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CW : état d'ébriété

« Non mais eh, c’est moi qui décide pour qui y s’prend lui ?! »

Le monde vacille et le sable tangue sous ses pieds ; il ne lui semble qu’il lui reste que la colère, la colère pour seule bouée, unique phare dans la tempête. Seul et unique horizon solide auquel se raccrocher ; la colère comme monde entier.

La colère pour combler le vide infini des abysses qui lui semblent avoir dévoré son cœur ; il y avait de l’amour, de la joie, de l’émerveillement, là-dedans, parfois. Il lui semble qu’aujourd’hui le sol s’est dérobé sous ses pieds — est-ce vraiment qu’une impression ? Le sable est instable et les grains glissent entre ses orteils comme des billes déterminées à la faire tomber. Mais elle ne perdra pas. Elle s’énerve, elle s’agite, elle jure mais elle maintient son équilibre, les deux pieds ancrés dans le sol et ses chaussures à la main. Elle veut les lancer, au loin, décharger la colère, frapper quelque chose ; c’est probablement une chance que rien ne ressemble suffisamment à Miroslav autour d’elle.

Et puis elle se rend compte, brusquement, comme une prise de conscience soudaine, qu’elle n’est plus au port. Que les pavillons sont affaissés derrière elle et que les lumières et les cris de la ville se sont tus. Il n’y a plus que le vent et les vagues et la silhouette de sa Magirêve qui l’a rejointe, et qui a écouté sans broncher les cris et la rage qu’il fallait exprimer. Il n’y a plus rien. Elle est seule. D’abord elle s’époumone un bon coup encore, contre les vagues et le vent qui lui semble s’intensifier — ou peut-être que c’est juste qu’elle a trop crié et que son corps est fatigué.

Elle se laisse tomber dans le sable. C’est presque doux. Peut-être qu’elle pourrait se coucher là, et regarder les étoiles. Elle sort une Pokéball — appelle Moros dans la fourrure duquel elle glisse ses mains, ses bras, son visage. Il est réconfortant. Il s’assoit à côté d’elle, digne, presque comme un chien de garde. Et Violet observe les vagues glisser sur le sable, rouleau après rouleau, accumulation d’écume qui ressemble presque aux nuages. Le ciel est de plus en plus sombre — pas seulement la nuit, mais des nuages, épais, hostiles —, mais les vagues sont belles. Alors Violet regarde les vagues avec Moros, le corps vide et l’esprit embrumé, fixé sur ce va-et-vient qui a quelque chose de rassurant. Immuable.

Le temps s’étire. La plage est calme ; trop calme, peut-être, mais cela n’a pas d’importance. La tempête de son esprit s’est tue. Les nuages sont restés là, tranquilles, à peine grisâtres, tandis que les éclairs se sont éteints et les bourrasques envolées. Le regard est posé sur les vagues, et leur mouvement est si lent, si calme, si répétitif, qu’il absorbe toute pensée. Violet ressent qu’elle pourrait rester là des heures, sans bouger le moindre orteil, le moindre cil peut-être ; sans même le penser. Il y a le bruit et le reflux des vagues, l’odeur des embruns, le granuleux du sable, et son regard figé.

Le temps s’étire alors que le ciel se voile, encore et davantage. La lune est comme absorbée dans les ténèbres, de plus en plus, et les étoiles se battent pour donner encore une quelconque lueur sur le sable ou se répandre en reflet dans l’eau sombre. L’obscurité est douce et apaisante. L’obscurité est silencieuse ; ou pas vraiment, en vérité, parce que des êtres foulent le sable, autour d’elle, d’autres s’envolent et leurs ailes qui s’agitent produisent quelques minuscules éclats sonores. La mer chante sa berceuse, quelques échos venus de la ville se propagent jusqu’ici. Mais l’obscurité est douce — loin de la violence de la nuit kopédienne, loin des klaxons des cris des exclamations des basses à fond et des tintements des bouteilles.

