Menu

Anthos, Verpré, c'est ma maison depuis toujours, outre l'année chez mon père, bien court séjour; là-bas, une neige tombe encore des cieux qui fait trembler de froid l'homme bien trop frileux. Ici, la neige est une question d'hier- rendant les champs destination populaire. Aujourd'hui je me suis engagé·e dans le pré pour en découvrir la délicate beauté.Accompagné·e de mes pokémons, ma balade s'en va, devant, en prenant des airs de parade; si bien que nous ne passons pas inaperçus quand bien même nous ne voulons pas être vus.

Alors que nous avançons sur les sentiers à peine réveillés, l’appréhension face à la présence de pokémons sauvages prend mes trippes au détour; toute mon attention est tournée vers les mouvements qui prennent place autour de nous; après tout un pokémon tout juste sorti de l’hivernation est un pokémon qui a faim, et moi, je ne veux pas prendre la place d’un délicieux en-cas – aussi suis-je un peu obnubilé·e par cette peur qui dévore mon esprit et, du même coup, m’empêche d’apprécier à sa juste valeur la beauté du printemps qui renait.

Mais je suis ici pour mes pokémons plus que pour moi – ils ont grand besoin de se dégourdir les jambes (ou ce qui leur sert d’appendage); faut dire que depuis la reprise des cours après les congés d’hiver, je me suis mis à fond dans mes études et que j’ai, par conséquent, négligé leurs envies. Aussitôt sortis, bien évidement, Moroi, mon Ectoplasma, est disparu quelque part; je le sens parfois passer brièvement dans mon dos, comme s’il sortait d’une autre dimension pour s’assurer une fois de temps en temps que nous sommes toujours là et pour s’assurer de notre situation.

Alraune, elle, est partie danser parmi les fleurs, drôle de vision que celle-là; après tout est-elle plus proche de l’automne que du renouveau dans son apparence, mais elle gardait un cœur d’enfant qui s’émerveille de la naissance de tant de couleurs. Wisp, lui, se tient près de moi, hheureux de simplement marcher à mes côtés, petit bonhmme qu’il est. Alraune et lui sont proches, mais comme il n’est plus un bébé, il essaie d’être plus indépendant d’elle, et je ne peux que l’encourager à découvrir et nouvelles choses – et de nouvelles personnes.

Likho, elle, a pris résidence dans mon ombre. Ce n’est qu’un bébé de rien, tout faible et tremblant, si tant bien que même la brise pourrait la déloger de sa résidence temporaire. J’aime la savoir là; au moins profite-t-elle du beau temps avec nous, et la présence de pokémon sauvages ne peut que former son caractère…

Je m’arrête dans ma petite marche, repérant (et ce n’était pas difficile) un Zigzaton qui zigzaguait (tout naturellement) entre les fleurs, hors des sentiers; à le voir aller, on pouvait se demander s’il faisait quelconque projet dans son avancée vers… quelque part. Ce faisant, je me retourne pour te regarder; tends le bras puis la main vers toi, sans te presser et pourtant en voulant te sentir près de moi, là où je peux te voir. C’est toi l’adulte ici, sans aucun doute, mais je ressentais le besoin de protéger.

Peut-être parce que je n’avais pas pu protéger maman, au fond.

Mais avec toi, je le sais, ce sera différent. Je le sais comme un enfant s’accroche à l’espoir qu’il n’y ait pas vraiment de monstres dans son placard. Savoir parce que penser tout autre chose pourrait nous tuer de peur – et que la peur, au final, est le pire de nos ennemis. Ça… et l’ignorance. Mais passons.

« Tu avais raison, je me sens bien mieux maintenant que nous avançons dans notre balade » que j’affirme; prenant ta main pour la caler confortablement contre mon bras, comme les dignes nobles d’antant – et puis ne suis-je pas princier, au fond, dans mes beaux habits? Grande comme je suis, et petite comme tu es, on pourrait se méprendre sur la nature de notre balade et de notre relation, au fond. Tu es, après tout, trop jeune pour être mon parent, mais aussi trop vieille pour être une petite amie. As-tu, au fond, l’air d’être ma sœur? L’idée me plait, même si au finla ce n’est pas le rôle que la destinée t’a imposé.

