Menu

20 mar. 2024 - 20:12 - Shinji
J'suis arrivé dans la vallée, je reste pas loin du TP au cas où. Je t'envoie un msg toutes les 30min, normalement je rentre avant le matin.

Valentino attendit la réponse de son meilleur ami et lorsque celle-ci s’afficha quelques secondes plus tard sous la forme d’un simple émoji pouce en l’air, il laissa échapper un ricanement avant de ranger son portable dans sa poche et de laisser ses pokémons sortir de leurs pokéballs respectives. Lorsqu’ils apparurent dans le sempiternel éclat rougeoyant, Riptide s’ébroua avant de s’étirer comme si elle sortait d’une longue sieste tandis que Carbón se tint aussi immobile et intransigeant qu’à l’accoutumée. Une expression étrange se dessina sur le visage de l'adolescence, diluant son sourire dans une inquiétude palpable qu’il n’avait pas pour habitude de porter aussi ouvertement sur lui. Durant de longues secondes, il demeura immobile, le téléporteur dans le dos et la vallée bleu nuit sous les yeux.

C’était la première fois qu’il s’aventurait au-delà des dunes, là où le sable se retirait comme une marée descendante pour dévoiler une lande rocheuse, surplombée de falaises creusées de galeries interminables et parsemées de-ci de-là de ruines et de marais toxiques.
C’était ici que Jeremiah avait trouvé la mort. Il ne pouvait s’empêcher d’y penser. La vallée Eyepolis avait longtemps été source de peur et de convoitise aux yeux de l’enfant qu’il avait été et qui avait grandi en celui qu’il était devenu aujourd’hui –la promesse de trésors fabuleux pour sortir les siens de la misère contre la terreur absolue qu’il n’avait pu qu’imaginer à l’intérieur d’un cercueil qu’on avait préféré sceller lors des funérailles pour préserver à tout jamais les yeux des vivants face à la pure barbarie de Lentis et de ses créatures.

Il soupira comme pour purger l’angoisse en même temps que le dioxyde de carbone et son souffle avait quelque chose de fébrile. Arrête de stresser, l’ordre tournait en boucle dans sa tête, tout va bien se passer. Ne s’était-il pas préparé pour cette excursion depuis maintenant des semaines ? Ses pokémons savaient se défendre, il avait particulièrement entraîné Riptide pour cette occasion –c’était pour avoir un avantage dans le désert qu’il avait délibérément choisi, dès l’obtention de son Évoli, qu’il en ferait une créature des eaux– et il avait réuni le matériel nécessaire pour une courte exploration de la vallée. Ça va aller. Il ajusta son masque de protection sur ses yeux pour le protéger du sable que le vent charriait constamment dans les environs et remonta son foulard sur son nez. Ça va aller. Il ne désirait faire qu’une première assertion des lieux, entraîner un peu ses partenaires et éventuellement ramener avec lui une nouvelle créature à entraîner pour ses futurs combats –et la récompense à la clé.

((Mais il ne pouvait s’empêcher de craindre l’idée seule d’une mauvaise rencontre, d’un pokémon au forces décuplées qu’on ne devrait pas trouver dans les environs mais qui était là malgré tout car Lentis faisait bien ce qu’elle voulait)).

Il prit une longue inspiration. Lilium le tuerait si elle savait.
« Vámonos. ».

Valentino remonta un peu plus haut la fermeture éclair de sa veste ; elle était neuve, comme l’étaient ses chaussures de randonnée et ses lunettes de protection –toutes achetées dans une boutique de New Pyra, spécialisée dans l’escalade et l’exploration des zones sauvages. Les prix n’étaient pas les plus abordables, mais la qualité était là, et Valentino était un peu trop méticuleux pour lésiner sur sa sécurité lorsqu’il s’aventurait dans le désert sans personne d’autre que ses pokémons pour l’accompagner. Pouvoir mieux voir à travers le vent et le sable, pouvoir courir, pouvoir se protéger des basses températures et des crocs et des griffes de Lentis –pas de tous évidemment, mais au moins ceux que l’on s’attend à trouver dans ce coin-ci de la région. Dépenser tant d’argent lui avait tiré une grimace de frustration mais il était parvenu à faire passer la pilule en se convaincant du bien fondé de son investissement. Son équipe et lui revenaient chaque fois plus forts du désert ; les fruits de leurs efforts finiront par payer dans les arènes underground. ((De toute façon, l’argent venait de ses fonds secrets, personne à part Shinji n’en avait connaissance, ainsi il ne manquerait à personne.))

