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CW. Attention, sujets pouvant choquer.
"Raphaël, ta posture !"

Il n'y avait que quelques centimètres qui le séparaient du bâton de la discipline (c'était comme ça qu'il l'avait surnommé) alors que le petit Raphaël se redressait, malgré le mal de ventre qui avait fait surface et la fatigue de son premier jour d'école. Mais ses parents n'étaient pas des gens d'exception, et il le savait. Il n'y avait pas d'occasion pour être malpoli. Le reste du repas se passa sans autres interventions, à son plus grand soulagement. Une fois son assiette finie, il demanda la permission pour se lever et alla la rincer dans l'évier. Ses parents lui avaient montré comment faire, comme ça c'est plus facile à laver par la suite. Par contre, il devait utiliser un petit banc. Le comptoir de marbre était encore trop haut pour lui. Une fois son assiette rincée était finalement arrivé le moment qu'il attendait avec impatience : le dodo. Son lit et lui allaient être meilleurs amis pour la nuit. La nuit, c'était le seul moment où il n'avait pas à craindre ses parents.

Raphaël regardait les quelques photos de lui lorsqu'il était jeune, et les souvenirs de refaire surface comme un objet oublié à la mer. Il se rappelait cette fois où on lui avait volé un soulier à l'école. Raphaël avait dû faire le trajet de l'école jusqu'à chez lui sans soulier pour le reste du mois. Ou lorsqu'il avait eu un mot à son carnet parce qu'il s'était endormi en classe, faute d'avoir pu dormir la nuit précédente avec ses parents qui s'engueulaient. Il y avait aussi son coin secret, un petit coin qu'il s'était fait lorsqu'il voulait se cacher de tout. Il était dans son garde-robe, il avait mis des couvertures et quelques-uns de ses oreillers. Il y avait aussi une petite lampe, lorsqu'il voulait y lire des livres. Au final, c'était dans cet endroit que le jeune avait fini par passer une grande partie de son enfance, et la quasi-totalité de son adolescence.

À mesure qu'il tournait les pages de son album, il se rappelait peu à peu pourquoi il en était venu à détester ses parents à ce point. Comme lorsqu'il avait été envoyé à l'école militaire à quatorze ans parce que, et je cite "on aurait dit qu'il avait été élevé par des singes". Par la suite, il s'était teint les cheveux bruns pour les défier. Autant dire que ça avait mal fini. Par moment, il se demandait quand même pourquoi ses parents s'étaient donné la peine de lui tenir un album. Il n'y avait rien de joyeux à retenir de son enfance. Non. Ce n'est pas vrai. Il y avait ce moment. Il avait retrouvé la photo qu'il chérissait dans son cœur. Celle où il tenait Gaël et Marie dans ses bras, encore trop jeunes pour toucher par terre. Il s’était juré de les protéger. Et puis, il y avait aussi sa rencontre avec Lilith, la jeune femme qui avait changé sa vie.

Ils s’étaient rencontrés dans un cadre de travail, elle était jeune et venait tout juste d’obtenir son poste d’apprenti ranger. Quant à Raph, il avait reçu la tâche de s’occuper de son entraînement. Autant dire que ce n’était pas l’amour fou, au début. Il se rappelle qu’elle lui a craché au visage lors de sa première journée, faute d’aimer ses techniques d’apprentissage. Éventuellement, on ne sait pas quel miracle. ils se sont rapprochés, ce qui a mené à une longue relation, la plus longue que Raph n’ait jamais eu. Il était si sûr qu’il voulait passer sa vie avec elle, qu’il y a de cela trois ans, jour pour jour 14 février 2020, il s’apprêtait à la demander en mariage. Enfin, ça, c’était avant que les mauvaises nouvelles arrivent à sa porte.

“Oui, Monsieur Zuberg ? Je crois que vous devriez vous asseoir..”

Morte. Elle s’était faite toucher par un Pokémon fou, enragé, peu importe. Elle n’était plus là. Malheureusement, le temps que les secours arrivent, elle avait déjà succombé à ses blessures. Aucune larme. Il n’y avait aucune larme qui coulait des yeux de Raph à cet instant, sinon plus tard, lorsqu’il avait fermé la porte devant le corbeau de malheur. Frustré, démoli, il jeta tout ce qu’il avait d’elle, y compris la bague qu’il comptait lui donner ce soir-là. Il était détruit. N’ayant personne à qui parler, à qui se confier, Raphaël s’était confié à la seule chose en qui il avait confiance : la bouteille de vodka qui trainait sur son comptoir… et les 4-5 canettes de bières dans son frigo. Soir après soir. Parce que les moments où il était sous l’influence de l’alcool, étaient les seuls où il pouvait arrêter de penser à elle une seconde.