Menu

Amusez-vous bien ! Alceste te remercia alors que Kalypso hochait la tête (bien entendu, tu avais signé en même temps de le prononcer à haute voix ; toujours t'assurer d'inclure ta petite dans les conversations) et puis, la porte se referma en te laissant seule sur le palier. C'était toujours si particulier de te retrouver sans elle à tes côtés ; toujours aussi délicat, de plonger ton regard dans celui de son père. De cet univers qui ne sera jamais tien que tu avais si temporairement côtoyé, de cet univers qui te tordait les entrailles tant il baignait d'injustices que tu ne pouvais accepter. Mais toujours, un pincement au coeur parce que malgré tout, cet homme, tu l'avais apprécié et sans doute même, aimé. Et du profond respect qui demeurait pour lui, l'affection se s'y mélangeait bien malgré toi.

Qu'importe.
Il ne fallait pas s'y perdre et confondre, trop y penser et réfléchir éternellement. Tu étais attendue. Baelfire se trouvait à Adamantia puisqu'il t'y avait convié ; ce jeune homme que tu avais rencontré d'abord dehors, dans la rue ; et ce relent amer au palais qui s'était imposé. Parce qu'à l'époque, l'évidence s'imposait qu'aucun foyer ne lui était accordé. Nul part où rentrer et si tu ne connus jamais cette errance complète, pouvais-tu prétendre que le toit qui te fut autrefois offert en était réellement un ? ((pas réellement ; seulement un simulacre)) Et puis, vous vous étiez revus à la salle de sport où tu allais si régulièrement, bien qu'aujourd'hui encore, sa présence là-bas soulevait un de tes sourcils tant ça ne lui allait point comme décor. C'était une image bien grossière tant ça ne lui correspondait aucunement ; lui, utiliser les appareils d'un gym ? Clairement pas.

La neige crissait sous ta semelle alors que tu emplissais tes poumons des effluves hivernales de l'air. Adamantia. Tu y venais fréquemment puisqu'Alceste y résidait et pourtant, pourtant, restait dans le silence t'entourant une lourdeur qui t'écrasait toujours. Des souvenirs sur le toit, dans les chambres, des mémoires épuisantes qui se rejouaient indéfiniment. Sans doute ne serais-tu jamais entièrement libre des cauchemars te hantant. Tu finis par l'apercevoir et tu accéléras le pas pour le rejoindre ; fin sourire étirant tes lèvres quand il s'exprima, brisant le silence qui t'est devenu décidément habituel. Si bien qu'à quelques reprises, tu te serais presque cru sourde à ton tour.

wonder if i killed the hope i lost Ton regard se porta vers le ciel pour observer les astres scintillant alors que flottait derrière toi la Pitrouille trouvée au parc d'attraction, le jour de l'Halloween ― ces étoiles que tu contemplas tellement de fois plus jeune ; rêvant de réécrire l'univers entier. Et aujourd'hui ? Incertitude profonde.
― Elles sont magnifiques. Portaient avec elles tant de lambeaux d'une enfance échouée sur les rivages d'une plage abandonnée. Sourcils involontairement froncés sous la surprise, tu attrapas le paquet que Bae te tendait ; tu ne t'attendais pas à recevoir quoi que ce soit.

Délicatement, le plus doucement possible, tu enlevas l'emballage pour révéler l'intérieur du paquet. Et la lueur admirative dansante dans tes prunelles, petites étincelles brillant de milles feux quand tes yeux caressaient les contours des gants de boxe clairement fabriqués par lui. Bouffée claire de reconnaissance qui t'envahit alors que tu pris les gants, simplemement pour en sentir le matériau, et les déposas à nouveau dans la boîte. Tu n'avais jamais possédé ta propre paire, empruntant celles offertes par la salle de sport à chaque fois. C'est... c'est magnifique Bae. Les mots te manquaient et puis, et puis tu n'avais jamais vraiment été démonstrative, exubérante dans tes réactions. Merci beaucoup. Je les aime.

Tu vins prendre place à ses côtés lorsqu'il s'asseya puis farfouillas dans ton sac. Sursaut léger quand le Trousselin sortit de celui-ci en agitant ses clés, provoquant un tintement désagréable qui cessa rapidement. Tu eus un petit rire en le saluant puis attrapas une boîte en carton en grimaçant légèrement.