Une silhouette mouvante attira son attention –un Magby. Pas le plus dangereux pokémon de la zone et pourtant capable de bien des dégâts pour un simple humain comme lui. Malgré la présence rassurante de Riptide à ses côtés dans ces terres de sable, de gaz et de feu, Valentino préféra garder ses distances et éviter de provoquer les créatures qui ne l’attaquaient pas. Le regard droit et dur, Carbón garda les yeux fixés sur la créature qui semblait se chercher un coin où passer la nuit dans le creux d’un rocher, et ce jusqu’à ce qu’une distance de sécurité convenable entre eux ne soit établie.

La nuit ne faisait que commencer ; l’exploration aussi.

Il était étrange, le paradoxe qui voulait que les endroits les plus dangereux de Lentis soient aussi les plus beaux. À cette distance de la ville, loin de la pollution des pots d’échappements et des lampadaires à chaque coin de rue, le ciel nocturne était un des plus clairs qu’il eusse été donné de voir au jeune homme –malgré le sable dans le vent, malgré les marais poisseux non loin qui dégageaient des odeurs nauséabondes qu’il pouvait presque sentir d’ici, la toile céleste n’avait jamais été si belle, infinité de bleus sombres et profonds piquée d’étoiles qui, si on se perdait assez longtemps à les regarder, se paraient de couleurs toutes aussi multiples (blancs, jaunes, roses…).
Il aurait voulu pouvoir ramener cette vue à la maison ; que ses frères et sœurs puissent poser les yeux sur autre chose que le ciel triste et marronnasse de la ville. Mais l’appareil photo de son téléphone ne rendrait jamais suffisamment justice à la vue pour justifier de faire usage de son flash là, tout de suite, et de se rendre encore plus visible pour tous les pokémons sauvages à la ronde.
Et puis personne à part Shinji ne savait pour son excursion ; hors de question de leur fournir de lui-même les preuves de ses escapades. Il voulait tout aussi bien éviter d’attiser la colère et l'inquiétude des uns que l’attrait des autres pour l’inconnu et le danger.

Il soupira, chassa l’idée de leurs remontrances dans un recoin laissé en friche au fond de son esprit et leva le nez, téléphone en mains –flash désactivé– pour prendre sa progression en photo afin de pouvoir éventuellement retracer le parcours dans le sens inverse s’il se perdait. Tout se ressemblait ici, l’absence de sable et de dunes à perte de vue ne rendait pas l’orientation plus aisée entre ces milles et unes grottes et galeries creusées à même la roche par on ne savait trop quoi. C’était même pire ; au moins dans le désert, on était autant à découvert que la plupart des adversaires potentiels. L’immensité plate qui n’offrait que quelques cacti et rochers isolés pour se cacher et prendre ses proies par surprise lui donnait paradoxalement un sentiment de sécurité bien plus fort qu’ici bas. Valentino se sentait observé, épié –comme si depuis l’obscurité de chacune de ses galeries, des centaines d’yeux étaient braquées sur lui à guetter le moment opportun pour lui faire regretter sa venue.

Il déglutit, mal à l’aise, tout en s’efforçant de ne pas laisser sa peur transparaître un seul instant.
Et tandis que Carbón lui servait d’éclaireur un peu avant, Riptide restait à ses côtés, les sens aux aguets, lui indiquant parfois des chemins à prendre pour éviter les pièges de la nature comme un amas de roche à moitié enterré dans le sable qui se révélait en vérité être un Amassel –paisible pour le moment, mais l’adolescent préféra le contourner à une distance raisonnable malgré tout.

