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Tu espères que Klimat n’a pas été blessé. Par chance, il peut toujours courir, et tu t’accroches à ses cornes pour ne pas tomber. Derrière vous, le Crabaraque continue de vous suivre, ou de vous poursuivre — tu n’es pas certaine de cerner ce qu’il veut. Peut-être une cacahuète ? Tu dois avoir quelques baies comme friandises pour tes pokémons papillons, mais tu ne sais pas si le crabe mange la même chose. Peut-être qu’il préfère les lasagnes ; comme on dit, on est ce qu’on mange, alors s’il ressemble à une part de lasagne…
Enfin, il n’y a pas beaucoup de lasagnes dans les environs. Il ressemble surtout à un gros caillou, alors tu en déduis qu’il mange des cailloux.
Comme tu n’as pas de caillou sur toi (tu ne te promènes pas avec des caillasses dans les poches) et qu’il y a des rochers partout autour, ce n’est peut-être pas pour de la nourriture qu’il vous escorte.

Escorter ?
C’est peut-être ça. Peut-être qu’il veut seulement vous escorter, mais pour aller où ? De toute façon, tu es perdue et tu es certaine que Psychedelic aussi, quand bien même elle ne l’avouerait pour rien au monde. La belle Pyronille a trop de fierté pour dire qu’elle est perdue ; elle serait capable de te faire tourner en rond toute la nuit.

« Ils sont loin maintenant, ça va. On va se reposer encore un peu. C’est plus violent que j’le pensais ici. »

Tu t’attendais surtout à des Zarbi un peu partout, mais il doit falloir aller loin, beaucoup plus loin dans les cavernes et tomber sur la bonne. À la place des Zarbi, il y a des pokémons bizarres qui se bagarrent de partout. Tu sors les baies pour en donner une à Psyche et une autre à Klimat, qui l’a bien mérité, et tu te penches vers le Crabaraque en tendant la main à plat. Tu ne bouges pas, même lorsqu’il approche ses immenses pinces de toi. Il attrape la baie et la fait disparaître dans sa gueule. Alors comme ça, il mange aussi des baies ? Adrian serait content de regarder ce Crabaraque.

« Faut à tout prix que je te présente à mon pote. Mon frère aussi, vu qu’il adore les lasagnes, mais j’ai un pote qui va t’adorer. Comme moi, il aime tout ce qui a plein de pattes, et il va prendre plein de notes sur toi. De quoi faire un livre ! »

Est-ce qu’il y a déjà un livre sur les Crabaraque qui existe ? Probablement. Tu n’aimes pas trop lire, sauf le livre que Romeo t’a offert pour Noël et qui était hyper intéressant et que tu as même terminé. C’est un des premiers livres que tu as terminé dans ta vie. Bon, il y avait pas mal d’images, ça aide à ta concentration ; tu n’aurais sans doute pas encore fini si les pages n’étaient couvertes que de petites lignes d’écriture.

Tu demanderas à Adrian s’il y a un livre sur Namaspamouss. En attendant, il faut que tu sortes d’ici. Ou que tu trouves les Pyrax Luminescents. On verra bien où tes pas te conduiront.

Maintenant, il faut réfléchir. Tu as ta boussole, évidemment, une lampe de poche, et — comment ça marche, une boussole, déjà ? D'accord, ça pointe le nord. Ensuite il faut aligner le reste avec l'aiguille rouge pour connaître les points cardinaux ; et après ? Ça ne te dit pas par où est New Pyra. Ni le téléporteur d'ailleurs. Tu as une corde pour si tu tombes dans un trou, mais ce n'est pas ça qui t'aidera non plus à trouver la sortie. Et pendant que tu y penses, ça te sert à quoi d'avoir une corde si tu es déjà au fond du trou ? Tu n'as pas de grappin alors tu ne pourras même pas la lancer pour l'accrocher.
Bon. Il faut peut-être que tu arrêtes se réfléchir, ça cause plus de problèmes que de solutions.

« On va prendre à droite ! J'ai une intuition. »

Gauche, droite, à ce point ça ne changera plus grand chose. Tu songes un instant aux labyrinthes à Anthos et tu te dis que tu n'iras jamais dans un endroit pareil. Déjà ici où ce n'est pas censé être si difficile de se repérer, tu arrives à te perdre. Soudain, tu remarques au bout du tunnel la lumière — littéralement, il y a quelque chose qui brille là-bas, en bleu. Et ce n'est pas tes pokémons, ni du feu. Comme un papillon, tu es attirée par cette lueur qui paraît irréelle dans un tel endroit. Vraiment ? Tu n'attends pourtant que ça, de voir les lumières d'un Pyrax Luminescent. Mais ce pokémon est censé être vert et non bleu. Comme tes deux Pyronille qui brillent de vert.

Namaspamouss est toujours là et il vous suit à la trace. Tu te demandes s'il va se lasser ou s'il va continuer à te suivre jusqu'à New Pyra. Du moins jusqu'au téléporteur — car tu n'as pas l'intention de rentrer jusqu'à la ville à pied.

