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Un pas vers les projecteurs, les applaudissements qui résonnent. C’est le dernier combat. Flare n’a laissé aucune chance aux adversaires précédents, mais c’était amusant, parce que c’était contre Eagle et que je sais qu’elle ne m’en tiendra pas rigueur. Je sais que dans le pire des cas, elle reviendra simplement me voir pour une revanche que je lui accorderais avec plaisir, quand elle se serait entraînée et diversifiée. Pour potentiellement avoir le dessus sur ma Pyroli. Mais ce combat, ce n’est pas pareil.

Quand je n’étais pas sur scène, j’étais dans les gradins, à observer les potentiels prochains adversaires que j’aurais à affronter. Et quand je n’étais pas dans les gradins, j’étais dans les loges à me renseigner sur les faiblesses et forces des Pokémon observés sur scène. Je suis en avance sur Eagle pour être champion, mais je ne suis pas ici pour l’être. Je suis ici pour me tester, pour me challenger aussi, je suis ici simplement parce que je pouvais l’être. Si je ressors vainqueur, ce n’est qu’un heureux hasard. (Mais je pense peut-être un peu le mériter après la serre, après le Guériaigle, après avoir perdu mon œil et presque mon poignet en le défiant) Nous étions cinq. Cinq contre un et il nous a presque annihiler malgré tout.

Nous ne sommes pas des héros. Nous n’avions pas le choix. C’était lui ou nous. Lui, ou la population entière. Nous n’avons même pas sauvé cette putain de serre, pourquoi serions-nous acclamés, hein ? Nous étions seulement là, tous ensembles, quand la catastrophe tomba. Milo, la fille des toits, Rio, Fleur et moi. Deux Adamantois seulement. Ce n’était pas une situation où nous nous questionnons sur notre appartenance, c’était un moment où tout ce qui comptait, c’était que nous étions humains et nous devions nous protéger, les sauver eux, tapis dans leur appartement. Mais non, non, là, maintenant, ce n’est qu’un Tournoi simplement. Contrôlé. Ne reproduis pas la situation du premier tour, Oya. Concentre-toi.

Tu connais ton adversaire. Tu l’as vu. Ouais, je l’ai bien observé. Alors un, deux, trois. Respirer. Se renfermer dans une bulle, atténuer les bruits extérieurs et l’observer, de l’autre bout de la scène. Un pas vers l’avant, franchir la ligne de protection où les attaques des Pokémon ne peuvent nous attendre alors que je libère Fear. C’est ma seule chance de remporter au moins une victoire dans cet affrontement, d’au moins lui retirer un seul Pokémon. Alors, Fear est le premier que je libère et que j’envoie contrairement aux deux dernières fois où c’était Flare qui ouvrait le bal. Mais cette fois-ci, je ne me contenterais pas de simplement observer, je serais juste en arrière, je les encouragerais. Je ne m’interposerais pas, mais je veux qu’ils sachent que je serais toujours derrière eux.

Il n’y a pas de véritable danger aujourd’hui, mais dans la nature, avec les obscurs, oui. Et j’ai besoin que mes Pokémon aient conscience que jamais je ne m’écarterais sous prétexte que c’est risqué. Je n’ai pas peur. Je n’aurais jamais peur et je serais toujours là. Et c’est un hochement de tête poli et respectueux envers celle que j’affronte maintenant. « Fear, tu es capable. Fais-toi confiance, tu sais quelle attaque lancer, pas vrai ? » Elle se retourne vers moi, me regarde en piaillant. Neffie en avait peur, mais au final, cette créature majestueuse n’avait besoin que de quelqu’un qui ne reculait pas face à son agressivité. Et jamais je ne recule. Alors Fear court, prend en vitesse de plus en plus, jusqu’à ce que ce soit compliqué de l’observer, s’élance enfin dans les airs pour planer quelques secondes en s’offrant ainsi amplement la possibilité de relâcher l’énergie nécessaire pour l’attaque qu’elle planifie, déployant ses ailes, jusqu’au bout de ses plumes qui s’écartent en éblouissant de leur beauté, alors qu’elles commencent à luire d’une lueur presque impossible à voir. Et… elle fond sur sa cible brusquement, sans prévenir, piquant vers le sol.

