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Il paraît qu’il y a des Zarbi dans ces grottes. Tu as lu ça un peu plus tôt sur les réseaux sociaux, mais tu sais qu’il ne faut jamais trop croire ce qu’on y lit. La plupart des gens aiment faire leurs intéressants et ne racontent que des mensonges — exactement comme toi, mais quelle importance ? Il pourrait tout aussi bien y avoir des Zarbi dans ces grottes, sans que personne ou presque ne les ait jamais repéré. Il pourrait y avoir des Pyrax Luminescent ou bien rien du tout, seulement les cadavres de ceux qui se sont perdus avant toi, les squelettes entassés depuis des siècles à cause de l'agressivité des pokémons ou à cause de raisons encore mystérieuses.

Ça n'a pas tellement d'importance. Peut-être que tu trouveras des Zarbi.

Le vent fait voler les grains de sable et fait résonner les murmures de Lentis en écho dans les cavités ; certaines grottes semblent plonger dans les entrailles de la terre, ténébreuses et sans fond. Les murs sont immenses autour de toi et l'impression d'être minuscule et observée depuis l'intérieur d'une des cavernes mais laquelle ? Il y en a tellement et n'importe qui pourrait t'observer bien à l'abri des regards. Tu respires une journée de plus, air chaud et moite qui sent le renfermé, et le cœur qui bat quelque part en dedans et ça fait du bien, il y a de l'espoir, il y a de l'avenir car ici tu feras des découvertes qui changeront le monde. Tu trouveras peut-être des symboles de ces gens qui vivaient ici avant vous, et tu feras venir Ophelia parce qu'elle te prend pour une demeurée et tu lui montreras qu'elle avait tort, que toi aussi tu peux faire des découvertes importantes et être importante et briller. Peut-être qu'elle est jalouse parce que tu brilles plus fort qu'elle.

On raconte que le Pyrax Luminescent lui-même est venu ici, il y avait peut-être un nid, c'est peut-être de là que Psychedelic vient. C'est avec elle que tu es venue, parce qu'elle aime la chaleur et le sable qui vole et les grottes remplies de ténèbres. C'est un peu sa maison ici et si tu la suis tu trouveras sans doute des traces même infimes du passage du Gardien suprême. Tu iras voir Neas avec les preuves de son existence et il lèvera les yeux au ciel parce que tu pourrais tout aussi bien avoir tout inventé mais ça ne fait rien, toi tu sauras la vérité. Il n'y aura peut-être bien que Callio qui te croira et Zamas, aussi, surtout Zamas parce que ton jumeau te croit toujours.
Tu te dis que tu aimerais bien adopter des Zarbi et donner un Zarbi C à Callio et un Zarbi Z à Zamas, ce serait assez amusant. Ophelia en a déjà un, un X mais tu ne sais pas pourquoi. Sans doute parce qu'elle n'a pas choisi, à vrai dire.

Aujourd'hui tu marches à côté de Klimat, juste derrière Psychedelic. Tu la suis en te disant qu'elle va t'emmener quelque part, dans un lieu secret qui reste encore à découvrir.

Toujours accroché dans la fourrure épaisse de Klimat, Épingle commence à se réveiller. C’est un pokémon nocturne, encore plus depuis qu’il est devenu un Blindalys. Mais déjà avant d’évoluer, quand il n’était qu’un petit Chenipotte, il a toujours été plus actif lorsque le soleil se couche. Les rayons du soleil éclairent encore tes pas, avec comme un voile coloré, chaud, peut-être rougeâtre ou bien orangé, de la couleur que le ciel prend lorsqu’il est déjà tard et que le jour s’achève. Tu tressailles lorsque soudain des bruits de pas résonnent dans l’air et font vibrer la vallée entière. Quel pokémon est capable de faire autant de bruit, rien qu’en marchant ? Certainement pas des Zarbi.
Un Dragon, sans doute — comme les Tyrarchacrok que ton frère aime tant. Tu sais que ce n’est pas tout à fait le nom de ce pokémon, mais tu ne connais pas le vrai nom — et ça ne t’intéresse pas tellement. Ces pokémons sont immenses et font très peur, tu n’as pas envie de t’approcher d’eux. Tu t’y intéresseras plus tard, lorsque celui de ton jumeau aura évolué.

