pas de reprendre l'exploration des îles qu'il appréciait tant, les deux avaient déjà développé une relation forte. Le caractère austère des habitants de la ville, qui ne voyaient en lui qu'un étranger à faire partir aurait pu repousser Naos, cependant il n'abandonna pas et fit le choix d'épouser la femme, s'installant à ses côtés à Hoarford . Ostracisé par les autres habitants, il se plongeait régulièrement dans la réécriture de ses recherches, veillant à les rendre les plus concrètes et développées possibles, quitte à ne plus être capable de récolter de nouvelles données. Il donna naissance à une unique fille, Klea.
Cette dernière, née d'un étranger et de la folle qui l'avait marié, vécut très mal l'ostracisation dont elle fut victime enfant et toute sa vie en voulut à son père. Pour elle, toutes ses recherches n'étaient qu'un saut dans le vide, sans la moindre garantie de réussite, et ne lui avaient causées que des souffrances. Elle le coupa de sa vie passé la vingtaine, puis elle-même se maria et donna naissance à une fille unique, Lucida. Elle la nomma ainsi, l'étoile la plus brillante de la constellation du petit renard, en hommage à son feunard, son partenaire depuis l'enfance qui avait succombé à une maladie incurable.

Kléa ayant tout fait pour étouffer l'existence de son père, lorsque Lucida vint au monde la plupart avaient déjà oublié l'ascendance étrangère de sa famille. De plus, elle était techniquement adamantienne à trois tiers, et la génétique lui avait fait cadeau des traits du coin. Lucida était une enfant curieuse, visiblement dépourvue d'instinct de survie et maintes fois sa mère crut la voir périr dans d'atroces circonstances. Afin de palier à cela, elle reçut très tôt une éducation très stricte, visant à faire d'elle une femme forte et indépendante. Cours de self-défense, interdiction de montrer de la moindre faiblesse en public, apprentissage de la survie en nature... Il n'aurait pas été faux de qualifier Kléa de maman poule : partout où elle voyait un risque, elle tentait tout d'abord d'en éloigner sa fille, puis de lui enseigner la façon de combattre et d'éliminer ce risque. Bien qu'elle était pleine de bonnes intentions, elle ne se rendit pas compte qu'en faisant cela elle bridait à l'extrême sa fille, qui finit par se renfermer et devint incapable d'exprimer ses sentiments de façon viable. Les autres enfants détestaient ses yeux ternes et la fuyaient comme la peste, la plongeant dans une solitude certaine. Les quelques courageux qui osaient passer outre finissaient d'êtres chassés par sa mère, qui voyait en eux des dangers potentiels. En voulant éviter à sa fille d'être ostracisée comme elle l'avait été, Kléa ne se rendit pas compte qu'elle infligea à sa fille le même sort, bien que la façon diverge. C'est à cette période, sept ans après la naissance de sa fille, que Kléa se décida finalement à reprendre contact avec son père. Cette décision ne venait pas de nulle part : elle se sentait désormais suffisamment mature pour le confronter à nouveau, mais surtout la nouvelle de la mort de sa mère l'avait motivée à ne pas laisser son père finir sa vie dans la solitude.

Pour Lucida, l'apparition de son grand-père fut comme une bénédiction des cieux. Ce dernier vit immédiatement en elle son caractère curieux et téméraire, courageuse mais réfléchie. À ses yeux, c'était évident : elle avait l'âme d'une chercheuse. Il commença par lui conter les mythes et les légendes de Lentis les plus basiques et les plus connus. Sa voix douce et grave, récitant avec talent ses connaissances était gravée à jamais dans la mémoire de Lucida. Elle se prit rapidement d'une passion dévorante pour le sujet, et Naos se plaça comme objectif de lui enseigner l'intégralité de ses connaissances. Il voyait en sa petite fille le début d'une nouvelle génération de chercheurs, mais également celle qui pourrait apporter une conclusion aux recherches qu'il n'avait pu terminer. Dès qu'elle le voyait, l'enfant lui demandait de lui raconter de nouvelles histoires sur les pokemons luminescents, sur ses aventures, sur ses découvertes. Et il obligeait à ses demandes avec le plus grand des plaisirs. Très vite, elle se mit à passer plus de temps chez son grand-père que chez ses propres parents. Chaque instant où elle n'était pas à l'école ou à l'un des multiples cours auxquels sa mère l'avait inscrite de force, c'est chez son grand-père qu'elle se trouvait, absorbant les connaissances qu'on lui livrait avec l'efficacité d'une éponge.
