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J’aime bien la nuit. C’est reposant, la nuit. Après, c’est peut-être un peu trop calme, la nuit - mais je sais pas, ça me rend nostalgique. J’ai l’impression d’être à l’écoute de tout, et que tout est à l’écoute de moi, aussi. Après, je me sens aussi un peu seul, la nuit - je sais pas comment expliquer, mais c’est bizarre comme sensation. C’est un peu trop silencieux, et je me sens un peu… J’sais pas. Yeah, je me sens seul, dans l’immensité de la nuit - je me sens comme un grain de sable. J’ai une pression au niveau de la poitrine, et je sens le calme grésiller aux creux de mes oreilles. Mais malgré cette angoisse, je me sens bien, la nuit, aussi.
J’crois que j’aime la nuit, mais que j’ai juste jamais aimé le silence qu’elle apporte. Parce que le silence, c'étaient les sanglots étouffés de Maman - c’étaient les soirées où Papa et elle devaient rentrer tard, et que je restais avec grand-mère, cette ambiance étouffante et malaisante à préférer ne rien dire, préférer le crissement d’un crayon presque usé sur une feuille prête à se déchirer, qu’à devoir supporter les mots et remontrances qu’elle aurait pu me faire parce que j’étais pas assez féminine.  La nuit, c’est aussi le moment où tout s’éteint - et moi, j’ai pas envie que tout s’éteigne. Le bruit lointain des vagues, le vent qui souffle sur le sable - c’est beau, en soi, mais c’est…Vide.
J’aime pas le bruit du silence, parce qu’il est vide. Il est un peu sans vie. Certes, il y a les Pokémon insectes qui grésillent, il y a le bruissement des feuilles, les fêtes lointaines. Mais moi, quand j’étais petit - je restais les yeux grand ouvert dans ma chambre, le boumboum de mon cœur à résonner dans tout mon corps, la respiration saccadée et malaisée, à entendre le bois qui craque, et tout ça, toute cette vie, ce bruit, il était loin. Moi, j’avais que les bribes, les rires perdus que le vent m’apportait, et je me sentais seul, à attendre d’entendre la porte d’entrée s’ouvrir, d’entendre la douce voix mélodieuse de Maman, d’entendre le rire étouffé de Papa pour pas me réveiller, et je me sentais enfin en sécurité, parce que le son était revenu, la musique jouait à nouveau, et je pouvais fermer les yeux, m’endormir en toute tranquillité.  

Ouais, j’ai jamais aimé le silence, et je pense que c’est pour ça que j’suis autant dans la musique, maintenant.

C’est aussi parce que j’aime pas le silence que j’aime autant faire la fête, ou sortir, et parler en général. Puis le silence, c’est triste, un peu.
C’est pour ça que pour le weekend, j’avais décidé d’aller à Kopadia. Oh, pas que c’est pas animé à New Pyra, hein ! Mais… Mais un peu quand même. J’veux dire, y’a le couvre-feu, donc le soir, c’est appartement oblige. Encore heureux, y’a Raph - mais j’sais que Raph aime bien la tranquillité aussi, donc je peux pas le déranger tous les soirs. Parfois y’a Cayenn qui vient, aussi, mais ouais, il vient pas tous les soirs non plus. Quand j’peux rien faire je mets juste de la musique à fond et je danse dans ma chambre, où j’trouve un truc à faire. Puis j’m’endors avec de la musique, parce que j’aime pas m’endormir dans le silence.

Bref, du coup, j’étais à Kopadia. C’est toujours animé Kopadia, surtout quand on peut être dehors. J’aime bien passer pour passer le bonjour à Papa et Maman, les aider, et m’incruster dans quelques fêtes avec d’anciens amis. Comme c’est le week-end, le restaurant est plus occupé, alors je suis resté plus longtemps pour aider - mais c’est pas grave, j’aime bien aider au restau, c’est animé, y’a toujours plein de gens ! Et puis, c’est pas parce qu’on rentre à deux heures que la soirée est terminée. Non, au contraire, elle ne fait que commencer ! Je vais profiter du weekend pour m’amuser. Alors une fois à la maison, je commence à me préparer pour sortir et rejoindre une fête. Y’a un peu de vent dehors, mais je mets quand même un short et un crop top, et juste un petit gilet. Si j’ai froid, j’arriverai bien à charmer quelqu’un pour qu’il me prête sa veste, non ?

Mais alors que je me prépare, j’entends un bruit. Quelques coups à la porte d’entrée. Qui vient frapper à cette heure ? Mmmh, à qui j’ai dit que je rentrais ce week-end, déjà ? Bah, c’est en allant voir qu’on saura !
Je m’approche donc de la porte, avant d’entendre une voix de l’autre côté. Une voix familière. Un sourire se dessine alors sur mon visage, et je me précipite vers la porte, l’ouvrant d’une traite.

« Bae !!! »

Le jeune garçon apparaît devant moi, et je souris encore plus d’avoir deviné, alors que je lui saute dessus, bras grand ouvert qui viennent l’enlacer, mes cheveux encore humides et parfumés venant lui caresser le visage alors que je le serre contre moi.

« Ça fait longtemps, tiens !! Comment tu vas ? Qu'est-ce que tu fais là ? Oh, tu veux aller faire un tour sur la plage ? »

Je ris légèrement en le relâchant et lui prenant les mains à la place. Oubliez la fête, être avec un ami, c’est bien mieux ! Puis Bae, il parle pas beaucoup, mais c’est pas grave, je peux parler pour deux.
Et puis, je sais pas. Je pense aussi que je peux accepter le silence, si c’est avec lui.

J’adore Bae, j’sais pas pourquoi. Il est cute, et puis il me juge pas. Il aime bien me voir, et moi j’aime bien les gens qui m’aiment bien. Bon, j’pars en général avec un avis assez positif sur tout le monde - mais si quelqu’un me déteste, je vais pas me fatiguer à le faire m’aimer. J’suis mieux que ça, quand même. Mais Bae, j’sais pas, j’l’aime bien. J’ai l’impression que j’ai rien à prouver avec lui, et j’ai pas la sensation que je dois le charmer. Bon, évidemment, je le taquine un peu parce que j’aime bien ça - mais pas avec l’idée de le mettre dans mon lit derrière, quoi. Juste parce que je l’apprécie.

D’ailleurs, Bae, il a pas l’air en forme, ce soir. C’est triste, ça ! Mais c’est pas grave, je lui redonnerai le sourire. C’est pour ça que je veux être une star, n’est-ce pas ? Pour faire sourire les gens ! Et ça commence avec les amis. Si j’peux pas faire sourire ma famille et mes amis, j’suis une idol en carton et je ferais mieux d’arrêter de suite - alors, je vais tout faire pour qu’il retrouve le sourire, qu’il se remette à rire, voler toutes les étoiles qui ont fui dans le ciel pour les remettre dans ses yeux.

