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Je suis l'enfant d'un peuple sourd,
Qu'on vienne à mon secours

Kopadia.
Lieu de festivité et de tourisme.
Kopadia,
Mes pieds y foulaient souvent la terre ici, et les bars se retrouvaient avec ma présence à tant d'autres reprises. Assis au bar, mes yeux en observaient chaque mouvement; chaque présence, je ne parvenais jamais à m'en lasser. Les pleurs, les rires, les pas de danse et la vie qui y grouillait; impossible de passer par-dessus. Impossible d'en faire le tri. Se lever, offrir ma main à une demoiselle aux yeux captivants et se laisser porter par la musique; se laisser porter par les battements des coeurs et ne jamais repenser, ne jamais regretter. Je n'ai jamais su regretter les actions posées, le temps passé ici alors que le travail m'attendait généralement ailleurs. Que mes occupations devraient être toutes autres.

Cette fascination pour l'humanité ne me tenait entre ses griffes et ne me laissait m'en aller. Les pas légers, accepter de laisser des étrangers entrer dans sa bulle, qu'est-ce qui justifiait que certains le fassent malgré les blessures, les failles et déceptions, alors que d'autres rejetaient en bloc tout ce qui pouvait de nouveau les ternir ?

Qu'est-ce qui justifiait qu'on se laisse tomber ou qu'on se relève ? Elle dirige la danse, je suis le mouvement. Aucun mot n'est nécessaire. Ses cheveux roux encadrent son visage délicat avec une grâce presque angélique. Sa peau blanche est rehaussée par les lumières, ses lèvres manquent de couleur. Un rosé tirant vers le mauve. Ses mouvements sont fluides, aucune hésitation ne les teint. À sa façon, elle me rappelle le Cethosia, papillon de feu orange et blanc des contes de ma mère. Mon histoire préférée, la première à avoir été retranscrite. Elle brille d'une beauté douce, d'une beauté délicate. Comme si un rien pouvait la briser, à l'image des papillons ne sachant plus voler sans la poudre sur leurs ailes.

Je suis né pour cette effervescence. Pour ce corps qui se colle au mien avant de s'y détacher, de mes doigts qui la rattrapent, sans la condamner. Elle est un papillon libre de s'envoler si c'est son désir.
"Il me trompe, peux-tu y croire ?" La musique est montée d'un cran, les discussions se brouillent. Quelqu'un a appuyé sur la roulette du volume et l'a mis au maximum.

"Ce que vous avez de plus fort." Ni elle ni moi ne parlons, mais tous les autres le font à notre place. Elle est libre, je suis prisonnier. "Que dis-tu qu'on se revoit demain soir ? Mon boss sera furax si je ne me lève pas demain." Taisez-vous, mes yeux hurlent. Leurs discussions m'entourent, elles forment un cercle autour de moi. Distinctes, je les entends comme si elles m'étaient adressées. Envoie tout valser dans les flammes, le problème sera réglé. Les mots s'incrustent dans ma poitrine, rend la respiration difficile.

Je suis né pour cette effervescence, mais parfois elle a raison de moi.

Ses doigts ne me rattrapent pas, je m'échappe, mes chaînes se brisent alors que je rejoins le dehors, le bitume suffisamment éloigné pour ne plus les entendre. Seulement les bribes de musique résonnant de l'extérieur. L'air de la nuit est frais sur ma peau. Les couleurs sont vives, elles m'éclatent la rétine. Une respiration, une expiration. Je sens presque les odeurs de fumée. Il n'y a aucun incendie, le seul feu est dans mes veines et jamais rien n'est parvenu à l'éteindre. Tout lui offre de l'énergie, le fait gagner en puissance et lui permet de s'étendre. Essence me rejoint, je l'entends glapir sans réagir. Je sais bien qu'elle fouillait les poubelles et ruelles de Kopadia pendant que je passais mon temps dans cette boîte. Elle est libre, elle aussi. Je ne la contrains pas à me suivre quand elle ne le désire pas.