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if this is the last night and you're feeling hollow ;
i'll give you my half life so you'll see tomorrow

Étincelles au bout des doigts ; horreurs imprégnées au sang sous les paupières — ((je me suis égaré profondément dans la noirceur)) les monstres sous les lits, dans les placards, ont grugé chaque partie de mon myocarde. Je ne suis même pas certain qu'il bat encore vraiment. « J'me casse. Vois si Eight et Neffy sont OK. Et r'essaie pas d'crever merci bien. » Les mots ne m'appartiennent pas, ce n'est pas moi ; ou c'est justement exactement moi et toute la douceur dont je sais faire preuve n'est que masque ?

Rapidement (Flare dans mon ombre) se retrouver devant l'appartement, empoigner la motoneige et filer dans les sentiers sans aucun but jusqu'à couper le moteur.
L'atmosphère est si lourde, elle compresse mes épaules, elle me pousse à me reposer contre un arbre, genoux contre torse. L'oxygène empoisonne, intoxiqué. J'y arrive pas ; à respirer, je veux dire. Ça fait mal. Tout fait mal. J'ai mal. Bordel, I need to breathe le monde tourne et tourbillonne et la nausée me prend. Les tremblements me secouent, complètement, je ne pourrais même pas me relever si je le voulais. J'y arrive pas. J'y arrive pas.
J'y arrive pas ((i need to get the fuck away from here)) loin, loin, loin de tout. Loin des toiles d'araignée qui m'enlisent et m'attachent. La gorge brûle, un incendie dans le corps entier. Respire ((i need to breathe))

Une créature sur ma tête — Nuclear — qui joue avec mes cheveux ; une autre qui se fracasse contre la barrière de mes genoux ((Smile)) depuis quand est-il hors de sa pokéball ? mes bras se referment autour de son petit corps et mon front contre lui, paupière close. Il était allé chercher Meera, ce soir-là — c'est un cadeau de mon grand-père, ça ne l'a pas empêché de s'attacher profondément à moi et malgré sa faiblesse liée à son très jeune âge, tout faire pour m'aider. Les doigts qui s’accrochent doucement à sa fourrure ; ne pas le blesser ; respirer. Un, deux, trois. ((Compter)) Lentement, progressivement, les inspirations se montrent plus profondes, beaucoup moins saccadées et les expirations plus longues, ne s’entrecoupent plus d’hoquets étranglés ― et les picotements qui parcouraient tous mes membres s’atténuent pour devenir indistincts. Bien que chaque respiration continue de m’arracher des vagues de douleur dans le creux de mes côtes, l’incendie m’envahissant ne se calmant aucunement. Et chaque mouvement qui élance, les tempes qui pèsent et pèsent, vision brouillée, affectée ― les émotions et les blessures en un mélange de contrecoups. Les pensées moins frénétiques, elles se calment légèrement pour un instant de répit. Respirer. Smile dans mes bras et Flare devant moi, et la neige qui commence doucement à tomber.

J’ai besoin de m’évader d’ici. Un peu. Quelques instants. Quelques semaines, peut-être ; ailleurs, respirer ailleurs. ((Murmures)) et brouillard, s’étendent, m’entourent, m’emportent ― je n’ai pas bougé.  Quatre, cinq, six. Aucune idée du temps passé ici, à attendre, à essayer d’attraper des molécules d’oxygènes pour soulager mes poumons incendiés. Mais je parviens enfin à me relever, tenir debout sans que les étourdissements et la gravité ne me rappellent au sol, à la terre ; alors c’est tout bénéfique, partir devient une option envisageable désormais.



C’est une impulsion, presque un réflexe, le message est envoyé avant même que j’ai le temps de consciemment réaliser l’action posée ― je ne peux pas prétendre le regretter. Sa présence m’a toujours été agréable ; explorer ensemble ne peut qu’être intéressant, non ? S’évader aux côtés de quelqu’un qui sait ((ne serait-ce que de loin ; la culpabilité)) qui de mieux placé qu’elle pour découvrir les recoins mystérieux des montagnes qui surplombent l’horizon ? personne. Nous formons un duo d’enfer ((je la protégerais)) rien ne lui arrivera. Je suis capable.

