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Ce jour-là n’est pas un jour ordinaire. Ce jour-là compte plus que les autres. Les branches s’inclinent contre le vent manifeste. Le soleil joue le premier rôle sur scène alors que quelques nuages, peu nombreux, font de la figuration. Naoki franchit une nouvelle étape ; bien déterminé à affronter un dresseur, il s’aventure sur Calléis. Vierge de tout combat pokémon entre dresseurs, c’est ici et maintenant qu’il en fait l’expérience. Une décision libre, influencée par le désir de ses pokémons d’évoluer. Ces créatures qu'il adore, fascinantes, témoignent d’une volonté d’assister le Ranger matriculé 0965 dans ses missions. Au cours de ces derniers mois, ce dernier a été ébloui par les exploits de son équipe. Il est l’heure, pour sûr, de jouer à un niveau supérieur. Ils ont affronté des pokémons sauvages et des pokémons obscurs. Ils se sont affrontés entre eux. Cela ne suffit plus.

Calléis est réputé pour son respect de la nature. Ici, Nao pense qu’il rencontrera des êtres partageant ses valeurs. Il a pensé à Glenn mais s'est découragé. Il préfère se battre en duel contre un.e inconnu.e. Nao a confiance en lui et en ses pokémons mais il craint d’être ridicule. Il accorde une importance considérable à son image. Ce fut une raison supplémentaire d’échapper à Anthos là où sa réputation de gentil garçon l’envahit. Calléis avait gagné son intérêt. Sur ce territoire, peu de chances d'être connu. Peu de chances qu’il y ait des témoins de sa défaite. C’est à cela qu’il s’est préparé : perdre. Mais, peu lui importe. Il n'est pas là pour une victoire. Ce qu’il projette de ce premier combat, c’est de mieux se connaître et aussi de mieux connaître et comprendre ses compagnons. Naoki a besoin d’identifier ses sentiments. Il se rappelle de la peur. Il se souvient de l’excitation. Il se remémore les paradoxes incompréhensibles de ses émotions. Lui a toujours été certain de ses positions et de ses valeurs. Il ne doute pas. Il sait ce qu’il doit faire. Pourtant, depuis quelques temps, il éprouve un trouble. Il se sent perdu.

Ne souhaitant déranger le camp Harmon’ïle, l'Anthois s’éloigne sur les berges de Lychen. L’endroit est idéal. Il est seul et s’aventure dans les terres jusqu’à ce qu’il gagne un cours d’eau. Il découvre un autre jeune homme. Ils se croisent, Nao ne dit rien. Il n’est pas sûr. Pourtant, s’il ne réagit pas, l’homme disparaîtra. Est-il prêt à faire cela ? Pourquoi y consacrer autant d’importance ? Comment s’assurer de se battre contre une personne n’ayant pas des mauvaises intentions ? Il cesse net ses questions qui parasitent son esprit. « Bonjour. » Son intonation est délicate. Il se retourne espérant que l’étranger l’ait entendu. « Je vous présente des excuses pour cette perturbation. » Un mot un semblant trop exagéré peut-être mais il a toujours eu ce vocabulaire et ce langage vieilli en décalage avec son âge. Comme le prévoit son éducation, il s’incline. « Je me nomme Naoki Kazama, je demeure à Anthos. » Ces mots s’entendent alors que le corps de l’anthois est penché vers l’avant, courbé de façon stricte. Il se redresse après cette révérence. « Je quiers un adversaire pour un combat Pokémon. Êtes-vous intrigué ? »

Incroyable ! Monsieur Elyan Lewis-Duval se courbe. Depuis neuf ans que Naoki vit à Lentis et avec toutes les personnes qu’il a croisées, jamais quelqu’un ne l’avait salué ainsi. Naoki est saisi d’un sentiment étrange et rare : le plaisir. Quand il s’agit d’être en interaction avec un.e inconnu.e c’est l’angoisse qui prédomine. Ce stresse est compliqué à gérer et Nao évite le contact, même visuel avec les étrangers. Il s’abstient tant que possible de parler de lui ou de donner une quelconque information sur sa vie ou ses proches. Il n’a pas les codes, ceux jugés comme normaux, pour se faire des amis. C’est une des raisons de sa solitude avec les autres humains. Il n’en souffre pas, au contraire, l’inverse le gênerait.

