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C’est dur de suivre cette histoire de Persian. Tu te demandes un instant si tu es comme ça quand tu es bourrée ; probablement, et tu plains ceux qui essaient de s’occuper de toi et de comprendre vaguement les phrases que tu balances de façon aléatoire et décousue. Donc il est capturé, c’est plutôt une bonne chose, ça veut dire qu’il ne va pas vous agresser. Par contre, faire un câlin à un pokémon sauvage, même toi tu sais que ce n’est pas une grande idée. Qu’est-ce qu’il lui est passé par la tête, pour boire encore autant, pour se perdre sur une plage en plein milieu de nulle part et sous un ciel pareil, pour avoir envie de faire des câlins à des pokémons sauvages ? Mais Violet ne semble pas vouloir te raconter.
Elle se blottit dans tes bras et tu la serres fort même si tu ne comprends pas non plus ce que Miroslav a encore bien pu faire.

C’est vrai, tu ne l’aimes pas du tout, de toute façon. Tu ne le connais pas mais si tu le détestes autant c’est surtout par jalousie parce qu’il s’approche trop près de Violet et tu n’es plus personne pour lui dire quoi que ce soit et pourtant tu crèves d’envie de lui dire de dégager — mais ce n’est pas bien, Violet ne t’appartient pas et d’ailleurs elle n’appartient à personne et elle fait ses choix et si elle choisit de se rapprocher de Miroslav même si ça te rend malade tu ne peux pas y faire grand chose.

« Pfff c’est qu’un con. »

Maintenant il faut rentrer, tu dois reconduire Violet chez elle pour être sûre qu’elle ne fasse pas plus de connerie ou qu’elle se mette encore en danger. Au fond tu ne peux pas t’empêcher d’être soulagée s’il y a des étincelles entre Violet et lui parce que plus il fait des trucs idiots et plus elle s’éloigne de lui et plus ça te laisse des chances de récupérer Violet. Heureusement qu’elle ne t’entend pas penser — il y a certaines choses qui font mieux de rester bien au fond de ta cervelle.

« On rentre ? Le ciel est tout bizarre en plus on y voit rien. OH ! »

On n’y voit presque rien, pour être exact ; on y voit suffisamment pour distinguer les trois silhouettes qui se déplacent lentement sur la rive, avec leur bulle sur la tête et leurs pattes maigrichonnes. Trois Araqua adorables qui avancent tranquillement, prudemment, sous le couvert de la nuit.

Tu attires le regard de Violet sur les trois petites araignées en les pointant du doigt. Tu sais que Violet se fiche probablement des araignées comme de l’an 40 mais il fallait absolument qu’elle les voie, elles sont adorables pas vrai ? En plus ça change de sujet, parce que sincèrement, tu n’as pas envie de passer des heures à parler de Miroslav et de son joli cul — parce qu’en plus d’être un con insupportable, il est vachement sexy.

« Regarde elles sont adorables non ? On dirait mes frères et moi. »

La plus petite se tourne vers toi et avec la lumière tu as l’impression qu’elle a une drôle de couleur. Tu laisses un instant Violet pour t’approcher et c’est vrai, elle est rose, et les deux autres sont verts. Ça te fait encore plus penser à tes frères et toi, parce que si tu étais une Araqua tu serais certainement une araignée chromatique et de couleur rose. Avec une couleur pareille tu ne sais pas comment elle a pu survivre dans la nature et tu te dis que c’est sûrement grâce à ses frères, comme toi, tu serais morte un nombre incalculable de fois si tes frères n’avaient pas été là.

« Vous voulez venir ? J’connais un coin génial avec un lac calme ! »

Les trois pokémons se regardent en se demandant probablement ce que tu leur veux et tu sors des friandises que Pincette adore, ça te permet de survivre quand elle décide de faire de toi son goûter — aucune araignée ne peut résister à ces gâteries.
Tu lances les trois balls à peu près en même temps et de façon très étonnante, les trois araignées y restent.