Il paraît qu’il y a des pokémons immenses, dans la Vallée Eyepolis. Mais toi tu as Klimat, et Klimat est fort et immense aussi. Est-ce qu’il peut tenir tête à un dragon sauvage ? Très certainement, à bien y réfléchir. Il vient d’un endroit tellement inaccessible au cœur de la jungle, peut-être même d’un autre temps, arrivé à Lentis dans ton présent par une brèche, une faille qui ne devrait pas exister. Il a connu plus de batailles que tu n’en verras jamais et il a dû survivre à beaucoup d’adversaires — plus que tu n’en verras jamais.

« On rentre dans une grotte ? J’suis sûre que les Zarbi sont dans un de ces trous, faut juste trouver lequel. Psyche, tu nous éclaires ? »

La Pyronille poursuit sa route, bifurque soudain vers l’une des cavernes — celle qui te semble la plus sombre. Tu n’es pas rassurée du tout. Tu ne dirais pas que tu as peur du noir, mais tu préfères quand tu vois où tu poses les pieds. Tu aurais dû apporter Lämp, ta Muciole. Elle éclaire bien, elle aussi ! Mais Psyche et ses flammes pourront te guider malgré l’obscurité. Et tu n’as pas l’intention de t’aventurer trop loin à l’intérieur.

« Eh attends moi hein ! »

Non, tu ne dois pas faire ton Galifeu mouillé. S’il y a des Zarbi, ils doivent être au cœur des cavernes, là où personne n’a encore pu les découvrir. Il va te falloir aller plus loin encore, là où personne n’est jamais parvenu. Tant que tu n’entres pas dans la caverne où il y avait les bruits de pas de géant, tout ira bien, pas vrai ?

Soudain dans le noir Épingle s’illumine — et il finit par se détacher de Klimat. L’obscurité revient et tu entends les battements de ses ailes ; il a évolué.

Là, qui pend aux rochers de la grotte, une créature que tu n’es pas sûre d’avoir déjà vue avant aujourd’hui. Dans la pénombre et avec la seule lueur de la couronne de Psychedelic, tu ne remarques pas tout de suite qu’il s’agit d’un pokémon. Tu fais un bond en arrière, contre Klimat, et la créature se met à cracher des fils collants tout près de tes pieds et sur la tête de l’insecte géant. Tes yeux s’habituent peu à peu à l’obscurité des lieux, et tu distingues désormais le triangle flottant entre le sol et le plafond. On dirait un morceau de pizza — triangulaire, avec une croûte au-dessus et des morceaux de pepperoni sur le corps. Et voilà qu’il te jette de l’emmental fondu à la figure !

D’accord, pas à la figure puisque tu as reculé ; mais il te visait. Que peut bien être ce pokémon ? Certainement pas un Zarbi, quoique la créature est très cheloue elle aussi. Les Zarbi sont de type Psy, tu le sais bien, quand même. Et ils n’envoient pas de fromage dans leur panel d’attaques, c’est aussi une certitude. Les Zarbi se trouvent bien plus loin, au cœur des grottes. Ce doit être un de leurs sbires qui gardent les entrées — faut-il le battre pour pouvoir avancer ? Vu les fils collants par terre, tu te doutes que ça ne va pas être facile. Surtout si le drôle de pokémon commence à lancer d’autres attaques plus puissantes.

« Eh elle veut quoi la tranche de pizza ? Klimat attention, je vais essayer de le capturer ! C’est peut-être un pokémon inconnu. »

Ça pourrait être dangereux, alors tu t’attends à tout. Surtout venant d’un pokémon qui ressemble à un amas de fromage. Tu te doutes que si tu as découvert un pokémon légendaire ou quelque chose du même genre, personne ne te prendra au sérieux. Est-ce que les scientifiques ont rigolé lorsque quelqu’un a découvert des pokémons comme Sucroquin ou Tartatin, le dragon tarte aux pommes ? Probablement. Toi tu préférerais découvrir le nid des Pyrax Luminescents, là où Psychedelic est née, mais tu peux te contenter d’un morceau de pizza. Une découverte est une découverte, après tout.