Douleur, douleur à chaque pas qui reprend, adrénaline atténuée dans le sang laisse place aux soubresauts désagréables des muscles et nerfs endommagés, os fêlés, parfois peut-être fracturés, brisés ; qu’importe ((j’ai mal)) pousser au travers pour enfourcher la motoneige, ça ira plus vite se déplacer comme ça. Escalader dans mon état … je doute fortement de la possibilité d’une telle décision, d’entreprendre une action de ce genre… j’aurais aimé, mais bon.
En un clin d’œil, me voici devant le téléporteur, le prenant pour me déplacer au point le plus rapproché de la montagne ; il ne me reste désormais plus qu’à attendre un retour d’Eagle et si, positif, qu’elle arrive. Et nous serons partis. Les grondements du tonnerre et les éclairs continuent de déchirer mon ciel et trembler mon sol ((respirer, sept, huit, neuf)) ― et en attendant, je me décide à sortir Batman, pour qu'il puisse se dégourdir les jambes ; et puis, je suis certain que revoir Eagle lui ferait plaisir. On l'a trouvé ensemble.

all my enemies who wouldn't wish who i was ; i'm falling so i'm taking my time on my ride

— les minutes s'écoulent, grains s'entassant dans la portion inférieure d'un sablier  fragmenté, fracturé.  Grains vermeilles, sable transformé ; le temps s'épuise et moi, je suis là et je ((t'attends)) indéfiniment, seulement quelques instants. Les flocons de neige clignotent en tombant, bleu, rouge, vert, et recommencent, bleu, rouge, vert ; lumières de Noël, mais la célébration est passée.

Et le vent qui souffle emporte avec lui des fragments de conversation, des murmures indistincts ; mais cette certitude qu'ils demandaient de les suivre. Heureusement que c'est à cet instant que tu débarques, parce que j'crois bien que j'aurais pu oublier que tu devais venir en écoutant la brise.
((Je peux prétendre)) me débattre avec chaque once d'énergie possédée, je peux déplacer le blâme et justifier l'ensemble de mes actions et errances — c'est mon essence même qui est corrompue, jusqu'à sa racine. ((Je suis le problème)) la catastrophe ; personne n'a démarré le minuteur de la bombe, il est partie intégrante de mon coeur.

Mais ta présence, bouffée d'oxygène pure ; l'impression de pouvoir respirer un peu mieux, un peu plus. Ton énergie se mélange aux étourdissements déjà bien présents qui menacent de faire tanguer le paysage autour de nous ; qu'en d'autres circonstances, j'aurais répondu à ton enthousiasme sur la même longueur d'onde. Mais colère noire, douleur et fatigue s'incrustaient dans chaque respiration, prenaient une place immense dans chaque réflexion, chaque mouvement, dans chaque fibre de mes muscles. L'explosion sur le fil, les éclairs qui déchirent mon ciel, je ne suis que tonnerre qui gronde, provoque tremblements de terre ((respire)) douleur, élancement aux côtés.

« Je ne sais pas. » Ce sont les montagnes qui décideront, quelques heures, quelques jours peut-être. Qui sait ? Partir. S'évader. Ici, je ne suis que lambeaux et murmures et éclats électriques. Que le sang qui coule dans mes veines et aveugle ; que la culmination des murmures qui m'entourent et dirigent mes actions. M'évader. Fuir la toile d'araignée. Et la neige kaléidoscope. Et le vent qui parle. On doit partir. ((Maintenant))

Hocher la tête pour signifier que Batman apprécie en effet les câlins avant de poser mon regard vers l'horizon. « Les montagnes. » Non, je n'ai pas de destination plus précise, mais en a-t-on véritablement de besoin ? L'aventure se suffit à elle-même. Tu reviendras, je serais là pour m'en assurer. Rien ne viendra te blesser là-bas, j'y veillerais personnellement. Rappeler Batman dans sa pokéball, te prévenir de bien t'accrocher en te refilant mon casque. Je préfère largement que tu le portes. Et démarrer. Le ronronnement du moteur qui rejoint la brise et les battements erratiques de mon coeur; la route entamée, mais la pression sur mes épaules demeure intacte.