« Je regrette juste- » et ma voix s’enroue quelque peu, mon regard se fait, lui, distant; « Enfin, tu sais comment c’est. Je n’ai jamais pu partager une telle balade avec elle. Elle disait que les prés bucoliques d’Anthos étaient trop dangereux » mon regard coule sur les bourgeons de fleurs et leurs couleurs qu’on commence à deviner entre les feuilles vertes et tendres qui les protégeaient en attendant leur éclosion. Vu d’ici, il est difficile de croire que quoi que ce soit de mauvais pourrait nous arriver…

Et pourtant – pourtant je sais me méfier des apparences. Lors d’une ancienne balade, après tout, nous sommes tombés sur un endroit aux allures de merveille, cascade éthérée qui aurait été magnifique et agréable si ça n'avait été du silence de mort, mystérieux et malaisant, qui l’accompagnait. Et ça, c’était sans parler des pokémons terrifiants qui la gardait, ainsi que les murmures effrayants qui s’ensuivirent. Des rires et des alertes, des cris et des menaces.

« Mora » dis-je, « Elle me manque, tu sais? »

Je serre ta main dans la mienne; en ça je ne suis peut-être pas comme bien des adolescent·e·s, ça ne me gêne pas de tenir encore la main des adultes. Tu me dis qu'elle serait fière de moi et j’en doute, tout naturellement; ma mère, je l’aime, au passé comme au présent, mais je suis mieux que quiconque les attentes qu'elle avait envers ma personne et les déceptions qui en résultent. Pas que; il y a moi, aussi, qui change, qui se rend compte que peut-être sa perception de la vie était un peu rigide, pleine de jugements de valeurs qui ne répondent peut-être pas à mes valeurs à moi. Mais ce que je sais, ce que j’entends dans tes paroles, au fond, c’est moins à propos de d’elle et bien plus à propos de toi. Toi, tu es fière de moi, et ça m’importe beaucoup, tu sais? Après tout, c’est à toi que je dois toute valeur de succès.

Mais nous ne sommes pas là, au fond, pour parler de mes examens qui arriveront bien vite, ou même des vacances d’été pour lesquelles je veux me trouver un stage étudiant quelque part. Non, ne sommes-nous pas supposées être là pour observer la nature, au départ? Alors plutôt que de te contredire (ça n’aurait rimé à rien), quand bien même je doute parfois de la fierté de ma mère dans l’au-delà, je me contente d’hocher de la tête et d’apprécier l’air printanier. Après tout, nous avons toute la journée pour marcher!

« Attention! » et ma voix s’élève dans la panique alors que je vois un Tylton de Lentis (rare créature qu’elle est) faire une piquée vers le sol dans un moment d’inattention. Je n'avais pas vu le début de toute cette histoire, quand le Chlorobule avait sauté sur lui pour voler haut dans le ciel, pas plus que je ne l’avais vu tomber de son taxi à plumes nuageuses quelques instants auparavant. Si ça avait été le cas, aurais-je trouvé que c’était une vue qui avait quelque chose de captivant?

J’en doute – je suis peut-être plus insensible que la moyenne face aux pokémons en général, je n’aurais tout de même pas souhaité voir le Chlorobule devenir une crêpe au sol. Heureusement, au lieu de quoi, nous assistons au sauvatage miraculeux du Tylton de Lentis qui l’attrape par les petites feuilles qui forment se crète en plein vol! « Oula, ça a faillit être la catastrophe! » Je l’ai soufflé entre mes lèvres, sans même réaliser que je t’avais tirée vers l’arrière, main solidement ancrée sur ton haut, par son étoffe.

J’ai l’air de rien, vite fait, mais j’ai peur – constamment. Pour toi, pour moi, pour la vie tranquille qu’on essaie d’avoir. Ma mère travaillait beaucoup, elle donnait beaucoup de valeur au travail, et en ce point tu es pareille à elle. Si tu ne me forces pas à étudier et à « devenir quelqu’un d’important pour la société » à tout le moins n’as-tu pas besoin de l’être, parce que cette pression a été tellement ancrée dans ma peau que je me l’inflige tout seul. Peut-être qu’on s’entend aussi bien parce qu’on a eu une éducation semblable – et ma question à moi c’est de savoir si tu es heureuse. Parce que si tu l’es, alors certainement moi je le serai aussi. Une logique simple, à toute épreuve.