Monsieur Eylian accepte le combat. Mais sa question est inattendue pour Nao.  « Oh. » Dit-il en réaction. Il ne saisit pas pourquoi Monsieur Eylian veut connaître le nombre de pokémons qu'il a mais cela n’éveille pas de méfiance. La petite courbette de Monsieur Eylian a grandement participé à ce qu’il se sente assez en confiance pour répondre. « Excusez moi, j’ai besoin de quelques secondes pour tous les compter. » Alors, il commence à réfléchir, les yeux levés vers le ciel comme si la réponse s’y cachait. Stratégiquement, il commence par chiffrer chaque pokémon de l'équipe des Rongeurs Frotte-Frimousse. « La team R2F ça fait sept… Non huit. Ou Neuf. Attendez... » Il se sert alors de ses doigts pour compter. « Je vais les énumérer ce sera plus simple. Donc, Jac, Gus, Suzy, Marie, Bert et Mert, Luke et Perla, ça fait bien huit. » Il referme sa main. « Ensuite il y a… » qu’il ouvre de nouveau levant de nouveau chaque doigt l'un après l'autre. « Donc ça fait seize… » Il s’arrête un instant. « Oshi évidemment... Dix-sept. » Pour reprendre ses comptes et se disant que ne pas compter Oshi serait un drame. Elle serait certainement vexée de ne pas avoir été mentionnée la première. « Hm… » Il continue de réfléchir jouant avec chacun de ses doigts comme un jeu de dames dont les pions avancent et reculent. « Plus huit ça fait vingt-cinq… » Sa concentration lui permet de ne pas perdre le fil. « Ah oui, Byrom est si discret qu’il s’en ferait oublier… Vingt-six. » Il pense à chaque pièce de chez lui, chaque rencontre pour s’assurer de n’oublier personne. « Riri, Fifi, Loulou… Vint-neuf. » Et son ton s’arrête, marqué par la fin d’un calcul qui pour Monsieur Eylian devait paraître interminable. « Au moins vingt-neuf ! » Conclue-t-il si fièrement. Nao ne renvoie pas la question, non par manque d'intérêt, mais parce qu'il se sentirait intrusif.

Monsieur Eylain prévient de son expérience et du comportement de ses pokémons. Nao apprécie cette attention. « C’est mon premier combat officiel. » Confie-t-il à son tour. Lui non plus n’était pas un expert dans ce domaine et ses pokémons pouvaient bien être en désordre. Dans son travail, Nao a toujours privilégié la discussion pour éviter les affrontements mais cela peut ne pas suffire. En tant que Ranger, il avait déjà livré des combats contre des pokémons sauvages, des pokémons obscurs mais également mené des batailles contre des brigands ou braconniers.

Puis, sa nouvelle rencontre lui demande s’il a un souhait particulier. Nao n’y avait pas réfléchi. « Non… Je… » Il n’a aucune idée de ce qu’il doit travailler avec ses pokémons. Il a déjà élaboré plusieurs stratégies avec eux au cours des entrainements. « J’aimerais que nous passions un agréable moment. » Pour sa première fois, il voudrait que ce moment soit inoubliable, sans pression ; il aimerait ressentir toute la fougue et l’énergie du combat combiné à l’amusement que cela peut également provoquer. Et, en bon ranger qu’il est, il ajoute : « J’ai amené de quoi les soigner après notre duel. » Adversaire ou non, Nao a le cœur sur la main quand il s'agit des pokémons.

