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tw : dépression

Une fatigue – lourde, sombre, au gout amer et aux relents sourds dans tout le corps. Ce n'était pas à cause de ses horaires, cette fois ; Neas aurait bien aimé y croire, mais ç'aurait été se mentir. Sa fin de journée de taff (ou de soirée, en l'occurrence) vers une heure trente du matin n'avait rien à voir avec la façon dont son crâne était mélange de brouillard dense et de vapeurs étouffantes.

C'est qu'elle était lourde, la Dépression. Parfois, elle s'allongeait de tout son poids sur lui, pesante et immense – Duralugon glorieux dont la masse l'écrasait au point de l'en empêcher de respirer. Et il luttait, ensuite, pour que ses poumons se remplissent, qu'on lui relâche les membres, que quelque-chose se passe, n'importe quoi (parce que l'immobilité devenait intolérable et qu'il y était impuissant) et qu'enfin, enfin, le Duralugon libère son corps de ses griffes et lui permette de tenir un jour de plus.

Parfois, elle se faisait discrète, cette Dépression, se contenter de surveiller ses pas, de marcher dans ses empreintes, à quelques mètres de distance – écart adoré, écart soulagement. Et il happait l'oxygène dans ses poumons avec la ferveur d'un assoiffé sortant d'une traversée du désert. Mais elle revenait toujours, s'aggrippant à ses chevilles, se faisant boule de métal d'un prisonnier et passant ses chapines autour de lui en une étreinte corrosive.

(Et pourtant, pourtant, elle apportait un air de familiarité avec elle – parce que sa gravité était quelque chose de connu, à force, et que son poids lui était imposé depuis si longtemps que Neas n'était pas certain qu'il saurait quoi faire le jour où il disparaîtrait pour de bon. S'il disparaissait.)

Téléphone sorti, heure vérifiée – deux heures dix – bon. D'ici deux heures trente environ, il serait rentré : et il pourrait se doucher rapidement, se jeter au lit et puis ignorer le reste du monde. Du moins, jusqu'au lendemain matin, où il ouvrirait malheureusement les yeux pour affronter à nouveau la journée, entouré d'imbéciles pour la majorité du temps. (Peut-être que la fatigue le rendait plus cynique.)

Et puis, et puis, deux silhouettes, dans la rue adjacente ; une jeune femme, l'air un peu affaissée, voire recroquevillée sur elle-même, et un type semblant la dominer de sa taille. Le geste paraissant suffisamment menaçant pour qu'une pointe de colère perce la lassitude et la torpeur du Kopédien, et pour que Neas change de direction, pivotant vers le duo. Putain – s'il s'agissait d'un énième connard incapable de comprendre un "non" quand une fille le lui faisait comprendre, Neas allait probablement perdre patience dans les trois secondes suivantes. Il n'avait pas assez d'énergie pour ces conneries, sérieux.

« Il se passe quoi ?, » lâcha-t-il une fois à portée de voix, se plaçant à côté de la jeune femme. « Tout va bien ? » Ou c'est un emmerdeur lourdingue ?

Yep, ça n'était clairement pas une fausse alerte – la situation lui prenait déjà la tête. Le type avait l'air plus qu'ivre, se tenant droit mais légèrement vacillant, sa façon de parler un peu pâteuse, ce genre de choses ; et, même en dehors de tout ça, Neas était barman depuis plus de six ans. Les imbéciles s'étant enfilé le verre de trop, il savait les identifier. C'était aussi sans compter la façon dont la jeune femme se tenait, sans répondre à la question, à fixer le mec d'une expression paniquée. Elle était en tenue de jogging (et Neas se demanda un instant qui se disait que faire un jogging en plein milieu de la nuit était une bonne idée, puis se reprit aussitôt – si les gens n'étaient pas d'aussi sombres merdes, courir ou même marcher la nuit n'aurait jamais été dangereux. Qui les éduquait, sérieux ?), et ça voulait bien dire qu'elle ne connaissait le buvard ni d'Eve ni d'Adam et qu'il avait intérêt à dégager.

