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D’aussi loin qu’elle se souvienne, Chloé a toujours été très proche de sa famille

Malgré son enthousiasme, la jeune fille avait toujours eu du mal à se faire des amis et à les garder. Les interactions avec les autres enfants ne lui venaient pas naturellement, et ce n’est que vers l’adolescence, période ô combien ingrate qu’elle finit plus ou moins par s’y habituer. Elle a pendant longtemps préféré prendre soin de ses plantes ou la compagnie des livres à celle de ses pairs. C’est sûrement de là que vient aussi son amour des sciences. Les sciences, c’est quelque chose de concret. Pas comme les gens, qui sont difficiles à comprendre, qui changent tout le temps d’envie et d’avis.

Mais avec sa famille c’était différent. Plus facile. Eux étaient là aussi longtemps qu’elle se souvienne. Ont toujours étaient dans sa vie.

Ses grands-parents, ces présences plus sages et plus calmes. Elle adorait passer de longues heures avec eux, que ce soit pour lire un bouquin sous leurs yeux vigilant et bienveillant, ou pour écouter les histoires et aventures de son papy en dehors de Lentis.

Sa mère, présence calme et réconfortante, dans les bras de laquelle la petite fille venait chercher du réconfort dès qu’elle le pouvait. Et dans lesquelles, plus rarement, il lui arrive encore de se réfugier aujourd’hui.

Son père, la présence forte de la maison, la plus bruyante aussi. Voix masculine qui retentit dans une bâtisse qui serait bien trop calme sans elle, comme s’il cherchait à la réveiller. Mais plus que du bruit, il apporte du rire, de la joie et de la bonne humeur. Et parfois un peu de discipline, face à une enfant rêveuse, plus concentrée sur ce qu’elle fait que par ranger ce qu’elle a délaissé.

Sa tante Cheryl, une vrai boule d’énergie, la première à la trainer dans tout type d’aventure.

Ses cousins, présence un peu plus jeune et arrivée plus tard dans sa vie, qui parfois l’agace quand elle veut de la paix, mais qui bien plus souvent l’attendris, et la pousse à abandonner son livre pour aller jouer avec eux. Qui l’aident à s'animer, a dépenser cette énergie qu’elle ne dépense sinon qu’avec bien trop de parcimonie, surtout aux yeux de ses parents.

Et puis quelques années plus tard, on lui avait annoncé une bonne nouvelle. L'arrivée d’un nouveau petit-être dans la famille, annonce qui avait en réalité d’abord légèrement inquiété la petite fille qu’elle était. Incertaine qu’elle était à l’idée de voir un nouveau membre venir perturber l’équilibre famille, peu confiante qu’elle était de d’avoir prendre ce rôle de grande sœur que tout le monde s'attendait à la voir assumer sans lui avoir demander son avis.

Et plein d'autres tracas qui se sont dissipés aussitôt que sa sœur était née, toutes ses questions ayant trouvé leur réponse naturellement. Jade, son adorable petite sœur, si gentille et si douce. Et ce rôle de grande sœur qui lui avait tant fait peur était devenu une grande source de joie et de fierté. Un rôle qui l’avait également aidé à grandir elle aussi. Jade lui a appris à prendre soin de quelqu’un d’autre que soit, a appris a une enfant assez solitaire la joie de toujours avoir un camarade de jeu. La joie de partager ses passions, et découvrir celles des autres. Pour être honnête, Chloé n’a jamais trop su dire non à sa petite sœur. Et d’aussi loin qu’elle s’en souvienne, elle n’a pas le moindre souvenir de dispute sérieuse entre elles deux.

Avec eux elle n’avait pas à se poser la question, elle n’avait qu’à être elle-même. Et avec eux sont quotidiens sur Kopedia était calme et heureux, un quotidiens que petite fille elle imaginait conserver toute sa vie.


Cependant la réalité de la vie est évidemment bien différente des rêves innocents d’une petite fille, et un jour cette dure réalité vint la rattraper le jour de la disparition de Umiko. Celle que son précieux quotidien pouvait voler en éclat à tout instant, que ces proches ne sont pas éternels. Et à quel point il peut être douloureux de se sentir impuissant quand ceux que l’on aime souffrent. Que se soit Umiko, disparue et qu’elle ne savait où trouver. Que ce soit les adultes, dont la panique ne lui avait pas échappé. Et de sa sœur, pour laquelle elle n’avait pas réussi à trouver des mots pour la calmer, la réconforter. N’étant capable que de la prendre dans ses bras, de la serrer contre elle. Et elle s’en est voulu. Voulu de ne pas avoir pu faire autre chose. Bien loin de comprendre que parfois être juste présent est suffisant.