Je m’installe sur le sol ― non pas là où on a dégagé un espace pour les dresseurs, mais bien sur le champ de bataille ((je serais toujours proche de ceux qui donnent tout pour me défendre, qui gagnent en force pour mieux tailler en pièces les menaces qui nous entourent)) même si aujourd’hui, aucun risque ne se profilait à l’horizon. Parce que c’était un affrontement encadré de tellement de règles pour éviter les débordements, les problèmes, les incidents.

Dès les premiers instants, les premières secondes, je sais que ma stratégie et mes observations ont porté leurs fruits. Je ne suis pas le seul à avoir pris des notes des combats dans lesquels je ne me trouvais pas. Et avoir envoyé Flare au premier tour les deux dernières fois m’offrent un avantage inconsidérable. Elle s’attendait visiblement à ce que ce soit le Pokémon que je choisisse encore une fois, et Flare n’aurait eu aucune chance face au Braségali, type Feu contre type Feu, ça aurait été à celui ayant le movepool le plus diversifié, au plus rapide, mais surtout, au plus résistant. Fear était le meilleur choix, la meilleure porte de sortie pour repartir de notre tour avec, au moins, un KO à la main. Que je gagne ou je perde.

Mais la deuxième possibilité était la plus probable ― le Scorvol libéré, la défaite se dessine avec davantage de précision. Parce que c’était ce Pokémon qui agaçait ma conscience depuis le début : je ne possède aucun avantage de type, aucune attaque qui pourrait taper ses faiblesses, si ce n’est de viser la défense spéciale qui lui fait un peu défaut. Et ça, c’est en admettant qu’elle ne lui ait pas donné de vitamines pour combler cette lacune. Ce dont je ne peux avoir aucune certitude, parce que ce ne sont pas des informations qui nous sont données, avec raison.

Fear essaya d’éviter Crocs Givre, mais son élan créé par l’attaque lancée lui porta préjudice ((l’attaque frappa directement, de plein fouet)) la laissant retomber sur le sol et se secouer, lisser ses plumes même. « Fear, c’est pas exactement l’endroit pour ça. » Mais je ris. Et mon rire résonne, provoque un léger écho, revient à mes oreilles. Là, maintenant, comme ça, je parviens à m’extraire du bruit ambiant, du chaos qui nous entoure. Pour que ce ne soit que nous. Les Pokémon et nous deux, à essayer de voir qui allait remporter la manche ((c’est toi, je le sais, mais ce n’est pas grave ― j’ai vaincu les deux autres fois, ça me convient)) je sais faire la part des choses, comprendre que tu as l’avantage et que ça te servira pour l’emporter. « Pouvoir Antique. Essaie d’augmenter tes chances, Fear. »

Le sol se met alors légèrement à trembler alors que, pattes parfaitement ancrées sur la surface sous elle, ses griffes l’abîmant, la raclant, dans un sifflement presque douloureux, Fear se concentre. Elle puise dans son ancienneté, le pouvoir qui coule dans ses veines depuis des siècles, fossile redécouvert d’autres régions du monde (ceux de Lentis sont encore plus surprenants, encore plus ancestraux) et des boules de lumière s’élancent dans les airs pour frapper.

Et sans surprise, c’est la même attaque qui est relancée ; Fear abîme que très légèrement en projetant la roche sur le Scorvol, mais l’inverse n’est pas vrai du tout. ((Glace)) ennemie véritable de deux de mes Pokémon inscrits au tournoi. Ce n’est pas grave. Contrairement à Juillet, contrairement à Décembre, j’ai réussi avant d’arriver à ce tour-ci et même ici, j’ai emporté son Braségali en premier lieu. Le premier KO de ce combat, c’est moi qui l’ai. Et ça me suffit.