L’arrivée soudaine d’un Magnéton força Valentino à entrer dans l’une des galeries pour se cacher du pokémon magnétique ; fort heureusement celui-ci ne sembla pas le remarquer et passa son chemin en grésillant légèrement (était-ce sa façon de chantonner ?). L’adolescent soupira, soulagé. Il avait étudié les pokémons les plus communément retrouvés dans cette région-ci de l’île et avait noté qu’il devait particulièrement se méfier de ceux-là et de la facilité avec laquelle ils pourraient se débarrasser de Riptide –et sans elle, arpenter les terres désolées, grouillants de pokémons sol, roche et feu risquait d’être bien plus ardu et dangereux.
Au loin, Carbón s’était arrêté, attendant que son dresseur le rejoigne, tandis qu’à ses pieds, Riptide l’observait en remuant la queue, l’air aussi enjouée et calme que d’habitude. Valentino se laissa aller à un petit sourire en coin –son Aquali avait le don de l’apaiser rien qu’en continuant d’être elle-même, confiante et sereine– et s’accroupit pour gratifier la créature bleue d’une gratouille affectueuse sous le menton.

« No sabo le qué haría sin ti, Riptide, eh. » il avoua à demi-mot.
("Je ne sais pas ce que je ferais sans toi, Riptide, hein")

Elle avait été sa première partenaire, celle qui lui avait confirmé son envie d’une équipe puissante pour affronter la brutalité de Lentis et défendre les siens coûte que coûte –et s’il avait décidé de la chose de façon presque clinique, comme si les pokémons n’étaient que des outils dont il fallait prendre soin sans s’attacher, il était malgré lui tombé sous le charme de ces créatures qui étaient toutes uniques même au sein d’une même espèce –comme les Hommes, dans le fond.
Lorsqu’Ariana l’avait quitté, Riptide s’était montrée plus joueuse et énergique que jamais comme si elle avait ressenti sa peine et que c’était la seule façon qu’elle avait trouvé pour l’en extirper (et au bout de quelques semaines, ça avait fonctionné), et elle avait dormi plusieurs nuits, roulée en boule près de sa tête, dans son lit, au lieu du lavabo de la salle de bain dans lequel elle préférait dormir d’ordinaire.

« Ok, c’est reparti. »

Il se redressa, épousseta machinalement son pantalon comme si c’était utile avec tout le sable du désert que le vent charriait, et fit signe à Carbón qu’ils le rejoignaient.

20 mar. 2024 - 20:38 - Shinji
tjrs vivant

Valentino attendit quelques instants, le regard fixé sur l’écran de son portable, que son meilleur ami ne réagisse au message d’une manière ou d’une autre –il n’avait pas besoin d’une réponse quelconque, un émoji comme au message précédent suffisait bien assez car ce n’était pas le moment de se plonger dans une discussion par sms et d’avoir le nez collé à son téléphone alors qu’il traversait une zone qu’il savait dangereuse et parfois même mortelle. Le sempiternel pouce en l’air s’afficha bientôt au coin de la bulle de texte et il rangea son téléphone avant de lever les yeux vers ses pokémons.

« Carb’ qu’est-ce que tu fous ? »

Il fronça les sourcils ; ce n’était pas dans les habitudes du Charbambin d’aller chercher des noises tout seul aux pokémons sauvages (il préférait affronter les pokémons domestiques, rodés à la stratégie –en témoignait sa rivalité avec celle d’Eagle) mais pour une raison qui lui échappait, il venait de s’approcher dangereusement d’un pokémon rond et sombre doté d’un unique œil brillant comme un doux phare dans l’obscurité nocturne. Il fallut quelques secondes à l’adolescent pour comprendre les intentions de son pokémon –crispé, il avait fait signe à son Aquali de se tenir prête au combat s’il fallait défendre l’enfant feu de ce qui lui semblait être un type roche. Il connaissait ces créatures mais le nom lui échappait. Mais finalement, aucune altercation ; le Charbambin se contentait de s’approcher des morceaux de caillasse noire que la créature rocheuse laissait traîner dans son sillon et de se pencher pour les attraper dans sa petite main et les porter à sa bouche. Valentino eut un premier geste pour l’en empêcher, le réflexe du grand-frère peut-être un peu trop habitué à empêcher ses jeunes adelphes de mettre tout et n’importe quoi dans leur bouche encore ancré dans ses gestes. Mais lorsque la flamme de son Charbambin redoubla d’intensité sitôt qu’il eut fini de mastiquer le morceau sombre, ce fut comme si l’ampoule de la compréhension s’alluma au-dessus de la tête du jeune homme –du charbon !
C’était bien leur veine de trouver, parmi tous les pokémons roche qui arpentaient ces terres, l’un des seuls à pouvoir bénéficier Carbón et renforcer son feu intérieur. L’adolescent se pencha pour ramasser les morceaux restants, peut-être leur seraient-ils utiles plus tard.