« Humm…? Hein ? Mais rien, on discute, c’est tout ! On veut juste inviter la miss à boire un verre, c’est tout ! » C'était pas possible d'être aussi stupide – Neas jeta un coup d'oeil vers la miss en question, qui n'avait absolument pas l'air enchantée de l'invitation, et réprima un soupir avant d'avancer un pas pour instaurer de la distance entre les deux. « Okay, mec, » et il lui saisit le bras, serrant fort – message peu subtil pour lui faire comprendre que lâcher la jeune femme là maintenant était la chose à faire – en avançant encore un peu. « Elle est en pleine course et elle te connaît pas, donc déjà tu recules et tu lâches l'affaire. J'suis prêt à parier qu'elle t'a dit non – toi et moi on sait très bien que t'étais en train de lui casser les couilles et même de la faire flipper. Maintenant lâche son poignet. »

Dès que Neas sentit la prise du type se relâcher sur le bras de la coureuse, il tira, l'écartant un peu plus d'elle et le repoussant d'un coup sec, sans ménagement. Bras croisés, regard fixe, il toisa le mec et se bougea plus. « Dégage, connard, c'est compris ? » Ce genre de lourd était insupportable – plus qu'insupportable. Ils lui hérissaient la peau et lui donnaient envie de faire mal, même si c'était techniquement interdit par la loi (et le sens moral, Neas supposait – il en avait bien un, mais celui-ci avait tendance à disparaître passé minuit et face à ce genre d'imbécile) – et, là, de suite, il était bien trop claqué pour essayer de garder un semblant de politesse ou de contrôle.

Derrière, la joggeuse avait l'air terrifiée – au moins autant par le type que par la situation. C'était con, en vrai, du moins de sa part à lui ; il aurait pu faire semblant de la connaître, l'appeler par un prénom random et la guider plus loin, jouer à l'imbécile ne comprenant pas qu'elle se faisait emmerder, et peut-être les tirer subtilement d'affaire. C'est ce que quelqu'un d'intelligent aurait fait. C'est ce que quelqu'un de prudent aurait fait, aussi. Mais Neas n'était pas spécialement prudent, et s'il ne se considérait pas comme stupide, l'heure était trop tardive pour que ses neurones soient en état de marche. Alors il laissait la colère et l'agacement l'emporter – et repoussa le type d'une bousculade, même alors que la jeune femme leur avait demandé de se calmer.

« ... Ah ouai, tu veux jouer à ça petite merde… » Il aurait pu deviner que ç'allait se passe comme ça ; après tout, les bestiaux dans ce genre n'étaient pas du type à vouloir être raisonnables. En plus de ça, il avait bu – sans compter le fait qu'il était plus large et plus grand que Neas, lequel avait une silhouette de brindille sur laquelle il s'était déjà vaguement fait charrier. Blaguer dessus, c'était marrant. Lorsqu'il se rappelait que ça pouvait représenter un vrai malus face à quelqu'un choisissant la violence, ça l'était moins.

Choc, douleur vive sur la joue, la pommette, la mâchoire ; sa tête parti avec le coup, le faisant reculer et manquer se casser la figure. Putain, « putain, connard, ça va, oui ?, » cracha-t-il, grimaçant – ça explosait dans son visage, ça piquait, ça pulsait, tout un tas de signaux indiquant qu'un bel hématome allait germer d'ici peu. « Casse-toi dans ton putain de bar, sérieux, » provoque, provoque, colère dans les veines et amertume dans le système.

(Pas spécialement prudent, trop fatigué pour être intelligent, et jamais eu envie d'être raisonnable.)

Un pas en avant pour rester dans le chemin du type, coupant sa route vers la jeune femme – et toiser, (colère), croiser les bras, fixer. « Si t'es pas capable de ranger tes pulsions dégueulasses dans ta poche et d'arrêter d'emmerder les meufs qui croisent ton chemin, autant rentrer chez toi. » Colère, colère, colère, l'énervement piquant partout et la fatigue le rendant encore plus irritable – le mec cassait les ovaires à une fille sans écouter son "non" et s'énervait au point de frapper les gens dès qu'on le rappelait à l'ordre ? Mais il avait quel âge, cinq ans ? Il lui avait collé un poing dans la figure et il s'attendait à ce qu'il ne réagisse pas ?

Neas-

Neas frappa.

