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Une simple, courte comptine revisitée - mais dont les vers exposent la vérité.
Gik’ea est le quatrième enfant de la famille Ehu-kai, et le deuxième fils.
Quatrième enfant d’une longue lignée - mais à partir duquel tout a basculé. Car, oui - c’est à partir de Gik’ea que les choses ont commencé à se corser, que la vie s’est compliquée, pour la famille Ehu-kai. Quatre enfants, déjà. Ça demande beaucoup, quatre enfants, c’est un peu un gouffre financier - mais Gik’ea ne l’a jamais vraiment remarqué. Parce que ça a commencé lorsqu’il est arrivé, alors c’est ce qu’il a toujours connu. S’il savait, Gik’ea se sentirait probablement coupable - après tout, qui ne se sentirait pas coupable ?
Mais Gik’ea ne sait pas. Il n’a connu que la pauvreté, que la difficulté. Personne ne lui a dit. Et qui irait lui dire ? C’est quand tu es arrivé que tout a changé.

Gik’ea a donc trois adelphes plus âgés, mais seulement un grand frère. Ataro a toujours été une forme de modèle, pour Gik. Parce qu’Ataro était le premier, il était le plus âgé. Parce qu’Ataro creusait le chemin pour ses adelphes. Gik’ea voulait être comme lui - un symbole de confiance, un symbole de responsabilité. Quelqu’un sur qui on peut compter.
Gik’ea n’était pas préparé à ce qui allait arriver - à ce que sa vision soit brisée. Il n’était pas prêt à voir son modèle s’effacer.

Petit Gik’ea a toujours grandi comme un bon élève, comme un gentil petit enfant, honnête, travailleur, sérieux. Petit, oui - car lorsqu’il était jeune, Gik’ea n’était pas bien grand. Ça lui valait beaucoup de moqueries, d’ailleurs, parce qu’il était petit. Et il complexait même un peu, parce que comment était-il censé aider, protéger sa fratrie s’il ne pouvait même pas attraper une tasse dans le placard au-dessus du plan de travail ? Gik’ea voulait être en mesure de pouvoir soutenir sa famille, ses adelphes - qu’ils soient plus âgés ou plus jeunes - il ne voulait pas être celui qui a toujours besoin d’aide, toujours besoin d’assistance. Il fallait qu’il mette sa main à la pâte, lui aussi. Qu’il apporte sa pierre à l’édifice.
Cependant, son complexe ne fit qu’augmenter lorsqu’il se fit renier par le symbole de la famille, Froussardine. Enfin, la véritable histoire est un peu plus compliquée

Gik’ea n’avait que dix ans ce jour-là. Un jeune âge, mais également assez âgé pour comprendre beaucoup de choses, et surtout, un âge où les souvenirs marquent.
Il faut savoir que, dans la famille Ehu-kai, chaque adelphe a son propre Froussardine - qui forment un banc, une fois réunis. Ils sont le symbole même de la famille, ils la protègent. Évidemment, les Pokémon étaient importants - ils étaient presque vénérés au sein de la famille, ils représentaient le lien familial qui unissait les Ehu-kai. Évidemment qu’ils étaient importants.
Évidemment.
Gik’ea devait nourrir les Froussardine, ce jour-là. C’était une tâche qu’il appréciait, parce qu’il a toujours aimé les Pokémon, et il aimait la symbolique des Froussardine, il aimait ce qu’elle représentait. Il aimait l’unicité de sa famille.
Pourtant, ce jour-là était différent. Parce qu’en les nourrissant, Gik’ea se fit mordre. Oui, mordre - et ça n’était jamais arrivé avant. Jamais, à personne. Pourquoi était-ce différent pour lui ? Avait-il fait quelque chose de mal ? Allait-il faire quelque chose de mal ? Peu importe la raison, le symbole de la famille l’avait renié - ou du moins, c’est ce que son esprit d’enfant pensait. Parce qu’en vérité, le Pokémon devait simplement être gourmand et affamé. Mais on ne peut réécrire les pensées d’un enfant complexé.

Gik’ea était alors rentré en larmes à la maison. Il avait mal, il avait peur, il était honteux. Mais lorsqu’on lui demanda ce qu’il s'était passé, il ne sut répondre. Parce qu’il était terrifié, terrifié que sa famille le renie, elle aussi - en apprenant les actions, la volonté même de Froussardine. Ne serait-il pas rejeté par ses adelphes ? Ne serait-il pas moqué pour avoir été banni par le symbole protecteur de la famille ?
Gik’ea était terrorisé. Terrorisé que la vérité ne le mette à la porte, l’éloigne de sa famille. Alors, il ne dit rien. Il cacha ses mains dans son dos, renifla en baissant le regard d’un air honteux, et déclara que ce n’était rien. Qu’il avait cru croiser un Pokémon dangereux, mais qu’il avait rêvé. Et ainsi, personne ne saurait la vérité. Qu’il avait été renié.
Personne ne saurait que les Froussardine l’avaient traumatisé - qu’il ne pourrait plus jamais les approcher sans être terrifié. Personne ne saurait que leurs yeux démoniaques, affamés allaient le hanter - le faire cauchemarder jusqu’à la fin des temps.
Personne ne saurait. Et si personne ne savait, alors personne ne l’abandonnerait, n’est-ce pas ?
Gik’ea protègerait ce secret. Il le protègerait à jamais.