Le temps s’étire tandis que Violet reste là, vide et vidée, colère et chagrin à la fois mais c’est davantage le vide qui gagne au fond de son cœur. Mais cela n’a pas d’importance. La mer est calme ((elle ne gronde pas encore)). La mer est paisible et pour une fois, le temps d’une soirée, Violet ne la déteste pas. Elle ne râle pas sur les grains de sable qui s'infiltrent dans les bas, sous la jupe, dans les cheveux, partout, littéralement. Elle ne peste pas sur des touristes, absents si loin et à cette heure, et ne s’effraie pas de tout. La mer est paisible, la mer est douce, la mer semble lui souffler que le danger n’existe pas. Est-ce que le temps d’une nuit, le temps de retrouver ses esprits, Lentis pourrait être compréhensive et bienveillante, et la laisser simplement profiter du paysage ?
Moros est à ses côtés ; il la protégerait du monde entier.

Le temps s’étire et tout est calme. Il suffirait peut-être d’une seule respiration, d’une seule expiration pour que la tempête reprenne et que le monde gronde — peut-être. Ou peut-être que le temps peut s’étirer à l’infini, une seconde éternelle, un vide apaisé comme celui que d’autres en d’anciens temps cherchaient leur vie durant ((nul doute que ce n’est pas dans l’alcool qu’elle le trouvera)). Au fond, quelque part, ce n’est qu’une suspension — un instant ailes ouvertes, un instant de flottement avant que la magie cesse d’opérer. Et puis la chute, l’abîme.

Ou peut-être pas ? Le temps s’étire dans le regard de Violet, les vaguelettes s’y reflètent avec le peu de lumière que les iris parviennent encore à capter. Un souffle, la poitrine qui gonfle et puis s’abaisse ; un battement de cœur, un autre, encore un autre. La vie simplement, tout autant que lorsqu’elle doit courir pour survivre.

Un instant.
Une expiration.
Un bruit, un mouvement.
Le temps s’est étiré.

Tout est calme, définitivement, désespérément calme. La tête est lourde, les pensées vagues ; jusqu’aux cris. C’est surprenant. Violet sursaute — le charme est rompu. Un être crie, ou crisse, ou croasse, ou quelque chose. Violet ne sait pas trop. Elle ne comprend pas bien ce qui se passe, d’où ça vient ou de quoi il s’agit exactement. Son esprit embrumé émerge à peine, et elle tourne la tête à la recherche de la source des bruits. Il lui semble que c’est douloureux. Un poing se serre dans le sable et elle plisse les yeux, dans l’obscurité elle a du mal à distinguer ce qui se tient exactement autour d’elle.

Il y a les vagues et la mer, qu’elle perçoit parfaitement grâce à tous ses sens.
Et autour il n’y a que le flou et l’obscurité. Au milieu, elle, assise dans le sable, Moros et l’Ombre à ses côtés.

Mais il y a ces cris douloureux qui frappent dans son crâne et ça ne s’arrête pas, et elle ne comprend pas ce que c’est. Mais quand elle distingue un début de plumes blanches, quelque chose de plus clair et en mouvement, elle murmure le nom de l’Absol ; comme une demande. Le sable s’est égrené entre ses doigts et maintenant ses mains sont posées sur ses oreilles, dans l’attente du grognement qui ferait fuir quoi que soit la bestiole. Du moins, elle le pense.

Moros est fort, Moros est puissant, Moros est sauvage, Moros est tout. Il saura faire cesser les cris et les crissements et la douleur, d’une manière ou d’une autre. Il sait comment faire, lui. Finalement, contrairement à ce que son ego s’était imaginé autrefois, Violet a bien plus besoin de Moros que lui-même n’a besoin d’elle.

Violet ne parvient pas à se débrouiller seule et personne ne l’écoute.
Alors elle est là sur la plage en pleine nuit, seule et bourrée, et elle regarde les vagues comme si la mer allait lui apporter réponses et libération. Mais la mer est immuable et insensible, elle ne prend pas parti, et elle apporte seulement la marée, jour après jour, nuit après nuit. Inlassablement.

Violet se dit qu’elle aimerait être aussi constante et fiable et calme que la mer et ses vagues qui vont et viennent, sans jamais broncher. Qu’elle aimerait avoir sa force, aussi. Personne ne peut résister à la volonté de l’océan.