« J’y vois rien, ah bordel ça a bougé ! »

Ça se balance dans le vide — est-ce que ce pokémon flotte ? Ou alors il est accroché par un fil, probablement du fromage fondu, puisque ça semble être sa nature même, d’être du fromage fondu. Plutôt emmental ou cheddar, ça, tu ne peux pas savoir : il fait trop noir. Il faudra attendre de l’avoir capturé et de l’observer à la lumière du jour — s’il te laisse l’observer.
Tu sors une pokéball pour essayer de le viser, sans trop t’approcher de lui.

Un, deux, et…
Ta pokéball vole vers l’étrange créature et en un instant, elle disparaît à l’intérieur. Elle tourne, quelques secondes, avant de s’arrêter. Quel que soit ce pokémon étrange, tu l’as capturé. Finalement, ça ne devait pas être un légendaire, sinon tu n’aurais pas réussi avec une simple pokéball. Mais qu’est-ce que ça peut bien être, alors ? Tu n’oses pas le faire sortir de la ball, pour l’instant ; il pourrait t’en vouloir et t’attaquer, même s’il y a Klimat pour te protéger. Klimat est peut-être un peu trop violent pour ce nouveau compagnon.

« J’vais l’appeler Quatfromaj. En attendant de savoir c’que c’est ! »

Ça va finir par te donner faim, ces histoires de pizza. Tu enjambes avec difficulté les fils tombés au sol et éparpillés devant vous comme autant de pièges presque invisibles. Il doit y en avoir d’autres. D’autres pokémons étranges et hostiles — qui protègent peut-être quelque chose de plus grand que quiconque ne l’imagine. Le murmure de Lentis semble se perdre au fond du boyau souterrain et un frisson remonte le long de ton échine. Un regard vers Klimat — est-ce qu’il l’a entendu, lui aussi ? Il ne semble pas perturbé le moins du monde par l’ambiance qui règne ici. Tu déglutis et un pas après l’autre, tu suis la lueur de ta Pyronille ; la lumière verte danse sur les parois de la grotte. Tu te demandes si elle s’enfonce loin.

Peut-être que la paroi est tout près et que ça ne va nulle part — un cul-de-sac. Tu ne vois rien à trois pas devant toi. Peut-être que la caverne s’enfonce vraiment très loin, tout en bas, ou en haut, au cœur d’un amas de rochers que personne n’a encore jamais exploré.

Comment savoir, si tes pas suivent les traces des précédents aventuriers alors que le sable rocailleux sous tes pieds n’est qu’une étendue de ténèbres ? Le mur sous tes doigts est humide, poisseux et chaud. Tu pourrais être à l’intérieur d’un monstre géant.

« Allez on perd pas notre objectif hein, les Zarbi et les Pyrax Luminescents sont par là ! Pfff Adrian va regretter de pas avoir accepté de venir, je vous le dis. Je vais faire toutes mes découvertes sans lui. »

Ici pas de réseau, rien pour te raccrocher au monde des humains qui existe au loin, très loin — il n’y a qu’Adrian qui sait que tu es ici et tu ne sais pas s’il pourrait s’inquiéter au point d’envoyer quelqu’un si tu ne rentrais pas. Tu espères compter assez pour qu’il s’inquiète et qu’il ne te laisse pas mourir enterrée sous des rochers immenses si tout venait à s’effondrer. Tu espères ne pas compter parce que si tu comptes pour lui il sera déçu — tôt ou tard — parce que c’est tout ce que tu sais faire (décevoir).
Tu espères trouver un Zarbi A pour lui offrir ou même mieux, un autre enfant du Pyrax Luminescent parce qu’avec Adrian il serait bien protégé.

Maintenant tu ne vois plus aucune sortie — ni d’un côté ni de l’autre. Tu es obligée d’avancer car Klimat est gros et qu’il va avoir du mal à faire demi-tour. Tu espères que vous n’allez pas finir coincés dans un boyau trop étroit. Peut-être que le tunnel est plus large que tu ne l’imagines, car tu ne vois de toute façon pas le plafond dans les ténèbres ; seulement les ombres verdâtres sur les murs que ta Pyronille Luminescente projette. Tu es terrifiée et tu n’as aucune idée de ce que tu es en train de foutre ici, en plein cœur d’Haptos, dans une grotte en pleine nuit. Déjà qu’en plein jour, on n’y voit probablement pas grand chose, mais alors là…
Il y a des cailloux par terre que tu sens sous tes semelles. Tu as pris tes chaussures de randonnée, style rangers, épaisses et sans talon. Zamas prétend que tu as beaucoup de chaussures mais au total tu n’en as que treize paires, et comme tu n’as que deux pieds ça fait en tout vingt-six chaussures, d’accord sans compter les pantoufles fourrées à la laine de Moumouton que tu mets à Adamantia chez tes frères. Treize paires, ça fait pas tant que ça quand même. Tu connais des potes qui en ont plus.