Mais heureusement Umiko fut retrouvée. Mais heureusement les médecins purent le prendre en charge suffisamment tôt. Mais heureusement leur cousin survécut.

Cet accident laissa des marques dans la famille, laissa des marques dans le quotidien paisible de Chloé. Cependant la petite fille y trouva aussi une nouvelle motivation. Elle s’était sentie impuissante à soulager la peine et les tourments des autres, et avait trouvé cela insupportable. Mais elle avait aussi découvert une nouvelle voie pour venir en aide aux autres, une voie éclairée par les médecins qui avait sauvé la vie de son cousin. Car si les émotions sont incertaines, changeantes, imprévisibles, la science et la médecine sont des choses concrètes. Quelque chose qu’elle peut décortiquer, étudier par cœur, comprendre. Cet accident a hanté nombre de ses nuits, mais il lui avait aussi apporté une motivation, une ambition. Celle de devenir médecin et d’elle aussi aider les gens autour d’elle. D’elle aussi permettre à des familles de rester unies.



Quelques années plus tard, les Sterenn et les Kiyomizu quittèrent les plages pleines de vie de Kopedia pour rejoindre l’environnement autrement plus hostile de Haptos, que l’on parle ici de de la faune locale ou de sa société. Et ce serait mentir que de dire que les plages et le calme de son ancienne maison ne manquaient pas à Chloé. Mais elle vit aussi cela comme l’occasion de prendre un nouveau départ. La petite fille avait eu le temps de grandir, d’apprendre un peu mieux à communiquer, parfois quitte à adopter un masque, et c’est à son arrivée sur l'île qu’elle se fît ses premiers vrais amis. 2-3 personnes, cela peut sembler peu, mais c’était déjà un grand changement, un changement qui lui suffisait largement. Un petit groupe restreint qui suffit à lui rendre l’adaptation à son nouvel environnement plus supportable. Il lui fallut d’ailleurs un petit moment avant de prendre l’habitude de se reposer et d’accepter de l’aide d’autres personnes que des membres de sa famille. C’est d’ailleurs à l’une de ses amis que Chloé alla demander conseil pour sa petite sœur, Jade montrant bien plus de difficulté à s’acclimater à Kopedia. Fan de théâtre et aidant elle-même dans une groupe, la dénommé Joyce parvint à convaincre Chloé de proposer cette activité a sa petite sœur, arguant qu’elle pourrait même la surveiller et prévenir son amie si il y a le moindre problème. Conseil qu’elle finit par suivre, et décision qu’elle ne regretta pas le moins du monde en voyant Jade s’épanouir dans cette activité.


Son ambition de devenir médecin quand a elle n’avait pas disparu, loin de là. S’il s’était agi au départ d’un vœu quelque peu immature, cela ne l’empêcha pas de s’y accrocher. Et alors que la petite fille devenait adolescente puis jeune femme, cette idée muri avec elle. Elle n’était pas dupe sur les difficulté de telles études, mais elles ne faisaient pas peur à Chloé. Après tout,  elle avait toujours été studieuse, curieuse, heureuse d’apprendre. Et entre son niveau technologique plus avancé et la dangerosité de sa faune, Kopedia faisait même office d’un environnement autrement plus intéressant pour réaliser son rêve.

Et de fait, une fois ses études bouclées Chloé alla s’inscrire à une formation de médecin, avec l’ambition finale de devenir chirurgienne. Le début d’une longue route, mais face à laquelle elle n’était pas disposée à abandonner. Le début d’une longue route, mais aussi de longue journée d’étude, ainsi que de longue nuit à réviser le moindre cours, à ingurgiter de très nombreuses informations, à apprendre le nom de maladie sur le bout des doigts, le fonctionnement du corps humain, les poisons et les remèdes. A pratiquer aussi, apprendre les rudiments de ce futur métier. Un parcours long et rigoureux, mais qui ne découragea nullement la jeune femme, qui se montra aussi sérieuse qu’a son habitude… parfois trop peut-être. Nombreuses furent les soirées ou son père vint la tirer de devant ses schéma et ses notes pour venir manger, et ou sa mère dû lui rappeler qu’elle avait aussi besoin de sommeil si elle voulait réussir.