L’horrible crissement a cessé. Enfin. Moros revient, d’un pas calme et inchangé, comme si tout cela était la routine. Une affaire simple et banale, un geste si fréquent et si simple. Et pourtant Violet n’y parvient pas elle-même. Sans lui, elle n’aurait probablement réussi à faire fuir le volatile visiblement responsable de ce carnage sonore.
Sans lui, ce serait elle qui aurait fui.

Mais Violet ne veut plus fuir. Violet ne veut plus céder, se laisser à l’arrière pour ne pas vexer blesser ou seulement prendre un risque. Non, c’est terminé. Violet veut décider pour elle-même et que les autres n’aient plus rien à en dire, que plus personne n’impose sa volonté sur la sienne. Elle veut faire ses propres choix — même si c’est difficile, même si c’est des soirées de larmes parce que le cerveau ne parvient pas à dénouer les pour et les contre, et que la pression est bien là, pesante, sur les épaules. Violet veut se remettre au centre de sa propre vie ; ne plus être une ombre, une spectatrice seulement.

Et pourtant, c’est si compliqué.
Et pourtant ce soir elle n’est plus que ça, spectatrice des vagues qui vont et viennent et elle, elle reste immobile, assise dans le sable.

Mais si elle est là, c’est bien parce qu’elle a quitté l’enfer de Kopadia, ces autres, cette lumière, ces flammes et les volontés des autres ; elle s’est échappée, alcool dans le sang et colère dans la tête et elle a marché, marché, marché. Elle a choisi de s’éloigner sans plus laisser les autres choisir à sa place, et surtout pas Miroslav. Elle espère qu’il s’en veut, qu’il regrette, qu’il pleure sa présence, peut-être ? Elle se dit qu’elle peut toujours rêver.
Il a sans doute déjà oublié son existence.

Elle ne veut pas continuer à penser à lui. À vrai dire, elle ne veut penser à personne. Elle se dit que les gens sont compliqués, qu’il s’agisse d’amour, d’amitié ou même de respect. Peut-être est-ce elle qui est compliquée, et au fond ça ne change rien. Le résultat est le même. Et les vagues s’agitent encore, éternellement, tandis que des pokémons aquatiques nagent dans les profondeurs. Violet n’y pense pas davantage. Elle entoure de ses bras le corps de son Absol, pose la tête contre lui. Une larme silencieuse coule dans l’obscurité de la nuit.

CW : sous-entendus / allusions à l'angoisse, au mal-être violent, à la dépression & état d'ébriété. C'est à 100 % en métaphores mais stay safe quand même ♡

Les jours ne sont pas éternels
Disait un astre au soleil.

Le regard perdu dans les vagues, depuis toujours, toujours ; la lumière des astres a disparu dans les ténèbres de la nuit. De la nuit, ou d’autre chose ? Les nuages se sont faits épais et de plus en plus noirs, accumulés en bande et noyant la plage dans une obscurité sans nom. Violet se dit qu’il fait vraiment sombre — est-ce qu’elle a déjà connu nuit si noire, aussi sombre que le gouffre sans fond qui prend parfois possession de son cœur ? Mais elle ne s’inquiète pas. Elle n’est pas encore familière du phénomène.
(La dernière fois, les nuages n’étaient pas aussi nombreux et le paysage était carrément strié d’éclairs violets).

La dernière fois, c’était presque une autre époque, un souvenir qu’elle tend même à oublier. La dernière fois c’était bien autre chose et son esprit embrumé ne fait pas le lien. Elle ne s’inquiète pas. Elle est ailleurs. Dans les vagues, peut-être. Elle chantonne, marmonne ou murmure, plutôt. Les jours ne sont pas éternels ; et la nuit parfois s’abat sur le monde sans même qu’on s’y attende. Elle renverse tout, les murs et les êtres, comme un raz de marée dévastateur. Et le monde tangue et le pied glisse, le corps chute dans le vide ((puis un sursaut, une respiration, et le monde tangible est toujours là, autour)).

Violet tangue. La colère a fui, dissipée comme un nuage par un vent doux. Le détachement tremble, l’apaisement est fragile — pieds nus sur un fil au-dessus du vide. La tristesse joue des coudes, le vide cherche à tout engloutir, la raison se démène, submergée. Des émotions diverses et trop nombreuses bataillent entre ses côtes et entre ses tempes. Elle ne sait pas encore qui l’emportera. Elle essaie d’y penser le moins possible. Elle laisse son regard s’absorber dans les vagues plus noires encore que la nuit.

