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Y'a pas grand chose à dire, en fait. Quand j'étais p'tiot, mon daron est parti acheter des clopes et il n'est jamais rev'nu.

Il s'en amuse, parce qu'il ne l'a jamais réellement connu. Et pour lui c'est pas un désastre. Il avait son grand-frère Mael, et sa mère. Et son grand-père maternel qu'il allait souvent voir, un tenancier de bar, qui avait la particularité d'être également le créateur de ses propres liqueurs, vendues sur place ou à emporter pour que les touristes aient un souvenir temporaire de Kopadia.

Puis, tout s'est dégradé. Tout à changé autour de lui, et ce, si vite.

Ensuite, c'est le frérot qui est parti.

Un jour, le frérot à décidé de partir voyager autour du monde avec sa bande de potes. Quand il est revenu, c'était pour annoncer à tout le monde qu'il partait, après avoir rencontré l'amour au-delà de Lentis, dans un coin reculé, inaccessible pour Gael. Au début, il revenait tout les ans, mais le voyage coûte un bras. Ce fut les cartes postales, mensuelles, puis bimensuelles.

Puis les SMS, de temps en temps, quand il a le temps.
Puis ces SMS, impersonnels, pré-faits, pour les anniversaires et les fêtes de fin d'année. Avec des mentions du style "Faudrait qu'on s'voit" "Faudrait que tu viennes" et autres. Personne n'est jamais v'nu voir personne, de ce fait, personne ne s'est r'vu.

Pendant tout ce temps, Gael était quelque peu perdu. La flemme commençait lentement à le ronger de l'intérieur, ou c'est le fait de perdre son grand-frère avec qui il aimait tant passer du temps, qui le freinait dans l'envie de faire quelque chose. Il allait en cours pour dormir. Puis rentrait pour rien foutre. Puis n'y allait plus. Quand on lui demandait ce qu'il voulait faire plus tard, il disait "Chépa... Riche ? Comme ça, plus besoin de rien foutre."

Ensuite y'a eu l'autre

Sa mère à retrouvé un gars. Il aimait pas ce gars. Il était pas méchant d'ailleurs, mais y'avait un truc. Un truc indicible. Un truc caché derrière ce sourire sur cette gueule de con. Un truc qui collait pas, qui faisait qu'il l'aimait pas.

Du coup pour pas voir sa gueule de con, j'passais tout mon temps ici avec le vieux.

Au début, c'était pour rendre service contre un peu d'argent. Gael a pris ça comme un petit boulot de dépannage entre deux flemmes pour pas totalement rien foutre de ses dix doigts non plus. C'est pas comme ça qu'il peut remplir le frigo. Et c'est devenu on ne peut plus sérieux lorsque le vieillard commençait à sentir que, fallait possiblement passer le flambeau un jour ou l'autre, et qu'il restait possiblement quelqu'un à qui il avait envie de le passer. D'une manière habile, sans jamais lui proposer quoi que ce soit de manière très ouverte, "le vieux" l'a pris sous son aile avec des "viens, je te montre comment on fais pour faire telle ou telle boisson". Curieux, désireux de toujours apprendre de nouvelles choses, il y est allé, voir comment il faisait. Et il a apprit. Tout.

C'était pas le meilleur des orateurs, vu qu'il ponctuait toutes ses phrases en tirant une latte sur ce qui était en train de finir de fumer sa santé, mais c'était un vioc passionné. Passionné, et passionnant, à terme.

Il m'a appris toutes les ficelles.

Et c'était, certainement le plus bel échappatoire qu'il soit. A présent il sort, sélectionner ses fruits, ses baies, les écorces et les épices qu'il comptait macérer. Il distillait, préparait, le servait et le vendait. Il était aux anges. Sauf la fois où, n'ayant plus assez de thunes pour finir son "mix" il était parti cueillir directement à même la source. On raconte qu'il faut pas s'éloigner des sentiers battus, tout ça tout ça, qu'il faut avoir un pokemon avec soi au cas où. C'était pas le cas. Il a croisé un Mangriff. Il le trouvait chouette, cool, stylé même. Moins stylé quand l'autre, va savoir si c'était son territoire, s'il se sentait menacé, ou s'il a tout simplement décidé d'en faire son casse-croûte. Toujours est-il que, par chance, il s'en est tiré avec un bonne balafre sur le bide. Il s'est vu crever. Son hurlement à transpercé les cieux, et plus rien.

Hasard, destin, fatalité, aucun des trois très certainement. Toujours est-il que quelqu'un l'a retrouvé à temps, avant qu'il se vide totalement. Il fut soigné, pansé, remis de ses blessures. Et à terme, lorsque tout allait mieux, il reprit le boulot.

Paraît que les bonnes nouvelles arrivent par deux : Sa mère s'est mariée avec gueule-de-plouc. Lune de miel à Alola. Paraît que c'est beau. Paraît que c'est cool. Il en a rien à foutre.

Puis, vint le jour J. Gueule-de-fion est muté. Parfait. Bon débarras.

Cela voulait surtout dire qu'elle suivait. Il était invité à suivre si besoin est. Il refuse, catégoriquement, avec un énorme pincement au cœur. Elle, contrairement à Mael, revient tout les ans ou presque. Sa venue est sujet à des larmes de joie, et un cœur embelli de bonheur. Impossible de fermer l'œil la veille voir l'avant-veille. Son départ est quant à lui, déchirant.

Et Gueule-de-con dans tout ça ? Il est interdit de séjour à Ike Kai, tout du moins, dans le champ de vision de Gael. Il avait fait le coup, de pointer sa gueule de fouine, la première année. "J'veux pas voir sa gueule de con ici." puis un haussement de ton par-ci, un autre par-là, puis deux fauves qui vont jusqu'à presque se jeter l'un sur l'autre pour défendre son gibier. Maintenant ils esquivent le sujet. Il a une demi-sœur, il paraît. Aucun ne prend des nouvelles de l'autre, de toute façon si c'est la fille de gueule-de-taupe, est-ce qu'on peut considérer ça comme faisant parti de la famille ?

Et même s'il est pas éternel, c'est toute la famille qu'il me reste.

A prendre avec des pincettes. C'est tout ce qu'il reste ici, 360 jours par an. Et s'ajoute à ça, deux trois SMS ça et là. Le vieux, par contre, son heure approche, lentement mais surement. Les rôles s'inversent, c'est maintenant lui qui aide, quand il peut, quand il a le temps, l'énergie de le faire. Gael canalise toute sa frustration là-dedans, dans un défouloir à quinze, vingt, quarante degrés. Aussi bien à la création qu'à la dégustation.
Le boulot, créer, servir, boire, voir des gens, les voir sourire, voir une belle femme, voir une belle femme lui sourire, en vrai, ça suffit à maintenir un bon équilibre.

Il avait jamais eu de pokemon. Du coup cet été, pour ses vingt-six, il eut son premier.

"Et du coup, maintenant, y'a toi. J'sais même pas si tu capte un truc de c'que j'te dis."