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Le vent souffle le sable et pousse les nuages,
Lentement, sûrement, vers d'autres horizons.
Quelque chose bouge, au loin, peut-être un mirage ?
La grand-mère sereine sort de sa maison.

Avec son petit-fils, ils vont jusqu'à la plage,
Dans le but de construire des châteaux de sable.
Mamie les attend, observe son équipage,
Alors qu'ils courent à la mer – inépuisables.

Les mouvements, là-bas, se poursuivent encore
Un pokémon, peut-être et qui vient vers Pierrette,
Une ombre qui glisse, se fond dans le décor.
La Mamie surveille, entend les cris des mouettes.

Mais ce n’est qu’un Bacabouh, un Bacabouh qui traîne sur la plage. Que fait-il ici ? Pierrette l’ignore ; elle espère qu’il restera suffisamment loin, même si elle n’a aucune crainte pour elle-même, grâce à Fripouille, Diego et Mika’el qui peuvent la protéger. Et puis ses vieux os ne sont pas si importants, non, ce qui serait embêtant c’est si ses petits-enfants sont attaqués. Ou bien, et si le pokémon venait détruire le château de sable lorsqu’il sera construit ? Ce serait vraiment terrible, parce que Mika’el peut protéger la famille, mais c’est difficile de protéger un château qui ne peut pas s’enfuir et qui peut simplement attendre que le vent et les vagues ne viennent le détruire peu à peu.

Le Bacabouh s’en va, dans la direction opposée, et les Golélise continuent à voler en hurlant au vent, à la mer, aux terres encore inconnues et invisibles. Perdue dans ses pensées, Pierrette se rend compte que les deux jeunes sont déjà revenus, et qu’il est l’heure de bâtir les fondations. Octa’hani sera l’architecte, et elle n’est que les mains, celles qui poseront pierre après pierre pour rendre le projet réel. Mais les mains seules ne peuvent rien faire, il faut qu’on les guide, pour qu’elles sachent comment construire. Pierrette a toujours aimé construire des châteaux de sable, et même adulte avec son mari, ils continuaient à en construire parfois. C’est lui qui a montré aux plus âgés comment tenir la pelle et comment faire des murs droits. Octa’hani, lui, n’a pas beaucoup connu le grand-père, mais il lui ressemble beaucoup.

« Bien, comment dois-je t’appeler ? Monsieur l’architecte ? »

Il faut rentrer dans la peau du personnage ; Pierrette a joué une ou deux fois dans des pièces de théâtre, mais seulement des trucs où il fallait danser, des comédies musicales où pokémons et artistes se mêlaient en une association de sons et de couleurs. Elle aime les jeux de rôle, faire semblant – combien de fois a-t-elle été méchante pirate, policière, princesse ou même dragon, pour jouer avec ses petits-enfants ?

Le Bacabouh se rapproche un peu, suffisamment loin cependant pour qu’il ne soit pas inquiétant. Peut-être qu’il appartient à quelqu’un qui se repose plus loin sur la plage ; ici ce n’est pas désert, même si l’on est loin des affluences de l’été, les touristes continuent à venir et les locaux profitent de la plage également. Oui, s’il avait été sauvage, il aurait déjà causé des dégâts sur la plage, ça tombe sous le sens ; ce doit être un pokémon domestique, qui accompagne un dresseur quelque part.

Mamie commence à tasser le sable qu’on lui donne. Il faut faire un cube, et c’est difficile de faire un cube avec du sable qu’on tasse – mais heureusement, Pierrette connaît bien les techniques pour y parvenir. Elle sait comment bien retirer les parties en trop, lisser les murs, pour qu’ils soient droits et donnent presque l’illusion d’un vrai château où pourront se dérouler un millier d’histoires lorsqu’il sera bâti.

Pierrette ne dit pas à son petit-fils que l’architecte faisait les plans mais que ce n’était pas lui qui creusait le sol et mettait les mains dans le ciment ; il pouvait bien être l’architecte qu’il voulait et être à la fois celui qui faisait les plans et le maître du chantier, après tout. Il n’y avait pas de règles – ou peut-être était-ce à eux de les créer. Octa’hani s’attelait déjà à creuser le sable, à façonner le château sous ses doigts devenus experts avec les années de pratique à Ike-kai. Sio suivait ses traces ; comme leurs aînés avant eux. Combien de châteaux avaient vu le jour sur cette plage, bâtis par des Ehu-kai rêveurs, joueurs, combien de châteaux avaient été emportés par la marée ?
Pierrette n’aurait su compter ; elle avait accompagné tant de fois ses petits-enfants à cet endroit, pour leur montrer comment faire des murs droits, ce que Hoa'nui lui avait lui-même appris auparavant.

Des années de joies et de peines s’étaient déroulées ici. Il y avait eu des guerres et des cris, des rires aussi. Des Non, Gik’ea, ne marche pas sur le château d’Ataro. Des Viens t’aérer un peu, Eka’ana’ana, tu ne vas pas rester enfermée toute la journée.
Des fragments de leur famille qui vivaient dans ce sable, ce même sable que Octa et Sio façonnaient aujourd’hui.