Ai-je besoin d’expliquer pourquoi le bonheur m’est si important? Après tout, n’est-ce pas une poursuite toute humaine? Qui donc ne le recherche pas activement? Mon bonheur repose dans le creux de ta main, connectée à la mienne dans un este affectueux. J’aimerais dire que mon bonheur ne dépends pas de toi, après tout, je crois que tu préfèrerais qu’il soit autonome, mais pour le moment ça m’est encore difficile…

Peur qui me ronge les entrailles, tu romps tout sentiment de sécurité quand tu relâches ma main, tout naturellement, aussi facilement qu’on respire, et pour aller vers un pokémon qui plus est. Trahison s’il en est une, je n’ose piper mot, retenant mon souffle alors que je te vois t’extaiser devant la forme mignonne d’un pokémon sauvage. Est-ce qu’il n’y a pas un brin de jalousie là-dedans? Est-ce que je ne voudrais pas qu’on me regarde avec tendre et amour ainsi simplement parce que j’ai la chance d’exister sous cette forme? Mais du haut du mon mètre presque quatre-vingt-dix, il est normal que la mignonnerie ne soit pas la première chose que j’élicite d’un regard. J’ai passé l’âge, dira-t-on.

De toute manière, c’est vrai qu’il est mignon, le Tylton de Lentis, avec ses ailes nuageuses et ses antennes frisées. C’est vrai mais ça n’empêche pas qu’il soit dangereux. Ça n’empêche pas qu’il pourrait picorer tes yeux ton visage ta peau, qu’il pourrait s’envoler et appeler à l’aide un pokémon obscur. Il pourrait te tuer aussi facilement qu’il respire. C’est un pokémon sauvage, il n’est pas là question de moralité, c’est simplement dans leur nature de se protéger, n’est-ce pas?

Te sera-t-il même possible de comprendre ma peur sans toi-même perdre quelqu’un de proche? Tu te mets en danger et moi aussi du même coup, et ma main maintenant libérée hésite entre se tendre vers toi comme pour te prévenir ou de se fermer en un point contenant toute ma rage, tremblant. « Mora- » ce n’est pas grand-chose qui sort d’entre mes lèvres, pas plus qu’une exclamation soufflée; mais déjà tu t’es mise au sol pour observer le pokémon et t’approcherde lui.

Perdre la chance de te protéger ne me vient pas à l’esprit, tout bonnement. Je fais un simple signe, et autour de nos mes pokémons se rapprochent – certains ayant compris que je percevais un danger, d’autres se demandant pourquoi j’étais si tendue. Lihko, dans mon dos, se faisait toute petite; Moroi, lui, se faisait grande ombre, comme étoffant ses plumes pour paraitre plus grand et imposant qu’il ne l’était déjà. Ça me donne un air sombre, comme si l’air autour de moi se chargeait de malice. Wisp apparait à mes côtés, les flammes autour de son os dansant avec vivacité; Alraune, elle, s’était approchée de son pas dansantde toi, du Tylton, restant à tes côtés et surveillant vos mouvements comme si tu n’avais pas tes propres pokémons pour te protéger. Mais vois le comme une meace; une assurance que si le Tylton essayait quoi que ce soit, il y aurait répercussion.

Aussi futile que ça puisse être, d’ailleurs. Le Tylton pourrait s’envoler et fuir après l’attaque, qui sait. Tu lui dis qu’on ne lui veut pas de mal mais tu oublies volontiers que c’est lui qui pourrait faire le plus de mal dans l’instant. « Mora » et cette fois-ci ma voix se fait plus insistante, plus forte. Avec comme fond d’intonation une supplication pas si silencieuse, je ne sais quels mots utiliser pour que tu reviennes ;a moi, pour que je me sentes à nouveau en sécurité juste parce que je te tiens la main. Comment peux-tu briser si facilement quelque chose de si sacré? J’ai peur… de te perdre aussi.

Il y a de ces choses qu’on ne peut pas voir, qu’on ne peut pas quantifier. L’amour en fait parti; après tout tu ne peux pas jeter un regard dans ma direction et savoir que je t’aime, et pourtant, je sais que tu sais. C’est quelque chose qu’on ressent au lieu de sentir. Mais il n’y a pas que l’amour dans ce bail; il y a aussi par exemple ma peur. On pourrait la quantifier à mes poings qui se ferment et mes épaules qui se tendent, mais elle est bien plus que ça. Elle me ronge de l’intérieur, Mora, ma peur. La peur de la mort, la peur de ta mort; la peur des pokémons et de leurs capacités, la peur d’être seule, aussi. Tu la connais et pourtant tu ne la connais pas. Parce que tu ne peux pas la comprendre, déjà; toi tu es capable d’en faire fit.