Bae veut bien aller sur la plage, alors je souris en sautillant sur place.

« Oooh yesss trop bien ! T’inquiètes, tu m’déranges pas, j’préfère passer la soirée avec toi, hehe ~ »

Et puis, sans vraiment attendre plus de sa part, je serre sa main en commençant à piquer un sprint en direction de la plage.

« Allez, viens ! On va s’amuser, hehehe ~ »

Et puis, en courant, je tournes ma tête vers lui, le visage rayonnant.

« Moi aussi ça m’fait plaisir ! Ça fait trop longtemps qu’on s’est pas vus, tu m’avais manqué. »

Peut-être que ça faisait pas si longtemps que ça, mais bon, dans ma tête, ça faisait une éternité. Après, je dis aussi que ça fait une éternité que j’ai pas mangé de parfait à la fraise, alors que j’en ai mangé la semaine dernière, donc faut pas trop me faire confiance sur les dates.

Arrivant au niveau de la plage, je ralentis, n’ayant toujours pas lâché sa main.

« Damn, t’as quand même de la chance, j’suis rentré pour le week-end… Ça doit être le destin, hehe ~ »

Ouais, je sais que j’ai dit que je cherchait pas à le charmer - mais ça reste tout de même dans ma nature.

La nuit est belle, les étoiles brillent dans le ciel, la brise fraîche vient caresser mes joues, jouer avec mes mèches, et je ris, chatouillé par les doigts invisibles du vent, passant une main dans mes cheveux, regard vers le ciel chaleureux.
J’suis bien, là. En général, la nuit, j’ai cette étrange sensation de vide - ce trou dans le cœur, cette angoisse qui m’enlace, me souffle au creux de l’oreille que je suis seul au monde.
Mais là, j’suis bien. La main de Bae est chaude, énergisante - c’est comme s’il dégageait une énergie qui parcourait mon corps par nos mains unies, et qui vient remplir ce vide, chasser cette sensation, me rappeler le plus important :
J’suis pas seul.

On avance sur la plage, et j’te mérite pas - qu’il dit. Comment ça, il me mérite pas ? Ok, j’suis une personne incroyable, c’est vrai - mais c’est pas pour autant que des gens me méritent pas, surtout mes amis. Puis c’est quoi cette histoire de mériter ou pas des gens ? C’est totalement nul. On est avec les gens qu’on veut, on a pas besoin de les mériter. C’est triste si on devait mériter nos amis - vous imaginez ? Parce que damn, j’sais pas si je mériterai Bae non plus. Ou même Cayenn, tiens. Parce que Cayenn, c’est un rayon d’soleil - et moi, j’essaie d’apporter le sourire aux gens, mais peut-être que j’suis pas aussi solaire que lui. J’serais grave triste si j’avais pas le droit de voir ceux que j’aime, si je les méritais pas. Imaginez, Bae vient me voir et un mur nous sépare, parce qu’on se mérite pas mutuellement ? Ça serait grave triste, j’veux même pas y penser - alors je secoue la tête.

« Nah, nah- dit pas n’importe quoi. Personne mérite personne - ou plutôt, tout le monde mérite tout le monde. J’sais pas, j’me perds, mais… »

Je lui souris, de ce visage habituellement taquin et joueur.

« Mais moi, j’veux continuer de t’voir, alors au diable les mérites, j’irais les yeet moi-même s’ils viennent se mettre sur notre chemin ! »

Et je ris, mais je me rends pas compte tout de suite que Bae est pas d’humeur à rire. En fait, c’est que je connais pas vraiment la mauvaise humeur - j’essaie toujours de voir le bon côté des choses, et je m’émerveille un peu de tout. Je vis au jour le jour, à quoi bon se pourrir la vie quand on peut ignorer ce qui nous fait mal ? Mais j’oublie parfois que les autres sont pas comme moi - que certains sont plus atteints par ça, que les autres voient la vie sous son véritable jour, qu’ils sont pas tous aussi gamins que moi - parce qu’en un sens, je fuis un peu la réalité de ce monde.
Quand Bae me force à m’asseoir, je le laisse faire comme si j’étais son pantin. J’suis pas très difficile, et je sais que Bae me fera pas de mal. Il est gentil, et j’aime bien apprendre à le connaître. S’il est quirky ou qu’il a des kinks chelou, je veux bien savoir aussi - parce que moi aussi j’suis pas tout frais dans ma tête, et j’aimerais bien qu’on puisse échanger et s’accepter comme on est, parce que c’est cool de s’accepter même si on est bizarres. T’façon la normalité, c'est surfait, c’est plus fun d’être différents - au moins, on est uniques.

Alors, je souris aux gestes de Bae, j’le laisse faire, je l’imite même. J’enlève mes sandales, les envoyant voler d’un coup de pied - et j’suis pas sûr d’où elles atterrissent, mais tant pis, ça fera une offrande aux dieux de l’océan. Et puis, j’mets mes pieds dans le sable moi aussi, et c’est un peu drôle comme sensation, ça chatouille, c’est chaud, et mes lèvres s’élargissent alors que j’observe Bae, voir s’il fait autre chose, ou s’il veut dire quelque chose.
Et c’est là que je remarque que Bae va pas très bien - fin, qu’il a pas l’air d’aller bien, surtout. Et j’sais pas, ça me tire le cœur, un peu. J’aime pas voir les gens que j’aime bien aller mal. C’est comme quand maman pleurait après les cris avec grand-mère, ou comme quand elle regardait le carnet de grossesse de Kai avec des yeux tristes. Ça me fait mal, parce que c’est pas des trucs que j’peux réparer - fin, j’pense pas que je peux réparer. J’essaie, mais il y a certaines plaies qu’on ne peut tout simplement pas panser - alors faut aider et faire rire pour distraire la douleur. C’est ce que j’essaie d’atteindre, mais j’y suis pas encore.

Je penche la tête sur le côté quand Bae prend la parole - mon visage devenant un peu plus sérieux, sans pour autant perdre de son habituel éclat. J’suis curieux. J’suis inquiet. Comment j’peux aider ?
Comment j’peux te rendre le sourire ?
Comment j’peux te faire rire ? Mettre le ciel dans tes yeux, l’océan dans ton cœur, les grillons dans ton rire ?
Comment j’peux faire tout ça ? J’sais juste sourire, mais je sais pas comment le propager.

« Eh, comment ça ? Qu’est-ce qui se passe ? Tu peux tout m’dire, tu sais ? »

Je me penche en avant, à l’écoute. En général, je suis plus calé pour parler - mais c’est rare que Bae veuille parler, alors s’il veut parler, j’peux écouter. J’écouterai tout ce qu’il a à dire, même ! J’le lâcherai pas d’une miette, parce que ç'a l’air important, et - oh là ! Oh, il se jette dans mes bras. Shit, shit, j’ai loupé un épisode ? Rewind, Lei, rewind. Il a dit quoi déjà ?