C’est après tout cela que Nao appelle ces six pokémons pour se présenter. « Venez les amis ! » dit-il en lançant les six pokéballs à la verticale. Chacun d’eux se révèle. Pobsou apparaît étrangement dans ses bras. Il est aussi imposant qu'une grande peluche de fête foraine. Hernium se tient à sa droite telle une capitaine se dressant fièrement à côté de son colonel. Tea’Gik, Mondame et Fange Off s’exclament de leurs noms pour dire bonjour aux autres pokémons alors que Pohmpote s’avance en donnant des coups de poings dans le vide. « Pohmpote, la bagarre c’est après. » Recadre Nao au champion de boxe. Le pokémon s’arrête et fait un signe amical de sa main à destination de Monsieur Eylian. Il montre ainsi qu'il n'est pas méchant, simplement prêt à se battre et qu'il aime ça. A l’instar de Nao lorsqu’il est dans un groupe, ses pokémons ne rentrent pas dans la mêlée marquant une forme de respect dans l’approche et laissant les pokémons d’Eylian venir à eux. Nao a éduqué ses pokémons selon son propre fonctionnement et cela se ressent instantanément. L'enthousiasme de Nao est contenu, il se présente avec dignité malgré le feu qui brûle en lui de découvrir chaque pokémon de Monsieur Eylian.

Zut ! Nona et Nyah n'ont pas été comptabilisées. La gêne s'empare de Nao. Une montée de culpabilité l'implose. C'est comme s'il avait oublié deux de ses élèves lors d'un voyage scolaire sur une aire d'autoroute. Il ne peut pas faire comme si elles n'existent pas. D'une voix si légère, presque honteuse de se manifester, il ajoute : « Trente-et-un. Ils sont trente-et-un. » Son regard si fuyant habituellement se plaque contre celui de Monsieur Eylian. Tant pis ! Il assume, il préfère les mentionner au risque d’être jugé. Mauvais dresseur ou non, ses amis sont importants bien plus importants que son image à laquelle il est d’ordinaire pourtant si soucieux.

Mais cette rencontre n'a rien d’ordinaire. La proposition d’Eylian surpris Naoki. En proposant ce match, il se sent être seul responsable des blessures que les pokémons subiront. « Pourquoi vous feriez cela ? » Dit-il très sonné même paniqué à l’idée qu’Eylian participe. L’achat des potions, total-soin, rappels et tous les autres objets de soin avait bien été coûteux. Cependant, Nao vit confortablement, il peut aisément se permettre de piocher dans ses économies lui qui ne fait jamais d’écart. D’un autre côté, il comprend le positionnement de Monsieur Eylian car il aurait eu la même réaction. Il doit faire taire cette générosité. « C’est à moi de vous dédommager des dégâts que vos pokémons subiront. Quant aux miens, nous en reparlerons si vous réussissez ne serait-ce qu’à les effleurer. » Une provocation ? Chez Nao ? Impossible. Sa voix s’entend comme une prise de confiance soudaine et un défi lancé à son nouvel adversaire. Si Noaki avait prononcé la même phrase, cela se serait entendu comme une réponse hautaine et provocatrice.

Eylian commente le comportement de ses pokémons. Cela ressemble à un compliment. Il met en garde le ranger concernant les siens disant qu’ils seraient certainement plus agités. Oh c’est certain que pour les présentations, ses pokémons se montrent dignes mais pour la suite, leur comportement évolue. Chacun de ses pokémons est libre de s’affirmer selon sa nature. Nao est là pour veiller au cadre et rappeler ceux qui mettent un pied en dehors, il attend d'eux du respect avant tout. Son autorité n’est jamais remise en cause par ses pokémons. Il est le chef de cette tribu, le père de famille, le roi de ce peuple.

