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Mon histoire est comme toutes les autres; elle commence avec des parents qui s’aiment, et même si leur histoire à eux s’est finie dans le drame, avec papa qui se remarie avec une femme plus jeune et maman qui est amère, je sais pertinemment qu’ils ont eu plusieurs années de grand bonheur. Ils m’ont eu·e jeunes; je suis né·e d’une folie, d’un et si on avait un enfant? impétueux qui me vit naitre tout juste neuf mois plus tard. Pas de bagues ou d’alliance; juste un amour de jeunesse qui a vu son bonheur dans un enfant. Je leur rends, enfin, rendait bien leur amour; aujourd’hui s’est plus compliqué. Maman, surtout, n’apprécie pas mes choix de vie; papa est plus conciliant. Maman voulait un garçon; je n’en suis pas un, et juste ça c’est la tragédie de sa vie, alors que moi je ne lui ai jamais rien demandé. Elle ferait mieux de s’occuper de ses petits oignons, comme on dit; en tout cas elle est partie de ma vie et c’est comme ça.

Retournons sur papa et la vie avec lui, donc. L’enfance à ses côtés a été simple, heureuse; et si maman avait eu dans l’idée de me monter contre lui, fut un temps, son amour à lui fut suffisant pour percer les nuages de mes doutes. Il comprit très vite, lui, que je n’étais pas un garçon; m’acheta avec plaisir toutes les robes qui me faisaient envie. Si à Haptos c’était considéré comme un peu étrange, il ne lui fallut pas longtemps pour me trouver des amis qui vivaient les mêmes chose que moi, moi qui à ce moment-là dans ma vie n’avait aucune confiance en moi. Et puis la vie a suivis son cours; papa a trouvé l’amour et moi aussi, en fait. Lui chez une femme plus jeune; mais l’âge n’est qu’un chiffre quand on est adulte, qu’il m’a dit. Moi, en la personne de ma petite sœur, Jenna, qui naquit quand j’avais déjà 12 ans. Et notre petite famille de deux, de trois, devint famille de quatre… et puis de cinq.

C’est que mon cousin, Adonis, lui aussi il était trans, et lui aussi sa maman n’aimait pas; alors il a quitté Calléis pour venir habiter avec nous à Haptos, le temps de faire ses études. Moi qui avait toujours rêvé d’une famille pleine d’adelphes, voilà que j’en gagnais deux d’un coup. L’école se faisait avec Adonis, et de retour à la maison, je passais tout mon temps avec Jenna. La vie était belle; et leur présence m’aida vraiment à m’accomplir en tant qu’adolescent·e, à apprendre à m’aimer comme j’étais et à m’affirmer, aussi. C’était une étrange période de transition, vraiment, mais heureuse. J’avais que quatorze ans quand j’ai monté ma petite entreprise de gardiennage, encouragé·e par ma belle-mère qui voyait comme j’avais de la facilité avec ma petite sœur. Je ne l’ai dit à personne : mais moi j’avais un but en tête. On me disait que je faisais bien de gagner de l’argent pour aller à l’université; moi, je voulais l’utiliser pour quelque chose de bien moins pratique, mais tout aussi nécessaire, il le semblait, à ma vie.

Parce qu’on m’acceptait comme j’étais, certes; mais que je n’avais pas l’apparence que je m’imaginais avoir en rêve. Et je comptais bien mettre le paquet le jour de mes dix-huit ans pour faire les changements nécessaires pour accomplir ma vision; enfin ça, c’était le plan de départ. Dans les faits, ramasser de l’argent en faisant du gardiennage, c’est un peu se faire abuser par le système; 5000p$ pour une fin de semaine complète de travail, c’est quasiment du vol, mais à cet âge-là je ne le savais pas. Je ne voyais pas les heures qui passaient; seulement l’argent qui s’accumulait. Alors je dû prendre un détour sur mon plan de vie, sur les chirurgies que je m’imaginais avoir pour ce corps que j’idéalisais. Mais heureusement, le travail ne m’a jamais fait peur. Et quand vint l’âge d’entre à l’université, je suis plutôt allé directement au travail : en premier comme serveureuse dans un bar, puis, une fois l’argent accumulée, j’ai fait les démarches nécessaires pour m’accomplir dans la vie.

Le reste, vous vous en doutez; j’ai toujours aimé mon argent, et encore mieux, en faire plus. Autant pour moi que pour ceux que j’aime; pour les couvrir de cadeaux. Alors une fois les premières chirurgies faites, c’est toute naturellement que j’ai commencé à user de mon apparence pour m’attirer les gros pourboires; puis une chose en amena une autre, et j’ai plutôt changé de carrière pour devenir hôte·sse dans des événements, du style; des mecs plein de frics se font une soirée où ils gaspillent leur argent et veulent un faire-valoir pour se faire croire que leur argent leur donne accès aux plus belles personnes. C’est pas glorieux, peut-être, comme travail, mais c’est exigeant et, pour peu qu’on y soit doué, ça vous remplis les poches; faut seulement savoir faire respecter son intégrité physique.

Je travaille fort pour l’argent que je fais; mais je ne me fais plus avoir, parce que je connais la valeur de mon travail. Et si ça embête papa et sa femme que j’aie un travail si décadent, c’est tant pis; moi je ne crois pas que ça dérangerait ma sœur si elle savait, mais pour la peine je ne lui en parle pas. Et juste comme ça, je vie mon train-train quotidien à cent milles à l’heure.

Je suis simple personne, quand on y pense sérieusement.