TW : violence (coups), et uh, Neas being Very Not Mentally Healthy™ avec quelques associations de traumas dans le tout

Colère, colère dans les veines dans le système dans le crâne dans les membres colère parce qu'il y a avait de tels imbéciles dans ce monde que ça lui faisait tourner les sangs ; comment est-ce que quelqu'un pouvait être à ce point un connard ? Sérieusement, est-ce que les gens réfléchissaient, des fois ? Comment pouvait-on aborder une fille occupée, l'entendre dire qu'elle n'était pas intéressée et se dire, oh, tiens, si j'insiste ça passe ? Ou pire, se dire, "je m'en fous, parce que ce que Je Veux compte plus que ce qu'elle ne veut pas" ? Y avait-il réellement des types pensant de cette façon ? Et Neas était cynique, pessimiste – de ce genre à ne jamais prévoir le meilleur et toujours s'attendre au pire – mais bordel ce qu'il était irrité de la façon dont certains pouvaient être, parfois.

(Souvent.)

C'était prévisible ; c'était même ridiculement facile à deviner. L'ivre ne prit pas très bien le fait de se faire envoyer bouler, et encore moins de se faire frapper en retour ; l'alcool joua son rôle, l'idiotie aussi – une, deux secondes, la jeune joggeuse essayant de s'interposer à l'aide de supplications paniquées, se faisant bousculer à terre ; et puis, et puis, douleurs, chocs et pluie de coups. Et Neas avait beau être en colère, de ceux à qui la provocation sied plus que l'apaisement, de ceux qui préfèrent cracher du sang que des excuses – il était également plus petit, plus frêle et bien, bien plus fatigué que celui ayant décidé de passer sa frustration sur lui.

Il se fit renverser, le dos contre le béton et les oreilles sifflantes ; casse-toi dans le crâne « lâche-moi connard » sur les lèvres les poings contre un corps, lâche lâche lâche et frapper, frapper alors que l'on se fait blesser, alors que l'on se fait attaquer, (nausée dans l'estomac et de la glace un peu partout) – même si ça ne sert à rien, même si l'on est plus faible, même si on n'y arrivera pas lâche lâche lâche et Neas fumait, grondait, cognait. Pour lui, pour ces images au fond de son crâne en phosphènes tremblants, pour la jeune femme, qui n'avait rien demandé et se retrouvait d'abord harcelée, puis témoin d'une altercation tournant mal – pour faire mal, aussi, passer ses nerfs épuisés par l'absence d'ouverture et de compassion de l'humanité sur l'un des trop nombreux déchets en faisant partie.

Mais lorsque l'on essaie, encore et encore, et que ça ne sert à rien ; lorsque chaque heurt est plus violent, que la tête tourne, que le corps a mal et que ses propres poings ne savent plus où viser (lorsque apathie et épuisement prennent le pas et que l'on se dit, à quoi bon) – parfois, on finit par laisser tomber. Attendre que ça passe – vas-y, frappe et c'est amer, c'est dépité, c'est fatigué, c'est moqueur, aussi ; blesse-moi et mets-y ton âme, mets-y ton coeur, ta haine et je m'y abandonnerai.

(Neas se fit poupée de cire entre ses mains).

TW : Neas being Unhealthy & conséquences de s'être fait tabasser

Heurt, heurt, heurt. Coup, impact, douleur. Coup, impact, douleur. Encore, encore, et encore – le monde s'était brouillé, tout un ensemble de couleurs mêlées. Etoiles et petits points lumineux, oreilles sifflantes, le corps détaché, impact et Neas n'y réagissait plus. Qu'il frappe ; qu'ils frappent, qu'ils s'énervent, qu'ils déversent, le poison brûle et marque – qu'il se déchaîne, qu'il fasse mal et que l'apathie s'écarte, un peu, longtemps, les décharges de souffrance diluées dans un songe dans lequel il s'était perdu depuis trop d'années pour avoir encore l'envie de les compter. (Six – six ans.)

Depuis combien de secondes est-ce que ça durait ? Minutes ? Il n'aurait pas su dire – mais tout finit par s'arrêter. (Peut-être qu'il avait fini par perdre connaissance, tiens ; mais il avait trop mal pour être vraiment dans l'inconscience. Le visage, la clavicule, les côtes – bordel ce que se faire tabasser était douloureux.) Pourquoi est-ce qu'il ne se passait plus rien ? Le mec s'était lassé ? La police avait vu l'altercation par une coïncidence random ? Est-ce que- « ARRRGGGHHH !! SALOPERIE DE…! » Neas ouvrit les yeux, ou plutôt l'oeil, s'efforçant de voir ce qui se passait au travers un voile flou et humide. La silhouette du type tombait en arrière, une sorte de masse grise comme accrochée à son avant-bras- uh, est-ce que ç'avait des crocs ? Oh, putain, un Pokémon ? Qu'est-ce qu'un Pokémon venait foutre au milieu de la rue pour-