Ce que tu ne vois pas c’est la répulsion que j’ai envers moi-même quand je me rend compte que ma peur indique que je ne te fais pas confiance. Ma peur c’est plus que l’envie de te tenir la main, c’est celle de te garder auprès de moi encore et toujours. Tu ne peux pas voir ce que je ne te montre pas, et en retour tu ne peux pas comprendre. Ce n’est pas que ma peur que tu ne vois pas; c’est le fait que tu me rappelles ma mère et que ça me donne la nausée, parce que je ne veux pas que vous croyiez que je remplace l’une par l’autre. Mais comment puis-je faire autrement quand tu te donnes ua travaille jour comme nuit, semaine comme fin de semaine? Tu ne vois pas l’enfant que je suis qui veut s’accrochet et te dire que je préfèrerais que tu rentres à la maison.

L’enfant qui ne veut pas faire son repas et manger tout seul. Non; ce que tu ne vois pas, c’est mon égoïsme que j’enfouis bien loin. C’est le travail que je fais pour être dignede ta présence, de ton amour.

Tu t’excuses, mais c’est un peu vide de sens puisque je sais que tu recommenceras à la première occasion venue. T’es comme ça, dira-t-on. T’es comme ça et je dois vivre avec; t’es comme ça et ce serait égoïste de vouloir te changer. J’ai envie de crier, de taper du pied, de te secouer, mais je me contente d’hocher faiblement de la tête et de dire - « Je sais. Tu es importante pour moi aussi » et franchement, est-ce que j’aurais pu le dire d’un ton qui sonnait plus comme une platitude. Tu dis que je suis important pour toi mais tu captures des pokémons suavages qui vivront avec nous et qui me terrorisent à chacun de leur passage. Je suis importante pour toi, mais à chaque fois que j’ai l’impression de m’être habitué·e aux pokémons qu’on a, tu en rajoutes un.

Mais la vérité c’est que moi aussi, j’en ai, des pokémons. Alors vraiment, ce serait illogique de ma part de t,en vouloir. Pourtant il y a quand même ce petit brin de chagrin dans moi que je ne veux pas exprimer. « La température est douce » et je change de sujet pour arrêter de tourner en rond; « Étrangement, ça me fait penser à cette fois où on a suivis les voix jusqu’à une cascade. » et on pourrait dire que c’est parce que la cascade était magnifique, et c’est vrai. Mais c’est aussi tout à fait vrai de dire que l’expérience avait été traumatique puisque j’ai dû affronter des pokémons très dangereux. Que ce soit à cette cascade ou ici, au fond, le sentiment reste le même…

Magnifique, surréel, ces mots définissent bien ce que nous avons vu et pourtant cela ne le décrit pas complètement, pas vrai? Je retiens un soupir parce que je sais que l’instant est déjà tendu, que cette petite marque de dépit toute simple pourrait refaire tourner la conversation à des choses moins plaisantes. Et malgré mon hésitation marquée, le moment ne dure pas. Tu ne prends pas ce bout de souvenir pour en étirer toute la conversation, et il devient apparent que nous devons en parler. De ce qu’on ressent; je n’y suis pas très doué·e, je n’en ai pas la volonter. Comme si c’était de te déranger, et ainsi ma réticence fait place à un instant de flottement où je ne répond rien, où je continue simplement de marcher et on pourrait croire l’une de deux choses, soit que je n’ai rien entendu ou alors que je fais la tête. Mais c’est loin d’être le cas – je ne suis juste pas très doué·e pour être brusqué·e comme ça.

La vacillation de ma volonté donne place aux propos suivants : « Non »  non, je ne veux pas en parler, mais toi tu veux, alors on le fera. C'est comme ça; je reste enfant et comme mon gardien, tu as le droit de demander ces choses-là de moi. « Mais ça fait plusieurs fois que j’en parle avec le docteur » mon psychologue, que je préfère appeler docteur que psychologue d’ailleurs, cet homme que je vois deux fois semaines à la demande de la cour en échange de pouvoir vivre avec toi. Ça fait mal, un psychologue. Ça écoute trop et ça te pousse dans tes retranchements, à revivre des choses pour avancer, et puis ça attend comme au dernier moment pour vous dire vos quatre vérités. Ça tente de régler des problèmes dans lesquels on veut parfois juste se tenir assis. Juste reconnaitre comme faisant parti de notre vie.

