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“ Allez Aksel, courage, on est bientôt arrivés.”

Le fond de l’air était frais, une fine neige tombait sur Hoarford. Axel, c’était mon sixième et dernier enfant. Du haut de ses 5 ans, c’était la première fois qu’il grimpait les huit cent quarante sept marches qui séparaient la ville du belvédère. Grimper là haut, à la seule force de ses jambes, c’était ainsi qu’on montrait au monde entier qu’on était un homme, un vrai ! Moi aussi, j’avais accompli cet exploit, au côté de mon père il y à des années de cela.

“ Il y a longtemps, moi aussi j’ai grimpé toutes ces marches. Papi ne s’est pas retourné une seule fois pour voir si j’arrivais à suivre sa cadence. De toute façon, je n’avais pas le choix, haha. ”

Mon père, c’était un phénomène. Un homme, un vrai. Il nous aimait mon frère, mes sœurs et moi, mais à sa manière. Jamais je ne l’ai entendu dire un mot gentil à notre égard, il fallait savoir lire entre les lignes, comprendre et interpréter son mutisme et son regard froid. C’était un homme respecté, avec un sens de l’honneur et du travail à tout épreuve. C’était et il restera toujours un modèle pour moi.

“ Et quand on redescendra tout à l’heure, maman nous fera un bon chocolat chaud, ça va nous réchauffer !”

J’avais de bons souvenirs de mon enfance. Je descendais souvent dans les mines d’Adamantia avec mon père. Malgré mon jeune âge, je ne restais pas en retrait pour regarder. Si je voulais l’accompagner, je devais servir à quelque chose. J’empoignais une pioche et je me rendrais utile. Le soir, quand on rentrait enfin à la maison, ma mère avait préparé une bonne soupe qui nous requinquait après une dure journée. Ma maman était quelqu’un d’aimante et de bienveillante. Tout le contraire de mon père. D’ailleurs, on s’était toujours demandé comment et pourquoi ils s’étaient retrouvés ensemble ces deux-là. Les opposés s’attirent. J’étais moi-même très différent de ma femme et en même temps, si complémentaire. Que ferais-je sans elle, ma bien-aimée

“ Ca va mon grand ?”
“ Oui, papa ! Je vais y arriver !”

Mon dernier bébé était un grand garçon. Mon coeur se serra quand il continua de grimper les marches une à une, me dépassant même pour ne pas s’arrêter. J’aimais ma famille, plus que tout. C’était ma plus grande fierté. Alors voir mon petit dernier si… grand. Je reniflais un bon coup et je repris ma marche. Ma petite femme serait là, elle me dirait de ne pas pleurer devant les enfants. Et elle avait raison, je me devais de rester fort.

“Regarde papa, on y est !”

Les dernières marches se trouvaient derrière nous. Perchés, sur les hauteurs, on pouvait apercevoir l’intégralité d’Hoarford. Je posais ma main sur la frêle épaule de mon fiston. En voilà une aventure que je n’étais pas prêt d’oublier.

“ Tu vois la maison ?”

Je plissais les yeux et pointais les habitations se trouvant en contrebas.

“ Par là-bas je dirais. Oh et de ce côté regarde, y’a le travail de papa.”

Les mines d’Adamantia, la fierté de l’île. Sans elles, nous ne serions rien. Pas de pierres, pas de maisons pour s’abriter, pas de mines, pas de vie sur cet archipel si austère. Mon travail, je l’aimais plus que tout. C’était difficile, physique, mais cela me convenait parfaitement. J’avais suivi les traces de mon père, tout comme son père avant lui. Dans le fond, j’espérais que l’un de mes enfants reprennent le flambeau après moi. Je soufflais doucement. Ce moment, unique, je l’avais vécu avec chaqu’un de mes enfants et à chaque fois, c’était un pur moment d’exaltation.

Quelque chose me bouscula dans le dos.

“Oh pardon m’sieur, j’vous avais pas vu. Salut les amis, regardez où on est ici, en direct d’A-da-man-tia ! Comment c’est trop de la balle !”

Mais jamais un touriste n’avait gâché un moment si important. Je fronçais les sourcils et fis signe à Axel de me suivre.

“On part déjà papa ?”
“Oui.”

Ces étrangers n’avaient aucun respect pour les traditions ! Si encore ils venaient ici pour aider et travailler… mais non, tout ce qui les intéressaient, c’était faire leur “vlogue”. J’avais le même problème avec mon aîné, Hans. Tout ce qui l’intéressait, c’était de partir. Je poussais un léger soupir en entamant la descente du belvédère.