Violet en a moins, mais Violet est bizarre. Elle n’aime que ses baskets vieilles et — d’accord, confortables. Tu ne comprends pas comment elle fait. Comment est-ce qu’elle parvient à s’habiller avec toujours la même paire ? Des baskets, ça ne va pas avec toutes les tenues. Elle a aussi des bottines, certes, mais…
Si tu avais l’argent et la place, ce n’est pas treize paires mais soixante que tu aurais. Dire que tu n’as que deux paires de Converse — alors qu’il en existe tant de couleurs !

Enfin, ce n’est pas le moment de t’indigner sur le nombre de chaussures de Violet. Ou d’Adrian. Lui aussi il doit avoir deux paires grand maximum. Tu ne les apprécies pas pour leur nombre de chaussures, heureusement.
Klimat s’arrête et tu te tiens derrière lui. Il y a des bruits de combat, dans la roche, ou alors juste des pokémons qui creusent ? Il fait trop noir pour que tu distingues ce qu’il se passe et Klimat est devant toi, t’empêchant de voir le peu que tu aurais pu voir.

« C’est pas des Zarbi ! Allez Klimat on avance ! »

Maintenant, il t’écoute plus souvent. Peut-être parce qu’il sait que s’il t’écoute, il aura droit à une friandise ? Keone est une génie, grâce à elle Klimat ne te semble plus aussi dangereux et incontrôlable qu’avant. D’accord, il reste un monstre, et s’il a envie de tuer, il tuera. Mais en général, il a plus envie d’une baie sucrée que de tuer quelqu’un.

Klimat peut courir vraiment très vite. Quand on le voit, comme ça, l’air un peu flegmatique (tu n’es pas sûre du sens de ce mot) on dirait qu’il doit se traîner et ramper pour avancer. Il est très lourd et à ses yeux, toi tu n’es qu’une minuscule chose qu’il peut porter sans même s’en rendre compte. C’est pour ça que tu lui fais porter ton sac, parce que pour toi, il est lourd, mais lui il se rend à peine compte que tu te sers de lui pour porter tes affaires. Il y a ton sac de couchage, au cas où, quelques vêtements de rechange roulés en boule au fond, et puis une trousse de secours, ça c’est très important. Et des paquets de biscuits pour l’énergie. Ou pour lancer à la figure des pokémons qui voudraient te bouffer, histoire de faire diversion. Il faut toujours avoir des biscuits, c’est multi-fonctions.
Et avec tout ça, Klimat peut courir quand même très vite quand ça lui prend. Pas autant que Spaghetti, lui tu le vois passer et pouf, il a déjà disparu. Pas autant qu’un Ninjask aussi, eux on ne les voit même pas passer tellement ils vont vite.

Là, Klimat trottine avec ses pattes immenses et poilues et tu dois le suivre en courant pour ne pas te laisser distancer, avec tes jambes petites et pas poilues. Il y a beaucoup de pokémons dans ces grottes, plus que tu ne l’imaginais. Tu n’as encore rien vu de particulier, à part ce pokémon bizarre que tu as capturé et qui pourrait aussi bien n’être qu’un morceau de pizza abandonné là par un randonneur précédent.

« Fiou, bon, on est tranquille ici. On peut ouvrir les cacahuètes ! »

Tu fouilles dans ton sac pour trouver le sachet de cacahuètes salées et grillées que tu avais emporté, et tu finis par le trouver. La pause est bien méritée (quoique tu n’aies encore rien foutu), et tu grignotes en réfléchissant ; comment trouver quoi que ce soit dans un tel labyrinthe ? Tu n’es même pas sûre de savoir ressortir si tu vas trop loin. Pour l’instant, il n’y avait qu’un boyau, sans intersection, alors il suffit de faire demi-tour. Mais si le Pyrax Luminescent est passé là, nul doute que ce labyrinthe sera truffé de pièges pour perdre ceux qui essaient de venir !

