Menu

Panique – je ne vois plus Grâce, maon Oratoria, la surface paisible du miroir des songes me renvoyant plutôt mon reflet que le secret de son eau claire. « Empereur » dis-je, un brin de panique dans la voix, « est-ce que tu peux plonger la tête sous l’eau et me dire si tu remarques Grâce? Iel prend beaucoup de temps à remonter à la surface… Ce n’est sûrement rien, mais ici, on ne peut pas être trop prudent, n’est-ce pas? » Empereur me répond d’une plainte mélancolique comme lui seul en a le secret, et puis il se met en mouvement, enfin – tout juste assez pour se mettre les yeux sous l’eau, soit par paresse, soit parce qu’il trouve rapidement ce qu’il cherche.

Et si le miroir des songes semble se calmer soudainement, et si les cris des oiseaux ne se font plus entendre, Empereur, lui, s’agite, cette fois-ci précautionneux de ne pas nous laisser retomber dans l’eau. Mais il a vu quelque chose et il agite ses nageoires qui viennent frapper l’eau calme, et ce dans le but d’Avertir maon Oratoria pour qu’iel nage plus vite, plus fort, qu’il vienne nous rejoindre dans la sécurité relative de notre nombre. « Qu’est-ce qui se passe? » mais je sais. Je sais que mes pokémons ne peuvent pas me répondre, pas de la même manière qu’eux peuvent me comprendre. Je reste donc là, debout sur mon Empereur à scruter l’eau, le cœur serré et à espérer que tout va – non, que tout ira bien.

Et maon Grâce, pendant ce temps-là, sacoche accrochée autour de son coup, iel tente non pas de nous rejoindre, mais de repérer l’endroit où sont partis les Froussardine pour se donner un gros élan. Espérant qu’avec un peu de chance, iel arrivera à les esquiver… esquiver une si grosse meute, une fois rassemblée? Difficile, mais pas impossible, se disait-iel.

Secondes qui passent sans s’arrêter, sans freiner une inévitable catastrophe : je n’ai d'autre solution que d’attendre, avec une patience hors norme, avec une patience que je ne me connais pas, avec une patience qui s’étiole et s’efface plus les secondes passent et s’accumulent tel des poussières, tel des particules rocheuses dans une horloge dont les tiges tournent et tournent jusqu’à m’en donner une douleur vive à l’âme. « Je n’aurais pas dû lui demander d’aller chercher la sacoche et toutes nos choses » que je souffle, une tristesse m’affligeant à l’idée que quelque chose puisse être en train d’arriver sous la surface calme de la mer. L’envie de m’y jeter se fait puissante, mais je résiste, sachant pertinemment que je ne ferais qu’envenimer les choses.

Si bagarre il y a quelque part sous l’onde marine, alors il n’y a rien à faire, rien d’autre que d’attendre et de prier et d’espérer qu’Empereur puisse l’aider. Ma respiration cesse dès lors que quelque chose vint à troubler ma réflexion claire et nette dans cette eau autrement parfaitement lisse, si lisse qu’on voudrait la caresser; c’est maon Oratoria qui surgit de dans les profondeurs marines et qui vient à se rapprocher de nous dans l’espérance que notre quantité suffirait à nous protéger. Iel espère que peut-être l’attaque sauvage de la formation des créatures aqueuses se verra dispersée entre nous tou·te·s.

Malheureusement, cela ne fonctionna pas, et c’est Empereur, pauvre créature colossale, qui se prit la majorité des blessures à distribuer entre nous. Faut dire qu’il a une surface de collision considérable, et qu’ainsi il devient une cible facile, une cible parfaite, une cible impossible à rater. Il produit une litanie douloureuse suite à l’attaque, et moi, je suis réduit·e à caresser sa tête comme je le peux pour le remercier de sa vaillante huile de nageoire pour protéger toute notre équipe.