Les jours ne sont pas éternels, mais les nuits non plus. Il y aura des lendemains meilleurs, au sommet des montagnes à gravir et par-delà les ravins à traverser. Il y aura des lendemains meilleurs, lorsque le cœur retrouvera sa lumière et qu’il illuminera la nuit tout comme le soleil à l’aube. Il y aura des nuits, encore, un nombre incalculable de nuits noires comme la suie qui s’infiltre dans les poumons, fait tousser, encore, encore, jusqu’à ce qu’on croie que les poumons s’asphyxient. Il y a eu et il y aura des nuits terribles, de celles dont on ne voit pas la fin parce que le soleil refuse de se lever, lui aussi.

Mais il faut croire aux astres. Il faut croire au soleil. Il faut croire à la lune qui sait retrouver sa place dans le ciel nocturne, laisser poindre quelques paillettes de lumière, comme un phare. Il faut croire à la lune qui sait si bien guider jusqu’au matin, infaillible, toujours présente si on la cherche bien au travers des nuages. Il faut croire à la lune, elle qui sait si bien que les nuits ne sont pas éternelles, pas plus que les jours.

Il faut croire.
Pour se raccrocher à quelque chose lorsque le cœur se met à tanguer et les yeux à se tremper. Quelque chose de solide, pas comme le sable qui s’effrite sous ses orteils.

Les nuits ne sont pas éternelles
Disait la lune au soleil.

Violet se laisse tomber en arrière. Pof. Quelques grains de sable se soulèvent, retombent. Elle ne sent rien. La réalité n’existe pas. Il n’y a que l’éclat des étoiles au creux de ses pupilles, lames de lumière qui percent l’iris pour installer des paillettes de couleur dans le noir des paupières fermées. Violet cligne des yeux, les photons dansent comme des réminiscences d’un bal endiablé, et le ciel est toujours noir, plus noir que jamais.

Moros approche sa truffe de ses bras, sa tête, ses cheveux ; il hume et inspecte, protecteur curieux mais pas inquiet. Elle ne cille pas. Il cesse. S’assoit, à nouveau, comme un Ponchien de garde. Il tourne la tête. Un mouvement léger a attiré son attention. Violet, elle, ne le remarque pas et ne bronche toujours pas. Les paillettes d’étoiles dansent devant les nuages noirs et son esprit est vide.

Mais Moros se lève. Alors l’esprit réagit, et elle se redresse sur un coude. C’est difficile. Elle trouve sa tête lourde, ressent de la douleur au-dessus des sourcils. Abandonne et retombe. Mais Moros avance davantage, intrigué, peut-être. Ou inquiet ? Violet hésite. Ce n’est probablement rien d’important — est-ce que ça en vaut la peine ?

« Moros ? »

Aurait-il senti un désastre ? Pressenti une nouvelle catastrophe ?
But I’m already a mess.

Il y a quelque chose, un mouvement, une ombre — une ombre bien vivante, pas celle d’un spectre. Elle les reconnaît bien, désormais, avec toutes ces petites ombres et ces poupées qui restent auprès d’elle. Non, c’en est une autre, une ombre comme Nyx ou Moros. Alors son intérêt est piqué. Elle se redresse, malgré la tête qui tangue et le corps qui refuse, elle force, et là, à genoux, elle le voit. Elle sourit. Elle se relève toute entière avec la seule idée, simplissime et enfantine, d’aller lui faire un câlin ; Moros la retient d’une patte puissante et Violet se retient de frapper en retour.

C’est comme une douche froide — réalisation soudaine. Mais elle a des pokéballs avec elle. Alors tant pis, qu’importe, elle en sort une sans réfléchir. Si elle l’attrape, il acceptera ses câlins parce qu’il sera forcément son ami, n’est-ce pas ?

L’ombre féline — un noble Persian d’Alola — refuse ; plutôt que de reculer, il s’avance hors des fourrés, il s’avance plus proche. Secouant sa fourrure comme un Némélios sa crinière, il commence à grogner, et il lance une patte vers l’avant — une patte pleine de griffes. Il feule et Violet recule, tremble. La Magirêve s’est placée entre eux et son corps de spectre est lacéré par les griffes. Ça joue comme une onde, comme s’il plongeait la patte dans l’eau ou le brouillard, et la silhouette se reforme après son passage.