« Trois Araqua, trois Araqua, trois Araqua, -qua, -qua ! Quadrilatère, quadrilatère, quadrilatère, -tère, -tère ! Terrain vague, terr… J’pouvais pas les laisser là, les pauvres elles étaient toutes perdues ! »

Tu te demandes si la cohabitation se passera bien avec Pincette et les autres. Les Araqua, tu sais ce que ça mange, et puis Adrian pourra t-
… Tu préfères ne pas penser à lui pour l’instant, c’est suffisamment compliqué à gérer pour ce soir. En plus tu as plein de trucs à raconter à Violet depuis la dernière fois (c’est-à-dire avant-hier par messages).

« Je suis éclatée. T’sais hier j’étais à Anthos et je suis tombée sur des braconniers qui voulaient voler un Tylton chroma, alors j’ai récupérer le truc et je l’ai ramené à Calléis et du coup j’ai dormi toute la journée. Et toi t’étais à une soirée pour boire comme ça ? Y avait des meufs sexy ? Dis moi tout. »

Tentative d’en savoir un peu plus, parce que soudainement tes histoires d’araignées et de Tylton de Lentis te paraissent avoir beaucoup moins d’importance que celles de Violet.

Tu aimerais bien avoir la force d’Oyaris ou de Zamas pour pouvoir coller une droite à Miroslav. Tu n’as aucune idée de ce qu’il a fait, en réalité peut-être pas grand chose, mais il traîne trop près de Violet à ton goût et puis il a l’air d’un connard et ça te suffit à le détester profondément. Tu te demandes si Violet déteste Adrian aussi mais c’est pas pareil parce qu’Adrian est adorable et même si tu l’as embrassé à une soirée ce n’est jamais allé plus loin. Tu penses qu’il est asexuel ou gay ou quelque chose comme ça sinon depuis le temps c’est sûr que vous auriez déjà couché ensemble.

« Si t’as b’soin de quelqu’un pour lui en foutre une je suis ton homme. Enfin ta femme. Enfin bref tu comprends. »

Le plus probable c’est que tu appelles Zamas à la rescousse pour que lui aille taper sur Miroslav à ta place, mais ça ne change rien. Si ce connard a besoin d’une bonne gifle, tu connais des gens qui apprécieront de se défouler un peu.
Soudain une gerbe de boue éclabousse le rivage et tu fais un écart et Violet te tombe à moitié dessus alors tu la rattrapes et puis il faut courir, jusqu’au téléporteur, parce que des pokémons enragés en veulent encore à votre vie de toute évidence. Lentis a cette sale manie d’essayer de détruire ceux qui l’aiment (ça te rappelle vaguement quelqu’un).

« Klimat, Demi-Tour ! »

Du coin de l’œil il te semble voir un Sancoki dans le sable, mais dans l’obscurité tu n’en es pas sûre. Ça pourrait être n’importe quel autre pokémon et tu ne tiens pas à rester là pour le savoir. Klimat est assez fort pour vous défendre. Tu n’as plus envie de t’enfuir, plus depuis que ton entraînement avec l’insecte géant paie — il t’écoute environ une fois sur deux maintenant, un record qui te semble incroyable. Et il faut protéger Violet. En temps normal elle n’a pas besoin d’être protégée parce qu’elle a des pokémons assez badass mais vu qu’elle est bourrée, tu n’es pas certaine qu’elle soit en mesure de prendre des décisions et de donner des ordres cohérents à ses pokémons.

« Kalei ! »

D’un mouvement, tu laisses sortir ta Beldeneige de sa pokéball. Grâce à ses écailles glacées, elle peut sans doute ralentir les ennemis, d’autant plus ici où il y a beaucoup d’eau. Tu n’as pas pensé au fait que l’eau de mer, chargée de sel, gèle très mal — mais bon, on ne peut pas penser à tout après deux nuits blanches et en plein milieu d’une bataille. Oublions le fait que tu n’y aurais pas pensé même si tu étais reposée et au calme.