« Grâce » dis-je en me tournant vers maon Oratoria, « Est-ce que tu penses pouvoir être capable de l’attaquer une autre fois, avec une performance à ne pas oublier? » je tente de sourire comme je peux, pour l’encourager, mais aussi pour reprendre ma raison et ne pas me faire pousser en dehors de ma position de maitrise de la situation. Grâce semble accepter l’entente, hoche de la tête avec vigueur avant de replonger dans l’eau, une idée en tête. J’ai confiance en ellui, et je sais que cette confiance paiera. Mais je sais aussi que face à une créature aussi terriblement puissante, il faut y aller une chose à la fois…

L’attente est interminable, il semble. Si Grâce nous rejoint, nous savons que cela n’empêchera pas le banc de Froussardine de nous rejoindre également. Empereur n,aurap as le temps de s’élever dans les airs, pas sans laisser Grâce derrière et cela n’est tout simplement pas une option. Et il se trouve qu’en ce moment, l’appréhension, cette vague qui vous prend au cœur avant même que vous ne mettiez pied dans l’eau, prend, dans son ensemble comme dans sa singularité, toute la place, transformant un moment d’incertitude en panique que le cœur ne saurait contrôler, qui déroge de la raison (ou, peut-être, s’y accroche y peu trop) et qui pourrait faire perdre ses assises aux plus stoïques des personnes, me transformant du même coup en une boule de nerf qui ne me ressemble pas. J’ai beau caresser la tête d’Empereur, je sens que là-dessous, sous la surface de l’eau, se cache un combat que je ne peux pas voir, que je ne peux que deviner, et pourtant duquel je suis sûrement le raisonnement principal.

Je le sais aux voix qui me répètent fuis, et puis tu n’as pas ta place ici ainsi que quelques et pourquoi ne pas rejoindre l’onder, cette dernière phrase répétée tel le chant d’une sirène de mythologie (surement inspirée des Oratoria) faisant se dresser les poils de mes bras et de ma nuque. Grâce franchit la surface de l’onde pour retrouver l’air libre, mais ce n’était pas ellui la cible de la prochaine attaque, non, c’était plutôt Empereur. Avaient-ils espéré pouvoir le fâcher comme plus tôt, le voir plonger dans l’onde ou s’élever dans les airs pour nous laisser derrière?

Mais Empereur tiens bon (pour le moment… un moment précaire, très éphémère si nous ne faisons rien), quoique le coup de l’assaut se fait ressentir même jusqu’à nous qui sommes sur son dos. « Empereur! » que je dis, mais il ne m’entend pas; à vrai dire, je ne m’entends pas non plus. C’est l’attaque de Froussardine – comme des centaines de voix qui se multiplient et s’entrechoquent pour créer un brouhaha des plus intenses, douloureux dans sa teneur. Je connais l’attaque parce que Grâce là – et malheureusement je venais de lui demander d’attaquer de la même manière, son Aria de l’Écume fendant l’eau alors qu’iel replongeait pour repérer la position exact du gros groupe de poissons. « Grâce! » mais c’est comme si aucun son n’était sorti de ma bouche; je ne peux que poser mes mains sur mes oreilles et prier à qui veut bien l’entendre que ce boucan se termine rapidement.

Prier qu’il n’invite pas pire prédateur encore…

Endurer, n’était-ce pas synonyme de subir? Je ne sais que faire face à ce colosse invisible, que mes pokémons hésitent à attaquer. En tout cas son attaque brouhaha a le chic de tous nous déstabiliser, provoquant des vibrations qui nous déstabilisent; j’ai bien envoyé, demandé à maon Oratoria d’utiliser sa propre voix pour le contrecarrer, à l’idée qu’on se fait dans les films de ce qui arrive quand une onde (une énergie) en rencontre une opposée. Et peut-être était-ce vrai avec un lance-flamme qui se voyait mis en oppositions à un jet d’eau, par exemple, mais les ondes, elles, en tout cas, ne semblaient pas du tout s’entrechoquer, et au final, on se retrouve avec deux fois pire au niveau sonore, entre le chant de sirène mélodieux et le brouhaha terriblement cacophonique. Peut-être que quelqu’un y aurait vu de la beauté – et à vrai dire la seule chose qui me permet de penser, en ces temps audiblement difficiles, c’est toute la pratique que je peux avoir à force de danser dans les clubs avec la musique trop forte, quoiqu’on sera d’accord pour dire, je crois, que les deux sont à peine semblables. Quand même, on a le chic que l’eau amortisse certaines des vibrations sonores, je crois, quoique cela est dur à croire vu comment la surface de l’eau est lisse, comme si elle n’était pas régie par les mêmes principes physiques que nous.

