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Hier ((c'était vendredi soir)), je suis allé faire des courses après l’école. Trois fois rien, au fond – Je me suis arrêté dans une boutique de fête pour acheter des ballons, vous savez, ceux qu’on souffle pour les anniversaires? J’ai choisi tes couleurs préférées, soit toutes les teintes de bleu possibles et imaginables. Certes – les ballounes, comme on dit, ça ne fait pas très sérieux, mais j’en garde un bon souvenir, de ces anniversaires que j’ai passé avec toi et maman, alors je me suis dit que peut-être ça te rendrait heureuse aussi. Et puis je suis allé, évidemment, te chercher des chandelles pour mettre sur ton gâteau. Pas question de prendre des chiffres et de les poser dessus pour te rendre la vie facile, par contre : j’en achète trois paquets de dix, de petites chandelles de rien, avec des torsades de blanc et de toutes les couleurs de l’arc-en-ciel, pour en avoir assez à mettre sur dessus, pour que tu galères bien à toutes les souffler en un seul coup. C’est, après tout, la seule manière qu’il y a pour toi d’obtenir ton souhait! Faut bien te faire travailler un peu, pas vrai? Et puis j’achète un beau sac-cadeaux d’un bleu-gris holographique, dont les teintes changeaient selon la manière que la lumière avait de le frapper – et puis du papier de soie blanc dans lequel j’enfouirai ton cadeau d’anniversaire. Heureusement que mon géniteur me donne pas mal d’argent de poche. On ne croirait pas, mais tout ça, c’est vraiment pas donné! J’achète aussi de beaux rubans pour les ballons, et un chou dont je n’ai pas besoin, juste parce qu’il est très beau et de toutes les couleurs de l’arc-en-ciel. Le genre de truc qui vous coute dix balles pour un seul morceau et qui est beaucoup trop gros pour la vie, mais que mon cœur d’adolescent au budget quasi illimité convoite.

Et puis je rentre chez lui pour préparer mon méfait – envelopper doucement ton précieux cadeau, les doigts tremblants parce que j’ai peur que tu ne l’aimes pas, et puis je m’attèle au plus clair de mon combat : déjà, commencer le gâteau des anges à la vanille que je sais que tu aimes bien, avec un glaçage assorti. C'est pas rien! Je préchauffe le four et tout le tralala – et pendant que ça cuit, je ranger tout le foutoir que j’ai fait, la farine qui s’est retrouvée sur le sol ((ne parlons pas de mon haut)) et puis on prépare le glaçage pendant que ça refroidit. Au fond ce n'est pas plus compliqué que les cours de chimie – peut-être que c’est pour ça que j’ai une affinité avec la pâtisserie, mais pas trop avec la cuisine qui elle est plus une question de feeling. Qu’importe – quand j’ai fini il est déjà passé neuf heures du soir et je sais que je dois me lever tôt le lendemain, alors je m’affaisse dans mon lit et je m’endors aussitôt ((heureusement que j’avais mis mon alarme, hein).

À pile cinq heures, c’est justement cette dernière qui sonne – je me réveille à moitié et me glisse hors de mon lit avec maladresse, mon corps comme trop long pour mes attentes, et puis – sans même arriver à me décrasser les yeux, je me dirige vers la douche. Elle, au moins, me réveilla bien mieux, et revigorée, j’en suis sorti pour faire ma toilette – parce qu’une douche ne se termine pas quand on a arrêté le cours de l’eau, mais bien quand les cheveux sont coiffés, les verres de contacts sont mis, et qu’un est habillée de son mieux. Je me glisse hors de la salle de bain, un nuage de vapeur s’effritant derrière moi. 5h30 – je suis encore dans les temps. Je prend le sac-cadeau dans une main et transporte la cloche à gâteau de l’autre, et je me dirige, en habit de neige, vers les téléporteurs, et puis direction Anthos et notre maison. Bon; c’est la tienne mais je m’y sens comme chez moi, alors c’est la même chose. Cloche de gâteau coincée entre le mur et mon corps, j’utilise l’autre main qui est seulement encombrée du sac-cadeau et puis je déverrouille la porte comme j’ai ma propre clef, et je rentre à pas de Rattata, silencieuse. Je place le gâteau dans le réfrigérateur, le cadeau dans le salon et puis je m’attèle à la tâche : gonfler le plus de ballons possibles!

Heureusement que j’ai des bons poumons, hein?

Un bon trois quart d’heures plus tard, il y a des ballons et des rubans partout dans ton appartement; sur les murs et attachés aux lampes, partout où j’ai pu ficeler un bout de ruban pour les faire tenir. Dommage; je n’ai pas pensé à te faire une guirlande. Je regarde l’heure : il n’est pas encore six heures trente, et je sais que tu ne te réveilles pas aussi tôt, mais qu’importe, je ne suis plus capable d’attendre tellement j’ai hâte de te faire cette surprise – j’entre dans ta chambre sans frapper à la porte ((pardon)) et voilà que je me lance dans les draps en m’écriant : « Bon anniversaire Mora! » avant de venir m’enfouir sous les couvertures pour un câlin.

Bon, comme réveil, on a vu mieux, mais on a vu pire. Au moins je sens bon mon shampooing et je ne suis pas une étrangère. Peut-être est-ce excessif – peut-être est-ce bizarre de sauter dans le lit d’une adulte en riant à pas d’heure pour leur faire une surprise le jour de leur anniversaire. Au fond je ne sais pas, parce que moi je ne suis pas encore adulte. Mais je te connais, toi. Je sais que tu m’aimes, et je ne crois pas que tu seras fâchée de cet excès d’enthousiasme.