Sa famille fut d’ailleurs d’un très grand soutien pendant ses années d’étude. Préparant ses repas. L’aidant dans son quotidien. Son père se retenant même de la réprimander sur l’état en permanence désastreux de sa chambre. Sa mère et Jade l’aidant dans ses révisions. Et en étant là tout simplement, pour la soutenir dans les moments plus difficiles, et lui changer les idées quand nécessaires. Et les résultats de Chloé étaient au rendez-vous. Le chemin avait été difficile, mais la jeune femme voyait son rêve devenir réalité grâce à ses effort. Et puis…


Et puis un jour, elle et d'autres étudiants assistèrent à une intervention dans le cadre de leur cours. Une intervention qui aurait dû être bénigne, faite par un chirurgien expérimenté. Mais quelque chose ne se passa pas comme prévu. Une complication que personne n’avait vu venir, que personne n’avait prévue. Et le patient décéda. Et sa famille le pleura. Et Chloé ne sut pas comment réagir. Ce jour-là, elle partit se coucher bien plus tôt que d’habitude. Mais elle ne parvient pas à trouver le sommeil. Le jour suivant non plus. Ni celui d’après. Et plus aucune nuit depuis lors.

On lui expliqua qu’elle souffrait d’insomnie chronique, Elle commença à voir une psy, mais les séances ne l'avançaient finalement pas à grand-chose, bien qu’il lui faille admettre qu’elle n’y mettait pas vraiment du sien. Elle tenta les somnifères, mais ces derniers ne marchaient que pendant un temps avant qu’elle n’en ressente plus les effets. La nuit elle n’arrivait pas à dormir plus de 2 ou 3 heures, quand elle arrivait à trouver le sommeil tout court. La journée elle se sentait somnolente, et quand la fatigue se faisait trop intense il lui arrivait de piquer du nez. Des cernes sont apparus durablement autour de ses yeux, et son naturel manque d’organisation ne fit qu’empirer. Elle devient plus sensible et irritable, à fleur de peau. Et quand elle s’énervait, la culpabilité ne la fatiguait que plus encore. Elle ne parvint plus à suivre ses cours correctement. Miné par le manque de sommeil et le visage de ce patient.

Et finalement elle se replia sur elle-même. Cela lui arrivait parfois. Pendant quelques heures, quelques jours, au pire. Mais cette fois-ci, 2 mois passèrent sans amélioration. C’est en réalité plutôt le contraire qui se produisit.

2 mois pendant lesquelles c’est tout juste si la jeune femme addressait la parole a sa famille. A leur dire qu’elle va bien, mais personne n'était dupe, pas même elle. Deux mois pendant lesquelles elle mangeait à peine, grignotant du bout des lèvres. Deux mois pendant lesquelles elle s'obstine à suivre ses cours, d’abord en présentiel, puis à distance quand sa santé ne lui permit plus. Deux mois ou les nuits lui semblaient interminables. Deux mois pendant lesquelles elle tentait de cacher ses larmes et sa frustration, tandis que ses yeux rougis n'échappaient à personne. Deux mois pendant lesquelles Jade venait lui racontait ses journées, et qu’elle se contentait de l’écouter avec le sourire. Pendant lesquelles sa mère lui préparait tous ses plats préférés. Pendant lesquelles son père tentait de la traîner pour regarder avec eux ses films d’horreur favoris.

Puis c’est au bout de ses deux mois assez terne que  que débarqua dans sa vie une boule de poil surexcité, laquelle semblait bien décidée à faire la paire avec le Pichu de Jade pour redynamiser le quotidien d’une maison devenue bien terne. Une petite Chinchidou, que sa tante Cheryl et sa sœur s’était débrouillé pour lui ramener, insistant pour la lui confier. Et pour être honnête Chloé aurait presque voulu refuser. Touché par le cadeau, bien évidemment, mais pas convaincu d’être en capacité de s’en occuper, alors qu’elle n’arrivait déjà pas à s'occuper d’elle-même. Mais bien évidement, et comme d’habitude elle fut bien incapable de dire non à c’est deux-là. Et peut-être se laissa-t-elle attendrir par la petite bouille adorable de la Chinchidou, qu’elle choisit de nommer Zinnia. Loin était elle de se douter que cette bouille d’ange cachait en réalité un petit démon.