Tu te cramponnes à la main de Violet pour qu’elle ne tombe pas, parce qu’elle n’a pas l’air très stable (c’est un problème avec l’alcool qui rend le sol et les gens instables). Klimat a reçu de la gadoue sur son beau pelage blanc et ça va encore te prendre une heure à le nettoyer et à le brosser, parce qu’il n’aime pas trop que tu le touches longtemps. Et il n’aime pas trop les bains non plus ; ça va être un calvaire, tu le sens. Enfin pour prendre un bain il faudrait de préférence que vous surviviez — concentration, le téléporteur, Klimat se débrouille très bien en arrière.

C’est peut-être vrai après tout. Vous pourriez rester là. Juste vous allonger dans le sable encore tiède et dormir, et ignorer les grains dans les vêtements et les petites roches sous les chairs. Vous pourriez abandonner parce que c’est vrai c’est fatigant, toi aussi tu es fatiguée et tu voudrais dormir, des heures et des jours et des mois entiers ; prise dans le tourbillon de la vie qui ne te laisse aucun répit, tu cours, tu cours contre le temps, tu cours contre le vent, nuages opaques au-dessus de la tête, nuages opaques qui obscurcissent ton cœur, tu es fatiguée et un instant tu y songes, à tout abandonner. Se jeter dans le sable, se jeter dans la mer, couler, couler pour ne plus entendre les bruits du combat, les grognements, les hurlements, la douleur, la terreur, toutes ces voix dans ta tête. Ce serait plus simple de se laisser tomber et de s’endormir ici, ici ou ailleurs, des jours ou des mois.

C’est vrai que tu pourrais abandonner aujourd’hui et que tu aurais pu le faire, hier aussi, quand le petit Tylton maltraité s’est retrouvé entre les griffes d’assassins de pokémons. Mais la vérité c’est que tu as pensé à lui, à cette minuscule vie et tu t’es dit que sa vie valait probablement mille fois la tienne et que pour cette raison tu ne pouvais pas le laisser mourir.
Et c’est aussi pour cette raison qu’aujourd’hui tu ne t’effondreras pas dans le sable non plus ; qu’aujourd’hui personne ne coulera, personne ne chutera, personne n’abandonnera parce que si tu t’endors, tu sais qu’il n’y aura que la mort pour vous cueillir, que la mort pour vous prendre dans ses bras, on ne s’endort pas à Lentis comme ça sans mourir.

Parce que Violet t’a demandé de l’aide et que toi, tu ne sais pas comment on fait, toi tu sais te jeter à l’eau et couler, toi tu sais entraîner les autres dans ta chute, t’agripper si fort qu’ils couleront eux aussi, mais pas ce soir, pas ce soir, Violet t’a demandé de l’aide et tu ne veux
plus
la
décevoir
pas encore, cette fois tu veux être une main tendue, celle d’en-haut, pas celle qui fait couler, celle d’en-haut qui tire vers la lumière, quelle lumière, peu importe, s’il n’y a plus de lumière tu veux bien brûler — te consumer pour briller, ne pas abandonner, il y a encore de l’espoir, tu veux y croire sinon qu’est-ce que tu ferais là ?

« Ok on ralentit, d’façon Klimat nous couvre, et Moros aussi, et Kalei aussi. Mais quand même faut qu’on continue, on est presque arrivées ! »

Klimat revient, il trottine sur la plage, ses pattes immenses qui s’enfoncent de plusieurs centimètres dans le sable. Klimat a l’air calme et serein comme si tout ça n’était qu’une promenade. Son pelage blanc est taché de brun, de poussière et de boue, pas de sang, tant mieux parce que le sang est le plus difficile à enlever, il te faut des heures pour nettoyer, des heures coupées de pauses pour ne pas te mettre à pleurer en pensant à ces vies qui valent mille fois les vôtres et c’est vous qui survivez, pour ne pas te mettre à vomir à cause de l’odeur de cadavre, ça colle l’odeur de la mort, ça prend aux tripes et à la gorge, âcre et amère, mais ce soir il n’y a pas de sang, pas de morts, ce soir personne ne s’effondre.