- J’suis dans la merde, Lei.
P’tit sourire craquant.
Regard adorable.
- Merci.

Ok donc j’ai rien loupé en fait, c’est bon - j’ai eu peur.

Revenant à moi après quelques secondes, je le serres fort fort dans mes bras, réalisant qu’on est tombés au sol avec l’élan. Et un nouveau sourire se dessine sur mon visage, et je ris en lui tapotant le dos - Papa et Maman me disaient que je faisais ça petit parfois, sans vraiment réaliser, quand ils étaient inquiets, et que ça les avaient toujours aidés. Alors, j'ai enregistré que les petites tapes dans le dos ça fait du bien, et que ça aide.

« Hey, yes, j’suis là. Et j’partirais pas, Bae, tu m’entends ? »

Je recule un peu ma tête pour le regarder dans les yeux. J’ai toujours ce sourire malicieux au coin des lèvres - c’est une expression habituelle, chez moi. Mais mes yeux, ils sont déterminés, sincère - parce que j’le pense vraiment. J’ai pas envie de partir, pas envie de l’perdre. Après, j’veux perdre personne, mais bon - j’me comprends.

« Bon- ok, j’habite plus trop à Kopa, mais j’partirais pas. Quand j’aurai un boulot stable j’veux revenir ici, et on pourra aller sur la plage tous les soirs, et on mangera des glaces et des parfaits ensemble. »

J’me laisse retomber au sol pour regarder le ciel, et je le serre encore plus fort contre moi - parce que j’suis comme ça, j’aime le contact, et il m’en donne, alors forcément que j’vais sauter sur l’occasion.

« Mais j’serais toujours là pour toi, tu l’sais, hein ? Si t’as besoin d’parler j’suis là. Fin j’suis pas trop doué pour écouter, mais j’essaierai, promis juré ! »

Et puis, s’il a besoin de sourire, j’ferais l’imbécile, j’danserais ou je chanterais - qu’importe. Maman dit que mon rire peut guérir les maux - alors peut-être que j’peux guérir le mal qui le ronge, lui aussi - et lui rendre l’éclat qu’il mérite.

C’est rare, c’est vraiment rare que Bae veuille parler - alors j’fais tout ce que je peux, je lui laisse toute la place dont il a besoin. Moi j’peux parler les trois-cent-soixante-quatre autres jours de l’année, alors si Bae a décidé de parler aujourd’hui, je le laisserai faire. J’veux pouvoir l’écouter, j’veux pouvoir entendre ce qu’il a à dire. J’ai jamais été d’une grande aide ou d’un grand support, parce que j’suis pas doué pour écouter - mais je veux faire un effort. J’veux pouvoir l’aider s’il a besoin d’aide. J’veux qu’il puisse compter sur moi.

Alors je l’écoute, de gros yeux ronds. Et puis, quand il lâche ce qu’il a sur le cœur, je clignes des yeux. C’est tout ? Oh putain, j’sais pas pourquoi, la façon dont il l’a dit - j’pensais que c’était pire. Merde, shit - il se met à pleurer, c’était pas prévu dans le programme ça. J’sais pas comment réagir - comment je réagis quand Maman pleure, déjà ? Yeah, right, je la serre dans mes bras et je souris, et j’lui tapote le dos. On va faire ça. Putain que j’ai l’air con avec ce sourire sur le visage, c’est pas du tout le bon mood - mais c’pas grave.

« Oh pardon- pardon j’réagis pas bien, mais- », rire étouffé, je lui ébouriffe les cheveux en me collant à lui. « J’pensais que ça serai pire, fin, genre- t’as tué quelqu’un ou dévalisé une banque, et j’dois t’aider à cacher l’corps ou à te trouver un alibi. »

Je tourne la tête d’un coup vers lui, avec soudainement beaucoup de sérieux.

« Mais si c’était l’cas, je t’aiderais à l’cacher le corps, hein - ou à être ton alibi. Y’a plein de sable ou de grottes ici, tu peux compter sur moi. Faut éviter la mer, par contre, ça flotte ces trucs. »

C’est peut-être pas très rassurant comme info, surtout quand je me remets à sourire derrière - mais c’est pas grave. Je lui tapote l’épaule une nouvelle fois, en le serrant contre moi.

« Pardon- c’est pas cool pour toi et Ibari. J’espère que ça ira mieux entre vous, parce que c’est pas cool de perdre des potes. »

Ou des crush, qu’est-ce que j’en sais. J’ai jamais vraiment été in love de quelqu’un, mais je peux voir dans les yeux de Bae que les étoiles brillent déjà pour quelqu’un d’autre. C’est peut-être pour ça, aussi, que j’ai jamais cherché à le charmer - j’aime pas voler les cœurs pris. J’aime pas briser des histoires, détruire des rêves. J’suis là pour les faire, moi - pour faire rire les gens, pas pour créer des chagrins d’amours et des larmes. Peut-être que j’devrais essayer de le caser avec sa dulcinée, tiens - après, je sais pas si ça marcherait vraiment. J’ai souvent joué les entremetteuses, mais j’ai jamais su si les histoires avaient vraiment durées.
Levant le regard un instant vers le ciel, je me laisse retomber en arrière sur le sable.

« Puis t’sais, fin- ça fait peur, j’sais. Mais faut pas s’inquiéter, y’a des solutions. »

Mon regard se tourne vers lui, et je retrouve le sourire.

« Genre, j’suis quasi sûr que ça dérangerait pas Raph si tu venais à l’appart. C’est grand chez lui, puis tu peux rester dans ma chambre. Oh, j’sais pas si j’t’ai dit, Raph c’est mon coloc. Fin c’est un pote qui m’héberge car j’me suis fait virer de mon ancien appart, c’est l’temps de trouver un nouveau truc. J'suis sûr qu'il te kifferait.»

Je me redresse en tailleur, pensif, à moitié appuyé contre lui.

« Bon, après, c’est à New Pyra donc faut faire le chemin quoi… Mais ça te fait déjà une première solution, et… »

Et je me tape le front parce qu’une réalisation vient soudainement de me frapper.

«… et oh j’suis débile - j’peux demander à mes parents ! J’vis plus avec eux donc mon ancienne chambre est libre. J’suis sûr qu’ils accepteraient. P’têtre faudra que tu aides pour les repas, parce qu’on roule pas sur l’or - mais j’suis sûr qu’ils t’aimeront et te feront pas payer en vrai. Si tu v’nais chez moi et Raph on ferait les courses ensembles mais j’te ferais pas payer non plus de toute façon. »

Je retrouve le sourire, et je lui prends la main entre les miennes, le regardant avec des yeux pétillants.