Silencieux comme une pierre, Gik’ea a cependant réussi à gagner un peu de confiance en lui lorsque, un an plus tard, il a commencé à avoir une subite poussée de croissance. Il n’était alors plus le petit adelphe sans défense, le petit adelphe à protéger - et pouvait enfin aider les autres. Alors il avait redoublé d’efforts - à l’école, à la maison, dans ses passions. Montrer qu’il était capable.
Et ça fonctionnait ! Parce que c’est seulement quelques années après qu’Ataro s’est reposé sur lui, lui a confié une tâche, celle de l’accompagner. Partager un secret, partager une mission, pour la famille. Pour que la fratrie ne soit pas dans le besoin.
Il était heureux, Gik’ea, au départ. Il était honoré - que son modèle lui montre le chemin, le guide, lui enseigne comment s’occuper de la famille. Il était heureux que son frère le prenne sous son aile, lui apprenne comment aider les autres.

Et puis, il avait rapidement compris. Compris la dure réalité derrière les actes d’Ataro, derrière ce qu’il lui demandait de faire - et il n’avait pas aimé. Parce que ce n’était pas moral, et Gik’ea était gêné. Gêné de tromper autant de personnes - aussi riches soient-elles. Il veut faire les choses bien, de façon honnêtes, légales. Parce qu’il avait des rêves - des rêves de justice, basés sur une culture enseignée par des amis plus aisés.
Mais, Ataro était son modèle. Il devait bien y avoir une raison. Il pouvait lui faire confiance - non ? Gik’ea voulait y croire. Il voulait croire que ça finirait bien. Malgré son malaise, il voulait se persuader que ce n’était pas mauvais.
Et pourtant…
Pourtant, les années se sont écoulées - et plus les jours passaient, plus Gik’ea comprenait, et moins il acceptait. Il était partagé - devait-il écouter son sens moral ? Devait-il protéger sa famille ? Devait-il se repentir face au rejet du Froussardine ?
Les doutes, les questions - tout tournait, dans la tête de Gik’ea. Mais - n’était-ce pas mettre sa famille en danger, de laisser Ataro continuer ? Que se passerait-il, s’ils finissaient par être découvert ? Leur famille serait-elle impliquée ? Pourrait-elle se débrouiller sans lui, sans eux ?
Gik’ea n’en pouvait plus. Il avait fini par confronter son frère - lui demandant, implorant d’arrêter - allant jusqu’à le menacer, lui poser un ultimatum. Parce qu’il voulait que leur famille reste unie. Il voulait que rien ne leur arrive - même si cela voulait dire continuer d’être pauvre, et de devoir travailler. Au moins, ils seraient tous ensemble, non ?
Mais Ataro n’était pas d’accord. Ils s’étaient disputés, ce jour-là - et Gik’ea l’avait prévenu, arrête tout, ou tu es mort, pour moi.
Gik’ea ne pensait pas avoir à mettre sa menace à exécution. Il ne voulait pas la mettre à exécution. Il avait hésité, avant de le faire - avant de contacter la police. Car il s’agissait de son frère - et il voulait garder cette image de famille unie.
Mais il y avait longtemps qu’il ne faisait plus partie de cette unicité. Alors, au moins - il se devait de protéger les plus jeunes, avant qu’ils ne se retrouvent impliqués.
Le cœur au bord des lèvres, il avait tout raconté.

Ataro s’était donc fait emmener, Gik'ea l'avait rayé. Et il s'est toujours, toujours demandé s’il avait fait le bon choix. Mais au final, malgré les doutes, il n’a jamais regretté. Parce qu’au moins, sa famille était hors de danger. Et puis, Cae partit chasser des rêves à réaliser.
Eka partit étudier. Gik’ea se retrouva rapidement le plus vieux des adelphes encore présent dans la famille. Et c’était peut-être son moment pour se repentir. Avec tous les aînés de partis, il devenait le pilier. C’était à lui d’aider les plus jeunes - à lui de les soutenir, de les aider, de les guider.
Gik’ea avait peur, peur de ne pas y arriver. Mais il s’était mis en tête de tout faire, tout, pour pouvoir aider sa famille, aider ses adelphes. Il serait leur aide, leur modèle.
Il ne partirait pas.

Alors, Gik’ea abandonna ses rêves. Parce que ses rêves ne seraient pas utiles à la famille. Parce qu’il ne pourrait pas la supporter, l’assister en suivant ses rêves - et que quelqu’un devait bien se sacrifier. Et Gik’ea avait déjà été renié par le symbole - il avait causé la perte de l’ainé. Et les autres étaient parties, alors il fallait que ce soit lui.
Doué de ses mains et doté d’une oreille musicale, il trouva un stage chez un luthier pour se former. C’était la solution de facilité - Gik’ea avait toujours aimé travailler le bois, ç'avait toujours été un passe-temps sur le côté. Et un stage, ce n'était pas couteux comme des étutes, ça ne coutait rien, même - bien que ça ne ramenait rien non plus, au début, ce qui forçait Gik'ea a prendre un boulot sur le côté. Mais il le savait, une fois sa propre boutique ouverte, ce serait bien payé - les instruments, bien que n’étant pas le genre d’objets à être vendu tous les jours, ça coûte cher. Ainsi, il pourrait apporter à sa famille l’aide dont elle avait besoin - et ne jamais l’abandonner.
Prouver au Froussardine qu’il était digne de rester.