Valentino comprenait un peu plus à chaque pas pourquoi la Vallée Eyepolis portait ce nom. Petit, il avait entendu les histoires d’horreur que les grands racontent à leurs cadets pour s’amuser, quant à ce qui pouvait se cacher dans l’obscurité de ces mille et unes galeries creusées dans la pierre par on ne savait qui. En grandissant, il avait chassé les fantômes et les monstres dans un coin de son esprit d’un revers de main et d’un ricanement narquois ((j’suis trop vieux pour croire à vos conneries maintenant)) mais maintenant qu’il y s’y trouvait, et en pleine nuit qui plus est, il ne se sentait pas beaucoup plus fier que lorsque Juan le menaçait d’aller l’abandonner dans la vallée aux yeux s’il n’était pas sage. L’Appréhension, sournoise, insidieuse –elle ne payait pas de mine à première vue avec son sourire crispé et  ses gestes maladroits mais ça n'était que mensonges et poudre aux yeux pour mieux duper ses victimes et se faire passer pour moins menaçante que ses sœurs Angoisse et Peur quand elle avait les mains tout aussi glacées qu'elles– semblait s'infiltrer par tous les pores de sa peau pour mieux s'étendre à l'intérieur de son corps et y prendre toute la place.
Un son derrière lui le fit se retourner brutalement mais il ne trouva rien dans son dos et n’aurait su dire si c’était un réconfort ou non. Valentino déglutit, mal à l’aise, la peau piquée par la chair de poule et le cœur battant plus fort dans sa poitrine qu’il ne l’aurait voulu.

Le silence qui régnait dans la vallée se faisait de plus en plus oppressant et pourtant on pouvait difficilement qualifier le lieu de réellement silencieux ; tout autour, la vie suivait son cours naturel en ignorant ses angoisses humaines mais c'était comme si son esprit choisissait de rendre tous les bruits environnants plus terrifiants qu'ils ne l'était en vérité. Le vent, en s'engouffrant dans les galeries, chuchotait des mélodies mystérieuses et inquiétantes qui ressemblaient par moment à des voix, à des rires, à des cris venus de très, très loin qui se mêlaient à ceux des pokémons dissimulés autour de lui, qu'il ne voyait pas forcément mais qu'il pouvait entendre (et dont était à peu certains qu'ils pouvaient le voir lui). Un nouveau son qui semblait terriblement proche le fit sursauter mais il ne s'agissait que d'une plante virevoltante dans le sable –sueur froide. Il soupira, à bout de nerfs, et dans la tranquillité de la vallée, son propre souffle lui semblait lourd et encombré d'une angoisse incertaine engendrée par ces millions d'yeux imaginaires braqués sur lui. Le regard braqué au-devant, il s'efforça de ne plus écouter les échos distordus qui remontaient des boyaux rocheux mais c'était impossible –et dangereux. Il devait tout écouter et tout observer pour espérer se faire plus vif que la menace qu'il sentait peser au-dessus de lui –mais ciel, comme il regrettait d'être si entêté en ce moment précis.

C’était comme si Eyepolis toute entière lui susurrait de faire demi-tour et qu’il refusait de se plier à sa volonté.

Une fois de plus, Riptide vint se frotter à la jambe de son dresseur en ronronnant comme pour le tirer de la spirale d’angoisse dans laquelle il était en train de se laisser plonger ; pire, elle lui cracha même un mince filet d’eau au visage, trempant le foulard avec lequel il se protégeait les voies respiratoires du sable volatile. La fraîcheur humide eut pour effet immédiat de le ramener sur terre et elle cilla, surpris, avant de rouspéter en retirant le textile alourdit d’eau. Si la tempête ne faisait heureusement pas rage pour le moment, le vent charriait assez de sable pour qu’il sente de temps à autre les petits grains lui fouetter le visage et lui crisser sous les dents (et il ne savait même pas comment ils s’étaient immiscés dans sa bouche).