« Tiens Klimat, une bonne baie chucrée ! »

Pour le récompenser de ne pas avoir tué les pokémons dans la grotte. Il faut absolument que tu trouves d’autres pokémons Gardiens, comme la pizza que tu as capturée — peut-être que ces pokémons te mèneront droit au nid des Pyrax. Ou des Zarbi. Il faut que tu demandes à Ophelia où elle a trouvé son X ; car c’est peut-être le X de Pyrax, et les autres lettres doivent se balader tout près de l’ancien nid du Luminescent, c’est certain. Tu ranges les cacahuètes dans le sac avec cette idée en tête : trouver les autres lettres qui te mèneront au Nid.

Le silence tout autour, enveloppant, rassurant — terrifiant. Seul le crépitement des flammes vertes, les ombres sur le mur et leur danse enthousiaste parmi les rochers. Et toi, au cœur des ténèbres, éclairée par la faible lumière — comme un halo pâle dans la nuit. Plus loin d'autres bruits, tintements, craquements, d'autres vies. Le souffle de Klimat près de toi et les battements de ton cœur, pulsations régulières, rythmées comme une horloge : tic, tac et un écho, lointain, répétitif (tic, tac).
Tu sursautes ; ça se rapproche. Ça marche dans le sable, sur le sol couvert de minuscules rochers qui amplifient le moindre mouvement. Tu te dis que tu n'entends rien de toutes les vies qui se trouvent juste là dans les ténèbres à t'épier, à t'observer, à t'écouter. Derrière toi les pokémons croisés plus tôt continuent de gratter, de forer, mais leurs frémissements se perdent dans le vent qui souffle et qui murmure, qui siffle et qui hurle même, de temps à autre — longue plainte douloureuse au cœur du labyrinthe.

Et les pas lourds de Klimat sur les gravats, de sa queue qui frappe le sol et parfois une roche près d'une paroi, claquement sec dans le silence de la nuit. Ton cœur qui bat un peu plus vite, sachant que le combat est peut-être tout proche — tu t'attends à ce qu'une explosion fracassante jaillisse à tout moment.

Mais rien ; seulement Psychedelic qui continue d'avancer comme une de ces statues de cire surmontées d'une mèche incandescente. Tu en allumes parfois le soir, quand tout est sombre et que tu as besoin d'un semblant de lumière, même vacillante. Même de celles qui laissent la pièce grise, dans un clair-obscur inquiétant ; peu importe si ce n'est qu'une flammèche ridicule tant qu'elle éloigne les ténèbres.
Minuscule flamme perchée au sommet d'une colonne blanche transpirante, qui tangue et sursaute au moindre coup de vent et pourrait s'éteindre en un souffle ; à sa lueur les meubles se décomposent en massifs d'ombres qui semblent eux aussi danser sur les murs. La tige de cire dont le sommet brûle attire Cachemire plus fort qu'un aimant et elle se met à virevolter autour, essayant d'attraper la flamme et puis, vaincue, le papillon de nuit s'incline et va arpenter les bois à la recherche d'autres lumières peut-être moins agressives. La frayeur passée, la flammèche qui s'agitait en tous sens se calme et se remet à osciller, plus doucement. Tu l'observes longtemps, jusqu'à ce que tes yeux se ferment et, le lendemain, tu te rends compte que la flamme si vive a fini par se noyer dans sa propre nourriture qui lui permettait de briller.

Et plus loin, un rocher qui se découpe et qui avance, lentement. Un pas en arrière — c’est un pokémon, tu n’es pas stupide, et qui dit pokémon dit combat car ici les créatures sont agressives et chassent le moindre intrus. Et c’est ce que tu es, ici ; une intruse. Klimat plus encore, qui n’a pas sa place dans ce monde, ou peut-être seulement dans les tréfonds de Lentis.
Mieux vaut vous préparer à vous défendre, quoi qu'il en soit. Car lorsqu'on n'a de place nulle part — il faut bien se créer la sienne.