Nao profite du temps de présentation pour examiner chacun des pokémons de Monsieur Eylian. Aki, le Togepi, a une robe si particulière. Mais cela ne le surprend pas ; lui qui au cours de toutes ses aventures rencontre des pokémons si différents au sein d’une même espèce. Ensuite, Monsieur Eylian présente Sheimi, une Fragilady. Ce pokémon de type plante est aussi élégante qu’une reine. Vint le tour de Raion, un Hélionceau rugissant marquant son empressement à se battre. Yume, une Ponyta de Galar et Promise, un Pomdramour sont plus à distance. Il finit par présenter Hanae, une magnifique Milobellus et Chiyoko, une Farfaduvet. Eylian s’empresse d’avertir Nao au sujet de cette dernière. Quelle coïncidence. « J’ai justement trouvé sur le chemin des petits pierres colorées. Si vous en êtes d’accord, je peux en donner une à Chiyoko ? » Pas tant que ça. Suzy, la Dedenne de Nao est également une adepte des objets brillants. Elle les collectionne. Ce qu’elle préfère par-dessus tout, ce sont les boutons de manchette. Alors dès que Nao repére un cadeau possible pour elle, il rentre avec. Une fois le tour de présentation terminé, Nao s’incline vers eux. « Merci d’accepter ce match. C’est un honneur de vous affronter. » Puis, c’est au tour de Nao de présenter ses compagnons. « Je vous présente Pobsou dans mes bras. » Le Pokémon est assez imposant mais Nao le sait en sécurité ainsi. « Hernium à ma droite. » Le Macronium place son visage au creux de l’épaule de Nao. « Fange Off est… Où il est ? » Fange Off a déjà quitté le lieu, certainement parti dans la rivière ou sous terre pour élaborer un plan pour embêter son dresseur. « Ce n’est rien, il apparaîtra quand je l’appellerai. » Dit Nao avec confiance. « Celui qui propose à Aki de faire un tour sur son dos s’appelle Tea’Gik ! » Le pokémon célébration tend son aile vers le sol afin de proposer à sa pré-évolution de grimper sur lui. Est-ce pour lui faire un tour de vol ou pour répondre à la frustration du Togepi d’avoir quitté les bras de son dresseur ? Dans tous les cas, Tea’Gik est un pokémon sensible qui ne supporte pas de ressentir la tristesse. Son intention est de faire plaisir à Aki et peut-être même de l’amuser si ce dernier n'a pas le vertige. « Voici Mondame. » La Forgella pose son marteau. La poupée lève ses mains et ses bras pour esquisser un geste ample en forme de cœur. Puis elle accentue le fléchissement des genoux et place son pied droit derrière le pied gauche. C’est une révérence digne d’une dame. Nao sourit, il sait qu’elle ne se contentera pas de cela et qu’il risque de devoir intervenir durant le combat. « Et Pohmpote que j’ai présenté avant l’heure. » Le pokémon lève le poing vers le ciel et s’écrie.

Les pokémons sélectionnés pour le duel sont identifiés. Le combat peut commencer. Nao se place à quelques mètres devant à Eylian. « Je vais répondre à l’appel de Pohmpote. » Signifiant ainsi qu’il s’agirait de son premier pokémon. Nao avait remarqué la difficulté de Monsieur Eylian à le nommer. Tutoiement ou vouvoiement, avec Nao il est toujours difficile de savoir. « Rien ne vous interdit de me tutoyer Monsieur Eylian. Vous y êtes autorisés. Tirons à pile ou face pour savoir qui commence ? » Nao souhaite que ce match soit le plus juste possible. Nao pris une pièce qu’il propulsa à l’aide de son pouce et qu’il attrape d’un mouvement vif et latéral. Sa dextérité dans cette opération témoigne que ce n'est pas la première fois qu’il se livre à cela. Il met la pièce sur le dos de sa main qu’il cache avec son autre main. « Qu'en dîtes-vous Monsieur Eylian ? Pile ou Face ? » Nao est un grand joueur, le hasard lui rend bien. Il sait que peu importe la réponse de Monsieur Eylian, c'est lui qui donnera le premier ordre.