Bien évidemment, sa mère voyait cela d'un très mauvais œil. Elle savait en quoi résultait une expédition ratée, il lui suffisait de regarder son père paralysé pour le voir. Ne voulant pas d'un tel destin pour sa fille, elle se mit à disputer férocement son père à chaque occasion qu'elle avait, cherchant à le dissuader d'entraîner sa fille sur le même chemin qu'il avait autrefois parcouru. Ces disputes, souvent sous les yeux de Lucida elle-même, se gravèrent dans les mémoires de l'enfant, autant par leur régularité que par l'étrangeté des événements en eux-même, les cris presque hystériques de sa mère s'heurtant au calme inflexible de son grand-père. Ce n'était pas sans rappeler une tempête qui se fracassait encore et encore contre les parois rocheuses d'une falaise, sans causer le moindre dégât. Enfin, ce n'est pas tout à fait vrai ; à force de temps les vagues érodent la roche, qui finit par céder. Mais Lucida, à cet âge, ne possédait pas la perception nécessaire pour remarquer les cernes qui s'accumulaient sous les yeux de son grand-père, les rides qui creusaient d'autant plus ses joues et les regards mélancoliques qu'il lançait au loin. Et puis, un autre événement bien plus urgent avait attiré l'intégralité de son attention. Sans qu'elle le remarque, la situation lourde et tendue qui pesait désormais depuis plusieurs années déjà, avait fini de ronger les liens qui unissaient son père à sa mère. La tension qui s'accumulait depuis plusieurs années avait finalement éclaté, soudainement et brusquement, à la façon d'une bulle de savon.
La période qui suivit reste trouble dans la mémoire de Lucida. Elle a souvenir de cris, de pleurs et de sanglots, puis d'une porte qui claque. La dernière image qu'elle possède de son père, l'unique scène de cette période dont elle se souvient clairement, est celle du dos son père qui passe la porte d'entrée, sa mère effondrée à ses pieds. Suite à cela, Lucida fut placée chez son grand-père et ne vit plus que rarement sa mère, qui ne semblait n'être plus que l'ombre d'elle-même. Âgée de onze ans, Lucida se mit à l'éviter au prix de grands efforts, le fait de voir sa mère ainsi lui causant trop d'émotions négatives. Naos prit en charge l'intégralité de l'éducation de sa petite-fille, lui délivrant des cours particuliers sur la faune et la flore de Lentis en plus des cours qu'elle suivait à l'école. Elle avait d'ailleurs abandonné la majorité des enseignements que sa mère lui avait imposé, cette dernière n'étant plus présente pour la pousser à y aller. La jeune fille fit le choix de ne poursuivre que ses études sur les pokémons, celles sur la mode mais également ses cours de self-défense. Cela peut sembler malgré tout conséquent, mais cela ne représentait pas même un tiers de tous ceux qu'elle suivait auparavant. Profitant de sa liberté nouvellement trouvée, Lucida se mit à explorer les environs proches de la ville, ceux qui étaient surveillés et où elle ne risquait rien. Elle était systématiquement accompagnée d'un des pokemons les plus expérimentés de son grand-père pour la surveiller, une vieille Forgelina du nom de Dulce, la compagne de Naos depuis ses débuts en tant que dresseur à Paldéa, sa région de naissance.
