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C’est un rire franc, complètement amusé, complètement électrifié qui ébranle mon corps entier. Les sens qui se brouillent, la pluie qui se mélange à la neige et la brume et il ne reste que ce Feuforêve disparaissant de notre vue, mais je sais ((que ce n’est pas fini)). Parce que cette créature possède bien trop d’audace et d’égo pour abandonner ainsi, pour accepter une défaite avec une seule attaque n’étant pas parvenue à affecter suffisamment son état pour justifier une retraite. Et Frigo le sait également. Parce que ce n’est pas du tout le premier affrontement que l’on mène ; parce qu’au tournoi, il s’est mesuré à une Méganium refusant d’abandonner. Une Méganium qui, au dernier instant, quand tout semblait terminé, parvint à lancer une écosphère qui manqua de peu mon papillon. Alors ouais, nous sommes habitués aux feintes.

Alors Frigo s’envole dans les airs à l’instant où le spectre réapparaît, peu affecté par la surprise qui aurait sans doute atteint d’autres adversaires. « Eh bah, faudra faire plus pour nous avoir ! » raillement et moquerie. C’est clairement une pointe de défi dans ma voix alors que je dévisage le Feuforêve si persuadé d’être parvenu à ses fins, à observer son langage corporel beaucoup trop détendu pour une créature s’apprêtant à recevoir une attaque en réplique. En contrepartie. Mais nous non plus, nous n’abandonnons pas. « Parce que pour le moment, t’es juste drôle. » Et ridicule, mais je me permets de ne pas mentionner la suite de mes pensées. Je ne souhaite pas être ouvertement méchant envers un spectre qui faisait ce qu’il pouvait pour effrayer. Ce n’était pas de sa faute s’il était tombé sur moi. Moi qui ne ressens jamais la peur. Moi et mes Pokémon entraînés, habitués à affronter le danger, connaissant les obscurs. Mes Pokémon qui ont participé et remporté le Tournoi des Champions, me hissant au rang de Champion d’Adamantia. Non, définitivement, ce n’est pas de sa faute à lui, mais il est dérisoire. Amusant, ridicule, dérangeant.

Et son égo, je vais le piétiner. Je ne lui ferais aucun cadeau et je n’en ferais qu’une bouchée. Frigo a déjà commencé, encaissant merveilleusement bien l’attaque qui, certes, est parvenue à le toucher. Mais l’éraflant à peine. Et ne lui retirant aucunement la capacité d’attaquer en retour, réutilisant la même attaque qu’au tour précédent. Avec un peu de chance, il pourra même se guérir des dégâts reçus.

Souffle avec ardeur le vent de la victoire imminente, entremêlé à l’euphorie grisante des sommets, des orages électriques et des aurores boréales ; ensembles, ils se mélangent et viennent chasser si aisément les quelques relents ((derniers fragments entêtés et acérés)) de l’appréhension, si vile et cruelle ((violente et mortelle)) des derniers mois qui s’étendait, s’étalait, prenait toute la place, asphyxiante. Tous les sinistres affrontés, les cataclysmes traversés ; toutes les épreuves qui encombraient notre chemin et la destruction semée, oh, c’était tellement plus que ce que cette créature ne pourrait jamais m’infliger. Vas-y, lance tes ondes, qu’elles se déferlent sur ma personne, qu’elles me fracassent et m’heurtent, propagent dans mon corps des décharges électriques, des pointes de douleur ; nourrissant mon ivresse presque suppliciante. Parce que je ne me sens vivant que lorsque mon corps me rappelle qu’il peut souffrir, même si ce n’est toujours que passager.

Quand l’adrénaline pulse dans mes veines, s’impose avec force, d’une intensité si vive, si prononcée. Vas-y, lâche-toi, essaie de renverser la tendance, d’encaisser les dégâts que mon Papilord t’inflige, mais sache que tes efforts sont vains et voués à l’échec cuisant avant même de les avoir lancés. Ni lui ni moi ne nous perdrons dans la pitié, l’empathie mal placée, la tristesse vague de voir tes forces t’abandonner légèrement, petit à petit, sous nos assauts répétés. Parce que ce sort, c’est celui que tu mérites, celui que tu t’es attiré en choisissant de nous affronter.

Tu ne peux t’en prendre qu’à toi-même d’avoir cru que nous serions des cibles faciles, parce qu’on ne se laissera jamais détruire sans réagir, pour ton plus grand déplaisir. Et même l’impact déstabilise légèrement mon papillon, même si Frigo se voit touché suffisamment pour que ça dérange, pour que ça paraisse, c’est bien loin de n’être qu’un tant soi peu suffisant pour nous affecter, nous dissuader, l’empêcher de répliquer. Je me contente d’hocher la tête pour lui laisser le champ libre, la décision lui revenait entièrement ; il pouvait choisir. Qu’importe les résistances que le Feuforêve possédait, plus rien n’était risqué.

Frigo ne tarde pas à prendre de la hauteur, bien décidé à mettre un terme à l’intervention dérangeante du Feuforêve sauvage. Lui aussi considère que cette altercation avait assez duré, que le jeu était terminé, il y avait assez eu de ravage. Ses ailes se déploient entièrement, de toute leur envergure, les bougeant au départ tranquillement, simplement pour voler, bien que je puisse y apercevoir les légers tremblements témoignant qu’il était légèrement agacé. Cette apparence de calme et tranquillité ne durent pas longtemps, ses ailes accélèrent leur manœuvre, fouettant et tranchant l’air violemment, semblant presque vouloir créer un cyclone pour s’en débarrasser.

Projetant des gouttelettes d’eau dans toutes les directions, Frigo fond soudainement, brusquement, vers son adversaire. Sur son passage, ce qui était de prime abord rien de plus qu’un léger bruissement presque impossible à entendre au travers le chaos ambiant se transforme progressivement en un véritable bourdonnement. Acquérant un décibel et puis un autre, le bruit provoqué par Frigo finit par enterrer le vacarme provoqué par la pluie ainsi que tous les autres bruits de l’environnement. Et lui, il tournoie autour de la créature qui nous dérangeait pour qu’elle se prenne les ondes sonores se dégageant de son corps, de ses mouvements, de chaque geste ; ondes sonores si puissantes qui, à terme, martèlent les tympans, les lacèrent.