Je rappelle Fear dans sa pokéball ― « Bien joué Lena ! » Voix portée vers l’autre côté du terrain ((je peux sentir les regards incrédules plantés sur ma personne complètement au milieu de l’arène ; je peux ressentir l’agitation au niveau de la sécurité, faut-il me demander de bouger ou me laisser et ne pas déranger le match ?)) qu’importe. Je ne me suis jamais soucié de ce que les autres pensaient face à mes gestes. Ce n’est pas aujourd’hui que ça commencera.

Un remerciement inaudible à l’égard de l’oiseau vestige qui rejoint ma poche alors que je libère Flare. Ses pattes se posent fermement sur le sol ((j’intégrerais des attaques glace à mon arsenal, pour la prochaine fois, ça me sera bien utile)) ― « Amuse-toi. » que je lance à ma Pyroli s’ébrouant, comme pour s’échauffer, avant de s’avancer vers son adversaire, semblant presque le jauger, le juger. Il ne s’agit plus de stratégies pour remporter la partie, simplement de la laisser se dépenser, et attaquer bien évidemment. Ceux qu’il me reste sont inévitablement plus lents que le Scorvol ; envoyer Frigo aurait été le condamner avant même qu’il ait eu le temps d’attaquer. Non seulement je le sais fragile, sa défense étant son point faible, mais en plus, eh bien, à l’image de Fear, la glace lui était dangereuse.

Flare est celle qui possède le plus de chance d’au moins avoir le temps de frapper une fois.  

Elle sourit ― son sourire accentue sa beauté naturelle. Et moi, je ris encore un peu. Je ne sais pas s’il est joyeux, s’il est ivresse, je ne sais pas s’il est adrénaline ou encore abysses masquées ((ce n’est pas réellement important, quand on s’y penche)). Je sais seulement que nous sommes là tous les deux, que son scorpion vient tout juste d’empoisonner Flare et que celle-ci ne pourra pas encaisser un nouvel assaut.

Elle sourit ― sa voix se porte jusqu’à mes oreilles ; il n’y a que nous. La bulle nous entoure, insonore, je n’entends que ses paroles, le bruit du combat et ma respiration. La chaleur des flammes de ma Pyroli me caresse, suffisamment près d’elle pour que ça m’atteigne. Mais je ne bouge pas. Pas d’un seul petit millimètre. Je n’avais pas plus bougé à l’époque, quand l’incendie se propageait ; seulement quand l’angoisse de leur présence dans notre maison a fait surface dans mon esprit, que j’ai essayé de les rejoindre. Il était trop tard.

Flare secoue la tête, mécontente, visiblement affectée par le poison ― qu’importe le déroulement des prochaines minutes, la victoire est claire et elle n’est pas mienne. « Franchement, c’était ma seule chance d’au moins vaincre un de tes Pokémon ! Je t’ai étudié. » Observer, analyser. Comprendre, et utiliser les informations obtenues contre les autres. Ce sont les étapes qui rythment mon quotidien depuis toujours. Ma débrouillardise et mes connaissances puisent leur source dans ma capacité à écouter et comprendre l’humanité qui m’entoure.

C’est très pratique. Et j’aime entendre la passion dans la voix des gens, quand ils me transmettent leur savoir, me montre comment on procède. Je n’apprends pas dans les livres, assis à simplement enregistrer des mots mis sur papier, non ; j’apprends auprès de ceux à qui je peux poser des questions et les écouter pendant des heures ((Flare s’élance malgré la chance absente de réussir à le toucher avant qu’il ne l’achève; elle se devait d’essayer))

« Oh non, je les ai bien fait, c’est pour ça que Fear a remporté la première manche. » Parce que justement, je savais parfaitement bien que je ne possédais rien pour descendre efficacement ce Scorvol. Il ne s’agissait pas d’une faille dans le temps pris à considérer les options, les poser attentivement et les comprendre, les analyser. « Ton Scorvol est seulement … un excellent contre à mon équipe. » Parce que les attaques que mes Pokémon connaissent ciblent majoritairement la défense physique ; Scorvol en possède une excellente ― Bourdon serait un parfait ajout au movepool de Frigo. Je m’assurerais de me procurer la capsule technique qui la contient.