Les bourrasques me fouttent le visage, viennent cristalliser mes cils et sourcils ; heureusement que je porte mes gants. Mes cheveux ne seront que glace à l'arrivée. « T'as apporté quels Pokémon ? » Hausser la voix pour se faire entendre au travers l'ensemble de la cacophonie. Mauvaise idée. Souffle coupé qui laisse haletant, des milliers de coups de couteaux dans les côtes.

« Heu, j'ai pris tout l'monde ! Enfin presque, j'ai laissé Khloris, c'est l'autre Flabébé que j'ai, mais sinon je les ai tous pris ! Y a ceux que t'as affrontés pendant le tournoi, d'ailleurs 'faudra qu'on s'fasse une revanche, je dois d'abord m'entraîner parce que Flare est trop forte- Elle va comment ? Tu l'as prise ? J'vais la voir ? » Un petit rire m'échappe. Les paroles coulent si aisément, fleuve tranquille ; l'opportunité offerte par mon message n'est que source d'amusement et de perspectives pour toi. C'est doux. Je te revois à notre affrontement lors de notre tournoi, c'est une insouciance que j'envie. Se ranger sur le côté et couper le moteur le temps de terminer notre conversation, parce que parler représente déjà un défi alors crier ? C'est pire. Et ce ne doit pas être agréable, même pour toi, après tout. Alors prenons le temps de parler et puis, repartons.

« Ah oui, donc j'ai pris Tis', Tisiphone, la Momartik, et puis Narcisse aussi, mon Spectrum, et j'ai pris Nephalia, Nephie, mon p'tit Corayon de Galar ! Puis y a ceux que t'as pas rencontrés, enfin pas pendant le tournoi – j'ai pris Eidôla ! Tu sais la p'tite Pitrouille que j'ai trouvée quand on s'est croisés dans la grotte? Et sinon j'ai Oizys, c'est une Funécire, elle est trop mignonne. Et puis Persephoneia, Perse, évidemment – ma Florges, avec ses super fleurs blanches ! Et Hélios, c'est un Pyronille, il a toujours peur de me faire mal... Et, uh, ...c'est tout ? » Une avalanche de paroles qui me rappelle mes propres discussions avec les jumeaux. Quand parler ne me demande pas une réserve d'énergie et ne provoque pas des étincelles désagréables dans la cage thoracique. Mes mains se resserrent sur les poignées alors que tourne brièvement la neige et que ta voix se déforme légèrement. Une fraction de secondes. (Un élan de conscience m'assome que je ne devrais pas être au volant) mais je dois m'éloigner. Loin. Très loin. Avant de me perdre dans les abysses et ne plus jamais en ressortir.

« Évidemment que j'ai apporté Flare. Elle sera sortie sitôt on se pose. » Une seconde pour reprendre mon souffle. « Oui, je me souviens de la Pitrouille, elle va bien ? » C'est là qu'on a rencontré Batman et Tic, qui a un grain de sable ou une roche, je ne sais pas trop, coincé dans son engrenage. Lui ne va pas très bien, il est devenu obscur et enfermé aux côtés d'Essence. « C'est vrai ? Parfait ! J'ai trop hâte de la voir, j'crois qu'il me reste des friandises. » L'ombre d'un sourire flotte sur mes lèvres alors que je te confirme que ça lui fera plaisir, à Flare, des friandises et que tu auras parfaitement le droit de lui en donner. « Oui ! elle est bien plus heureuse maintenant. Oh tu l'as appelé comment ? » Tant mieux, si elle est plus heureuse à tes côtés. Ça ne me surprend pas. Je pense que tu as cette capacité d'adoucir les maux. D'apaiser les orages, étouffer un peu les grondements du tonnerre et les éclats des éclairs — « Urne. » Parce que c'est une chandelle. Parce que c'est un spectre. Parce que c'est la représentation même de tout ce que j'ai jamais possédé et tout ce que j'ai perdu ; c'est l'urne que je n'ai jamais eu. Leurs cendres renvoyés à la terre. Terrain vague.

