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Du haut de ses quatre ans, Renzo ne comprenait pas encore très bien ce qui se passait dans le cerveau des adultes.
Il avait un tableau de toutes les couleurs à la maison et beaucoup de monde constamment autour de lui, soit à le bichonner pendant des heures, soit à l’oublier suffisamment longtemps pour avoir un apperçu de ce qu’ils voulaient souvent lui cacher.

Lilium voulait souvent lui cacher beaucoup de choses, mais était très mauvaise à ce jeu. Du moins pour lui. Il voyait tout dans leurs yeux similaires, de l’amour à la joie à la detresse.
((souvent à la tristesse, aussi. Son père lui avait expliqué qu’elle avait perdu des gens et que ça l’avait beaucoup affectée –Renzo comprenait ! Des fois il perdait aussi sa peluche tarpaud et c’était la fin du monde. Il esperait juste que Lilium retrouve aussi ses gens, elle avait peut-être mal regardé sous le lit))

Alors Renzo, du haut de ses quatre ans, ne comprend peut-être pas bien pourquoi sa soeur était aussi rigide, mais il savait aussi qu’elle l’était beaucoup, et souvent quand les autres étaient triste.  « T’as raison je me sens déjà bien mieux, merci ! » Et voilà !

Un immense sourire aux lèvres, ilse tourne vers sa soeur, la mine fier, et accourt vers elle en la voyant nourrir Mimo.

« Gracias mi vida.
– Por qué?
– ...Porque nada. Te quiero. Vamos. »
Il ne comprenait pas tout, mais ses questions s’effacent avec le baiser qu’elle dépose sur son front et la main qui vient le décoiffer. Lilium s’éloigne, le laissant derrière à se recoiffer vainement sous les yeux curieux de Mimo et du noeunoeuf qui les suivait depuis un moment. ((il reste un bonbon dans la poche de Renzo, alors il le lance vers le pokemon inconnu – peut-être qu’il voulait juste manger))
Entraîné par le coup de tête amical de Mimoso, il rejoint les adultes et son nouveau copain, le paquet de gâteau toujours ouvert entre les doigts.

« Renzo tu veux la compote ? »
Quelle bonne idée. Un cri de joie quand il attrape la compote et tord l’embout avec les dents pour l’ouvrir ((« Renzo, pas les dents, t’as des doigts. »)) – c’était les mêmes compotes que son père lui achetait – et il tend le paquet de biscuits à Jay. « Merci ! Tu veux des gâteaux? »

Dans le silence de leur mâchouillements, il écoute curieusement les adultes discuter (( « Désolée pour tout à l’heure au fait. Euh, non, c’est pas…’fin… J’espère que je t’ai pas trop gênée, je- ah ! Hein? »)) sûrement des trucs d’adultes vu qu’il y comprenait rien.

Mais les deux adultes avancent à plus vive allure, entrainant pokemons et enfants à leur rythme, avant de ralentir quelques minutes après, quand la plage devient un peu plus rocheuse et qu’il y a un peu moins de monde.

« Woah, c’est joli ! Trop la chance. C’est joli comme ça partout ici? C’est pas joli comme ça partout à la maison.
– Mhmm. Tu voudrais habiter ici?
– Mmmmmh. Je veux habiter avec papa, et toi, et tout mes frères et soeurs, et Juan quand il sortira de sa grosse boite, et, OH ! Si on habite ici on pourra jouer tout les jours ! Il sautille, sa main libre aggripée à la manche de son copain.
– Pff, haha. T’as pas besoin de vivre avec des gens pour jouer avec eux. »
Vexé, les joues gonflées, il se tourne vers sa soeur aînée.
« Tu dis ça parce que t’es pas copine avec tes voisins.
– Quoi? C’est giga faux déjà, je suis grave copine avec la vieille du sixième étage.
– Je la connais pas ça compte pas. Tu peux faire le truc du téléphone? Por favor por favor por favor, con siñora Meera, para mi. »
Un clignement d’yeux pour la faire succomber, comme il avait appris il y a bien longtemps –elle fronce les sourcils, marmonne quelque chose, et sort finalement son téléphone de sa poche – bingo.
« Change pas le sujet, on finira cette conversation ce soir. Moi, pas d’amis? Demande à mes potes si j’ai pas d’amis. Pff. Hem. Je peux noter ton numero? Ou te donner le mien. Pour un play date des petits. Sinon Renzo va chouiner toute la soirée ((Eh, même pas vrai !)) et pas me lâcher. »

Les dents serrées elle fusille du regard son petit frère, qui joue les innocents avec son grand sourire narquois. ((et derrière leurs façades il n’y a pas d’éphemère animosité, juste une bienveillance éternelle))
Il a vite fait de se détourner pour continuer son goûter avec Jay, laissant son aînée chargée de ramasser les pots cassés – les pots gênés et délicats de fragilité.

« Oui bien sûr ! Juste euh… ça m’arrangerait si tu ne racontes pas trop autour de toi que tu as mon numéro, haha… Pareil pour Renzo. » Il lui faut quelques secondes pour comprendre l’information, quelque secondes pour en chercher le sens, quelques secondes pour abandonner rapidement. Un haussement d’épaules et un regard vide. « Euh oui si tu veux. » Elle n’aurait sûrement pas l’occasion, sûrement aucun intérêt à le faire ; le peu de contacts qu’elle avait était rarement un sujet de conversation, et elle ne voyait pas pourquoi elle viendrait à parler de Mee– Ah.

« Ah ! »
Numéro acquis elle range son portable dans son sac, et s’empresse de rester sur le sujet – tout ce qui pouvait éviter de revenir à ce qu’elles disaient, avant qu’elles ne disent ce qui ne pourrait être évité.
((sa situation familiale comme une ombre qui jamais ne la quitte, comme une présence soufflant sans sa nuque prête à se dévoiler dès qu’elle le pouvait ; un géant que Lilium étouffait et cachait du mieux qu’elle pouvait, mais dont il suffit d’un doigt dans la lumière pour qu’il s’impose, traître et évident. Elle pouvait cacher son enfance de toutes ses forces mais sans exemple pour mentir, il était bien difficile de faire autre chose qu’éviter le sujet))

« Rapport à Angel la pop-star? Mes petites soeurs sont fans. T’inquiète, je dirais rien. Et je suis quasi sûre que Renzo a pas fait le rapprochement. »

Il était encore trop petit pour s’en rendre compte, trop petit pour s’interesser au type de musique que ses sœurs écoutaient à la maison. Lilium lui dira sans doute par défaut, mais elle ne voyait pas de réel danger. Elle-même n’avait tiqué qu’après s’être souvenue d’une Pia pipelette un soir à lui raconter le fait que la chanteuse du moment avait disparu du jour au lendemain, comme une étoile qui s’éteignait brutalement dans le ciel.
Lilium ne s’était jamais vraiment interessé à ce milieu-là : le milieu glamour de ceux qui ont leur nom sur les panneaux publicitaire, le haut milieu des diamants portés en collier pendant que son milieu tire le charbon des entrailles de la terre.

Mais Meera tenait plus du joli vase usé et brisé que la divine couronne qu’on lui avait donné, alors Lilium ne la méprise pas comme elle méprise ceux d’en haut.
Elle s’y connait, en vase brisés.