« Tu vois, on a déjà deux solutions ! Donc… Ouais, ça fait peur, j’sais. Mais t’es pas tout seul, Bae. »

Mains qui passent sur ses joues pour essuyer ses larmes, je plonge mon regard dans le sien tout en continuant de tenir son visage.

« T’es pas tout seul. »

Eh, j’ai réussi à le faire rire ! C’est une victoire, pour moi. Enfin, il sourit juste - mais je prends ça pour une victoire. Au moins, j’ai réussi à retourner cette moue en une courbe amusée - au moins, pendant un instant, une seconde, il pense plus à ses problèmes, et j’ai pu le distraire un peu. C’est le principal. Tant pis si ce n’est que pour une minute, une seconde, un soupir - au moins, durant ce laps de temps, court laps de temps, il s’est senti mieux, il a vu un nouveau monde, il a pu rêver, pétiller - et c’est tout ce qui m’importe.
Je ferai pétiller le monde entier.

Mon sourire s’élargit quand Bae accepte - yay ! J’aime avoir du monde autour de moi, parfois Raph est pas à la maison alors j’me sens un peu seul. J’ai besoin de gens, j’ai besoin de foule - j’ai besoin que ça bouge, j’ai besoin de bruit.
Dans le silence, le vide, je me sens seul. Alors avoir quelqu’un qui sera là, ça m’rend heureux - et puis, ça va aussi l’aider, alors ça fait d’une pierre deux coups, non ? Puis, j’adore Raph - il est giga sympa, il fait un peu peur, mais il est doux au fond. Mais Raph et moi, on est dans deux mondes différents - et moi ça m’dérange pas of course, parce que j’adore découvrir de nouveaux mondes. Mais ça veut aussi dire qu’il me suit pas tout le temps dans mes délires, et même si au fond, je m’en fou - parce que j’peux délirer pour deux - ça rend toujours un peu solitaire, de pas être compris. Et Bae me comprend, lui - fin, j’ai l’impression qu’il me comprend. Il est aussi un peu fermé, parfois - un peu comme Raph, en fait. J’pense qu’ils s’entendraient bien, mais que Bae me comprend mieux quand même.

Un sourire aux lèvres, je fais glisser mes mains sur ses joues pour venir les pincer amicalement et jouer avec.

« Tu peux les rencontrer quand tu veux ! Ils t’adoreront. Tiens, si tu veux, on ira manger avec eux demain. Ils sont souvent occupés avec le restau, mais ils sont très sympa. »

Maman adore mes amis, et elle est contente que j’arrive à m’en faire, parce que petit j’étais pas toujours bien accepté. Mais j’arrivais quand même à me faire une place. Oh, j’espère qu’elle va pas sortir les vieilles photos d’albums - j’ressemble à rien dessus. Fin, j’étais cute, ok, ça je l’admets - mais je l’suis encore donc ça change rien. Puis quand j’étais tout p’tit, j’étais pas toujours bien à cause de grand-mère - et après, j’avais pas le droit de me colorer les cheveux avant seize ans, donc j’étais pas aussi stylé que maintenant. Je me demande comment aurait réagi Bae s’il m’avait connu tout jeune, tiens, d’ailleurs. Est-ce qu’il aurait été dérangé, lui aussi ? Ou est-ce qu’il m’aurait accepté comme maintenant ?

Regardant Bae, je le lâche pour revenir m’allonger sur le sable.

« Mh, yeah, c’est récent. Mon ancien proprio nous a tous jetés parce qu’il voulait construire des hôtels ou j’sais plus quoi. J’avais nulle part où aller et son appart était grand donc il m’a proposé de rester chez lui l’temps de trouver un truc. »

Sourire aux lèvres, je me redresse un peu sur mon coude et repose ma tête sur ma main.

« Mais t’inquiète, j’suis sûr que ça le dérangeras pas. Tu pourras rester dans ma chambre. Puis il a l’air de faire peur, mais c’est un Nounourson en vrai. Ou un Cacnéa si tu veux. Il a des pics pour se défendre, mais il est tout tendre. »

Puis, je me relève, m’étire, écarte les bras pour profiter de la fraicheur nocturne, profiter de la vie. On profite jamais assez des petits détails, du sable qui grouille sous nos pieds, des vagues qui viennent les chatouiller, de leur son apaisant, de leur danse incessante. J’aime bien profiter de tout ça, moi.
Et puis, je me retourne vers Bae et je lui prends la main.

« Évidemment que j’viens avec toi. J’ai dit que j’te laissais pas, hein ? Donc si t’as besoin, je viens. Ah, j’vais quand même envoyer un message à Raph aussi, pour être sûr - mais j’suis quasi certain que ça le dérangera pas. »

De ma main libre, je sors mon portable pour pianoter dessus.

« Pis même s’il est pas convaincu, t’inquiète, j’ai travaillé ma technique de chat potté. »

Il est doux, Bae. Si j’suis une tempête, il est le calme qu’on trouve avant, le silence, l’eau stagnante et calme d’un fleuve - celle à côté de laquelle on veut se poser, se prélasser, profiter du moment. Moi, j’suis - j’sais pas, des rapides, p’têtre. Le genre de truc où faut être prêt avant de se lancer, parce que je vais vite, que j’suis éparpillé, et que j’pars loin, j’vais à contre-courant. Est-ce que Bae est prêt ? J’sais pas - mais c’est déjà mon ami, donc j’imagine que oui ? J’pense que ceux qui restent mes potes sont ceux qui arrivent à voguer sur les rapides, qui arrivent à passer outre les baïnes, à nager à contre-courant - peu importe si leurs eaux sont calmes ou aussi déchaînées que les miennes.
Pourquoi j’pars dans un délire aquatique à comparer les gens à des vagues ? Aucune idée. C’est moi qui divagues. Mais j’ai l’habitude.

« Mais si t’inquiète. Puis j’ai envie de t’aider, t’as pas b’soin de tout le temps me remercier. »

Un sourire, un clin d’œil, un pouce en l’air. J’ai pas besoin qu’on m’dise quinze mercis - un suffi, même si j’ai fait quinze trucs. Je cherche pas la reconnaissance - enfin, pas vraiment. Disons que je cherche à faire rêver les gens, à rendre leur vie meilleure. Donc, ouais j’veux être reconnu - mais tant que j’les vois sourire, ça me va, j’ai besoin d’rien d’autre. Parce qu’un rire vaut mille mercis.

Je me tourne vers Bae à sa question. Mhm ? Tiens, bonne question ça. Probablement, je parles de tout à mes parents - même au gamin qui n’a pas de nom avec qui j’ai joué sur la plage quand j’avais neuf ans. Ou la meuf avec qui on a pêché des crabes. Bref, j’parles de tous les gens que je rencontre à mes parents - enfin, p’tet pas ceux que j’rencontre pour un soir seulement et les mettre dans mon lit, ou m’inviter dans le leur. Parce que j’pense pas qu’ils veulent savoir ça, et honnêtement, ce serait gênant de leur raconter. Brrr.