« Tu veux rentrer dans une pokéball ? Pour être mon pokémon, on sera potes et je te montrerai les lasagnes de mon frère. Le grand, pas mon jumeau parce que euh, mon jumeau je sais pas s'il sait cuisiner. »

Tu ne l'as jamais vu faire de lasagne. Tu fais rouler une ball près du Crabaraque. Il appuie dessus et disparaît à l'intérieur — un instant tu crains que la lumière rouge n'attire les regards sur vous. Quoique tu sens toujours les regards oppressants ; s'ils avaient voulu passer à l'attaque, ils l'auraient déjà fait. Tu fais ressortir ton nouveau pokémon et tu te demandes si tu as le droit de le sortir à New Pyra. Il est gros, mais pas assez pour terrifier la population, alors tu décides qu'il pourra t'accompagner dans les rues.
Et lentement, tu te rapproches des éclats bleus que tu voyais. Là, près des rochers, un Rapion étrange qui semble briller mais ce ne sont peut-être que les étoiles qui donnent cette impression.

L'étrange pokémon luit dans la pénombre ; les reflets bleutés font s'étirer les ombres des rochers sur les parois de la grotte. Tes pas te conduisent jusqu'à lui — papillon attiré par sa lumière ; le Rapion avance, sa queue se balançant au-dessus de lui à un rythme régulier. Il aurait pu être un pokémon Luminescent. Un instant tu songes qu'il y est peut-être lié, d'une manière ou d'une autre. Tu le suis, à son allure, lentement. Tu ne sais pas s'il t'a vue. Soudain il se tourne et d'un geste brusque et précis, il enfonce son dard dans ta chaussure.
Tu as tout juste le temps de reculer de quelques centimètres — le nécessaire pour que l'aiguillon ne s'enfonce pas dans ta chair.

« Aïeuh mais j'ai rien fait ! »

Son corps est sombre ; presque invisible dans les ténèbres. On ne voit que les quelques parties phosphorescentes, les griffes d'où émane cette lumière bleue, et le dard à moitié planté dans le faux-cuir de ta chaussure. Tu te demandes s'il a déchiré ta bottine et s'il faudra les remplacer. Tu espères que non parce que ça coûte cher et que tu aimais bien ces chaussures. Le Rapion fait un bond en arrière et te foudroie du regard. Tu n'es pas censée être là et il te le fait bien comprendre, mais comment lui expliquer que tu es perdue et que tu veux juste retrouver la sortie ?
Klimat te bouscule derrière pour venir te protéger. Dans le noir tu manques de tomber et tu te retiens au papillon géant.

« T'inquiète le blesse pas Klimat, regarde ! On se rapproche du Luminescent. »

D'abord le pokémon gardien et son fromage fondu, et maintenant celui-là. Peut-être que lui aussi tu pourrais le capturer. Ils t'apprendront sans doute beaucoup de choses. Tu décides de lui lancer une ball dessus pour voir si lui aussi tu peux le capturer. Et le Rapion, surpris, reste à l'intérieur. Tu savais que tu as un lien avec les pokémons d’Haptos, comme lorsque tu as capturé Spaghetti il y a déjà longtemps. Lui, il n’avait aucun rapport avec les Luminescents, mais tu l’aimes pareil. Il vient du désert, pas de ce genre d’endroits où les cavernes sont trop étroites et…
Trop étroites, vraiment ?
En fait, certains boyaux te semblent à la taille parfaite pour un Brutapode. C’est peut-être tout un nid qu’il y a là-bas au fond. L’idée te fait frissonner ; tu connais Spaghetti, et il est agressif et dangereux. Mais dix pokémons comme lui — et sauvages, qui plus est — tu préfères ne pas y penser.

« Deuxième pas vers le Pyrax ! Ou troisième si Psychedelic était un pas. J’commence à être fatiguée je sais pas ce que je raconte. »

Tu remontes sur le dos de Klimat pour t’installer confortablement. Peut-être que tu pourrais faire une sieste, en attendant de trouver quelque chose ? Maintenant que la lumière du Rapion Luminescent a disparu, les ténèbres sont revenues et il n’y a, à nouveau, plus que les flammes de la Pyronille qui dansent faiblement.

Une ombre inquiétante ; léger sifflement dans la nuit et la sensation d’une créature qui glisse, non qui rampe, mais pas qui rampe comme un insecte, ça se faufile comme un monstre visqueux, tu te redresses sur le dos de Klimat tous les sens aux aguets. Non ; il y a plusieurs présences, plusieurs de ces créatures qui rampent, monstres noirs dans l’obscurité de la grotte, et un instant tu te dis que ce sont peut-être des Obscurs. C’est vrai, si le Pyrax Luminescent est parti, contraint de quitter les grottes où il vivait, peut-être qu’il a été remplacé par des pokémons Obscurs, ça te semble logique. Tu te concentres sur les sons que tu perçois. Un combat.