« T’aurais pu en rester aux câlineries, sérieux. »  maugréa-t-il en nouant le foulard trempé à la lanière gauche de son sac à dos tandis que l’Aquali répondit d’un gazouillis enjoué avant de s’en retourner vers le chemin déjà tracé par Carbón en remuant la queue. Valentino laissa échapper un ricanement avant de remonter la doublure de sa veste sur son nez pour se protéger du sable du mieux possible. C’était à la fois impressionnant et frustrant comme les pokémons ne ressentaient pas les mêmes angoisses que les humains, ou tout du moins n’en montraient-ils rien. L’adolescent perdrait très certainement ses nerfs bien plus vite sans ses compagnons à ses côtés mais il enviait presque leur assurance alors qu’il était censé être celui qui les dirigeait.

Il se passa une main dans les cheveux pour en chasser l’excès d’eau encore accroché avant de sortir sa bouteille pour se désaltérer et se rincer un peu la bouche –rien qu’une gorgée, il avait beau rester proche du téléporteur en avançant en cercle autour, il préférait rationner d’ors et déjà toute denrée vitale dans l’éventualité qu’un malheur arrive. C’était constant chez lui, ce besoin de se sentir en contrôle et prêt à affronter tous les imprévus. Comme une façon de se protéger, de ne plus jamais se sentir impuissant et pris au piège mais dans les zones sauvages, il craignait bien souvent que ça ne soit que de la poudre aux yeux pour s’auto-convaincre –si d’autres, bien mieux entraînés que lui, étaient tombés là où il se trouvait, de quel droit se laissait-il convaincre de sa propre capacité à surmonter tous les défis que Lentis pourrait lui lancer ?
Il grimaça, sentant quelque chose le tirailler sous le plexus quand le visage de Jeremiah lui revint en tête, suivi de ceux de Lilium et de Gabrielle le jour de ses funérailles
–n’y pense pas.
Cette nuit ne serait pas teintée de cette obscurité là –elle n’en n’avait pas le droit.

La progression s’était relevée étonnamment facile jusqu’ici, à des kilomètres des horreurs qu’il s’était imaginé –ils n’avaient croisé que quelques pokémons tranquilles qui semblaient avoir mieux à faire que les agresser. D’un côté, c’était rassurant, quand bien même Valentino savait à quel point il était aisé de se faire avoir par un faux sens de sécurité parmi quelques créatures calmes ; on n’était jamais à l’abri que l’un d’entre eux ne change subitement d’attitude du tout au tout. Mais d’un autre côté, une petite part de lui regrettait peut-être un peu de ne pas pouvoir entraîner son équipe autant qu’il le voudrait, tellement obnubilé par son besoin de ne pas se faire remarquer par la faune locale qu’il craignait d’attirer la mauvaise attention et de susciter des envies de combat s’il commençait à ordonner à Riptide et Carbón de répéter les attaques qu’il tentait récemment de leur apprendre.
Enfin, il songea en soupirant. Il pouvait toujours les entraîner dans le coin un autre jour. C’était plus important à ses yeux de faire cette virée de reconnaissance pour appréhender les lieux une première fois.

Mais tout à coup, ses deux pokémon levèrent simultanément le nez dans la même position, l’air aux aguets –la flamme de Carbón au loin se mit à briller avec un peu plus de vigueur tandis que les oreilles de l’Aquali s’agitaient, cherchant l’origine de ce qui les avait interpellé. Valentino fronça les sourcils, soucieux, et les muscles tendus, il se prépara à toute éventualité. Ses pokémons ne semblaient pas trop sur la défensive, juste alertes, ce qui le rassura quelque peu, mais lorsqu’il entendit à son tour le bruit de pas –qu’il imaginait lourds s’ils faisaient tant de bruit dans le sable– et le traînement qui les accompagnait comme si une créature énorme (un Hippodocus peut-être ?) se dirigeait vers lui, il l’adolescent senti son cœur s’emballer dans sa poitrine.
Calme-toi. Ça va aller si tu restes calme. Il savait s’adapter, il avait ses camarades avec lui et le téléporteur n’était pas encore trop loin. De quoi qu'il s’agisse, ils pouvaient y faire face –ou tout au plus y réchapper, quitte à devoir couper court à l’expédition.

