Menu

C’est à Paldea, dans une petite exploitation fermière que Kincaid est venu au monde. Enfant désiré, enfant espéré, il a fait le bonheur de ses parents les premiers mois de sa vie. Mais rapidement, ceux-ci se sont rendus compte qu’il ne répondait pas à leurs sollicitations. A l’heure où les bébés communiquent vers l’extérieur en gigotant, en souriant, en rigolant, Kincaid restait de marbre, ne regardait pas ses parents.

Suspicion de surdité. Tentative de communication avec l’enfant qui regarde les doigts qui s’agitent, parfois. Très tôt, ses parents décident de lui apprendre la langue des signes, dès ses dix mois. L’enfant reste silencieux, à part quelques pleurs bébé. L’enfant fait ses nuits. L’enfant manifeste peu d’intérêt pour les humains et pour les adelphes qui sont venus au monde avant et après lui.

En grandissant, il supporte de moins en moins les contacts. Ne vient que rarement faire des câlins, hurle quand on le touche. Kincaid est sauvage. Kincaid fugue, souvent. Ses premières années à l’école sont dans un institut spécialisé pour les enfants sourds. Mais il s’ennuie. Il ne se mélange pas, ne communique pas. Ses notes sont fluctuantes selon les matières. Il apprend très vite à compter. Développe très tôt un intérêt pour l’informatique - dès qu’on le met en présence d’un ordinateur. Kincaid n’est pas comme les autres enfants. Pour autant, ses parents ne lui feront pas faire de test pour savoir. Parce que ça coûte cher et qu’ils n’en ont pas les moyens.

Et d’un coup, à huit ans, il commence à parler. Oh! Pas beaucoup. Quelques mots seulement. Parce que Kincad ne juge pas utile de dire plus que ça. Il est enlevé de cette école et mit dans une école normale même si ses parents ont des doutes sur ses capacités à suivre et à s’intégrer. Kincaid reste seul. Isolé de tous. Lors des pauses, Kincaid reste dans la classe, à faire des mathématiques ou à jouer à des jeux vidéo. Ses camarades se moquent. Ses camarades l’insultent, le bousculent. Il crie. Il pousse. Il entre dans des colères noires, forçant ses ainés à intervenir plusieurs fois. Le pire, ce sont les cours de sport. Finalement, après un cours où l’enfant a fini en crise à hurler en se roulant en boule même après qu’on ait cessé de le toucher, il est renvoyé de l’école. Ses parents décident de prendre un nouveau départ. Ils vendent leur ferme et partent pour Lentis.

C’est à Haptos qu’ils viendront s’installer, pratiquement à la sortie de la ville, Anthos et Kopadia stimulant trop l’enfant de dix ans, Calléis ne pouvant lui offrir ce dont il a vraiment besoin. Même Haptos semble trop rugueuse, trop dure. Pourtant, c’est là que l’enfant commence à s’épanouir. Parce que le désert est aux portes de la ville, de l'autre côté des remparts. Parce que c'est en se faufilant pour fuir ses camarades d'école qu'il a rencontré E.T. Comment il a atterri là, Kincaid n'en a aucune idée. Mais le pokemon lui a envoyé une image. Celle d'un paysage qui n'a rien à voir avec Haptos ou avec rien d'autre que Kincaid connait. Une herbe bleue, un ciel orangé... Un pokemon triste, perdu, égaré. L'enfant a eu peur. L'enfant a fui. Il est rentré. Mais l'image l'a  obsédée. A envahi son esprit. Et il y est retourné. Dès le lendemain, séchant les cours - en même temps, il n'y apprend pas grand chose - il y retourne et le voit de nouveau. Il reste loin, pourtant. Il l'évite. Mais il est curieux. Et quand il repart, le pokemon le suit jusqu'à New Pyra. Lorsque les autres enfants veulent le prendre en traitre, c'est un choc mental qui les accueille. Lewsor a bien compris que cet enfant est comme luit: déraciné, mal adapté aux lieux. Il le prend sous son aile. Le protège. D'abord invisible, il reste dans l'ombre, se cachant dès que l'enfant le cherche du regard. Et puis l'enfant s'habitue à sa présence lointaine et il lui offre une baie, posée dans une assiette propre, sur les marches devant l'immeuble. Ils ne se touchent pas. Jamais. Même si le pokemon semble en avoir envie. Les signaux que lui envoient l'enfant lui font comprendre que ce n'est pas possible. C'est trop tôt.