La vie de Lucida se poursuivit sans trop de changements jusqu'à ses seize ans. Bien qu'elle s'était retrouvée incapable de nouer le moindre lien humain, tous visiblement repoussés par son attitude qui semblait empreinte de rejet, cela ne semblait pas lui poser particulièrement problème. Au contraire, elle en avait profité pour se plonger pleinement dans des études supplémentaires sur les pokemons luminescents notamment, cherchant à compléter par ses propres moyens ce que son grand père lui contait. Et puis, ce n'est pas comme si elle était seule : bien qu'ils commençaient tous à prendre de l'âge, Naos avait de son temps possédé une équipe de pokemons conséquente. Bien qu'ils s'étaient désormais ramollis et étaient plutôt des partenaires de vie que des pokemons de combat, ils suffisaient à Lucida qui les aimait du plus profond de son cœur, comme de véritables amis.

Kléa finit par réapparaître, s'installant dans la même maison que Naos et Lucida, dans l'une des chambres inoccupées. Elle n'avait plus grand chose de la personne qu'elle était auparavant, et sa propre fille peinait à comprendre comment elle avait pu changer autant. Là où auparavant elle était rapide à réprimander et à lever la voix, toutes ses critiques, bien que toujours aussi présentes, en étaient réduites à l'état de marmonnements et de regards noirs silencieux. Très clairement, elle n'approuvait toujours pas que son père ait éveillé en Lucida la volonté d'explorer l'archipel de Lentis. Mais elle savait cependant que toutes ses paroles ne changeraient plus rien, et avait donc cessé d'essayer, préférant à la place montrer son clair désaccord. Lucida suspectait que la raison principale de sa venue était la vieillesse évidente qui affligeait son grand-père. Désormais d'un âge avancé, il peinait à effectuer la majorité des tâches de lui même et nécessitait une aide quasi-constante. Le décès de certains de ses partenaires les plus proches ajouta un vide supplémentaire dans la maison qui n'était pas pour l'aider. Cependant, on ne peut pas lutter contre le temps et Lucida,à son grand désespoir, ne disposait d'aucune façon de le soigner ou de le sauver. Elle se contenta donc d'alléger autant ses souffrances que possible, lui tendant toujours une oreille attentive et veillant à ce qu'il ne finisse pas sa vie seul.
C'est un an et demi plus tard que Naos finit par s'éteindre dans son sommeil, paisiblement. Le coup fut très dur à encaisser pour Lucida, désormais âgée de dix-sept ans. Dévastée, elle délaissa pendant plusieurs mois l'intégralité de ses cours et de ses activités, son expression morne et inexpressive encore plus repoussante que d'habitude. Dulce ne quitta pas un instant ses côtés durant cette période, toujours un support silencieux sur lequel elle pouvait compte ; une présence bienfaisante qui veillait sur elle. Ce n'était d'ailleurs pas la seule à veiller sur elle ; Lucida mit du temps à s'en rendre compte, mais malgré son inactivité la maison était toujours parfaitement entretenue, elle avait toujours à chaque repas un plat chaud déposé devant sa porte. La jeune fille comprit alors que la véritable raison du retour de sa mère, une volonté de sa part de veiller sur sa fille et de s'assurer sa santé lorsque la personne la plus importante à ses yeux quitterait sa vie.  Étrangement, c'est ce qui lui permit de se remettre : la réalisation que malgré tout elle n'était pas seule. Petit à petit, elle se replongea dans les études de son grand-père, accompagnée désormais non plus des critiques de sa mère, mais de ses soupirs. Lucida était désormais décidée à compléter ce que son grand-père n'avait pu terminer de son vivant.