« Donc, à l’avenir, sois rassurée que j’aurais une meilleure couverture de type. » C’est un clin d’œil que je lui adresse alors que Flare n’échappe pas aux griffes redoutables de son adversaire, me forçant à la rappeler dans son Pokéball ((je prendrais le temps de la féliciter quand elle sera soignée)) mais j’ai la chance d’avoir des créatures sur la même longueur d’onde, pour la plupart d’entre elles. Nous savons tous que les défaites ne signifiaient pas une absence totale de force et de talent, mais simplement une parfaite occasion pour comprendre les faiblesses et les rectifier. Toujours rectifier le tir et toujours se retrouver meilleur à la fin de la journée. C’était ce que j’avais fait, après la rencontre avec ce piaf d’enfer. Même si j’y ai laissé un œil au passage.

Il ne reste que Frigo, libéré de sa Pokéball, volant dans les airs immédiatement. « Il est plus rapide que toi, Frigo, essaie d’en faire ton avantage ! » Giga-sangsue. Si le Scorvol ne parvient pas à mettre à terre dès la première attaque mon Papilord, celui-ci pourra récupérer immédiatement des points de vie. Et ça aidera. Mon œil se pose à nouveau sur toi. « Un verre après, ça te dit ? » Parce qu’après tout, nous sommes dans le dernier match. Sauf si tu dois affronter un autre participant pour départager le vainqueur final.

« C’est le but premier de notre participation, pas vrai ? S’améliorer. » Mettre nos forces en opposition, observer là où nous brillons et repérer les parts d’ombre. C’était la raison pour laquelle je me suis inscrit, tout du moins. Peut-être pas pour toi, mais c’est effectivement le cas pour ma part. Ça et parce que ça avait le moyen d’être amusant, divertissant ― de changer des néons du laboratoire, d’Essence se projetant sur ses barreaux, des inscriptions dans mon tableur et mon document de traitement de texte ; parce que ça changeait des ténèbres qui m’engloutissaient à chaque jour, dès l’instant où le soleil pointait le bout de son nez jusqu’à ce que la lune s’exhibe avec ses rayons plus doux, plus légers. Ça m’est déjà arrivé de m’endormir au laboratoire. Et dans ces moments, c’est Imani ou Oscar qui me réveillent à leur arrivée le lendemain.

Le Scorvol ne semble pas réagir à tes paroles alors que Frigo, lui, enregistre parfaitement les miennes. S’élevant dans les airs pour mettre une distance entre eux avant même que ton scorpion ne bouge, mon Papilord observe et analyse. Ses yeux composés lui permettent de saisir une grande fraction d’informations ((et nous, ici-bas, à observer le déroulement)). Il a compris, il fallait se jouer de la vitesse de l’autre Pokémon. Parce qu’une fois l’élan pris, se couper est plus compliqué.

C’était une technique qu’il avait observée également contre la Méganium. Alors, il ne panique pas, reste très calme ((son adversaire le sous-estime entièrement, au passage)), ses ailes battent régulièrement pour le maintenir en place. Mon regard dévie du combat un instant pour regarder ce que tu pointes et j’hoche la tête, petit rire aux lèvres. « Pas de soucis, je ne bois pas d’alcool non plus, alors ce sera des mocktails pour nous deux ! Célébrer ta victoire certaine. » Je n’ai pas des masses d’espoir, même si Frigo s’en sort bien maintenant, qu’il réussisse à encaisser un autre tour. Après tout, il a résisté face à la Méganium parce que le type plante ne l’affecte que très peu.

Et il réussit. À la dernière seconde, il s’écarte, laissant le Scorvol plonger dans le vide, la glace frôlant à peine mon papillon qui enchaîne directement, de toutes ses forces, aspirant l’énergie de son adversaire. « Oh, ça, c’était imprévu. Tu gères Frigo ! Bon, le prochain adversaire, tu survivras pas, mais c'est pas grave ! »