Le rocher n’est qu’un Crabaraque qui avance lentement dans la nuit. Masse trop carrée et sculptée, il ressemble à un morceau de marbre, une statue antique, abîmée par le temps ; mais il avance, droit, vers toi. Klimat se tend à tes côtés. Psychedelic continue d’éclairer faiblement la caverne, inlassablement, ses flammes vertes dansant tout autour de sa tête. Elle ne bouge plus mais elle pourrait tout aussi bien tourbillonner — les ombres sur les parois s’agitent même lorsqu’elle est immobile. Tu te demandes ce qu’il fait là. Il vous toise et tu plonges ton regard dans le sien. Il est effrayant et vraiment immense, vu d’aussi près. La roche sur son dos mesure peut-être un mètre dix de côté — pour une hauteur d’au moins un mètre quarante.

« T’es drôle toi. On dirait un HLM de New Pyra, comme ça tout d’un bloc avec quinze étages ! Mais t’habites tout seul dans ton rocher. Je vais t’appeler Namaspamouss, comme dans l’expression “pierre qui roule n’amasse pas mousse” vu que tout a l’air de rouler. »

Puis pierre carrée n’amasse pas mousse non plus — enfin tu supposes. Il n’a pas l’air d’amasser mousse, ce pokémon. Il n’a pas l’air méchant, en fait. Seulement imposant. Comme la montagne qui reste figée, droite et fière mais qui n’est pas agressive non plus. Juste un rocher qui reste debout. Un peu comme Klimat ; un pilier qui ne plie pas.

« Je t’aime trop. Dans le noir tu ressembles à des lasagnes. »

Il y a un thème dans ces grottes, entre la pizza et les lasagnes. Peut-être que le Pyrax Luminescent adore ce genre de bouffe ? Tu devrais revenir avec des offrandes, la prochaine fois. Peut-être que tu parviendras à l’attirer, ou du moins à l’aider si tu lui donnes de la nourriture qu’il apprécie. Si ça se trouve, Xerneas aussi adore les lasagnes et c’est pour ça qu’il boude les fruits que vous donnez au temple à Harmon’île. Toi, tu ne vois pas le problème de les manger, puisque Xerneas n’en veut pas, mais Ophelia est vraiment très stricte là-dessus.
D’ailleurs, son Zarbi X pourrait être lié à Xerneas. Et puis pourquoi Pyrax termine avec un X et Xerneas commence avec ce même X ? Ils sont sans doute liés aussi.

C’est vrai, tu es ici pour les Zarbi. Pour l’instant tu n’as pas trouvé grand chose hormis un pokémon pizza et un pokémon lasagne, et des murs humides et gris.

« Y a vraiment pas une barre de réseau ici, c’est la dèche. Dommage, j’voulais dire à Zam que les Crabaraque ressemblent à des lasagnes. »

Tu espères que celui-là restera avec toi. Comme ça tu pourras le maquiller ou le déguiser, pour prouver qu’à peu de choses près, il aurait pu être une part de lasagne.

La part de lasagne en pierre te dévisage et continue à te suivre. Sa présence immense accentue encore un peu plus l’impression d’être observée, et tu sais qu’il n’y a pas que ses yeux à lui dans la pénombre qui te suivent. Tu te demandes qui peut bien s’intéresser à toi, ici au milieu de ces labyrinthes de roches ; peut-être seulement des pokémons, mais ton intuition te dit que des pokémons auraient essayé de t’attaquer. Pour un temps, tout est calme. Le Crabaraque ne semble pas entièrement pacifiste, et il te surveille, alors tu ne fais pas de geste brusque — Klimat s’en fiche, lui. Sa queue se balance d’un côté et de l’autre, sans aucune précaution. Il balaierait n’importe qui passant trop près de lui, sans même le vouloir. Il estime sans doute que c’est aux autres de faire attention à lui, pas l’inverse. Ou bien il est trop absorbé dans ses pensées pour faire attention à ce qu’il se passe ? Tu aimerais savoir, parfois, ce qu’il y a dans sa tête.

Plus loin un feu brûle. Non, ce n’est pas juste un feu ; c’est un pokémon qui crée ces quelques flammes, et dans l’air nocturne il est comme un phare. Tu ne vois plus que lui et tu sais qu’il ne faut pas s’approcher, parce que ça pourrait être dangereux.
Tu crains le feu autant que ton Aéromite l’adore. Ça ne t’empêche pas d’allumer des bougies le soir. Tu as plus peur des ténèbres que des minuscules flammes des bougies. Tu sais que dans ta yourte elles pourraient tout détruire ; comme elles ont détruit ta maison, tes parents, tes souvenirs des années auparavant.