« Mhh ? Mouais, j’pense qu’ils te connaissent, j’ai déjà dû te mentionner. »

Après tout, Bae est un ami, donc j’ai dû en parler plus que le mec qui a marché sur mon château de sable, ou que l’gars qui a perdu son froc sur la plage.

Je marches avec Bae, on se dirige vers sa maison, du coup. Il est désolé pour moi et mon appart, mais je hausse les épaules.

« Oh, c’pas grave. Je serais revenu habiter à Kopa si j’avais pas l’choix. Puis t’façon j’avoue que l’appart était un peu pourrave, donc c’est pas plus mal. Mais yeah, Raph est super de m’avoir aidé - j’veux juste pas rester trop longtemps pour pas m’incruster. Il a sa vie aussi. »

J’sens Bae qui serres ma main, alors je la serre plus fort, et je lui offres un sourire. J’sens qu’il a peur, et faut que je chasses ces peurs, que j’fasse partir ses angoisses. J’suis là pour ça. C’est mon rêve - d’effacer les larmes des autres, d’illuminer leur monde, de mettre de la couleur là où tout est sombre. C’est mon objectif. Et j’galère à commencer au niveau mondial, si ce n’est que régional… Alors, faut bien que j’commence dans mon cercle d’entourage - sinon, j’risque pas d’aller loin.
Puis j’veux qu’ils sourient. Qu’ils soient tous heureux.

On arrive à la maison, et je suis Bae à l’intérieur. On fait un peu de bruit (enfin, la maison fait du bruit - visiblement, elle a son mot à dire, elle aussi), ce qui fait que l’amie de Bae arrive, pose des questions. Elle ne comprend pas pourquoi il est sorti si tard, pourquoi j’suis là - et j’serais presque indigné, mais faut que j’sois fort, que j’montre à Bae que y’a pas d’raison d’avoir peur, alors j’affiche un grand sourire sur mon visage. J’dois avoir l’air con comme ça, mais c’est pas grave. J’ai l’habitude.
Je me demande un instant si j’devrais pas essayer de régler les choses entre eux - même si ça veut dire que Bae viendra plus dormir à la maison. Mais elle a l’air inquiète, et j’aime pas briser les cœurs - et p’têtre que Bae sera mieux avec elle. Peut-être qu’il a juste peur, et qu’il a besoin d’un petit coup de coude.

Mais Bae fonce, et j’le suis - passant à côté de Ibari en haussant les épaules comme si j’en savais pas plus. Et on arrive à peine dans la chambre de Bae qu’il éclate, et qu’il s’appuie sur la porte pour la fermer - et moi je regarde ça, un peu… impuissant ?
J’déteste être impuissant. Et l’autre qui braille derrière. Fin non, pardon - elle s’inquiète, puis disparaît. Je me penche un peu vers la porte, histoire d’écouter - elle a l’air d’être partie. Alors je pose une main sur l’épaule de mon ami.

« Eh, Bae ? »

Main sur l’autre épaule, je le maintiens de chaque côté. Je le tiens face à moi, puis je le tire pour le prendre dans mes bras, le serrer fort contre moi, frottant l’arrière de son crâne et tapotant son dos.

« Ça va aller. J’suis là. J’t’ai dit que j’partais pas, hein ? »

J’reste comme ça quelques instants, avant de l’écarter de moi, caressant ses joues pour venir essuyer ses larmes - captant son regard.

« J’suis là, j’te suis peu importe c’que tu veux faire, ok ? J’t’aide si besoin, mais… »

Regard vers la porte, avant de le reporter sur lui, de venir serrer sa main.

« T’es sûr, hein ? Elle a l’air inquiète pour toi. J’veux toujours que tu viennes chez moi, t’inquiète - t’es le bienvenu. J’serais ravi de te voir tous les matins, même ~ »

Je sais que les taquineries ne sont pas au goût du moment - mais faut bien en caser une ou deux pour montrer que ça me ferait vraiment plaisir qu’il soit là.

« Mais j’veux que tu sois certain, ok ? »

On entend des objets qui volent, des trucs qui se brisent. Finalement, elle a pas l’air si inquiète que ça, la Ibari - elle a plutôt l’air instable… Et pas très nette. Je comprends mieux pourquoi Bae veut partir - même si, peut-être qu’elle veut pas qu’il parte et que c’est pour ça qu’elle réagit comme ça. J’sais pas, je comprends pas trop ce genre de choses moi, mais je trouve que ça reste quand même extrême comme réaction. J’veux dire, elle pourrait juste lui parler, non ? Lui dire « Eh Bae, j’veux pas que tu partes, on peut discuter ? », et ils parlent, ils pleurent, se serrent dans les bras et s’embrassent. Mais nan, la vie elle est plus compliquée qu’une comédie romantique à l’eau de rose.

Bae m’affirme qu’il est sûr - alors je hoche la tête. Bon, s’il est certain, alors je respecte sa décision. Puis de toute façon, avec tous les trucs balancés de l’autre côté de la porte, j’pense que c’est plus sûr qu’il vienne avec moi le temps qu’elle se calme. Elle me rappelle un peu grand-maman, mais grand-maman m’a jamais jeté des trucs dessus. Apparemment, elle m’a fait mal une fois, mais je m’en souviens plus. On m’a dit que c’était normal, d’oublier un événement traumatique - mais vu que je sais plus ce que c’est, j’ai pas vraiment l’impression que ce soit traumatique.

Je laisse donc Bae récupérer ses affaires. Je connais pas l’histoire de Bae et Ibari, mais je pense qu’ils se marchent un peu dessus. Ça arrive parfois, quand les gens vivent ensembles - ils finissent par s’étouffer, et faut prendre de la distance pour mieux communiquer. A voir si elle peut vraiment être capable de communiquer - mais après, je juge pas. Je sais juste que Bae l’aime bien, donc si elle peut prendre soin de lui, je veux qu’ils se réconcilient. Mais si elle est tout le temps comme ça, c’est peut-être mieux qu’il la revoit pas.
J’espère que j'étoufferai pas Bae quand il sera chez moi, en tout cas.

Une fois prêt, il ouvre la porte, tendant l’oreille. Je me penche aussi, mais y’a plus de bruit. Oh, elle a arrêté ? Peut-être qu’elle est partie se calmer. Elle aurait bien besoin de respirer un peu, de s’allonger sur la plage, peut-être de poser deux-trois questions à la lune - apparemment, la nuit porte conseil.
Je suis donc Bae qui me fait un sourire désolé, auquel je réponds avec un grand sourire. C’pas grave, je sais pas si j’ai vu pire, mais ça me surprend pas vraiment ce genre de choses. Je sais pas ce qui me surprend, en vrai.
Bae me dit de faire attention où je marche, et je hausse les épaules - j’ai passé mon enfance à marcher pieds nus un peu partout, je pense que j’suis un peu immunisé, à force de marcher sur des coquillages. Mais j’essaie quand même d’enjamber les différents débris, parce que ça ferait quand même mal, et j’veux ni retarder Bae, ni l’inquiéter pour rien - il a déjà assez à penser.

