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Tu essayais de te parler, depuis plusieurs jours. Tu essayais de demander à Lei de sortir avec toi, amoureusement. Une partie de toi était toujours accrochée à Ibari, certes, mais il était impossible d'ignorer ce que tu ressentais pour Lei. Et au final, sûrement que c'était mieux. Sûrement que Lei et toi étaient beaucoup plus compatibles que ton ancienne meilleure amie - et tu ne t'étais toujours pas résolu à lui parler, la peur dans le ventre à chaque fois que tu pensais à elle, à ce que tu pourrais dire. Tu n'avais jamais vraiment été bon pour parler de tes sentiments. Et pour Lei, c'était tout pareil, remettant toujours à plus tard la fameuse question. Tu enviais tellement ceux qui arrivaient à inviter une personne naturellement, alors que toi tu figeais dès que tu t'apprêtais à le faire. Mais ce soir, tu voulais lui dire.

Et tu la cherchais, justement. Lei. Tu ne l'avais pas vu depuis un moment, alors tu t'étais mis à la chercher partout dans l'appartement. Elle n'était ni en bas dans la cuisine, ni dans le salon, ni dehors. Et, bien sûr, elle n'était pas dans votre chambre. Mais alors, où ? Et une idée te vint aussitôt à l'esprit. La salle de bain ! Pourquoi n'y avais tu pas pensé plus tôt ? Tu y courus en vitesse, content d'avoir eu cette idée. Tu soupiras de soulagement lorsque tu entendis une voix chanter : pas de doute, c'était Lei. Mais en arrivant devant la porte, tu figeas totalement. Oh, Lei était bien là… toute nue. Enfin, tout nu. Oui, oui, tout nu. Il avait laissé la porte entrouverte, avec à quiconque qui passait devant la plein vue de son… engin.

Et les questionnements aussitôt, à la vue de ton ami qui dansait sans sembler s'en soucier. Enfin, sûrement qu'il ne t'avait pas vu. Mais, ça te poussait à te demander si tu avais vraiment été si aveugle depuis tout le temps. Enfin, vous dormiez dans la même chambre, après tout. Et vous aviez déjà dormi dans le même lit. Comment n'avais-tu pas remarqué ? Tu rougissais, gêné, mais pourtant tu ne pouvais détourner le regard, beaucoup trop choqué - ou curieux - pour cela. Et tu deviens encore plus rouge, comme une baie tamato, lorsque tu vois que Lei t'aperçoit enfin. "L-lei ?" est tout ce que tu arrivas à balbutier, avant de finalement tourner la tête, mal à l'aise.

Tu aurais pu dire que tu ne t'y attendais pas. Que tu n'aurais jamais cru que cet incident allait se produire un jour. Mais, pourquoi mentir sinon se voiler la face ? C'était Lei, s'il y avait quoi que ce soit, tu étais surpris que ça ne se soit pas passé avant aujourd'hui.
Et pourtant, tu ne pouvais t'empêcher d'être pris totalement au dépourvu. La scène continuait de jouer dans ta tête comme une partie de chanson mise en repeat, et plus tu revoyais, plus tu avais envie de partir en courant. Et tu te demandas ce que tu avais pour tomber toujours sur des gens déshabillés.

Choc. Tu ne comprends pas ce qui se passe. Lei te remarque et s'en vient vers toi, la serviette sur les épaules, et tu deviens pâle comme un drap. Ses paroles sont des sons qui passent dans ton oreille et sortent dans l'autre, tu entends quelques mots mais il te serait impossible de savoir de quoi parlait-il. Besoin, laisse, bien. Tu restes figé là alors qu'il te demande si tu vas bien, et même ça tu ne saurais pas répondre. Allais-tu bien ? Enfin, tu n'allais pas trop mal avant cela, un peu stressé certes. Mais maintenant tu as l'impression de t'être fait mentir, ou qu'on t'ai caché quelque chose - ou plutôt, que tu ne l'ai jamais remarqué - et tu te demandes comment tu as pu être aveugle tout ce temps.

"Lei, t'es pas… une fille ?"

Et tes yeux se plissent en tentant de comprendre ce qui se passe, ton cerveau aimerait croire que tout ceci est un rêve et ça aurait pu. Raphaël passe non loin de là et te regarde, hochant les épaules, l'air de dire "Ne t'en fais pas, je suis passé par là". Mais il n'ira pas se mêler de vos choses, parce que ça ne le regarde pas en ce moment (et il ne peut pas commencer à intervenir dans tous les problèmes des jeunes, sinon il n'aurait jamais fini). Et puis tu ressens une pointe de colère avant de te calmer. Ce n'est pas de sa faute  sûrement un malentendu au fond. Tu ne penses pas que Lei soit méchant, peut-être qu'il n'a juste jamais cru bon de préciser. Ça changeait tout à tes yeux, mais peut-être que ça ne changeait pas grand chose au final.

Dans ton monde, ça changeait beaucoup, alors pour l'instant, tu restes là, à te demander ce que tu devais faire. Devais-tu l'inviter quand même ? Mais ce n'était pas la même chose, non ?