Klimat n’a pas l’air de vouloir s’arrêter. Peut-être qu’il estime qu’il n’y a pas de danger mais tu ne te fies jamais à Klimat pour ça. Il foncerait la tête droit dans un mur — il pourrait l’exploser et le réduire en sable s’il le voulait. Comme il peut tuer et semer les cadavres derrière lui, Obscurs, pas Obscurs, Klimat s’en fiche pas mal et la montagne d’ossements derrière lui ne fait que grandir.

Psychedelic se cache dans l’ombre de l’insecte géant. Klimat vous protège, et près de lui vous ne craignez rien ; c’est l’impression qu’il offre et pourtant Klimat pourrait aussi bien vous frapper en même temps que ses adversaires sans même le faire exprès. Pas après pas — les sifflements et les bruits inconnus se rapprochent. Non, c’est vous qui vous rapprochez. Tu as peur mais tu ne peux pas faire demi-tour — pas parce que tu ne le veux pas mais parce que c’est Klimat qui décide et que tu ne peux pas élever la voix pour lui donner des indications comme Keone t’a enseigné. Si tu élèves la voix les créatures vont t’entendre ; tu espères encore pouvoir passer inaperçue ou bien que la présence immense de Klimat ne dissuade n’importe qui d’attaquer. Tant qu’ils ne te voient pas. Tant qu’ils ne te sentent pas.

Il y a un Tritox et une Malamandre. Tu as l’impression qu’ils se battent mais tu n’en es pas sûre. À la faible lueur des flammes de ta Pyronille, tu distingues à peine les corps sombres et effilés, la longue queue qui racle le sol, les yeux violacés qui transpercent l’obscurité. Un frisson remonte le long de ta nuque. Tu essaies de te faire toute petite — tu essaies d’oublier que ce sont des pokémons Feu et Poison, le pire combo qui peut exister après le Vol et Feu.
C’est exactement le genre de pokémon que Violet adorerait. Et puis si Violet n’est pas intéressée, Oyaris aussi aime bien les pokémons Feu — tu n’as jamais compris comment il faisait. Et puis Meredith, la pote de Violet, elle aussi elle aime bien ce genre de pokémons.

Pour te protéger et éviter le combat, tu décides de lancer des pokéballs sur les deux reptiles qui te font face. Si l’un des deux reste à l’intérieur, le combat sera plus avantagé. Et si les deux y restent… tu auras évité complètement le combat. C’est la seule solution qui vient à ton esprit fatigué pour régler ce problème.

Les deux reptiles se tournent vers toi en même temps. Leurs yeux croisent les tiens et te glacent de l’intérieur ; pourtant tu parviens à lancer les pokéballs et à viser malgré la pénombre. C’est parce qu’il y a Psychedelic qui brille juste là près de toi, qui éclaire les parois de la grotte et tu as le temps de te rendre compte que l’humidité suinte sur les murs, entre les rochers. Tu croyais que ces pokémons n’aimaient pas l’humidité mais après tout, qu’est-ce que tu y connais à ce genre de pokémons ? Tout ce que tu sais c’est qu’ils se nourrissent d’Insectes et qu’ils n’auraient pas hésité à se nourrir des tiens si tu n’avais rien fait.
Quoiqu’ils auraient fini tués par Klimat. Même les pires prédateurs d’Insectes de Lentis ne peuvent pas faire grand chose contre Klimat.

Bientôt tu regagnes la sortie et tu te rends compte que tu n’es pas loin du téléporteur. Il faudra que tu reviennes de toute façon, parce que tu n’as pas trouvé de Zarbi ni de preuves de la présence des Pyrax Luminescents. Psychedelic ne sait pas très bien où c’était, mais ça ne fait rien ; vous trouverez la prochaine fois.

Derrière toi le rocher sur pattes continue de te suivre, inlassablement. Tu penses que tu le ramèneras à la maison, dans ta yourte. Enfin pas dedans sinon il prendra toute la place mais juste dans le camp, il sera bien. Tu lui feras un abri avec quelques planches pour qu’il puisse rester au sec parce que tu sais que les pokémons comme lui n’aiment pas la pluie et il pleut souvent à Calléis. Mais tu l’aurais bien laissé ici dans le désert, là où est sa place — c’est lui qui veut te suivre. Tu ne veux pas l’empêcher de venir avec toi s’il en a envie. Tu trouveras une solution.

Pour les reptiles aussi, il faut que tu trouves une solution. Tu demanderas sur le groupe Discord des Problèmes Anonymes, ils sauront peut-être quoi faire avec une Malamandre et un petit Tritox. Ou alors quelqu’un connaîtra quelqu’un qui cherche à en adopter, et comme on ne les trouve qu’au fin fond de la Vallée Eyepolis, c’est dur d’en trouver.

Mais pour l’instant il est temps de rentrer. Il est déjà tard, plus que tu ne le pensais ; déjà les lueurs au loin rappellent le jour qui se lève et tu sens que tu vas passer ton dimanche à dormir pour rattraper les heures de sommeil envolées, passées à chercher des Zarbi introuvables et des preuves tangibles de l’existence d’un pokémon Luminescent.