Vu le peu d'argent que tu possédais avec les revenus sociaux et le fait que tu mettais tout ce qu'Alceste t'envoyait dans le compte de Kalypso, tu ne possédais pas du tout les fonds pour des emballages cadeaux luxueux. Mais tu concluais que le contenu était bien plus important que l'enveloppe et qu'ainsi, une boîte de carton suffisait. Je t'ai apporté quelque chose aussi. Ce n'est pas beaucoup, mais voilà. Tu avais parcouru plusieurs allées pour trouver les fils de couture les plus beaux, de la meilleure qualité possible selon ton budget, de la laine et une multitude d'autres accessoires pour ses activités textiles. En espérant ne pas t'être trompée de choix.

I stay up all night, tell myself I’m alright — il y avait de ces souvenirs qui tournaient dans la tête. Tes bras qui te semblaient si vides sans Kalypso pour les occuper et Galar si loin. Ton accent bien prononcé qui ne s’était qu’à peine atténué avec les années. Même aujourd’hui, devant Baelfire, ton passé ombrageait tes prunelles. Tu l’avais retrouvé dans ton quotidien, tu lui écrivais les avancées de ta petite et il te parlait de son existence à lui ((qu’est-ce que ça aurait été, s’il n’était pas parti ?)). Tu n’étais pas de ceux qui se perdaient à réinventer les possibilités, mais quand il s’agissait de Romeo… oh que c’était complexe. Tu le souhaitais heureux. Tu le souhaitais vivant et le cœur se débattant d’une joie bien méritée, mais comment ne pas pouvoir te questionner sur si tu lui avais dit que le tien battait pour lui ? À l’époque, si tu avais cédé à la pulsion de l’embrasser réellement, le supplier de rester, sur le toit. Que vous dansiez jusqu’à ce que la nuit devienne jour et puis que le soleil se couche à nouveau. Qu’il ne reparte pas dans sa famille, que vous fuyiez ensemble. Oh, qu’est-ce que cette vie aurait alors été ?
(Votre histoire s’était achevée avant même de commencer) — tu ne pouvais oublier vos danses sur le toit, avec le vent comme compagnie et les étoiles pour veilleuse.

Te concentrer sur ce jeune homme que tu avais aidé, appris à considérer comme un des enfants que tu protégeais autrefois, dans cet orphelinat. De ces regards qui se posaient sur toi dans l’espoir que tu sois en mesure de dresser un bouclier pour que les armes s’y abattent et y laissent des traces, juste sur la matière. Pas sur eux. Toujours, toujours se mettre en eux et les menaces. Tu le ferais aussi avec Bae. Tu étais la protectrice, tu étais celle qui hurlait pour les voix trop faibles. Celle qui s’imposait pour ceux dont les jambes tremblaient à l’idée de la confrontation. Tu étais les muscles de ceux un peu trop faibles pour se défendre et tu étais l’arme de ceux dont la violence ne coulait aucunement dans les veines. Tu étais la révolte de toutes les âmes trop frêles pour la mener par eux-mêmes.
Et sa fierté était si belle, si douce à voir, à entendre, dans sa voix qui te racontait tout ce qu’il y avait à dire sur son œuvre. Ils sont vraiment parfaits, merci beaucoup. Oh, toi non plus, tu ne te perdais pas dans des myriades de remerciements et d’exubérance sur tes émotions, enfermées derrière une armoire de glace fissurée, mais bien forte, tenant toujours.

Je suis ravie qu’ils te plaisent. que tu souffles ta main déposant délicatement ton paquet dans ton sac pour jouer avec la neige, calmer la brûlure constante que tu ressentais dans tes mains. Cette colère que tu ne comprenais pas, qui prenait racine dans ton enfance, dans cette indépendance apprise bien trop tôt, dans toutes les promesses brisées qui t’amenaient aujourd’hui à détester je te promets (toutes les promesses existaient pour être fragmentées) souffle sur tes lèvres qui s’envola en buée dans les airs.

Ton regard incertain se posa sur les créatures qui venaient de s’approcher. Attention … murmure dans l’atmosphère, parce que depuis que tu étais venue à Lentis, tu avais appris à craindre les Pokémon sauvages qui se montraient bien plus hostiles à votre présence que de là où tu venais. La prudence avant tout. C’était un peu ton mot d’ordre.
— inspiration prise tu posas ton regard sur le Loupio lumineux. D’où venaient-ils ? Pourquoi avaient-ils cette particulière apparence ? Ils sont … particuliers. Et puis… Reste ici Bae’. De la fumée dans les airs, de la fumée qui s’éteignait, un peu plus loin, pas trop loin tout de même. Rapidement, te lever et en quelques enjambées, tomber sur l’œuf d’un Chamallot qui venait tout juste d’éclore. Pourquoi ici ? C’était injuste. Il ne pouvait pas survivre dans le froid d’Adamantia. Tu le pris dans tes bras pour le rapporter où vous étiez, te rasseoir et immédiatement, enlever ton manteau pour le recouvrir lui. Chht. Tout doux, garde tes forces angel. Everything’s gonna be just okay, you can trust me. Sur tes genoux, recouvert de ton habit, tu commences doucement à le frotter, mais pas trop vigoureusement pour ne pas le blesser. Il fallait qu’il se réchauffe.