« Allez, en route ! » Direction : l'inconnu. Mettre de côté toutes les attaches qui m'enchaînent à cette région, tous ses prénoms incrustés dans ma chair ((meera, neffy, romeo et eylian par extension (qui c'est ce mec ? qui n'a sérieusement aucun fantôme pour le hanter ? 'peut pas être humain) et mora et lei aussi, un peu, il était là à l'hôpital pour Zamas)) s'éloigner de tout ce qui ne me ressemble pas, de ce poison entêtant et cette cage dorée et plonger dans les mystères, se perdre et noyer les pensées, parasites dévorant toute conscience. Un autre doux rire face à ton enthousiasme alors que je démarre, un fois ton casque ajusté, et que nous filons contre le vent.
((pars ;  mais je continue d'avancer — viens et c'est ce que je fais ; n'approches pas et ça ne me donne qu'envie d'insister)) les paysages défilent, mais je ne quitte pas la route du regard. Enfin, il n'y a pas vraiment de chemin véritable, c'est plutôt un terrain accidenté qui nous accueille. C'est pour ça que j'ai pris une motoneige en arrivant ici. Spécifiquement pour ça.

À certains moments, il nous faut débarquer et sortir mes Pokémon pour nous aider à pousser la motoneige ; passer certains sommets. Et puis, soudainement, la neige laisse place à la pluie. Mon sourcil se fronce ; rapidement, je coupe le moteur et me tourne vers toi. «  Attention. Sors tes Pokémon. » J'obéis à ma propre directive, libérant Fear et Flare. Juste à temps. Parce qu'une attaque fuse. Et je parviens enfin à cibler ceux qui nous prennent pour cible. La pluie m'agace profondément, diminuant de beaucoup la puissance de Flare. « Fear, Cru-Ailes. »

Sans une once d'hésitation ou de crainte, Fear agita ses ailes, les flocons de neige venant se perdre dans ses plumes, fonçant sur l'adversaire.

now it's hard when you're always searching for the life you left behind,
i don't belong here

L'étau se resserre autour de mon crâne, appuie sur mes tempes en provoquant sifflement déchirant à mes tympans. Adrénaline combinée au brasier dans les veines, huile sur le feu amplifiant douleur et vertiges. Mais tenir. Faut rester debout, pas faiblir, pas flancher. Ne jamais s'effondrer. ((Dès lors que je ne protège plus, que reste-t-il de ma volonté à me rattraper ?)) Les graines que j'ai semé renvoyées en pleine figure, qu'existe-t-il de mes ridicules tentatives à effacer le mal causé ? Prétendre une bonne conscience n'importe peu lorsque je chasse une bonne action par le tranchant d'une bien plus sombre.

Les réverbérations des cris étouffés se répercutent dans mon esprit ; et chaque clignement de paupière ramène l'image des ecchymoses et du rouge — asphyxie qui cherche à revenir. ((Se concentrer))

Sur l'affrontement qui se déroule, la pluie qui continue de tomber. Tu n'as pas le droit d'être ici ; mais je vais là où je le désire ; pars mais aussi reste. Et je ne sais plus trop si ce sont les chuchotements habituels ou si quelque chose s'est infiltré dans mon esprit. Viens, viens, laisse-les, approche. La confusion s'installe. Pourquoi est-ce que je reste devant ces Pokémon ? Y'a quelque part qui m'attend.