« Oui, je pense que ce sera un beau château. Il faudra qu’on trouve des morceaux de bois pour faire le pont, pour que les chevaliers puissent rejoindre le château ! »

La grand-mère savait faire des ponts : il valait mieux les planter perpendiculairement à la douve, pour qu’ils restent bien stables. On pouvait aussi ajouter des algues pour décorer ou faire semblant qu’il y avait des monstres dans les douves. Il fallait un emblème au Roi qui devait habiter ici ; peut-être une plume ou bien la pince, selon si le peuple de ces terres était un peuple guerrier – les Écrapince étaient réputés pour leur agressivité. Mais avant, il fallait terminer la construction.

« Tassez bien pour que ça ne s’écroule pas. Vous avez besoin d’eau en plus pour humidifier le sable ? »

C’était ici, aussi, que Pierrette et son mari avaient appris à leur fils ses premiers châteaux ; il avait environ trois ans lorsqu’ils étaient arrivés à Lentis, des décennies plus tôt. Et force était de constater que, si beaucoup de choses avaient évolué, changé, en bien ou en mal – cette plage-là semblait comme figée par le temps.

La grand-mère avait un seau pour mettre de l’eau, et elle savait aussi ou trouver des galets s’il y avait besoin. Elle avait appris à ses petits-enfants à faire des ricochets, dans la baie ou dans le port, mais il fallait faire attention aux bateaux dans le port ; une fois ou deux un caillou avait mal rebondi et ils avaient fui comme des voleurs, pour rire, car personne n’avait jamais fait attention aux Ehu-kai qui faisaient des ricochets dans le port.

Il y avait, souvent, des fondations fragiles bien incapables de soutenir, de supporter le poids de tout ce qu’on cherchait à leur faire supporter. Pierrette connaissait ces fondations-là — Pierrette avait elle aussi bâti de ses mains de nombreuses choses et appris en faisant des erreurs, en créant de ces fondations trop fragiles ; ces fondations qui avaient fini par s’effondrer sur elles-mêmes, château de cartes qu’un souffle de vent pouvait emporter, château de sable qu’une vague pouvait arracher. Et elle avait appris.
Elle avait appris que dans la vie comme ici sur la plage, on pouvait construire bien plus qu’une tour branlante, chancelante, instable. On pouvait réussir à construire quelque chose de beau et de grand — mais comme la marée montante l’enseignait, quelle que soit la construction, elle resterait éphémère.

Pierrette avait appris les châteaux de sable avec Hoa’nui, sur les plages calmes d’Alola où elles pouvaient persister des jours entiers sans que rien ne vienne détruire l’édifice. Inévitablement, pourtant, un matin le sable avait repris sa place sur la plage, et il ne restait du château qu’une bosse, dune minuscule, si bien que Pierrette et Hoa’nui étaient les seuls à savoir qu’un château s’était trouvé à cet endroit-là.
Aujourd’hui Pierrette érigeait un nouveau château, qui peut-être serait encore là demain ; un château avec les créneaux, la douve et les tourelles, comme ceux des chevaliers de Kalos d’une toute autre époque.

L’illusion était presque parfaite et il ne restait que les détails ; le pont, les briques, les petits dessins dans le sable mouillé qui le rendraient encore un peu plus convaincant. Le sable était dur et compact sous les mains de Sio qui lissait un peu un mur ou retirait quelques grains de trop ; puis Octa’hani déposa ses trésors pour terminer le château.

« Attends, oui, j’ai pris un coquillage-couteau ! Me prends pas pour une amatrice ! Il est là. Tiens Mamie, toi tu sais faire les créneaux ! »

Accroupie dans le sable, la grand-mère était concentrée pour former les tours dentelées. Les coquillages étaient de bons outils ; eux seuls pouvaient dessiner dans le sable sans abîmer les murs lisses et polis par leurs mains.

« Ah, bon, si tu as terminé les douves, tu peux construire le pont ! Sio, tu veux faire les dessins des briques ? »

Avec un deuxième coquillage pour dessiner, Sio pouvait désormais tracer des lignes parallèles et ensuite perpendiculaires, mais décalées, pour que les briques paraissent authentiques. Qai était douée pour dessiner les briques des châteaux de sable, mais Sio n’était pas en reste ; et la grand-mère était sûre qu’Octa allait construire un pont qui permettrait aux Ponyta de traverser, les chevaliers en armure sur leur dos. Ah, il fallait que le pont soit solide pour que personne ne tombe dans la douve !
Mais sa mission à elle était loin d’être terminée ; les créneaux étaient esthétiques, mais ils servaient aux archers à se tenir en embuscade, prêts à riposter si l’ennemi arrivait. Il y avait autour de ce château un monde imaginé, une histoire, qui changeait à chaque nouvelle bâtisse de sable dressée sur cette plage.