Quand même, j'ai pitié de mes petits pokémons et, retirant momentanément ma main de sur mes oreilles, me voilà qui, rapidement et en un geste, rappelle Mizzie, ma Libégon de Lentis, et Mister, mon Pomdramour, à leurs pokéballs respectives, histoire qu’eux, au moins, puissent profiter de cette protection. Bon; j’aurais voulu y mettre Empereur, mon Wailord de Lentis, aussi, mais comme je suis présentement sur son dos, vous comprendrez que ça comporterait quelques problèmes et, après tout, nous sommes dans ce beau merdier justement parce que je suis tombé·e dans l’eau, alors je préfèrerais ne pas retenter la baignade, j’espère que vous comprenez!

Et puis il y a Grâce, maon Oratoria, qui pourrait être rappelé à sa pokéball, mais à dire vrai ce serait une idée vraiment pas terrible en considérant que c’est ellui qui se charge d’attaquer le banc de Froussardine (et je dis ça, ne ce moment, en sachant que sur le moment, je ne savais même pas que c’était ça, notre ennemi!). Non; avec Empereur à la défense et Grâce à l’offense, j’ai confiance qu’on puisse s’en sortir, mais à dire vrai le combat en serait certainement un de longue haleine. Alors, peu désireuxe de blesser plus mes oreilles, me voilà qui y repose vivement mes mains délicates pour apaiser un peu leur souffrance…

Et là, je vois.

Peut-être un nuage qui passa devant le soleil pour apaiser la puissance de ses rayons qui se reflètent habituellement à la surface du miroir des songes, mais je le vis… je les vis. Une multitude de petits poissons bleus et blancs qui formaient un tout gigantesque, impressionnant même s’il est juste sous la forme colossale d’Empereur. Les deux ne sont pas comparables, et pourtant je tremble en réalisant ce à quoi nous faisons face. Ce n'est pas une voix que nous entendons, mais une centaine de petites voix… bon, dit comme ça, ça sonne pas si mauvais, et à vrai dire, si je peux même m’offrir cette réflexion, c’est que le brouhaha causé par le pokémon est en train de se calmer. C’est donc le moment tout attendu pour donner une nouvelle indication à maon Oratoria, lia champion·ne de mon équipe qui s’occupe de l’offensive.

« Repose ta voix, Grâce. Utilise un laser glace! » mais avant même que je finisse de parler, pour aussi bref que mes paroles furent, c’est Empereur et son tempérament qui s’active; il lève sa queue bien haut dans les airs et puis l’abat à la surface de l’eau, projetant une lame d’air bien maladroite dans la direction du banc de poissons. Il n’a certes pas dit son dernier mot, celui-là, et je me vois forcé·e de m’accroupir pour me tenir à lui comme je le peu (c’est compliqué puisqu’il n’y a pas vraiment de points où je peux me retenir). Avec un peu de chance, ça aura l’effet de dissuader les petits poissons aux yeux jaunes de s’approcher de nous à nouveau… ou de recommencer leur cacophonie.

Une chance.

C’est tout ce dont on avait besoin : une chance. La lame d’air d’Empereur, mon Wailord de Lentis, avait fait mouche contre toute attente, avait divisé, amenuisé le banc formidable qui s’était dressé contre nous. Oh, certes, certains poissons étaient revenus vers le banc, rappelés en force et bravoure par l’eau doucereuse qui les soignait malgré les attaques. Un combat de longue haleine qui ne verrait peut-être pas de fin, et pendant ce temps là c’était Empereur qui en souffrait.

À cause de sa taille impressionnante, c’est lui qui se prenait le plus fort de l’assaut, au fond. C’était normal, mais ce n’est pas pour autant qu’il voulait l’accepter. On l’oublie parfois, quand nos pokémons évoluent, qu’ils peuvent encore être des bébés dans l’âme, et c’était le cas d’Empereur, qui n’était qu’un petit Wailord de rien avant de venir au miroir des songes et d’évoluer en la forme colossale qu’il possédait maintenant. Se faire attaque faisait mal, qu’importe combien vous pouvez être large et impressionnant. Je ne savais trop que faire; sans avoir accès aux zones qui avaient été touché, je ne pouvais que difficilement utiliser une potion (et mes potions étaient encore en train de flotter dans le miroir des songes, gracieuseté des pokémons qui nous attaquent sans arrêt depuis mon petit saut impromptu dans l’eau).