L'éclat inquiet de ta voix ébranle les nouvelles convictions, brise la couche de glace recouvrant mes pensées. Secouer la tête pour se recentrer ((erreur)) je parviens à tenir debout qu'en m'appuyant sur ma motoneige, souffle coupé brusquement suite à ma perte d'équilibre. Incendie.

Une seconde, une minute, une heure, combien de temps me suis-je égaré ? Peu de temps. Tu reviens tout juste avec ton Corayon tandis Fear plonge sur l'ennemi. Seulement une fraction de secondes. Fear n’offre aucune chance à son adversaire, frappant de plein fouet avec ses ailes devenues temporairement si solides et fracassantes. ((Fear qui refuse d’abandonner, toujours combattre ; nous partageons la même violence, peut-être est-ce pour ça que je parviens à la gérer et la comprendre)) peut-être est-ce pour ça que Neffy en avait peur.  

Dans son attaque, elle éclabousse les alentours, dévient les gouttes de pluie qui tombaient sur ses plumes ; sans même s’y attarder, sans même y prêter une quelconque attention. ((autour — glisser le regard en biais, regarder autour pour comprendre l’origine du souffle, ce qu’il voulait ; autour, il n’y avait que neige attaquée par la pluie, que montagnes à perte de vue, que paysage glacial et figé dans le temps)) où étions-nous ? autour, il y a cette zone, là-bas, qui paraît plus creuse, attire le regard, interroge l’âme. Viens, viens, que ça dit et laisse-les, laisse-les, que ça demande. Il y a un pas qui s’amorce, qui s’arrête encore une fois à l’instant où tu parles et je me raccroche à ta présence pour ne pas m’égarer. ((Putain, mais on est tombé où ?)) tu aurais dû venir seul ((je le sais))

Et quand mon cerveau parvient enfin à analyser tes mots, c’est une vague de fierté qui m’ébranle. Parce que tu as presque l’âge des jumeaux, que je t’ai rencontré dans un cimetière ; je t’ai rencontré culpabilité et larmes et tentatives de chasser tout par l’effervescence de l’alcool et je t’ai rencontré souvenirs déchirants et hémorragies évidentes. Et maintenant, c’est la confiance qui ressort. Et je t’ai vu combattre avec ardeur au tournoi (même si je t’ai un peu éclaté) ; je t’ai vu ne pas abandonner et je t’ai vu en ressortir avec le désir de devenir encore plus forte plutôt que découragée. Et maintenant, maintenant, nous sommes deux contre la nature. Un fois certain de pouvoir marcher sans vaciller, je reviens me hisser à tes côtés en hochant la tête. « T’as raison, Eagle, la nature ne nous aura pas. C’est nous qui l’aurons. »

À deux, nous y parviendrons. J’ai pas de doutes. Même au travers la conscience altérée par douleur et vertiges, par colère enflammée n’attendant encore que de pouvoir exploser colère, colère parce que tout n’est que rage et fureur et les sommets me paraissent particulièrement sanglants et rougeoyantes et tranchants. Parce que tout n’est que hargne et douleur ((si fallait que je les retrouve un contre un, je leur ferais regretter leur naissance)) mais ensemble, nous vaincrons l’étrangeté des montagnes. Ces montagnes qui paraissaient si normales du téléporteur. « Le laisse pas te toucher, Fear ! » Le cri s’échappant de ma gorge en voyant le Colimucus se préparer à attendre me déchire les flancs, respiration sifflante ((putain)). Mais s’il parvient à frapper Fear, il a beaucoup de chance de l’achever en un coup, sous la pluie. « Eh, c’est moi ou le vent parle ? » parce que vraiment, ça change de ce que j’entends habituellement.

i see you draw your final breath ―  l’ordre lancé à mon Aeropteryx, le sifflement dans ma respiration, simplement essayer de la reprendre plus calme, plus régulière, pour calmer l’élancement désagréable à mes flancs et l’étourdissement qui m’éprend. Je cligne de la paupière quand Fear bouge. Trop vite. Elle est beaucoup trop vite pour ma vision actuelle et l’état de mon cerveau un peu trop confus. Je la vois prendre de la vitesse sur la neige, envoyant des flocons sur nos habits sous l’accélération, mais la suite se brouille malgré tous mes efforts pour me concentrer sur la scène. Pour ne rien manquer ((tout m'échappe)) putain ; crépitements enragés sous la pulpe de mes doigts. Avant même que j'ai réellement de temps de le réaliser, Fear se retrouve à nouveau à mes cotés et je me repose instinctivement sur elle.