Ce soir ce n’est qu’un Typhlosion (un Feurisson, en réalité, mais tu ne fais pas la différence) dont les flammes s’élèvent vers le ciel. Il s’entraîne, probablement, ou se prépare pour quelque chose. Tu ne sais pas, et tu ne vas pas lui demander. C’est un pokémon qui te fait vraiment peur ; même le tout petit, Héricendre, ses flammes peuvent être si puissantes — tu le préfères loin de toi.
Les Pyronille aussi brûlent très fort mais ce n’est pas pareil. La lueur qu’ils diffusent n’a rien de comparable aux flammes meurtrières qu’il y a sur le dos du pokémon, là-bas. Psychedelic ne te donne pas l’impression qu’elle va tout détruire.

« On va faire un détour, j’aime pas trop ça. Puis il s’entraîne, faut pas le déranger sinon il va vouloir s’entraîner sur nous et ça, c’est hors de question. Psyche’, tu connais un autre chemin ? »

La Pyronille te fixe un instant sans comprendre, et puis elle bifurque de l’autre côté. Tu as l’impression de tourner en rond. Peut-être qu’elle ne veut pas t’emmener au cœur de son nid. Ou plus probablement, qu’elle ne se souvient plus comment on y va. Ou encore que les grottes ont changé de place pour perdre les intrus qui voudraient arriver jusqu’au Pyrax Luminescent.

« On va trouver et on va l’aider ! »

En route. Le vent continue de souffler, faisant chanter les grottes et les roches ; tu ne sais pas si Lentis se moque de toi, mais les paroles d’une chanson surgissent dans ta tête ; dans la vallée, oh oh, de Dana, lalilala...
Et tu avances en chantonnant tout bas.

Bruits de combat ; encore, dans les ténèbres, des pokémons qui luttent pour leur survie. Un prédateur, une proie, une bataille qui n’aurait sans doute jamais dû t’impliquer et qui pourtant vient jusqu’à toi. Un Charbi, son regard de braise, et un autre petit pokémon que tu reconnais vaguement car il ressemble à Akroché, ton Cheniti. Ce doit être un Cheniti du désert, petite chenille qui a assemblé des morceaux de roches et du sable pour se protéger. C’est un comportement adopté par tous les Cheniti du monde, où qu’ils soient ; ils doivent pour protéger un corps mou et fragile former un cocon solide avec leur environnement. Certains utilisent le sable, d’autres des morceaux de plantes, d’autres même des déchets humains trouvés sur leur lieu de vie. Tu te demandes si tu fais un élevage dans ta garde-robe si les petits Cheniti prendraient tes vêtements. Probablement.

Mais tu n’as pas le temps de t’interroger plus en profondeur sur les élevages de Cheniti. Le combat est acharné, quand bien même tu ne distingues presque pas les opposants. Tout près de Klimat qui pourrait ne faire qu’une bouchée de l’un comme de l’autre.

« On s’barre, vite ! On va prendre des balles perdues ! »

T’es bien sympa, mais c’est leur combat à eux ; pas le vôtre. C’est pas grave si le Charbi dévore la protection du Cheniti, il pourra s’en faire un autre plus tard et même s’il n’y survit pas, eh bien c’est la vie. C’est comme ça, il y a ceux qui survivent et ceux qui ne survivent pas, les chasseurs qui chassent et les proies qui se font manger, ou qui parviennent parfois à s’échapper. Ça ne te regarde pas. Toi tu essaies juste de survivre aussi, et tu as assez à te soucier pour ne pas devoir te soucier des autres. Ce Charbi a l’air puissant et dangereux, et tu n’as pas envie de te le prendre même par accident.

« Klimat ! »

Tu bondis sur son encolure pour te hisser sur son dos ; Klimat n’est pas le plus rapide mais il le sera toujours plus que toi. Sa perception dans le noir est bien meilleure que celle d’un humain, et toi tu butes sur les cailloux et sur tous les obstacles, tu te prends les murs et les parois, et les pokémons sauvages pourraient t’atteindre sans le vouloir. Tu n’y survivrais pas parce que tu es faible — comme tous les humains. Les roches volent dans tous les sens, derrière toi, et tu sens l’angoisse t’étreindre le cœur à l’idée qu’ils puissent causer des éboulements et te piéger à jamais dans les cavernes d’Eyepolis.