Le docteur dit que je dois arrêter de voir nos rencontres come un combat. Qu’il n’est pas l’ennemi.

« Il dit que même les adultes ne sont pas parfaits » est-ce mal d’insinuer ainsi que tu ne l’es pas? Je ne crois pas que je t’apprends quoi que ce soit, au fond. Je crois que j’ai surtout peur que tu croies que je t’aimes moins. Mais on peut aimer quelque chose qui nous fait mal, tu vois? Et toi, Mora, tu me fais mal; mal comme une corde autour de la main qui serre et qui serre parce qu’on ne veut pas relâcher la pression, et que dans notre indécision on finit par se blesser. Enfin c’est une très mauvaise métaphore, parce que pour le coup tu me fais mal, mais c’est pas pour autant que je dois lâcher la corde qui me relie à toi, va pas le croire.

C’est juste que personne n’est parfait, surtout pas les adultes. Quiconque le prétend est aveugle à ses propres fautes, je suppose. Moi je ne suis pas parfaite non plus, mais j’aimerais bien, parfois, qu’on soit plus parfait l’un pour l’autre. « Il dit aussi que c’est normal et sain de se prendre le chou, mais qu’il faut le faire de manière saine » et si je le précise (je sais que tu sais, au fond), c’est juste pour amener ceci; « Mais je doute que je pourrais adresser la situation avec mes mots et pas mes émotions » et ça, ça pourrait faire mal. À toi, à moi, à nous. Je ne veux pas te reprocher d’être, tout simplement. Je sais que tu aimes les pokémons et ce ne serait pas juste de ma part de te demander d’arrêter d’être émerveillée par leur présence. Au fond c’est une partie attachante de qui tu es.

Mais la vérité, c’est aussi que ça me force à sentir que je dois te protéger de toi-même. Et comme enfant, je ne devrais pas avoir à faire ça. C’est pas quelque chose que je peux mettre en mot, outre peut-être de dire que c’est injuste. Mais la vérité c’est que j’ai été forcé·e de grandir trop vite et que l’inquiétude qui me ronge ne fait que perpétuer l’accélération naturelle de la chose. Après, j’ai seize ans. On pourrait dire que je ne suis pas juste un enfant, que dans deux ans je serai adulte déjà. Les errements de ma pensée nous laissent là; sans vraiment adresser la situation, mais je suppose que tu peux dire ton bout et que je te rejoindrai au milieu.

« Je sais » c’est simple, c’est court, mais surtout – est-ce suffisant? Parfois en ajoutant des mots, on se complique la vie. Mais parfois ne laissant l’autre interpréter, on se fait peut-être mal comprendre. Avant, ça aurait été facile, j’aurais piaillé sans m’arrêter. J’étais cette personne qui allait vers les autres, qui découvrait de nouveaux amis partout où le vent me portait. J’ai l’impression d’être une créature bien différente de cette personne-là. Parfois je voudrais pouvoir la porter comme on mets un chemiser qu’on aime particulièrement. Je sais que je dois me donner le temps de me remettre, que le deuil peut nous changer à jamais et que c’Est même possible que je ne redevienne pas cette personne qui est préoccupée seulement par ses études et ses examens. Le monde m’est bien plus grand, maintenant, et d’autant plus effrayant.

Je ne sais pas quoi te dire quand tu dis que tu veux t’améliorer. La chose simple, courte, facile, c’est de te dire que tu es parfaite comme ça. Une partie de moi ne veut pas te changer, te pousser vers quelque chose d’inconfortable.

L’autre partie te garderait sous clef pour s’assurer que rien de mal ne t’arrives.

« Faisons un bouquet de fleurs » dis-je plutôt; « Pour mettre sur la table du salon, quand on aura la maison. » Pas là, évidemment, parce que les fleurs ne sont pas tout à fait éclos; il leur reste quelques jours, peut-être une semaine avant de s’épanouir. Vois-le comme une promesse qu’on reviendra, même si j’ai peur. Même si je sais que tu trouveras un nouveau pokémon mignon à adopter. Parce que ces choses-là ne sont pas si graves, au fond, tant qu’on est ensemble.