On lui saisit l'épaule, toute douceur aussitôt rendue inutile par l'éclat de douleur qui lui traversa le torse, décharge électrique provoquée par il-ne-savait-quoi dans son corps mais probablement quelque chose de fêlé. Ou cassé. N'importe, le type ne l'avait pas raté, et il grogna de douleur. « Ve… venez pendant que… qu'il est occupé ! » Ah, ah, ouais, ce serait peut-être une bonne idée. Peut-être. (Mais le sol était presque confortable, maintenant – si le mec décidait de continuer à l'éclater sur le béton, alors tant pis, non ? Pourquoi devrait-il- La joggeuse. Vrai. Il ne s'était pas pris des poings dans la figure et dans le torse sans raison. Il y avait une jeune femme que le con avait décidé d'emmerder.)

« Uh, j'arrive, » marmonna Neas, grimaçant aussitôt – bordel, parler lui faisait mal, bouger lui faisait mal, respirer lui faisait mal, même ; il se redressa avec la lenteur d'un escargot, le visage déformé par les élans de mal lui traversant l'intérieur, les uns après les autres. Putain, il lui avait brisé une côte, pas vrai ? Ce genre de truc faisait un mal de chien quel que soit le mouvement – s'il avait pu, il aurait foutu un coup de pied dans la tronche du connard se débattant contre le Griknot sauveur, à côté d'eux, mais il n'en avait ni le temps ni la capacité.

Neas suivit la jeune femme sans protester, se laissant aider, bien incapable de s'efforcer de jouer les durs. À quoi bon, même ? Il s'était fait avoir en beauté, et son corps entier devenait si lancinant qu'il aurait presque pu en pleurer. (Oh tiens, pas de boulot demain, jackpot. À moins que son manager ne décide qu'il était encore en état, mais il était sympa, alors ça l'étonnerait qu'il fasse le con de cette manière.)

Lorsqu'ils s'arrêtèrent – parce qu'ils étaient suffisamment loin du mec ou parce que Neas s'était mis à tousser au point de cracher ses poumons tout en grimaçant tant ça lui arrachait les côtes, l'un des deux, au choix – il s'appuya contre un mur et jeta un coup d'oeil à la jeune femme. « ...Uh, merci, » quoique ça semblait un peu- irréel. Il venait aider une inconnue pour au final se retrouver à avoir lui besoin de son aide. Au moins, on ne pourrait pas les accuser de cliché du mâle alpha volant au secours de la demoiselle en détresse, pas vrai ? (Bon sang, qu'est-ce qu'il racontait ? Le monde entier tournait, ou alors peut-être juste sa tête.) « C'était une tentative un peu ratée de t'aider, mais au moins il est plus là, » marmonna Neas, levant une main pour- ah, non, ça aussi, ça faisait mal. Tant pis, il ne s'essuierait pas la mâchoire, malgré l'impression de coulure qu'elle lui donnait.

« Toi, » grimace – parler faisait vraiment mal ; « ça va ? Il t'a pas eue ? »

TW : séquelles d'un passage à tabac ayant eu lieu genre 5mn auparavant

Et elle- …Et elle pleurait. Ah. Oui. C'était une réaction logique, après tout – elle s'était faite aborder par un lourdingue, probablement harcelée quelques minutes, le type l'avait carrément saisie par le bras, puis elle avait assisté à une bagarre alors qu'elle avait juste voulu faire son jogging. Pire : techniquement, ça n'avait pas été une bagarre. Neas avait pu lâcher un coup de poing, mais ensuite, il s'était juste fait dégommer la figure sans vraiment parvenir à se défendre. Ce n'était pas un spectacle que la plupart des gens appréciaient au quotidien, après tout. Ni même tout court. En bref, fondre en larmes était une réaction parfaitement normale, mais- Eh bien, Neas avait, uh.

Qu'est-ce qu'on disait à quelqu'un en train de se taper un mental breakdown, même ?