Mais alors qu’on allait sortir, son amie débarque comme une furie depuis l’autre bout de la maison en hurlant, et Bae me dit de partir devant. Il sert ma main, et se tourne vers Ibari - et je le regarde en haussant un sourcil. Mhm ? Le laisser là, dans cette situation ? Nah, jamais.

Secouant la tête, je me tourne avec lui, lui serrant la main.

« Naan, j’ai dit que je te laissais pas. »

Et puis, je relève la tête vers Ibari, la jaugeant un peu. Elle a vraiment l’air furieuse. Je hausse un sourcil, m’avançant vers elle.

« Écoute, euh, j’sais pas pourquoi t’es furieuse. Enfin, si, j’comprends, Bae s’en va - mais la toxicité ça va deux minutes, nan ? »

Je jettes un regard à Bae, avant de regarder la jeune femme à nouveau.

« Genre, s’il a envie de partir, faut le laisser partir. Prendre son envol, sa liberté. Vous vous êtes peut-être engueulés mais crier partout et jeter des trucs ça va rien arranger t’sais. Tu risquerais juste de le blesser et de regretter après. »

Puis, je fais la moue en gonflant les joues.

« Et puis, si tu veux vraiment pas qu’il parte, faut pas réagir comme ça. Faut parler, communiquer, j’sais pas. Mais surtout faut s’calmer avant, parce que là, t’as juste l’air d’une tarée. »

Je m’étire, pas le moins du monde apeuré par la jeune femme. Très peu de choses me font peur dans la vie.

« Du coup, j’te propose de prendre un twix, une tisane verveine, d’aller dormir et tu verras demain comment ça va. La nuit porte conseil, profites-en pour réfléchir. En attendant, c’est pas très sain ici, donc Bae vient avec moi, c’plus sûr pour lui. »

Je la regarde, mon regard changeant légèrement pour une teinte plus… J’sais pas. J’essaie de paraître menaçant, mais j’suis conscient qu’un truc rose de 1m54 qui fronce les sourcils et gonfle les joue, c’est pas vraiment menaçant.

« Et si tu veux le forcer à rester ici et continuer d’jeter des trucs, c’pas très légal non plus. Alors si tu veux vraiment te lancer sur ce ch’min, sache que j’ai pas peur de toi. Et j’connais quelqu’un dans la police. »

Bon, c’était pas totalement vrai, mais elle le sait pas ça. J’veux juste qu’elle laisse Bae tranquille. Enfin bon, je finis par hausser les épaules et me tourner vers Bae.

« Bref, tchuss, on se barre. »

Elle faisait une drôle de tête, la Ibari, c’était marrant à voir. J’pense que les gens sont toujours un peu surpris quand je dis c’que je pense, parce que j’ai l’air petit et mignon, alors on s’attend pas forcément à une tempête de mots absolument pas réfléchis, et après, on est en mode, c'est quoi ce truc qui sait pas la fermer - et bah ce truc, c’est moi, enchanté, ravi de faire votre connaissance et de soit égayer votre journée, soit la ruiner <3.

J’ai à peine tourné le dos que Bae me demande si j’cours vite - et j’ai pas le temps de poser une question ou même de hausser un sourcil qu’il m’attrape la main pour déguerpir. Oulah ! J’ai été un peu pris de court, j’m’attendais pas à ça, mais après deux secondes de réalisation j’me met à courir derrière lui… Puis à ses côtés… Puis devant lui. Ah oui, pour répondre à ta question Bae, j’cours vite. J’ai trop d’énergie à dépenser, alors même si j’ai des petites gambettes de crevette, ça fait beaucoup de fuel qui doit partir quelque part.

Bae finit par s’arrêter pour reprendre son souffle, et je m’arrête pour rester à ses côtés - essayant de reprendre mon souffle moi aussi, même s’il est moins essoufflé que le sien. J’ai l’habitude de courir partout et danser, donc ouais, j’ai pas mal de souffle. Et j’parle tout le temps aussi, ça aide à avoir des poumons en acier.
Regardant aux alentours, je hoche la tête à la question de Bae.

« Yeah, j’pense que ça devrait aller. Ça va ? »

Je demande, en penchant la tête - parce qu’il a un peu l’air d’être sur le point de cracher ses poumons. Et puis, quand son corps a enfin décidé de les garder, il se tourne vers moi et me demande pourquoi je l’ai défendu. Et je hausse un sourcil d’incompréhension, penchant la tête de l’autre côté, cette fois.

« Hm ? Bah ? Pourquoi je l’aurais pas fait ? »

Je m’étire un peu, avant de reposer mon regard sur lui.

« T’es mon pote, et j’ai dit que j’te laisserai pas. Pis ça me fait pas peur t’sais. Qu’elle essaie, j’sais m’battre ! »

Je dis ça en gonflant les joues et montrant les poings, et honnêtement, je suis certain que ça a rien de menaçant encore une fois, et qu’on dirait juste un petit enfant pas content, mais c’pas grave, t’façon j’ai abandonné l’idée de faire peur ou d’être menaçant. Mais, vous savez quoi, c’mieux comme ça - parce que comme ça, quand j’sors vraiment les poings ou que j’suis vraiment énervé, c’est inattendu et ça créée l’effet de surprise !

Mais Bae a peur, alors j’arrête de faire n’importe quoi et je lui prends la main.

« On va retrouver la lumière, t’inquiète. Si t’as peur, lève les yeux vers les étoiles, elles peuvent te guider. Pis t’as la lune aussi qu’est une lampe naturelle, et on peut voir son reflet dans la mer. »

Je regarde un peu autour de moi, c’est vrai que c’est pas simple de se repérer dans le noir, mais c’est chez moi ici, j’ai trainé dans le coin autant de nuit que de jour, alors j’peux aisément me retrouver. Reconnaissant d’ailleurs par où on est, je commence à marcher dans une direction en tirant Bae avec moi.

« On va retourner par chez moi. T’veux aller dans le centre ? Y’a des fêtes alors j’sais pas si t’aimera, mais c’est lumineux. J’sais pas si le parc d’attractions est ouvert à cette heure, mais peut-être qu’ils laissent le coin allumé. »

Et puis, de ma main libre je sors mon téléphone pour allumer la lampe torche, avant de regarder Bae avec un grand sourire.