« Woh! » que je lâche alors que je sens Empereur donner des coups de nageoires pour s’élever, lentement, dans les airs. Rapidement, je sors la pokéball de Grâce et je lea rappelle à l’intérieur, espérant qu’empereur savait ce qu’il faisait…

Si je savais lâcher prise, abandonner, oh, comme ce serait facile.
Mais dans cette danse interminable, il n’y a pas que moi; il y a Grâce, maon Oratoria, aussi, qui donne du siens pour blesser, amenuiser le groupe de petits poissons qui ne font qu’un. Il y a Empereur, et sa rage au ventre suite aux blessures encourues. IL y a moi, qui se tiens comme je peux sur son dos. Non; abandonner à ce stade-ci, ça ne semble pas être possible, juste, pas pour moi et certainement pas pour eux. Non; nous avons besoin de cette victoire comme nous avons besoin de respirer, de jouer dans l’eau quand bien même ce n'est pas là que nous devrions être.

Oui; il y a de ce gout d’interdit. Chaque petit poisson est une infime part de Lentis, sauvage, qui se dresse contre nous. Et nous, conquérants, nous tentons de la repousser vague après vague. Nous savons, ici, que nous sommes l’agresseur. C'est quelque chose qui, pourtant, ne me rentre pas en tête. Si on ne nous attaquait pas, on ne répliquerait pas que je me dis simplement, même si je sais que c’Est un discours mental qui a ses failles. Après tout, je me défendrais si quelqu’un en venant à souiller la sécurité de mon domicile. C’est tout naturel ,au fond, de vouloir protéger ce qui est à nous.

Solitaire. Moi qui, il n’y a qu’un moment, me trouvait à être multitude, une ruche où toutes les abeilles vibrent sur la même onde, d’un même esprit, me voilà petit, seul, faible. Et pourtant mon courage à moi est inébranlable, je me dresse contre le colosse qui ne ferait qu’une bouchée de moi s’il en venait à plonger dans l’eau, mais! Ah – j’ai découvert son secret, sa faille, sa faiblesse, il ne plongera pas à cause de l’humain sur son dos. J’en suis convaincu, prêt à mettre cette théorie à l’épreuve. QU’importe si je suis seul; tant que je reste là à me dresser contre lui, le Wailord de Lentis souffrira ma colère. Et puis je le sais; mes semblables ne m’ont quitté que pour mieux revenir par la suite. Ils ont eut mal, mais nous avons le pouvoir régénérateur d’une eau douce; pendant que je tiens le bastion de notre colère, ils peuvent reprendre des forces, panser leurs blessures, et il reviendront bien assez vite.

C’est pour ça que de la multitude, s’il n’en reste rien, ma voix s’élève. Un cri d’une grande colère, sûrement pathétique à vos oreilles en comparaison au brouhaha causé par mes semblables. Mais vous ne perdez rien pour attendre, ce cri aigue, presque inaudible, c’est le cri de Lentis qui souffre et Lentis ne saurait vous laisser impunis. Si moi je tombe, un autre se dressera contre vous. Si je tombe, mes proches me pleureront – pouvez-vous en dire autant, humains, domestiqués? Si vous veniez à tomber ici, personne ne saurait, et cette pensée me rassure, m’énergie. L’eau autour de moi est chaude, bienveillante; d’ici, avec mes petits yeux, je peux voir vos blessures et votre obstination.

Vous pourriez fuir, parce qu’après tout, je suis seul. Vous pourriez fuir, ne pas regarder derrière. Vous élever haut dans le ciel, mais non : vous voulez une fin à cette histoire.
Vous voulez que je tombe. Que j’abandonne. Que je lâche mon dernier cri.

N’êtes-vous pas cruels? Venir chez moi, vous plonger dans l’eau sacrée du miroir des songes et la souiller de votre présence, refuser de partir quand on vous somme de le faire – pas contents de ne faire que cela, vous voilà à souhaiter me blesser, à vous imposer comme maitres incontestés de ces eaux. Êtes-vous à ce point aveugle à vos propres actions que vous ne voyez pas le problème que cela pose?

Mais qu’est-ce que j’en sais, moi; je ne suis qu’un poisson. Je ne rationalise pas toutes ces choses, mais pensées ne vont pas aussi loin que cela. Je m’inquiète simplement pour les miens, et je répond de la seule manière que je connais : en hurlant ma rage et me peine…