Mais Violet frissonne.
Elle tremble.

Pourquoi ?

Fébrile, elle cherche une autre ball, et elle lance, vivement, davantage comme si elle voulait le repousser, l’éloigner, que comme si elle voulait le garder près de lui. Elle a l’air d’un enfant, incertaine, vacillante, boudeuse et effrayée ; ce soir elle a peur, mais elle ne comprend pas — pourquoi ne peut-il pas l’aimer, pourquoi n’est-il pas comme tous les autres, pourquoi ne peut-il pas simplement l’apprécier, accepter, être son ami ?

Même si c’est faux, même si au matin il sort les griffes et les crocs ; même si demain il lui tourne le dos. Pourquoi est-ce que lui, ce soir, refuse d’être son ami ?

Violet patauge dans le sable, mais elle s’efforce de tenir debout. Non pour courir, car elle n’en a pas l’envie — elle veut seulement le serrer dans ses bras — seulement pour rester digne ; ouvrir les bras. Devant elle, l’Absol a dévoilé ses crocs.

« Moros… » Elle souffle. « J’veux pas… On est gentils. »

Le grondement ronfle dans la gorge, roule un instant, longuement, et finit par s'essouffler. L’Absol n’a pas bougé d’un poil, mais il se tient droit devant elle, les griffes plantées dans le sable et le poitrail en avant. Prêt à défendre au moindre signal.

Est-ce qu’il accepte ? Ou est-ce de la surprise ? La deuxième solution est probablement la meilleure, vu le regard que le Persian lançait à Violet l’instant d’avant. Mais qu’il s’agisse de l’une ou de l’autre, le résultat est le même : la pokéball s’est refermée sur lui, et a maintenant roulé dans le sable. Violet la récupère avec un sourire, et d’un pas, un autre, les bras levés vers le ciel sombre, elle exécute un demi-pas de danse.

« Yeah il sera mon ami ! »

Avant de s’effondrer dans le sable.

Et les sanglots arrivent, prêts à l’assaut ; ils défoncent tout, portes, murs et barrières, et tout s’effondre. Les yeux se remplissent de larmes, lesquelles se déversent sur les joues, le menton, jusqu’au sable. Violet sanglote brusquement, prise d’une tristesse sans fond et d’un sentiment de désespoir profond, et elle marmonne.
La lune et son Absol, imperturbable, sont ses seuls auditeurs.

« Chui nulle Moros en plus il voudra pas être mon ami même plus tard qu’est-ce que j’ai fait ? Et l’Ombre, et, et elle est blessée par ma faute et parce que je suis une merde et j’ai peur pourquoi j’suis là je… »

Elle sanglote, longtemps ; larmes baignées de sable. Elle se raccroche à son Pokémon comme à une peluche et il y a soudain comme un éclair de lucidité qui passe dans son esprit. Elle se dit qu’elle peut appeler à l’aide. Mais elle ne réfléchit pas, pas vraiment, et le premier nom qui lui vient c’est celui de Vlinder — pourtant Vlinder aurait mille raisons de l’ignorer. Violet n’y pense même pas : elle a oublié les cris, le rejet, la honte, la gêne, et dans sa tête il n’y a plus que la Vlinder qui est capable de venir la chercher n’importe où. Celle qui pourrait outrepasser tous les contextes possibles pour venir la sauver ; tant pis s’il faut la ramasser à la petite cuillère.

Alors Violet écrit.
Vlinder jui perdue à la plafe et l cuel est niir
J'ai peir j'ak bespkn de toi ya un persoan il vuet pas etre min ami
C’est presque illisible. Elle ne le voit pas. C’est incompréhensible, sans queue ni tête, et elle ne s’en rend pas compte. Elle se raccroche à son petit écran en attendant une réponse ; est-ce que Vlinder sera à nouveau l’ange qui viendra la sauver et la ramener sur des terres plus sécuritaires ?

Une vibration deux minutes plus tard, et ce sont les ailes du soulagement qui élèvent son cœur.