« En attendant, on a déjà une lumière portable. »

Bae déclare qu’il n’est pas certain que le parc d’attractions soit ouvert, et je hausse les épaules. Est-ce que c’est vraiment un problème ? J’suis sûr qu’il peut toujours faire de la lumière, même fermé. Ou qu’on peut aller l’allumer quelque part, comme dans les films, vous savez ? Quand deux personnes font le mur la nuit, et se retrouvent dans un parc d'attractions, ils allument tout et passent un bon moment, et ils ont plus peur car ils sont ensembles. Bon ok je crois que d’un, c’est dans des parcs abandonnés, et de deux, la plupart du temps c’est à connotation romantique. Mais c’est pas grave, qui a dit qu’on pouvait pas faire des trucs que les couples font entre amis ? C’est triste, pourquoi les couples, ils ont droit à des activités rien que pour eux, hein ? A la St-Valentin moi, j’offre des chocolats à tous mes potes. Bon, j’achète une boite de chocolat et j’en offre un à chacun de mes potes car j’ai pas l’argent pour en acheter à tout le monde non plus, mais l’idée est là quoi. Mais si j’veux aller dans un hôtel fancy avec Cayenn, ou au parc d’attractions avec Bae, ça peut être juste entre potes, nah ?
J’comprends pas vraiment la société, parfois.

Bref, peut-être que Bae veut pas tenter un truc un peu cucul ou romantique, et j’le comprends parce qu’il doit toujours aimer Ibari. Ou peut-être qu’il a peur de se faire prendre. Faudra que j’essaie d’aller au parc d’attractions de nuit un jour, d’ailleurs, ça à l’air fun et excitant à faire - mais là n’est pas la question.
Comme Bae préfère la fête, on prend donc la direction pour s’y rendre. Il sort son Pokémon sur le chemin, peut-être qu’il a peur, alors je lui tiens la main pour le rassurer. Et puis, rapidement, on se rapproche de la fête, y’a un peu plus de lumières, on entend des gens qui rient - et j’ai un sourire qui se dessine naturellement sur mon visage, parce que c’est mon élément.
Mais je sais que c’est pas l’élément de Bae. Fin, j’sais pas, mais il a pas toujours l’air à  l’aise avec des inconnus et beaucoup de bruit. J’sais pas comment il fait pour me supporter parfois, car j’suis sûr de pouvoir faire autant de bruit que toute la fête à moi tout seul - mais peut-être qu’il a accepté avec le temps ? Bah, tant qu’il m’accepte comme je suis, j’imagine que ça va. J’dis toujours que j’m’en fiche si les gens m’aiment pas et que c’est leur problèmes, mais en vrai j’serais bien triste si Bae finissait par me tourner le dos et dire que j’suis trop.

On arrive à la fête, y’a des gens qui me reconnaissent, m’interpellent, et je leur fais un signe de la main, mais je les rejoins pas. J’ai pas envie d’exposer Bae à ça non plus. Alors je tourne la tête vers lui.

« Tu veux qu’on aille sur le bord de la plage ? Y’aura un peu moins de monde mais toujours de la lumière. »

Et puis, je souris - en même temps, je souris tout le temps, mais parfois, je souris encore plus.

« Tu veux quelque chose à boire ? T’inquiète, j’peux te trouver un truc sans alcool. »

Ça fait bizarre de voir Bae dans une fête. C’est pas vraiment un truc auquel je me serais attendu. Bon ok, c’est moi qui l’ai tiré là, mais même - j’pensais pas qu’il aurait choisi la fête. Mais du coup, c'est bien, j’apprends des trucs sur lui. Comme le fait qu’il soit pas non plus révulsé par les fêtes. Ou alors, il est juste gentil pour me suivre ? Mais nahh, quand même. Je lui propose d’autres options, et ça lui va, donc j’imagine qu’il déteste pas tant les fêtes que ça ? J’sais pas. Mais pour l’instant, il veut bien rester, donc on va pas le forcer !

Sourire aux lèvres, je m’avance dans la fête, saluant les quelques personnes que je connais, tout en me dirigeant vers le bar. Je sais que j’ai dit que je pouvais lui trouver un truc sans alcool, donc comme ça, on dirait que j’ai menti - mais même les boissons non alcoolisées sont là. Je m’assure sur le chemin que Bae me suit bien - ce serait bête qu’il se perde dans la foule. Puis j’ai pas vraiment envie de le perdre non plus. J’ai promis que je passerai la soirée avec lui, puis j’ai envie, aussi !

« Hm ? Naah, t’inquiète, j’ai dit que je passais la soirée avec toi. J’peux les revoir une autre fois. »

Puis Bae est mon ami, donc j’ai envie de rester avec lui. Genre, oui, j’adore être entouré - mais j’préfère être avec des gens que j’apprécie vraiment, des amis, qu’être entouré de personnes que je connais pas trop.

Arrivant au bar, j’regarde le menu, avant de me tourner en arrière.

« Bae ? Tu veux qu-... »

Mais Bae est plus là. Mince. J’suis allé trop vite ? Faut dire, lui et moi on est pas très grands, on s’perd facilement dans la foule. J’dis pas ça méchamment, hein ! J’dis juste que la taille moyenne est au-dessus de 1m60, et qu’on est tous les deux bien en dessous. Bon moi en général, je m’en sers pour mieux me faufiler, mais ça prend du temps à maitriser la technique. Il a dû se perdre quelque part.
J’me sens un peu mal, quand même. J’veux dire, c’est mon ami et j’fais même pas attention à lui. J’suis peut-être pas un super pote ? J’ai pas envie d’être un pote nul, il faudrait que je sois plus attentif à mes proches.

Commandant deux boissons, j’attrape les boissons et commence à refaire le chemin inverse pour retrouver Bae. Et puis, parmi le brouhaha j’entends sa voix et je me retourne, pour voir qu’il a pas l’air bien. Il s’est fait embêter par quelqu’un ? J’sais pas, mais je fronce les sourcils en m’approchant et posant les canettes sur une table, j’vais pas laisser passer ça.

« Eh. », j’interpelle la grande perche qui embête mon ami en gonflant les joues. « Laisse le tranquille, ok ? On est libre de faire c’quon veut ici. Si t’es pas content tu t’en vas »

J’attrape la main de Bae et m’éloigne en le tirant avec moi, reprenant les boissons sur le chemin. J’essaie de nous éloigner de la foule, de nous trouver un petit coin illuminé loin des autres, où on peut quand même s’asseoir et traîner, près de la plage, et j’me retourne vers lui.

« Pardon. », je lui dis sans lâcher sa main. « J’voulais pas que tu passes un mauvais moment. Pis j’aurais pas dû aller trop vite, je t’aurais pas laissé tout seul. »

Le regardant, souriant un peu, je lui tends une des canettes de mon autre main.