Mon sourire s’étire sous l’impulsion électrique de mes muscles alors que tu émerges lentement de ton sommeil, surprise et hagarde, et je réalise que j’ai peut-être abusé dans ma précipitation (mais tu me le pardonnes, je sais); je te laisse le temps de prendre conscience de ce qui t’entoure, me glissant sous les couvertures et réclamant des câlins qui sont autant pour toi qu’ils sont pour moi. Très vite la conversation retourne sur moi plutôt que toi, et heureusement pour toi, Mora, je n’ai pas l’intelligence émotionnelle nécessaire pour me rendre compte de tout ça; de l’évitement, du fait que tu ne souhaites pas particulièrement fêter ton anniversaire, du malaise qui vit en toi. Pour moi, tu es l’adulte et ainsi tu es parfaite / ta vie est sans problèmes / ton amour propre ne te coule pas dans les mains comme un poison éphémère. Quand même, j’hésite un instant à ma réponse, pas parce que je souhaite mentir, mais parce que bien que la question soit simple, la réponse ne l’était pas. « J’ai bien dormi, oui. Pour les bouts où j’ai réussi à dormir » que j’ajoute en enfouissant mon nez dans ton cou chaud; tu as de ces relents de chaleur qu’on gagne quand on reste entre les couvertures. Comme pour me justifier, je dis; « J’avais très hâte à ce matin » et comme une gamine, l’excitation m’a gardé réveillée pensais-je sans le rajouter à voix haute.

Mais tu sors de la couette bien vite et je te suis pour faire de même. Legoshi, ton Rocabot, vient se frotter contre moi et je fige (on aurait pu croire que j’étais en fait une roche vu comme je deviens raide) – il m’aime, mais moi je ne sais pas si je suis encore prêt à me réchauffer à sa présence. Il le faut bien, quand même, et sa présence me fait penser au spectre qui m’accompagne généralement. Je suppose qu’il est resté dans sa pokéball, pour une fois, ou alors il hante la maison de mon géniteur à ma recherche. Qu’importe; c’est pas mon problème à moi. Heureusement pour moi, tu sors les gâteries pour pokémon et il me lâche aussitôt, s’en allant vers toi pour réclamer son dû. Je pousse un soupir, pas mécontente de retrouver la flexibilité de mes membres, et je relaxe le sourire forcé qui s’était figé sur mon visage.

Et puis tu te diriges vers la cuisine, et avant même que j’aie eu le temps de te prévenir, tu tombes nez à nez avec les décorations – et l’espace d’un moment je ressent dans tes yeux quelque chose d’étrange, que je ne sais adéquatement interpréter. Est-ce un brin d’embarras? Peut-être parce que tu es adulte et que ces décorations sont enfantines, peut-être parce que j’en ai fait trop et que tu n’aimes pas. Ou peut-être n'est-ce pas de l’embarras, mais quelque chose de plus profond, comme de voir quelqu’un se débattre et en faire tout un plat pour une fête qu’on n’aime pas (mon meilleur exemple ce serait la st-valentin, la fête de l’amour… quand t’es célibataire de manière chronique). C’était de se forcer pour performer la joie pour l’effort de quelqu’un d’autre, alors que la journée est supposée d’être pour soi. Certes, je n’en comprends pas toutes les nuances, je ne sais pas pourquoi, mais c’est mon cheminement mental en tout cas alors que tu me nommes – et puis que tu me remercie.

« Mora » dis-je en attrapant une de tes mains dans les miennes pour les serrer; je tente de me faire dragon, moi dont l’enthousiasme se dégonfle quelque peu pour me faire me sentir bien petit. Ma résolution, toutefois, est palpable quand je te dis; « C’est ta journée. Si les décorations te plaisent pas, ou si tu veux pas qu’on en fasse tout un plat, c'est ok, tu sais? » et puis, avec un peu de douceur, je dis; « J’avoue que les fêtes surprises c’est un peu extrême, j’aurais dû penser au fait que tu voulais peut-être pas tout ça » et je redescend sur terre, moi qui était dans les étoiles le temps de tout préparer. Je cache ma déception pour ne pas que tu te sentes mal – mais surtout, ce que j’ai dit, je le pensais. Si ça ne t’amuses pas, peu importe combien j’ai mis d’effort dans la décoration, tout ça ne rime à rien si ce n’est pas quelque chose que tu aimes. Heureusement que j’ai pas invité d’autres gens, ça aurait été un terrible fiasco, tout ça!

« J’ai fait un gâteau » te dis-je, surtout pour t’avertir doucement et que tu ne sois pas prise de court encore; « Mais il est trop tôt pour en manger, je suppose » dis-je en riant, m’animant un peu plus alors que je me dirige vers le centre du salon (je n’ai pas, comme d’autres, des nerfs d’acier, aussi je frémie d’excitation en désignant le cadeau tout emballé); « Est-ce que tu… est-ce que tu veux ouvrir ton cadeau tout de suite, ou est-ce que tu préfères attendre à ce soir? » et dans mes yeux nait l’espoir que tu veuilles l’ouvrir de suite, ne serait-ce que parce que j’ai hâte de voir ta réaction en l’ouvrant. Mais après tout ça t’appartient; certains préfèrent faire durer le suspense, je crois.