« Vais… bien…, » essayait-elle d'articuler, les mains agitées autour de la tête et incapable de reprendre une respiration calme. Ouais, super crédible. Au moins, elle n'avait pas l'air d'être blessée – c'était déjà ça de pris, parce que Neas ne se sentait absolument pas assez en forme pour retourner asséner un autre coup à l'autre connard, mais qu'il en aurait certainement eu l'envie s'il s'en était également pris à la jeune femme. Enfin, plus que ce qu'il avait déjà fait. « Respire, » dit-il, avant d'aussitôt se mettre à tousser, comme par ironie du sort. Putain ce que ça faisait mal – chaque respiration, chaque mot, chaque toux, douleur, douleur, lames d'acier contre le plexus et le thorax et des envies de pleurer comme de se recroqueviller.

(Tiens, pourquoi j'pleure pas, moi ?)

Ah oui, peut-être à cause de l'adrénaline et tout ce genre de trucs que le corps faisait en mode urgence. Ça faisait un mal de chien, mais moins pire que ce à quoi il se serait attendu. Bordel, il allait devoir aller aux urgences, pas vrai ? « T'as rien- putain, » grimace et éclat vif, décharges électriques dans le corps, « t'as- T'as rien fait d'mal, c'est l'autre connard qui- » Oof, et il avait dû s'agiter, avait dû se tortiller, parce que la vague de douleur suivante lui fit aussitôt serrer les mâchoires et se laisser tomber un peu plus contre le mur.

« Eh, euh, j'ai pas ton prénom, » normal, ils n'avaient pas vraiment eu le temps de faire connaissance proprement, là-bas, « tu crois que ce serait possible de- d'appeler les urgences ? Ou alors tu m'files mon tel, poche avant, » (parce qu'il n'était pas certain qu'elle soit en état de passer un coup de fil, mais il était hors de question qu'il fasse le moindre mouvement pour se pencher et qu'il se foute encore plus dans le mal) « et j'le fais et l'appelle une ambulance pour- » Quinte de toux, grimace, et la phrase laissée en suspens. Pour nous deux. Lui parce que, eh bien, foutues côtes et foutu crâne tournant un peu beaucoup trop (points de couleur sous les paupières), et pour elle parce qu'elle était clairement en état de choc et que Neas ne sentait absolument pas habilité à gérer quelqu'un en pleine crise de panique, là, de suite.

TW : séquelles d'un passage à tabac ayant eu lieu genre 10mn auparavant

Chloé, donc. Il enregistra l'information, avec plus ou moins de succès vu que sa tête se mettait peu à peu à faire mal (évidemment, 'fallait qu'il se tape une migraine et des vertiges en plus d'avoir l'impression de ne pas pouvoir respirer sans se planter des aiguilles dans le thorax ; pourquoi pas, après tout ?) ; et puis- « Je… je vais passer l'appel ! Ne vous… ne vous inquiétez pas je… je vais m’en occuper… » Et c'était soulageant, étonnamment, d'entendre ça. Okay. Elle allait passer l'appel ; il pouvait la laisser faire et il n'avait plus besoin de se forcer à réfléchir trop fort pour savoir exactement ce qu'il allait dire. « Ne… ne bougez pas trop et… essayez de rester assis… si… si vous avez du mal à respirer c’est le meilleurs moyen de soulager vos poumons… Vous… vous me croyez si… si je vous dis que j’ai fait 5 ans en école de… de médecine…? » Uh. Elle avait dit quoi, déjà ? Ah, oui, rester assis pour soulager les poumons – il se redressa vaguement, grimaçant lorsque sa clavicule décida d'être pénible et de protester vivement.

En vrai, ça lui disait un truc, comme conseil ; sauf que d'ordinaire, c'était le genre d'indications qu'on donnait lorsque les poumons étaient bloqués à cause d'une bronchite, pas à cause d'un tabassage. « Peut-être, ouais, manque juste le- » Comment est-ce que ça s'appelait, déjà ? « Le stégosaure ? » Neas avait vraiment la tête qui tournait. « Stéthoscope, voilà. » Le truc pour écouter les battements de coeur que tous les médecins se trimballaient.

Les yeux clôts, il la sentit fouiller pour son téléphone, récupérant le portable – okay, ça, c'était fait. Il pouvait peut-être dormir, du coup, non. C'était un peu flippant, à quel point il était fatigué, d'un coup. « Vous… est-ce que vous avez la tête qui tourne ? » La tête qui tournait ? Rire amer, rapidement transformé en toux terrible lui pesant sur le torse. « Elle tourne tourne tourne comme une soucoupe volante. » Enfin, si les soucoupes volantes tournaient, mais en cet instant, il n'avait pas spécialement l'envie d'y réfléchir. « J'ai un mal de crâne terrible, comme si j'étais en gueule de bois sans même avoir eu le bonheur de me bourrer la gueule avant. » Une seconde, est-ce qu'elle le vouvoyait ? Il n'était pas si vieux, si ? Quoique, avec les poings qu'il avait pris dans la gueule, peut-être que ça l'avait vieilli, physiquement.