« J’vois Moros aussi. »

Tu soutiens Violet, le regard qui glisse malgré toi vers les vagues agitées, flots noirs et gueules béantes qui ne vous avaleront pas ce soir. Parce que tant que tu seras là ce soir tu seras la lumière, celle qui repousse l’écume noire et les nuages opaques, celle qui guide en sécurité ((celle qui se consume et qui détruit)).

Il faut tenir bon — ne pas laisser la tempête de Violet t'éteindre, te souffler comme une minuscule flammèche, non, tu brûles trop fort ce soir pour laisser les bourrasques t'anéantir. Ne pas penser qu'il serait plus simple de se jeter à l'eau, de se laisser couler et entraîner au fond, quand bien même les vagues elles-mêmes le chantent à tes oreilles. Violet a besoin de toi ce soir (et si elle avait toujours eu besoin de toi en réalité et que toi tu as préféré partir parce que c'était plus simple ? C'est toujours plus simple de fermer les yeux ; de lâcher la main qui s'agrippe à toi pour ne pas avoir à la traîner alors que tu peines à traîner ta propre carcasse). Plus maintenant, tu as changé (tu veux y croire, tu veux changer).
Un instant tu penses à demander à Violet de se remettre avec toi, c'est vrai, elle est bourrée et peut-être qu'elle dirait oui, dans cet état, après tout vous étiez déjà bourrées la première fois pas vrai ? Mais il ne faut pas — ce ne serait pas bien, alors tu te contentes de la soutenir, de la tirer avec toi.

Demain, peut-être, tu reviendras la voir chez elle et tu apporteras des légumes, pour témoigner de ton amour pour elle, et vous vous réconcilierez, parce qu'elle comprendra que tu tiens vraiment à elle, puisque tu lui offres des choses bonnes pour la santé, c'est logique. Il faudrait aussi que tu trouves deux Zarbi lettre V, pour faire vos initiales, ce serait stylé, peut-être qu'Ophelia voudra bien te parler de son Zarbi pour que tu comprennes mieux ce pokémon et que tu puisses en trouver aussi.

« Klimat m'obéit mieux depuis que Keone m'a donné des conseils, t'as vu ? T'sais bien c'est une pote qui est comportementaliste et aussi elle en pince pour Zamas, j'essaie de les mettre ensemble du coup. »

Tu travailles dur pour que Klimat t'écoute mieux, ensuite tu t'inscriras à la tour de combat, ce serait fun que Violet vienne aussi. Tu sais que Eagle est intéressée mais elle te fait peur, avec ses pokémons Spectres, ils sont résistants aux Insectes et ils ne craignent pas grand-chose. En tout cas rien de ce que tu as dans ton équipe. Zamas aussi est intéressé et tu espères qu'il y aura des combats en duo pour te battre à ses côtés. S'il y a Violet tu pourrais faire un combat Violet et toi contre Zamas et Eight. Il faut que tu aies Violet dans ton équipe pour profiter de ses pokémons Spectres et Ténèbres qui couvriront tes points faibles. Depuis quand est-ce que tu fais de la stratégie d'ailleurs ?

« Si t'as besoin de conseils pour Giga-Ombre je suis trop forte maintenant. »

L'Ombre, c'est la Feuforêve, alors Giga-Ombre c'est le surnom que tu donnes souvent à son... Spectre géant dont tu ne connais pas l'espèce et qui ressemble à un Feuforêve. Ceci dit, tu n'es pas la meilleure personne pour donner des conseils, mais avec un peu de chance Violet le sait. De toute façon il faut rentrer, se mettre en sécurité, et surtout dormir. Tu verras demain pour le reste — en apportant des poireaux et des aubergines à Violet.