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Il fait chaud, le soleil plombe à Kopadia. Enfin, tu étais plutôt habitué à la chaleur, aux rayons du soleil qui frappent sur ta peau beaucoup trop pâle ; et des journées comme celle-ci suffisaient parfois à endormir la colère à l'intérieur de toi - ou peut-être était-ce la présence de Kincaid à côté de toi ? - Il était vrai que tu ne voulais pas le stresser non plus, et rendre cette magnifique journée un enfer pour lui.
Mais ces déchets.
Tous ces déchets.
Ça te dégoûtait de voir à quel point les gens pouvaient se montrer irrespectueux. Irresponsables. Ne pouvaient-ils pas faire quelques pas de plus pour aller jeter leurs ordures dans les multiples corbeilles mises à disposition ? Le fait de te retrouver avec un sac poubelle plus gros que toi presque entièrement plein te frustrait au plus haut point (parce que c'était chez toi tout autant qu'Haptos l'était, parce que les plages d'Ike-Kai représentaient beaucoup pour toi).

“Tout va bien de ton côté, Kincaid ?”

Tu tournes la tête afin d'apercevoir ton ami qui se trouvait derrière toi. Tu lui avais envoyé un message texte sur son téléphone portable afin de savoir s’il désirait t’accompagner. À ton plus grand plaisir, il avait accepté. Nettoyer les plages était important, même si tu sentais granduellement la chaleur monter en toi à chaque déchet, chaque papier, chaque bouteille, chaque plastique ramassé. Calme-toi. Tu ne dois pas faire peur à Kincaid. Tu dois lui montrer un côté de toi calme, posé, rassurant.

Muni de ta longue pince, tu ramasses chaque petite chose n’étant pas à sa place ; tu prends bien soin de faire chaque petit bout parfaitement, toujours, repasser et repasser parce qu’on t’avait donné un travail, on t’avait confié une tâche et il était impératif pour toi de bien la faire. On comptait sur toi. Tu espérais au moins que tout ceci servirait à quelque chose. Même si tu te doutais de la réponse. Même si tu savais déjà intérieurement, que les gens (certains) n’avaient aucune conscience et continueraient d’agir comme si tout ce qui ne comptait pas pour eux n’était pas important. Comme s’ils étaient seuls au monde.

Tout va bien. Tout va bien. Je dois juste me concentrer. Cela ne devait pas être bien compliqué une plage, à nettoyer. Après tout, c'était presque rien. Il suffit de fermer les yeux, d'imaginer, que ce n'était pas aussi pire qu'il n'en était, et oublier tout ce qui avait été laissé derrière par ses vauriens. Kopadia, ça avait toujours été, et de loin, mon île préférée. Alors cela me tenait à cœur, sa santé. Après tout, n'était-ce pas juste le devoir d'un bon citoyen ? Et je pense que c'est aussi une marque de respect envers les doyens. Comme madame Pierrette, au fond, elle mérite de voir son île propre, elle qui faisait toujours preuve de générosité. Et également d'authenticité. Tiens, ça me fait penser, je me demande ce qu'elle devient. Il faudrait que je retourne la voir, si elle le veut bien.

Au fur et à mesure que le temps avance, de plus en plus de déchets se font ramasser. Quelques minutes à peine, et voilà que mon sac s'en vient dur à traîner. Je m'apprête à continuer un peu vers la gauche lorsque la voix de Kincaid me retient. C'est une bouteille de plastique qui, à cause du vent, fait des va-et-vient. Il faut se dépêcher de la ramasser. Sinon, le vent va finir par l'emporter. Mais, c'est un Snubbull qui passe et qui s'en empare comme si c'était un jouet qui était sien. J'aimerais bien lui faire comprendre que je dois le ramasser, que ce n'est pas pour jouer, mais je ne connais pas vraiment ce chien. Je connais les Toutombe, ou du moins le mien, avec qui j'ai appris à communiquer. Mais le Pokémon sauvage en revanche, comme il ne me connaît pas, risque de s'éloigner. Alors je réfléchis, m'approchant tranquillement du terre-plein. Mais il faut que je réfléchisse vite, parce qu'il se dirige vers un endroit restreint. Un regard vers Kincaid, alors que je sens tranquillement l'anxiété monter. “Tu as une idée ?” Et puis de quelques pas, je le rejoins. “Je ne veux pas lui faire peur et qu'il s'enfuit, sinon nous allons être dans le pétrin.”

Je ne sais pas pourquoi je bloque ainsi quand je rencontre des difficultés. C'est vraiment handicapant, cette nervosité. C'est comme si j'étais constamment forcé de sauter dans un ravin. La peur prend toute la place et la rationalité se cache bien loin. C'est là qu'il est important de me rappeler de prendre mon temps pour respirer. Mais c'est toujours plus facile de le dire que de l'appliquer.

Rayons rayonnant radieusement ; rafales rageuses ravalées.

Tous ces déchets. Il y en avait partout. Et tu te retenais, tu te retenais de laisser entendre ta frustration. Parce que tu étais avec Kincaid, et tu ne voulais pas lui gâcher cette journée. Le soleil brillait haut dans le ciel de Kopadia, et tu essayais si fort de ne pas te fâcher. Alors, tu fermes les yeux. Quelques secondes seulement, ou alors plusieurs, qui sait. Tenter d’ignorer la place dans un sale état, la plage et son sable fin qui n’étaient pas ce qu’ils étaient lorsque vous vous étiez installés, Lei et toi (c’était la même journée qu’il t’avait proposé d’emmenager avec lui, tu n’oublierais jamais cette journée). Te concentrer sur Kincaid, ton ami, sur son bien-être à lui ; à tout prix, éviter de le stresser, rester calme en toutes circonstances en sa compagnie. Pour l’instant, c’était ta priorité.

Ouvrir les yeux sur un Kincaid tout excité, fier de l’exploi de ses Pokémons, de ce qu’ils avaient accompli. Et en un sens, ça te rendait fier, toi aussi. Tu ne connaissais pas énormément de choses sur Kincaid, mais vous vous rejoignez dans ce silence, cette difficulté à communiquer. Vous vous rejoignez dans ces différences vis-à-vis les gens, la majorité. Alors, malgré la différence d’âge, tu ne te sens pas si loin de lui, au final. Un peu comme un petit frère, quelqu’un que tu dois protéger (y arriverais-tu, seulement ?). Tu faisais toujours de ton mieux pour ne pas le brusquer, ne pas le presser. Et toujours, toujours l’encourager.

“Bravo ! À ce rythme, on aura fini en un rien de temps.”

Il fallait dire que vous formiez une bonne équipe, tous les deux - et ça, tu le pensais vraiment. Peu à peu, tu apprenais à le connaître. Et peu à peu, tu réfléchissais à quelque chose qui lui ferait plaisir, quelque chose que tu pourrais lui offrir. Une création, une petite partie de toi. Ce n’était pas grand chose, mais c’était pour lui dire, à ta façon, que tu tenais à lui. Sourire aux lèvres, tu envois par derrière une mèche de cheveux qui était venue se placer tout juste devant tes yeux. Un jour, il faudra vraiment te couper les cheveux, Baelfire. mais ça demandait du changement, et tu détestais le changement. Même si tout changeait, au fond, la base demeurait la même.