« Pourquoi tu m'vouvoies ? J'ai vingt-cinq ans, » marmonna Neas, et- Ah, il ne s'était pas présenté, non plus. « J'suis, uh, Neas. » Putain, il commençait à avoir la nausée, maintenant. Et c'était quoi, cette silhouette aux larges dents qui s'était postée à côté de Chloé ? Ah, c'était pas le Griknot qui avait bondit sur le type et leur avait sauvé la mise ? Dis donc, vraiment pas le genre de truc qu'on avait envie de mettre en colère.

TW : séquelles d'un passage à tabac ayant eu lieu la même soirée

Elle était gentille, n'empêche – malgré l'angoisse et la situation complètement tordue, à essayer de blaguer et de l'aider tout en tremblant comme une feuille. Est-ce qu'elle était vraiment très timide, ou est-ce que c'était le choc ? Bah, l'un comme l'autre, Neas ne se sentait ni l'énergie de la mettre à l'aise, ni celle de la faire se détendre et calmer sa propre panique. D'un autre côté, il n'avait jamais été très habilité à faire ça, de toute façon. Qu'est-ce qu'il lui avait dit, déjà, Dyn, le jour où ils avaient parlé de crises d'angoisse ? De compter ses cinq sens ? Non, c'était plus précis que ça – et puis la nausée s'intensifia d'un cran, lui causant de se tortiller et de se donner l'impression d'avoir la clavicule en feu, alors Neas arrêta de réfléchir et se résolut à rester sage. Physiquement, du moins.

« Faut… faut dire que vo… tu… as fait… forte impression…haha… » Forte impression ? Pourquoi estce qu'elle- ah, si, il lui avait demandé pourquoi elle le vouvoyait. Ah. Eh bien, c'était une nouvelle victoire pour Romeo, qui passait son temps à le charrier en prétendant que Neas possédait une sorte d'aura intimidante, ou autre connerie de ce genre. D'un autre côté, c'était difficile de ne pas faire forte impression lorsqu'on se faisait littéralement passer à tabac sous les yeux de quelqu'un. « Forte impression par mes supers talents de boxeur, j'imag- » Grimace, tousser, serrer son poing – putain c'que ça faisait mal.

Neas se laissa dériver tandis qu'elle appelait les secours, la tête et les membres flous. Le sol était froid, frais – peut-être un peu humide, aussi, est-ce qu'il avait plu il y avait peu ? Impossible de voir le ciel, depuis leur petite allée ; les lampadaires éclairaient un peu trop bien les environs, éblouissant les champs de vision et causant un surplus de ce que Dyn aurait appelé de la pollution lumineuse. Apparemment, c'était l'une des premières causes de la mort de- uh, une certaine espèce d'Insecte. Laquelle, ça, il avait oublié. « Ne… Neas ? » Peut-être un papillon. « Les… les secours sont bien en chemin… ils arrive d’accord ? » Les quoi ? « Moi aussi je reste la… » Ouais, lui aussi, il allait rester ici. C'était presque confortable, même s'il avait de plus en plus mal et les pensées de plus en plus fl- « Aie ! »

L'exclamation le tira aussitôt de la torpeur dans laquelle il avait commencé à s'enfoncer, le ramenant sur terre. Quoi, qu'est-ce qu'il y avait ? Le type était de retour ? Ou est-ce que- Oh, okay. Le Griknot. Ouais. « ... Adénium ? Adénium ! Es… es-se que tu vas bien ? » Mais c'est qu'il était fier, en plus, le bougre. Neas se retint de rire, pas certain que ça lui ferait trop de bien. « Ah ben, c'est notre champion. » Dire que Neas avait moins bien géré un mec random qu'un simple Pokémon haut de quoi, soixante centimètres ? Et ressemblant à un Pac-Man auquel on aurait attribué un skin de Sharpedo, en plus gris. « Bravo, toi, j'espère tu l'as assez eu pour qu'il ait besoin d'appeler l'hôpital. » Pas le même qu'eux, par contre, ce serait un peu con.

