Arc 1 : L'éclipse des dieux
Évite les herbes hautes.
La mer représente un danger.
Ne dépasse jamais les limites de la clairière.
La montagne, ne la regarde surtout jamais, vraiment.
Et ne viens pas pleurer si le volcan gronde contre toi, c’est normal.
Tout le monde ici a entendu ces phrases. Tout le monde sur Lentis a entendu ces
mêmes mots être prononcés de la bouche de tous les adultes qu’ils ont pu croiser. C’est normal,
la plupart de celleux qui s’y sont aventurés ont connu un bien horrible sort. Où alors ont-iels été
ébloui·e·s par la magnificence d’un monde que l’on disait hors limites. Là-bas, tout est hostile. La
nature elle-même, les flammes des feux de camp, le regard des humains. Les gens ne sont jamais les bienvenus.
« Retourne d’où tu viens ! » t’hurle la nature. Et si tu étais docile, si tu étais ce
bon enfant que tous les parents rêvent d’avoir élevé, peut-être le ferais-tu, peut-être
écouterais-tu la voix de la nature; la voix de la raison.
Mais elle se contredit.
D’elle-même, elle change parfois de voix. La nature, Lentis, l’archipel… tellement de voix
différentes. Tellement de voix qui disent toutes des choses différentes.
« Pars. »
Il pourrait t’arriver du mal.
« Je t’attends. »
J’ai un présent pour toi.
« Où es-tu ? »
Tu me manques.
Et tous ont ce même problème. Il n’est pas question d’un·e élu·e. Ici, sur Lentis,
tout le monde a cette particularité métaphorique. La nature l’appelle. Les anciens racontent
cette vieille légende souvent. Tout le monde la connait. Tout le monde en rêve enfant, l’espère
en vieillissant, devient dément une fois à la retraite par sa simple existence : lorsque la nuit
se fait dense, on peut voir cette lumière qui naît au loin. Loin. Très loin. Inatteignable et
symbole d’espoir. On dit que ce sont les gardiens de l’archipel qui s’affairent à nous protéger
d’une menace, comme ils l’avaient fait autrefois. On dit qu’ils nous protègent de leur corps
constamment, même si on ne les voit pas. Et on a beau les chercher, c’est comme s’ils
n’existaient pas, comme s’ils n’étaient que des chimères envahissantes occupant la fascination
collective et qui, pourtant, jamais ne se montrent.
Et nonobstant leur invisibilité, on les traque.
Il a fallu une photo, il y a une cinquantaine d’années, une simple photo d’un Pokémon légendaire
et d’un groupe de Pokémons lumineux pour qu’accourent, de partout autour du globe, une myriade
d’étrangers; d’humains.
Une simple photo et voilà que les scientifiques, les touristes, les braconnier·ère·s et les dresseur·euse·s
de ce monde se rendaient sur l’archipel avec la seule ambition d’acquérir ce légendaire,
Xerneas, pour leur propre besoin.
Malgré son souffle autrefois discret, Lentis est devenu l’objet d’intérêt de trop de gens. Les
projecteurs se sont tournés vers elle. Elle a connu un essor qui l’a transformée. Pour six
Pokémons un peu différents…
Mais c’est le propre de l’Humain, traquer ce qu’il ne comprend pas.
Et ce pourrait être simple si l’archipel, de son souffle, ne privait personne de cette chasse au
trésor. Mais Lentis respire. Lentis vit. Et elle est dangereuse. Elle vous acculera contre un
mur brûlant avec à vos pieds une horde de Seviper si elle en a l’occasion. Elle veut protéger
celleux qui la protège… et il n’y a aucune distinction entre celleux qui veulent la même chose qu’elle
ou qui veulent le contraire.
C’est comme ça, depuis que l’Humain a créé ses villes, que les Pokémons se sont
exilés dans des recoins plus calmes, que les Pokémons lumineux sont portés disparus. En dehors
des villes, rien n’est sécuritaire.
Lentis est hostile. Lentis est sauvage.
Et elle voudra vous avoir.
Elle a déjà commencé à vous appeler. C’est pire encore depuis que les fleurs luminescentes ne répondent plus aux orbes et qu’elles ne s’allument plus en présence d’Humains. Y aura-t-il une âme assez persévérante pour comprendre où la magie de l’île s’en est allée ? Converge-t-elle vers Calléis au seul endroit où, ponctuellement, une fleur clignote, laissant sa lumière s’éteindre puis s’allumer dans l’horizon ?