Car si les craintes de la jeune femme se confirmèrent, n’étant pas en mesure de correctement s’occuper de la boule de poil, elle ne s’attendais en revanche pas a ce que cette dernière lui témoigne aussi clairement tout son mécontentement. Que ce soit en venant l’embêter à chaque fois qu’elle tente de travailler. En chapardant ses vêtements. En renversant ‘’accidentellement’’ quelques tasses. En subtilisant ses lunettes, petit tour dont Zinnia compris assez vite l’efficacité. En faisant disparaître le papier toilette même une fois. Et comble du désagrément, en rangeant le bordel organisé ambiant de sa chambre. Ce à quoi Chloé ne répondit qu’avec plus de désordre, en tentant de lui confisquer ses jouets, et en ‘’oubliant’’ de lui donner ses friandises. Mais d’une certaine façon… Cette guerre avec sa Chinchidou n'avait-elle pas presque réussi à la sortir de sa routine douloureuse, la torpeur dans laquelle elle s’était enfermée depuis de trop nombreuses semaines ?A combler la solitude de ses nuits ?


Et peut-être que ce cadeau aussi bienveillant qu’empoisonné fut un déclencheur. Peut-être aussi que tous ces moments que Jade lui avait consacré et leurs efforts de ses parents avait payé. Peut-être également que Chloé elle-même en avait eu assez de se morfondre, et avait fini par trouver la force d’abandonner pour construire quelque chose de nouveau. Toujours est-il qu’au terme de ces deux mois, c’est une Chloé au cheveux en bataille, au pyjama constellé de tache de café et au regard fatigué mais emplie d’une étincelle de volonté qui émergea finalement de sa chambre, pour annoncer deux chose à sa famille, dans un discours quelques peu décousu mais sincère et déterminé. D’abord qu’elle était désolé de son comportement de ces derniers jours. Qu’elle avait finalement trouvé à nouveau la force d’avancer. Et qu’elle ne pouvait exprimer a qu’elle point elle les aimes tous. Et ensuite, qu’elle avait enfin décidé quoi faire. Abandonner. Pour mieux recommencer.


C’est ainsi que celle qui avait rêvé de devenir chirurgienne pour sauver des gens choisit d’abandonner ce rêve. Mais après tout, apprendre à soigner n’était qu’un moyen, pas la finalité. Elle n’avait qu'à trouver une autre voie, et une de ses vieilles passions lui en fournit la clé. L’étude des plantes et des poisons pour développer de nouveaux médicaments. Et avec son état de santé, et grâce à d'âpres négociations et ses bons résultats académiques passés, elle fut autorisée à changer de voie, quittant les couloirs des hôpitaux de Haptos pour ceux des académie scientifique de Antos où elle entra comme étudiante.

Elle changea aussi son mode de vie, comprenant que plutôt que de lutter contre quelque chose qui ne semblait pas vouloir s’améliorer, autant apprendre à vivre avec. Elle commença d’abord ne plus s’obstiner à vouloir essayer de dormir quand le sommeil ne veut pas venir, ce qui ne parvenait qu'à la frustrer et à la fatiguer plus encore. A la place elle trouva de quoi occuper ses nuits, que ce soit en lisant, et travaillant, en jardinant ou en faisant du sport. Elle apprit ensuite à écouter son corps et à respecter sa fatigue. A se ménager quand c’est nécessaire, et quand enfin la somnolence se fait sentir de ne pas y résister si elle le peut, quitte à dormir en pleine journée. Et si elle n'est peut-être toujours pas parvenue à arrêter le café, elle y travaille, promis.

Aujourd’hui Chloé à appris à vivre avec sa maladie, et à la gérer autant qu’elle le peut. Désormais doctorante, ses objectifs restent les mêmes. Compléter son mémoire, devenir chercheuse, et aider les autres à sa façon. Être là pour sa famille, pour ses proches, et les soutenir comme ils l’ont fait. Et peut-être, qui sait, enfin parvenir à amadouer une certaine boule de poile démoniaque.