Et puis, et puis- Neas reporta les yeux sur Chloé, et étouffa un soupir. « Désolé, en vrai. » Pas d'être intervenu ; pas d'avoir frappé le mec, pas de s'être interposé, mais… Il n'était jamais capable de ne pas provoquer, jamais capable de pas l'ouvrir, ces envies d'antagoniser l'autre devenues plus qu'instincts – devenues réflexes. « J'voulais t'aider, mais j'ai aggravé la situation. 'Fin, c'est l'autre connard le responsable, on est d'accord, mais- Ouais, y aurait eu mieux comme façon de faire. » Du style, faire semblant de la connaître, ou ce genre de techniques classiques.

Techniques auxquelles il n'avait même pas pensé, bien évidemment.

TW : séquelles d'un passage à tabac ayant eu lieu la même soirée + mentions d'agression sexuelle / viol sous-entendu

Bon sang, Neas ne savait pas ce qu'il avait exactement de cassé, mais ça lui flambait l'intérieur comme si on passait ses poumons au chalumeau. Ou bien ses côtes. Ou les deux, en fait. Et dès qu'il aurait voulu bouger, utiliser l'un de ses bras, n'importe quoi lui demander de ne pas être immobile, une douleur violente lui explosait… quelque part. La chose lui tiraillait tant les nerfs qu'il n'aurait pas su dire d'où est-ce que ça venait. Ah, et le monde tournait de plus en plus. Une commotion cérébrale, c'était grave ou pas déjà ? Ou bien est-ce que ça s'appelait un traumatisme crânien ? …ou autre chose ? Il pouvait peut-être demander à Chloé, sauf qu'elle avait déjà l'air suffisamment paniquée comme ça.

(On se demandait bien pourquoi, tiens.)

« C’est… c’est pas ta faute !, » dit-elle, ce qui était à la fois vrai et à la fois faux – certes, la connerie du type ne regardait que lui, mais il y avait mieux que de provoquer un con. On ne savait jamais, il aurait pu sortir, Neas ne savait pas, un couteau, par exemple. « Tu à pas à t’excuser, tu… si t’étais pas venu m’aider, je… je sais pas ce qui aurait pu se passer… » Ce qui aurait pu se passer – grimace. Lui comme elle savaient pertinemment ce qui aurait pu se passer, et c'était un truc que Neas était bien content d'avoir pu épargné à la jeune femme. (Ça déchirait, ça détruisait, ça revenait aux pires moments et l'on fixait les murs en ayant l'impression que sa propre peau n'appartenait plus à soi-même, mais à chaque responsable ayant décidé de l'utiliser sans accord. On sombrait à l'intérieur, et l'on s'en blâmait, comme si- ta gueule, Neas.) « Y pense pas. C'est pas arrivé, t'es saine et sauve. »

Le ton était vaguement sec, mais la colère était toute entière dirigée contre ce type. (Qu'ils aillent passer leurs jours en taules, putain.)

« Je… je… sais pas si… si y aurait eu une meilleurs façon de faire mais… mais certaines personne se serait même pas donner la peine de… de faire… Alors… alors… alors merci d’être venu à mon secours… et… et c’est moi qui… qui s’y désole que tu es fini dans cet état… » …Uh. Neas plissa le front, s'efforçant de se battre contre le bourdonnement qui lui prenait peu à peu les tempes et de déchiffrer ce qu'elle avait dit mot par mot. C'était l'une de ces personnes sincèrement gentilles, pas vrai ? La façon dont elle le remerciait, s'excusait encore – un rire, absurde, stupide, tranchant le silence (et puis une exclamation de douleur, parce que putain il n'aurait pas dû laisser le rire l'emporter, foutu torse). « Tu sais quoi ? » Le mot sortit étranglé, étouffé, et il lutta pour éviter que ça ne ressemble à un aspirateur mal embouché. « J'te propose qu'on s'excuse plus, parce que le vrai connard, c'est le type, pas toi ni moi. Deal ? »

Il n'empêchait que le monde tournait réellement de plus en plus – Neas cilla, levant une main (et la baissant aussitôt dans un grognement de douleur, merde alors) pour s'efforcer d'essuyer son front. « Eh, Chlo » é, Chloé, mais la dernière syllabe mourut avant de pouvoir sortir. Le Kopédien décida de laisser tomber. « Tu sais dans combien de temps ils vont se pointer ? J'ai une nausée de malade, et j'crois c'est- pas bon signe ? »