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Le début de la merde, c’était avant même sa naissance. Avant sa conception, même. Papa de Lys n’était pas un homme travaillant, vous voyez; cancre, il l’était encore plus que son futur fils. Mais il était malin; il avait déjà à 19 ans un plan tout tracé pour son futur. Il s’était trouvé une femme, une belle femme, plus âgée que lui de quelques années, enfin vous voyez, une qui avait déjà une carrière, un revenu stable, une maison. Et puis il avait tenté l’arnaque du siècle : c’était fait passer pour un autre, pour plus riche, pour un homme de succès. A mis maman de Lys enceinte, le plus vite possible avant qu’elle ne voit claire dans son jeu… et puis ensuite pour la laisser en plan et vivre sur la pension alimentaire. Ce genre de mec vraiment bien.

Seul petit hic : maman de Lys, femme de carrière, avait autre chose à faire de sa vie que d’élever un môme d’un mec aussi tordu. Alors pendant les premiers mois on s’était échangé bébé de Lys comme un ballon; nous c’est ton tour, non je ne peux pas cette semaine, jusqu’à ce qu’un juge tranche pour la garde complète… de Papa de Lys. En échange de cette pension alimentaire qu’il voulait tant. À même pas vingt ans, le voilà père monoparental, et vous comprendrez, ce mec, il en voulait pas de ce gamin qui ne faisait que pleurer et baver toute la journée. Et à quelque part, ce manque d’amour et d’attention qu’il a vécut pendant cette période lui ont laissé un lourd bagage pour toute la vie, et ce n’était que le début de ses ennuis, vraiment.

Papa de Lys ne voulait pas s’occuper de son gamin, alors c’est mamie et papy de Lys qui ont pris la relève; ils étaient à peine dans la quarantaine et encore capables de s’occuper d’une enfant, et puis c’était leur petit-fils après tout. Ils avaient un peu raté l’éducation du père, mais le fils… y’avait encore une chance pour eux, c’était comme un nouveau départ. Avec ses grands-parents, bébé de Lys appris ce que c’était vraiment que l’amour, la sécurité. Mais voilà, les grands-parents n’étaient pas parfaits : ils faisaient de leur mieux, comme tout le monde. C’étaient de simples gens après tout, et ils insistaient pour que papa prenne soin de son fils, une semaine ici et là. Et ça, ça rendit la situation de bébé de Lys vraiment très précaire; parfois il était en sécurité, parfois pas. Parfois on lui criait après parce qu’il avait échappé un truc par terre au diner, parfois on lui racontait une histoire en allant se coucher.

Il apprit vraiment très vite, ce bambin, à pleure et à crier quand il avait besoin de quelque chose. Il devint un petit garçon qui faisait des crises de colères, émulant celles qu’il voyait parfois à la maison. Il fondait en larme après, assaillit par la honte, le doute, les remords. Toujours trop tard. À peine la maternelle commencée, on l’envoya vers le psychologue. Il avait changé au contact des autres enfants; c’était renfermé, d’un. S’était mis à se bagarrer, de deux. Pour les choses les plus étranges; un gamin lui avait dit que les robes, c’était pour les filles. Bim; coup de poing direct dans le nez. Lui refusait d’aller aux toilettes pendant l’école, jusqu’à s’en faire pipi dessus. Et tout ça, c’est la psychologue qui finit par le décortiquer. Elle finit par dire à Mamie et papy : votre gamine, c’est un gamin.

Pas étonnant que rien n’allait.

À huit ans, Fleur se choisi son nom. On lui dit; t’es sûr? On n’osait pas dire : ça fait plutôt fifille comme nom. On lui dit; peut-être que tu regretteras ce choix plus tard. Et plus on insista, plus elle se borna. C’était Fleur ou rien! Alors à force, on le laissa faire; ils seraient là quand il changerait d’idée. Enfin ça, c’était sans compter sur à quel point il était borné, cet enfant! À douze ans il commença sa puberté, la mauvaise; on le mit sur les bloqueurs de puberté pour l’aider à gérer sa dysphorie. Seul hic : lui qui apprenait tout juste à se connaitre, à se gérer, voilà qu’un effet secondaire de sa médication le frappa comme un train : l’irritabilité.

Disons que sensible comme il était, il n’avait pas besoin qu’on en rajoute. Des petites querelles on passa aux bagarres et au sang, aux blessures jour après jour, et il devint assez rapidement la cible de taxage; après tout, il était la parfaite victime, celle pour qui on ne croirait pas à l’innocence; et à vrai dire Fleur le leur rendait bien. Se disant qu’ils avaient besoin de remettre leur petit0fils sur le droti chemin, mamie et papi lui offrirent pour son treizième anniversaire son propre compagnon pokémon : un Larveyette tout ce qui a de plus spécial!

Ce petit bout de pokémon mit un baume sur son cœur, c’est vrai; s’il était difficile de se lier d’amitié avec les entres enfants de son âge, avec le petit pokémon en tout cas, ça allait crème! Colori était drôle, attachant, et surtout très patient avec son petit dresseur qui n’avait jamais eu de pokémon auparavant. Cet été-là ils eurent beaucoup d’aventures ensembles, rentrant à la maison couverts de boue et d’éraflures, mais heureux comme tout. C’est d’apprendre à tout connaitre sur son pokémon qui le mena à vouloir apprendre à coudre un peu, pour ses propres vêtements. Il n’était pas rare de voir Fleur s’obstiner sur un morceau de vêtement, installé sur le plancher su salon, pendant que Colori, lui, se faisait des colliers de pétales de fleurs. Et vraiment, ça, c’était le bonheur total. Mais invariablement après l’été venait le retour à l’école, et toutes les difficultés de la vie.

Avoir un pokémon, ça aurait pu le rapprocher des autres. Lui donner les outils dont il avait besoin pour se lier d’affection avec quelqu’un d’autre : mais non, ce fût tout le contraire. Les heures passées à l’école ne furent que supplices, et celles passées à la maison se faisaient en compagnie de son pokémon seulement. Ah, le lien entre un garçon et son Larveyette…

C’est donc sans surprise, vraiment, que Fleur commença à concocter son plan. Un plan pour s’enfuir, loin d’ici et de ses attaches mortelles (pour ainsi dire); Colori lui avait donné un rêve. Celui d’êter champion pokémon, et rien de moins! Alors ils s’entrainaient, son pokémon et lui, pour être physiquement prêts au départ. Pour ramasser des sous en faisait de petits boulots. S’acheter un billet de bateau vers l’inconnu, faire son cardio pour ne jamais succomber à la nature, apprendre tout ce qu’il pouvait apprendre des atlas de Lentis. En connaitre plus sur les pokémons et leurs typages, aussi. Non, on le prendrait pas au dépourvu… enfin ça, c’était ce qu’il croyait; après tout on ne peut jamais tout prévoir, mais dans son innocence enfantine il ne s’en doutait pas.

C’est à tout juste seize ans qu’il mit son plan à exécution. Quitta sa maison familiale dans la nuit, laissant seulement une petite note déchirante qui disait de ne pas le chercher, qu’il irait bien. Qu’il promettait d’envoyer des lettres une fois de temps en temps pour leur dire qu’il allait bien, mais que c’était son choix et de ne pas l’en empêcher. Une lettre qu’aucun grand-parent ne veut trouver, mais pas le choix : c’était comme ça.

Une aventure qui ne fait que commencer…