Et pour ce faire, il lui fallait commencer par l'endroit où les notes de son grand-père étaient les plus vagues, les moins détaillées. Il lui fallait explorer Adamantia. Après tout, rien ne sert d'aller chercher au loin lorsqu'il y a encore tant de mystères en face d'elle, n'est-ce pas ? Mais cela faisait des mois qu'elle n'était pas sortie de chez elle, et étrangement l'idée l'emplissait d'une... angoisse qu'elle ne savait s'expliquer. Elle n'avait pas le temps pour des contretemps pareils. Elle voulait sortir. Elle devait sortir. La frustration, le besoin de se prouver quelque chose à soi-même sans même savoir quoi- en voici, un cocktail d'émotions dangereuses. C'était du suicide, un acte complètement irréfléchi, Lucida elle-même serait incapable d'en expliquer les raisons, mais l'enfant se rendit dans les terres sauvages d'Adamantia, sans un mot, sans s'accompagner du moindre pokémon qui aurait pu la protéger des risques mortels qu'elle encourait idiotement, irrationnellement. Un humain peut s'être entraîné toute sa vie, il ne reste qu'un humain, bien faible face aux dangers qui peuplent ce monde. Qui aurait pu prévoir une tempête si violente qu'elle en faisait ployer les arbres, fuir les pokemons et glaçait d'un froid si mordant ? N'importe qui qui aurait regardé le ciel en sortant. Où s'était envolé le pragmatisme habituel de Lucida ? Alors que la grêle lui claquait le visage, que le vent lui sifflait aux oreilles, elle ne pouvait que s'en vouloir, sachant parfaitement qu'elle risquait de ne pas en ressortir vivante, et tout ça pour un coup de tête.
Ironiquement, c'est la tempête qui l'a sauvée, décourageant par sa violence la plupart des pokémons de se mettre en danger pour attaquer ce qui ne semblait être rien d'autre qu'une proie inoffensive. C'est par pur hasard, par miracle presque, qu'elle parvint jusqu'à ce qui ressemblait à une grotte- non, la qualifier de grotte ne serait pas une description adéquate. Un long couloir creusé dans la roche, des parois lisses, presque trop lisses. Il y avait... quelque chose d'étrange, en ces lieux. Incapable de décrire pourquoi, elle sentit malgré tout un frisson la parcourir de part en part, la chair de poule la gagnant dans son entièreté. Elle se devait cependant d'avancer, ne serait-ce qu'un peu, afin d'être à l'abri des violentes bourrasques qui soufflaient toujours, dans un vacarme infernal. L'espèce de couloir déboulait sur... une salle, suffisamment vaste pour qu'il y ait de l'écho, mais pas assez pour que s'il y avait de la lumière, l'on n'en voit pas immédiatement tous les recoins. Elle était surprenamment vide de tout pokémons ou de tout signe de vie autre que le lichen qui recouvrait les parois. En scrutant la pénombre on pouvait y trouver en son fond un tas de pierres, amassées les unes sur les autres. Lucida aurait pu les ignorer, si ce n'était pour leur couleur singulière ; y avait-t-il réellement des pierres d'un bleu aussi vif ? Mais peut-être que l'obscurité lui jouait simplement des tours. Du moins c'est ce qu'elle pensait, jusqu'à ce qu'elles s'illuminent soudainement d'une lueur jaunâtre, se redressant et ne ressemblant désormais plus à un tas informe, mais bel et bien à un pokemon. Voyant déjà sa dernière heure venue, Lucida se contenta de rester parfaitement immobile, fixant ce qui semblait être les yeux du pokemon. L'échange, qui ne dura en réalité probablement pas plus d'une quinzaine de secondes, sembla s'étirer sur une éternité pour la jeune femme. Il fut brisé lorsque, la fixant toujours de ses yeux immuable, le tas de cailloux finit par se rasseoir, lentement, sans un son, et Lucida en fit de même. Un silence tendu pesait, perturbé uniquement par la tempête qui continuait de faire rage au dehors. Une bataille de regard, entre une statue de roche et une femme qui en avait toutes les qualités.