« Tiens, celle-ci est sans alcool. On peut s’asseoir là, c’est un peu isolé, et papoter jusqu’à que tu te sentes mieux. J’te laisserai pas, j’ai dit, ok ? »

Se faufiler entre la foule, comme ça, même si c’est pas dans le meilleur des contextes, ça m’rend nostalgique. Et excité, un peu. J’me souviens quand je devais plus ou moins me tortiller entre les gens pour fuir les forces de l’ordre parce que j’étais trop jeune pour ce genre de soirées ou j’sais pas. Parfois j’faisais des bêtises aussi. Et comme j’suis petit, hop, je me faufilais ! C’était excitant. Parfois, c'était pour fuir des mecs ou des meufs qui pensaient qu’ils pouvaient avoir un deuxième shot avec moi, alors que j’leur avais dit une fois, c'est tout.  Qu’est-ce que j’peux dire, j’ai un don pour charmer les autres, nan ?

Bref, on réussit à s’éloigner. Moi, j'ai encore l’excitation au ventre, des feux d’artifices au creux de l’abdomen, un sourire qui ne fait que s’agrandir au coin des lèvres. Mais j’imagine que c’est pas pareil pour Bae. Déjà, il a pas trop l’habitude des coins comme ça, ou d’être autant entouré. Et puis, il s’est fait embêter. Donc forcément, il a pas la tête à rigoler.
Mais c’est là que j’entre en jeu - parce que c’est mon job à moi, de faire sourire les autres.

Assis à côté de lui, je prends quelques gorgées de ma boisson, poussant un petit soupir satisfait à l’alcool qui vient enivrer mes sens, booster mon humeur. J’ai dit que Bae avait une boisson non alcoolisée, j’ai pas dit que la mienne l’était. J’adore boire de l’alcool, même si c’est juste pour chiller sur le bord de la plage. C’est toujours bien, j’sais pas, ça rajoute un truc. Une p’tite spark, vous voyez ? Non ? C’pas grave, j’me comprends.

Et puis, Bae m’pose une question, et je penche la tête sur le côté. Mhm ? J’suis pas sûr de comprendre.

« Hein ? Bah, pourquoi j’le ferais pas ? »

J’le regarde, yeux ronds, sincère. Pourquoi je l’aiderais pas, sérieux ? C’est mon pote. Puis même si ça l’était pas, j’essaie toujours d’aider les autres. À moins qu’il soit vraiment méchant envers moi et qu’il me déteste, auquel cas j’passerai à autre chose, même si ça me fera un peu mal.
Regardant la mer face à moi, je réfléchis un peu à ma réponse.

« Hmh… J’sais pas. Déjà j’fais pas vraiment d’efforts. Fin, c’est normal ce que je fais. C’est parce que t’es mon ami. Puis même si tu l’étais pas, si on était juste des connaissances, j’le ferais quand même, sauf si t’étais vraiment méchant à me repousser, me tabasser ou m’insulter moi ou mes proches. Mais j’suis sûr que t’es pas comme ça. »

J’bois quelques gorgées de ma boisson, avant de tourner ma tête vers lui, tout sourire.

« Pis j’t’aime bien. Parce que t’es gentil. T’es naturel. Pis j’te trouve drôle. Pis j’sais pas - on a vraiment besoin d’raisons pour apprécier les gens ? Moi j’pense que parfois, tu peux juste aimer les autres. Comme tu peux détester quelqu’un sans explications. »

Je reposes mon attention sur la mer, mon sourire ne quittant pas mon visage, même si je m’apprête à prendre un ton un peu plus sérieux.

« Pis… J’ai toujours voulu aider les autres. Faire des efforts. Quand j’étais jeune, maman était triste parfois. Alors j’faisais tout pour la rendre heureuse, et son rire était la plus belle chose du monde à mes yeux. Du coup j’veux rendre les autres heureux, comme j’rendais heureux maman. Ce serait beau, si tout le monde voyait la vie en couleurs, non ? »

Je jette mes mains en l’air à mes mots, riant, avant de tourner une nouvelle fois la tête vers Bae.

« Alors, j’pense que c’pour ça que j’ai envie de tout faire pour toi. Ça m’fait plaisir. »

La nuit est douce, elle est belle et rafraichissante. J’aime bien la nuit, quand les éclats éloignés d’une fête retentissent, quand les vagues s’échouent contre la plage, quand un ami se confie. Yeah, j’aime la nuit quand elle est vivante. Parce que même si la nuit est le moment où tout dort, ça ne veut pas dire que rien ne doit vivre.

C’est pour ça que j’suis comme ça. Que j’suis enjoué, que j’mets de la couleur partout. C’parce que j’aime vivre, et j’veux que tout vive autour de moi. Le sable, la mer, la musique, les gens, l’air. J’veux tout faire vibrer, et sentir la vie couler dans mes veines, s’insuffler dans mes poumons, s’étendre sous mes yeux, s’entendre dans mes tympans. Et j’veux que tout le monde puisse la ressentir comme ça, aussi - puisse vivre chaque instant en riant, sans le regretter.
C’est un but un peu niais, j’sais. Mais rien n’est impossible, nah ?
Juste improbable.

Après mon long monologue, j’me balance un peu sur place, sirotant ma boisson alcoolisée avec un petit sourire en coin. Oh damn faut pas que j’boive trop sinon j’vais être trop excité pour dormir. Enfin, est-ce que j’ai vraiment prévu de dormir, après ? Ce serait pas hyper cool de rester assis là jusqu’à que le soleil se lève ? Un peu symbolique, aussi. Philosophique.
Et cliché. Mais damn, j’aime les clichés. Et j’m’en fou aussi, clairement. Alors où est le mal ?

Pis Bae me dit que c’est grâce à moi, et je le regarde en penchant la tête, sans vraiment trop comprendre. Qu’est-ce qui est grâce à moi ? Bae est Bae, c’est pas moi qui le guide. Sûr, j’le pousse un peu parfois, je l’aide, j’le taquine. Mais il est chef de ses actions et de sa vie, j’le forcerais jamais à rien. Alors j’pense que si Bae est comme ça, c’est parce qu’il est comme ça.
J’ai rien à voir là-dedans. Mais content si j’peux aider, j’imagine ?

Sourire aux lèvres, je lui tapote le haut de la tête avant de me relever et de m’étirer. Et puis, il demande si on peut rentrer. Boh, on passera une autre fois pour le lever de soleil.

« Pas d’soucis ~ », je réponds en lui tendant la main pour l’aider à se relever. « Bon, j’ai qu’une chambre et elle est pas très grande, alors tu dormiras avec moi. Ça t’va ? »

Je lui fais un petit clin d’œil, avant de rire et de l’entraîner avec moi pour rentrer. J’espère vraiment que j’vais réussir à l’aider, et à égayer sa vie pour qu’il puisse sourire tous les jours.
J’ai envie de faire rire tout le monde - mais lui, p’t’être un peu plus.