Lei avait toujours su te remonter le moral, et même parfois te donner un petit sourire. Ça voulait dire beaucoup sur toi et sur lui, sur votre relation et tu le sais. Il n'y a qu'Ibari auparavant qui avait réussi à te faire sourire. Et autant tu aimerais faire comme si de rien était, lui demander à sortir comme tu souhaitais le faire, c'était impossible pour toi d'ignorer ce que tu voyais. Pourtant, Lei ne semblait pas gêné pour le moins du monde, ça ne semblait même pas le déranger. Tout le contraire de toi qui étais pudique.

Autant tu étais habitué à Lei et sa façon d'être, ça ne t'empêchait pas d'être surpris pour autant (peut-être l'a-t-il remarqué). Tu ne l'avais jamais su, depuis tout ce temps, depuis que vous vous êtes rencontrés. Ça fait longtemps, très longtemps, et tu ne t'en es même pas douté. Et maintenant, c'est toi qui te sens un peu idiot, c'est toi qui le regarde avec les yeux écarquillés. C'est toi qui reste là à te demander quoi faire, pendant que Lei te regarde et - pourquoi te sens-tu toujours autant attiré ? Tellement de nouveaux sentiments que tu ne comprends pas, tu aimerais comprendre mais ce n'est pas Lei qui pourra t'expliquer. Ce n'est pas vraiment quelque chose que l'on peut expliquer.

L'idée de voir Lei en chaise te paraissait ridicule, et pourtant tu ne pouvais t'empêcher d'esquisser un sourire et de te l'imaginer. Mais - n'oublies pas que vous étiez en train de discuter. N’oublies pas qu’il est là, devant toi, et qu’il attend une réponse de ta part. N’oublies pas que tu dois décrocher tes yeux de son corps.

Mais ce n’était pas lui, le problème. Comment pourrait-il être le problème ? Après tout, ce n’était pas lui qui était entré dans la salle de bain sans cogner (sérieusement, quelle idée avais-tu eue ?) Ce n’était pas lui qui était perturbé par la situation, non, même qu’il s’assurait que toi, tu te sentes bien. Faisait de son mieux pour alléger la situation. Ou alors, c’était juste sa façon habituelle d’agir. Après tout, ça ne t’étonnerait pas, à bien y penser. Quelle sorte de chaise serais-tu, toi ? Sûrement pas une chaise, mais un pouf, qui se laisse écraser et remodeler à la guise de la personne l’utilisant. C’est tout ce que tu sais faire, non ? Non. Un pouf ne détruit pas tout sur son passage.

“Je- je suis désolé, Lei, je- j’ai oublié de cogner..”

Tu fais mine de sortir, puis tu te laisses retomber sur la porte en te retournant la tête sur le côté, pour que Lei puisse tout de même bien t’entendre. “J’voulais juste savoir si tu voulais sortir avec moi, demain.” Ouf. Tu avais enfin réussi à le lui demander. Et tu patientais, attendais la réponse en te demandant si tu n’avais pas tout merdé, au fond. Tu avais jeté la question sans y penser bien plus que cela. Parce qu’à prendre le temps d’y réfléchir, tu n’aurais probablement jamais ouvert la gueule.

Il n’était pas facile de faire comme si de rien était, après ce que tu avais vu. Difficile de l’ignorer, de passer à autre chose, même si Lei ne semblait pas dérangé pour le moins du monde. Et tu commençais sérieusement à te demander si ce n’était pas toi, qui était trop pudique. (Non, quand même pas, n’est-ce pas ?) Tu n’avais jamais vu quelqu’un aussi relax dans de telles circonstances. S’était-il même déjà fâché ? Pas à ta connaissance, en tout cas. Toi, tu n’avais vu que cette partie de lui heureuse, brillante, quelque peu insouciante parfois également - mais elle existe bien chez lui, la colère. Il faut simplement aller la chercher bien loin.

Tu l’ignores peut-être encore pour le moment, mais tu allais bientôt devenir une de ces raisons pourquoi Lei pourrait se fâcher. Un être important. En même temps, il était bien dur de ne pas s’attacher à quelqu’un avec qui on passe tout notre temps. Tu étais bien placé pour le savoir, toi et tes sentiments, toi et ton hyperfixation (lorsqu’un seul être devient le symbole de héro à tes yeux, lorsqu’il est impossible pour toi de considérer le perdre, sans quoi ton monde chavirait).
Ibari était ton monde, et elle avait également volé cette partie de toi, lorsque tu avais quitté sa maison. À contrecoeur, certes, mais il s’agissait de la bonne chose à faire - c’est ce que tu t’efforces de te répéter.

Tu redécouvres tout, avec Lei. Tu découvres ce que c’est de te sentir réellement apprécié, et pas contrôlé lorsque tu étais avec elle. Mais, au fond de toi, tu ne peux pas te résoudre à lui en vouloir. Ce n’est pas comme si tu étais bien mieux, au fond. Et puis, si elle n’avait pas été là, sûrement que tu serais toujours pris à Johto, avec tes démons. Peut-être n’aurais-tu pas survécu.

I hope that you see right through my walls
I hope that you catch me, cause I’m already falling

“Non, ce n’est pas ça, tu ne comprends pas je crois…”

Mais tu ne peux pas lui en vouloir. Tu ne peux pas lui en vouloir de ne pas comprendre lorsque tes mots se mélangeaient dans ta tête et - étais-tu au moins certain d’avoir bien fait part de tes pensées ? Ce ne serait pas la première fois que tes envies restent cachées à l’intérieur.