Lorsqu'elle se réveilla, Lucida était recouverte d'un tapis de lichen, maigre consolation pour une couverture, mais surtout source inquiétude de par son existence inattendue. Se relevant brusquement, elle ouvrit les yeux pour les voir confrontés, à nouveau, à deux carrés luminescents. À travers la pénombre plus distinguable à présent, elle pouvait vaguement apercevoir ses mains rocheuses teintées de vert, ainsi que le lichen qui se trouvait derrière lui arraché, sa forme correspondante à celle qui l'avait recouverte quelques instants plus tôt. Ce pokémon sauvage, qu'elle ne connaissait pas le moins du monde, venait-il de l'aider ? Cela était déjà en soit un acte surprenant, mais ce qui suivit ne fit que la faire s'interroger d'autant plus.
Lucida remarqua finalement l'absence de sons, ce qui ne pouvait signifier qu'une seule chose : la tempête était enfin passée. Se relevant, elle lança au pokémon un regard qui, elle l'espérait, exprimait sa gratitude, cherchant déjà une façon de rentrer sans se faire attaquer par la faune sauvage. Mais celui-ci se releva aussi, se dirigeant dans sa direction dans des pas bien moins lourds qu'elle ne l'aurait cru. D'abord méfiante, la jeune femme se rendit rapidement compte que le pokémon ne s'avançait que lorsqu'elle faisait de même. Une présence réconfortante, protectrice mais mystérieuse ; c'est ce qui l’accompagna jusqu'à l'orée de la forêt, une fois la ville bien en vue. Ici, il s'arrêta brusquement, dans un simple crissement rappelant deux pierres frottées l'une contre l'autre. Il fixa un instant la blanche, immobile, comme toujours. De marbre, comme toujours. Et sans un son de plus, il fit lentement demi-tour, retournant d'où il était venu. De la même façon, sans la moindre variation entre les deux individus, Lucida fit de même, retournant à la ville qui était la sienne. Inutile de raconter l'inquiétude immense qui l'accueillit une fois chez elle : des regards et des paroles désapprobatrices, un scintillement masqué de larmes, il fut assuré que jamais Lucida ne referait pareille erreur.

Cependant, malgré elle, la chercheuse n'avait de cesse de repenser à ce pokémon étrange qu'elle avait trouvé dans la grotte. L'ayant recherché dans les trouvailles de son grand-père et dans le pokédex de la région, elle en était venue à connaître son nom : Gringolem. Un pokémon qui aurait été créé par l'homme il y a de cela des millénaires, perpétuant à ce jour encore des ordres dont eux seuls se souviendraient. Oublié de tous, dévolu de sa raison d'être et de ses créateurs : en voilà une existence bien triste. Cependant, un tas de pierre animé par une énergie étrange ; était-il seulement capable de ressentir ? Etait-il réellement correct de le décrire comme un pokémon ? Et que signifiaient ces symboles sur son corps, comment, précisément, avait-il été mis au monde, quels secrets permettait-t-il de révéler sur le passé ? Toutes ces questions dévoraient Lucida, qui ne rêvait que d'en trouver la réponse. Et pour cela, il n'y a qu'une façon de faire : il faut enquêter.
Accompagnée cette fois de Dulce, rangée confortablement dans sa pokéball, la jeune femme se mit en tête de retrouver la caverne dans laquelle elle avait passé la nuit une semaine auparavant. Ce ne fut pas chose aisée : il est ardu de retracer le chemin d'une personne perdue en pleine tempête. Cependant, par un mélange de chance et de détermination, finalement, elle la retrouva au bout de longues heures de recherche. C'était probablement une idée vaine : il y avait peu de chance que le Gringolem soit toujours présent, ou même qu'il soit aussi concilient que la dernière fois. Et pourtant, en s'aventurant dans le couloir, elle le trouva au même endroit que la première fois, assis contre le mur du fond, la fixant déjà de ses yeux brillant.