Jusqu'au jour où les camarades d'école s'en prennent à l'enfant devenu adolescent. Le cours de sport est éprouvant. Aujourd'hui, c'est balle au prisonnier. Kincaid doit éviter de se faire toucher par la balle, et envoyer sur les membres de l'autre équipe une balle touchée par tout le monde. La pression monte dans la tête du garçon. Il prend sur lui, mais ses bras aux coudes pliés se resserrent de plus en plus devant son visage tandis qu'il commence à s'agiter d'avant en arrière et qu'un gémissement plaintif sort de ses lèvres. Le professeur sait, pourtant. Courir oui. Un sport d'équipe, des objets partagés, non. Mais il n'a pas écouté. Il n'a pas cru. Attirés par cette cible, ses camarades envoient sur lui cinq ballons en même temps qui le touchent, tous ensemble. Il n'a pas pu éviter. La crise survient: cris, mouvement de balancier, bras qui tentent de taper qui se trouve à portée. Lewsor, qui veille de loin, a depuis longtemps compris qu'il lui faut un objet bien spécifique, pour le calmer. Il va le récupérer dans le sac de Kincaid. C'est l'une des rares fois où il touchera son jeune dresseur qui ne l'est pas encore à cet époque: pour lui glisser l'étrange peluche dans la main et la plaquer contre son cou. Si le mouvement de balancier ralentit, les tentatives de se débattre cessent, elles. De même que les gémissements. Les parents de Kincaid sont appelés et ils viennent le chercher, emmenant avec eux le pokemon après les explications de l'enseignant. Néanmoins, par mesure de précaution, Kincaid est enlevé de l'établissemnt. Il n'a, depuis, jamais remis les pieds dans une école ou un collège. Ses parents lui font, comme ils le peuvent, cours à la maison. Mais avec l'informatique, c'est pratique. Il ne le sait pas, mais il prend de l'avance, en mathématiques, et dans les autres matières scientifiques. Parce qu'il est curieux, que ça parle à son cerveau. Il délaisse, par contre, l'histoire, le français. Ca, ça l'ennuie.

Et il sort, surtout. Il sort de New Pyra. Il apprend le désert. Il apprend à se repérer à la lumière du soleil, à s'orienter. Il apprend les mystères et les secrets du désert. Il s'enfonce chaque fois un peu plus loin, accompagner de son étrange pokemon dont la présence, finalement, l'apaise. Ils apprennent à communiquer, l'enfant signant, le pokemon envoyant des images. Une grande lumière rouge, pour lui faire comprendre qu'il va poser le pied au mauvais endroit, une lumière avançant devant, à gauche ou à droite pour avancer d'un côté ou de l'autre. Parfois, des images plus complexes que l'enfant a plus de mal à décoder, mais qu'il s'amuse à creuser pour en trouver le sens. Ils ont leur propre langue. Ils se comprennent et c'est là l'essentiel. Et, dans le désert, Kincaid se sent bien. Il n'y a pas de bruits parasites. Pas de surstimulation. Les humains lui font horreur, d'une certaine façon. Il voudrait être un pokemon. Il le dit à E.T. souvent. Il voudrait raser la ville. Faire payer aux autres leur envie de dominer.

Mais Kincaid n'est qu'un gamin. Manipulable, un peu, qui a besoin de trouver quelqu'un qu'il puisse prendre en exemple. Quelqu'un qui saura le guider dans son envie de tout retourner.