Tes doigts survolaient la petite bosse destinée à grandir sur laquelle tu venais de déposer ton manteau, lui offrant une chance de préserver sa chaleur qui lui était terriblement essentielle à sa survie. Ce n’était pas grave, le froid qui prenait tes os, envahissait ton épiderme, soulevait tes poils parce qu’une vie en dépendait et qu’éternellement, tu serais le bouclier des plus faibles. Tu serais le mur qui se dressait devant eux pour les protéger le temps qu’ils deviennent forts, qu’ils puissent répliquer, qu’ils puissent se défendre. Leur voix le temps qu’ils trouvent la leur et parviennent à la faire entendre. Tu te dresserais éternellement devant les injustices à la hauteur de tes capacités ; comme tu le faisais, quand tu allais offrir tes services (bénévolat) aux soupes populaires organisées à New Pyra pour les plus démunis. Ceux qui n’avaient pas la chance qui versait dans ton quotidien d’avoir le père de leur enfant suffisamment aisé pour les faire survivre. Leur permettre de vivre confortablement. Comme tu le faisais quand tu allais porter tes vêtements aux organisations non-lucratives qui redonnaient à ceux qui ne possédaient pas de toit où s’allonger. Aider à ta façon, aider à ton niveau. Tu ne pouvais pas changer l’univers dans lequel vous étiez, le dirigeant à la tête d’Haptos, tu ne pouvais pas combler les inégalités qui creusaient un immense fossé, mais tu possédais la possibilité d’apaiser légèrement le quotidien de ceux qui évoluaient dans une situation que tu connaissais que trop bien.

C’est un petit rire que tes cordes vocales provoquèrent au commentaire de Bae’ alors que ton regard se perdait dans la contemplation de la petite bestiole qui n’avait rien à faire à Adamantia. C’était trop froid, trop enneigé, ce n’était pas une température à laquelle un bébé pouvait sortir. C’était comme si tu étais venue avec Kalypso le lendemain de la naissance et que tu la laissais dans la neige, bien entendu que les conséquences seraient terribles (et soyons d’accord, tu n’aurais jamais eu un tel geste). Pas assez. Parce que tu le savais, du peu que tu connaissais de l’espèce qui se reposait désormais sur tes jambes, que sa température se devait d’être davantage élevée qu’elle ne l’était actuellement. Mais ça allait revenir. Maintenant que son corps ne traînait pas directement sur le sentier glacé et qu’un vêtement le recouvrait, il pourrait se réchauffer un peu.

Kalypso allait définitivement l’aimer, ce n’était même pas un doute dans ton esprit. Peut-être même qu’elle pourrait apprendre à le monter ? Elle était définitivement suffisamment petite pour le permettre. Et quand il sera plus grand, évolué, toi aussi, tu pourrais. Mais ce n’était aucunement ton but premier. ((Disons juste que ce serait plus agréable pour se promener dans le désert, lui offrir une occasion de profiter de la météo qui convenait à son espèce sans, toi, t’épuiser et épuiser ton enfant)) Pour le moment, le principal demeurait de s’assurer qu’il possédait toutes les chances de survivre et de grandir, pour finir par, un jour, évoluer. Mais il va se réchauffer maintenant. Elle était douce, ta voix, elle était tendre même. Parce qu’il ne méritait pas ce qui lui arrivait et puis, comment avait-il pu se retrouver ici ? Forcément, quelqu’un l’avait délaissé sans se soucier de sa sécurité, ça ne pouvait pas être autrement. ((Toi aussi, on t’avait simplement abandonné, enfant))

Que veux-tu faire, Bae ? Vous pourriez marcher, tu te savais capable de porter la créature ― bien que lourde, son très jeune âge la rendait plus facile à traîner. Vous pourriez simplement rester ici, assis, à discuter. Bien que vous n’étiez pas les personnes les plus bavardes du monde. Et que tu avais cette tendance à attendre qu’il parle de lui, plutôt que de poser des questions qui viendraient potentiellement le brusquer.
Parce que la colère tapie au fond de ton âme, tu la connaissais ; et tu savais en reconnaître les influences chez les autres également.