Ce fut sans la moindre hésitation apparente qu'elle s'assit à ses côtés, les deux se fixant à nouveau en silence. Ce n'est qu'au bout d'une vingtaine de minutes qu'il fut finalement rompu par Lucida. Observant le Gringolem sous toutes ses coutures, elle venait de s'interroger à voix haute sur la spirale luminescente qui ornait son torse. En l'absence de réaction du pokémon, elle s'était mise à s'interroger à voix haute sur tout ce qui l'intriguait à propos de ce pokemon : ses origines, son comportement, son savoir. Ce n'est qu'après un certain temps qui sembla infiniment court à Lucida mais infiniment long à Dulce, que le Gringolem émit pour toute réponse un crissement rocheux. Prenant cela pour une invitation à continuer, la jeune femme se mit à émettre des hypothèses à voix haute, le tout en fixant le Gringolem qui répondait de temps à autre par un unique son. Lorsqu'il fut venu le temps de repartir, l'humaine se redressa subitement, rapidement suivie du pokémon. Et comme la fois précédente, il la raccompagna jusqu'à l'orée de la forêt et après un échange silencieux, fit demi-tour pour en retourner à sa grotte.

Vint à se créer une espèce de routine : tous les jours ou presque, Lucida se rendait dans cette même groupe et s'asseyait aux côtés du Gringolem, lui racontant chacune de ses théories à ses sujets dans les moindres détails. Rapidement, elle se mit même à lui présenter ses schémas à son égard, toujours accompagnée de ce même crissement rocheux comme réponse, qu'elle avait fini par apparenter à une approbation. Le pokémon finit même par se laisser toucher par Lucida, qui en profita pour l'inspecter d'autant plus, compilant chacune de ses nouvelles découvertes. Et chaque fois, sans faute, le Gringolem se chargeait de la ramener une fois que la jeune femme décidait qu'elle en avait assez dit.
Ce manège se répéta pendant un mois entier, jusqu'à ce qu'un événement vienne perturber l'habitude qui s'était installée. Au début, tout procéda comme à l'accoutumée : le Gringolem fut examiné, palpé, étudié et dût écouter moult théories à son sujet. Comme toujours, il se releva lorsque l'humaine en fit de même, et la raccompagna sur le chemin qui menait à la ville. Mais contrairement à d'habitude, il ne s'arrêta pas. Sans faire montre de la moindre hésitation dans ses pas, il suivit la chercheuse jusqu'à sa demeure, et cette dernière, même si elle s'en voyait fort surprise, n'en fit pas montre un instant. Sans plus de cérémonies, le Gringolem s'installa au sein de la demeure Vulpicae sous les grands cris bien sûr de Kléa qui ne voyait en lui qu'un pokémon sauvage dangereux.
Un rencontre singulière basée sur un coup de tête, la création d'une relation sur la répétition de ces mêmes coups de tête- ce n'était pas une histoire impressionnante, touchante ou incroyable. Mais malgré tout, Lucida avait vu en ce pokémon quelque chose, une opportunité de faire progresser ses recherches, une présence bienveillante, ou tout du moins qui n'était pas malfaisante. C'était pour sûr une situation étrange, mais la vie de Lucida était peu de choses si ce n'est étrange.  

C'est quelques semaines plus tard, alors que Lucida continuait d'écumer les carnets de son grand-père et d'étudier Gringolem qu'un nouvel événement inattendu survint. Le jour de ses 18 ans, Lucida reçut une lettre. La lettre, écrite par son grand-père de son vivant, actant comme testament, l'invitait à finalement passer le pas et partir à l'aventure, réellement, comme elle en rêvait. Il l'encourageait à aller récolter les données dont elle aurait besoin pour élucider les mystères de l'archipel et des pokémons luminescents, à Adamantia mais également sur les autres îles de l'archipel. Dans cette lettre, il lui fournit également une liste de contacts. Celle ci contenant d'anciens collègues à lui, des personnes qu'il avait rencontré lors de ses aventures, des personnes de confiance... De quoi être certain qu'elle ne soit jamais seule lorsqu'elle se lancerait finalement.
Pas qu'elle le soit, avec Gringolem à ses côtés. Mais cela lui permit de franchir le pas, une bonne fois pour toutes. Sa carrière de chercheuse allait enfin, finalement, pouvoir commencer pour de bon !