Agacée par la pluie, elle entreprend une toilette sommaire, piquant ses plumes — aucune blessure de ce que je peux apercevoir. Elle était parvenue à ... assommer, visiblement, son adversaire. Chez elle ne réside que l'irritation de voir son plumage détrempé. Elle n'est pas blessée, mais eux oui. Putain, pourquoi suis-je ici ? Je n'aurais jamais dû partir. Je ne pouvais pas rester. ((they always turn towards the sun, she might help you find it — et si j'en avais la possibilité, je te donnerais le peu de lumière qu'il me reste)) elle en est bien plus à la hauteur que moi.

Brouillard et neige et pluie ((et souvenirs, cris et rouge et hôpital, salles d'attente puis reproche et recherches intensives et)) concentre-toi — les pensées s'emballent. Préserver un fil conducteur et logique s'avère très compliqué. "Hm ?" Un instant ta réponse s'effrite dans l'épaisse fumée qui m'entoure, j'ai oublié ce que j'ai demandé même. Un instant seulement avant que ça ne me revienne (heureusement) ; je ne sais pas trop ce que j'aurais fait autrement, les justifications que j'aurais trouvé. "Oh, oui. Attends, attends."

Je ne suis pas trop sûr de bien comprendre ta réponse. Peut-être que je n'ai pas réussi à m'en souvenir correctement dans ma confusion ? J'essaie de me redresser un peu pour tenir davantage par moi-même, j'abandonne très rapidement quand la douleur se diffuse et pousse le décor à perdre un peu de sa clarté. Je vais garder mes forces pour reprendre la route après, je crois. C'est mieux. "Donc, l'an dernier, tout le monde entendait les murmures ?" Ça me semble presque irréel, très difficile à croire que j'ai vraiment bien retracé tes paroles au travers ma conscience un peu altérée. Oui, je me souviens de ce moment, y'avait même un Cadoizo qui me suivait partout dans la sapinière. Je ne l'ai pas revu depuis, ceci dit. Mais je n'ai jamais cru un seul instant que les cuchotements puissent être partagés et non pas provenant de mon cerveau.

Oui, d'accord, eux aussi étaient différents et changeaient des murmures se tapissant partout où je vais. Ça me donne vraiment mal à la tête tout ça. Vraiment. Les reflets sur les gouttes de pluie et sur la neige me percent la pupille — le bruit terrasse mes tympans. Faut que j'arrive à tenir mes pensées en laisse parce que ça va pas le faire sinon. Pas du tout même. "Du coup, faut les suivre ou pas ? Parce que y'a un truc là-bas. Mais j'vois pas quoi." Heureusement que la pluie demeure légère, pas assez pour enterrer ma voix. La projeter se trouve en dehors de mes capacités en ce moment. On l'a bien vu quand j'ai ordonné à Fear de se tenir sur ses gardes.

Je pose mon regard sur le seul Pokémon sauvage restant en mesure de combattre, puis sur toi. Tu gères la situation, de ce que je peux apercevoir. ((La fierté brille toujours)) "Mes Pokémon se tiennent prêts à venir supporter les tiens. Dis-le si besoin." Toujours prêt à te supporter, à te protéger. Je ne te laisserais jamais tomber, tu peux en être certaine. Comme là-bas, dans ce cimetière et notre culpabilité similaire — je n'étais pas parti, jusqu'au bout à tes côtés. Je veille ((personne n'a à veiller sur moi; c'est mon rôle et ça le demeurera)).

reality is long gone but that's fine, and my mind is dangerous

Valser avec le danger, jouer avec le feu — rester jusqu'à ce que la chaleur transperce l'os. C'est ma vie sur le fil et mes mains qui le déchirent ((ce que j'aimerais blâmer n'importe qui d'autre)). Reprocher la terre entière à quelqu'un ; rejeter le poids des conséquences sur d'autres épaules. Mais je sais.

La cause des tsunamis cherchant à me noyer, c'est moi, uniquement moi. Les ongles se cassent à tenter de s'accrocher à une surface lisse, glissante ; la voix s'écorche à crier, crier, mais aucun son ne sort ((prisonnier de mes erreurs)). Et j'crois, j'crois que c'est mieux comme ça. Tenir quiconque éloigné de cette réalité m'étouffant, pour que jamais elle ne les entraîne également. À bout de bras, ne jamais les laisser approcher suffisamment, contourner les murailles dissimulant un champ de mines où chaque pas risque une explosion.
((c'est ainsi que ça doit être, qu'il faut que ça reste))

— alors pourquoi il a fallu que je lui laisse un mot et une peluche; pourquoi est-ce que je ne m'éloigne pas alors même qu'elle m'a trouvé quand les conséquences ont plongé
alors que sa présence dans cette chambre d'hôpital trouve son explication en mes mauvaises décisions ((substances mortelles que je lui ai fourni)) —

Ils m'encerclent, les murmures ; le bruissement qu'ils provoquent résonne jusque dans mes os. Et la brise porte des chuchotements amplifiant la sensation. Trop vite. Les Pokémon attaquent trop vite. Ils me donnent la nausée. Et les aiguilles qui percent mes tympans. Cligner plusieurs fois de la paupière, mais je ne réussis qu'à amplifier la douleur, qu’à rendre le sol instable. Presque me faire trébucher sur rien. Normalement, faut pas bouger pour ça ? OK. Inspirer. Expirer. Lentement. Parce que si je respire trop rapidement ou trop profondément, des chocs électriques se propagent dans mes côtes et m’empêchent de fournir de l’oxygène à mon corps.

Mon œil se dépose sur toi quand tu ramènes le sujet sur les contours indistincts plus loin ; le souffle de la nature qui essaie de m’y entraîner. Toi aussi, tu serais mieux loin de moi ((parce que je suis un soleil incandescent, brûlant, brûlant jusqu’à tout réduire en cendres, ce qui reste trop longtemps près de moi)) il suffit de regarder les jumeaux. Leur éducation entre mes mains ; je les ai menés vers leur propre destruction tellement, tellement de fois ((jamais je n’ai su les protéger de moi)) alors que je représente le danger le plus important qui leur tourne autour. Capable d’entraîner mon frère dans mes dérapages les plus violents.
Dis-moi, dis-moi, quelle est la limite séparant l’homme du monstre ? Quand est-ce qu’on bascule de l’un à l’autre ? Parce que je retiens davantage du deuxième, je crois. « Toujours partant pour de l’aventure ! »

Pourquoi est-ce que mon entrain sonne si faux ? Si vide, si creux. Et le râle dans la respiration. Ce que je déteste être faible comme ça.
Est-ce l’aventure qui m’intéresse ou l’idée de m’égarer loin de tous ceux que je cherche à protéger, pour leur épargner mes éclats, mes explosions ? Mais je t’ai amené. Et ta présence m’éclaire, mais ai-je réellement le droit d’être égoïste ainsi ? ((Non.)) Pardonne-moi de l’avoir été. « T’as des pokéball ? Ce serait peut-être plus rapide de le capturer… ou pas, j’dis peut-être n’importe quoi. »

Les mots fuient, les pensées s’enfoncent dans une noirceur épaisse ; c’est un peu difficile de réfléchir et préserver un fil logique, cohérent.