Une faible lueur enfin, s’accrocha à ses pupilles –joli mélange étrange de verts doux et de violets pastels qui illuminèrent vaguement derrière elle les traits à la fois impressionnants et terrifiant d’un pokémon qu’il n’avait encore jamais vu auparavant.
C’est quoi ce putain de truc ? il songea en écarquillant les yeux. Était-ce une créature tranquille ? Agressive ? De quel type ? Il discerna une ressemblance lointaine au Pyronille qui le devançait, peut-être un type insecte ? Ceci dit, sa longue queue presque reptilienne lui fit penser à celle d’un dragon. Il n’avait jamais entendu parler d’une telle créature et son angoisse ne fit que s’emballer jusqu’à ce qu’une voix humaine retentisse dans la vallée.

« Bonsoir ! Dites, vous auriez pas vu un Yamna ? Oh… Mais je t’ai déjà vu quelque part ! »

L’espace d’une fraction de seconde, Valentino cilla, perturbé, et il se demanda s’il venait réellement d’entendre l’énorme pokémon inconnu lui demander d’une voix fluette s’il n’avait pas vu un Yanma dans le coin. Puis son regard se posa sur la jeune fille qui se trouvait juste à côté de lui et un poids énorme sembla s’ôter de ses épaules tendues. Lorsqu’elle s’approcha et qu’il put mieux détailler son visage, elle aussi lui sembla un rien familière.

« Euh… pas vu de Yanma dans le coin, non, désolé, fit-il en s’efforçant de ne laisser aucun reste de panique lui faire trembler la voix. Tu- euh… on se connaît ? » Mais un éclat rouge et familier libéra de son côté un pokémon noir comme la nuit donc seules les pinces et le dard luisant d’un vert semblable à celui du Pyronille brillant permirent au jeune homme de reconnaître la créature –un Rapion, chromatique probablement. « Ah non toi tu commences pas avec ta grosse queue, rentre dans ta pokéball ! »

Interloqué (et amusé) Valentino laissa échapper un rire nerveux tandis que Riptide et Carbón se rapprochèrent de lui.
« C’est pas lui qui a l’air d’avoir la plus grosse, il ricana doucement –comparé à l’énorme Presque-Pyronille, difficile de faire mieux en même temps. Ils sont pas communs tes pokémons, remarqua le jeune homme, tu fais du combat avec eux ? J’me souviens pas en avoir vu de pareil… »

S’il ne l’avait pas croisée là, peut-être l’avait-il vue en soirée ? Ou bien encore–

« Ah ! T’as participé au tournoi des Champions, non ? Avec un Bomby- houla il veut quoi lui aussi avec sa queue ? »

Un cliquètement inquiétant attira son attention non loin dans l’ombre d’un rocher dont émana une silhouette qui, à la lumière du Pyronille et du Charbambin réunis, ressemblait à celle d’un Rapion (mais celui-ci ne luisait pas).

La créature avait dû se dissimuler dans le sable jusqu’à ce qu’ils ne s’en tiennent trop près, autrement ses pokémons l’auraient probablement repéré malgré l’obscurité. Désormais complètement immergé, le Rapion agita son dard, menaçant, avant de lancer avec vivacité une salve de venin que Riptide ne fut pas assez rapide pour esquiver.

« Mierda, Riptide reste pas là ! »

Étourdie, l’Aquali fit quelques pas en arrière pour laisser le Charbambin prendre sa place sur le devant du combat mais Valentino ne donna pas d’ordre immédiatement, ce qui sembla interpeller l’enfant-feu qui jeta un regard nerveux à son dresseur.

« Attends, je réfléchis- »

Cela faisait quelques temps que Valentino songeait à accueillir un nouveau membre dans son équipe –il avait beau avoir recueilli Pequeño, ses sœurs, ainsi que Renzo lui avaient fait la morale dès qu’il avait émis l’idée de l’utiliser lors de ses combats, tous sous le charme trompeur de son apparence de bébé et ses fausses larmes de chouineur ; mais il avait abdiqué et le petit Manzaï n’était plus qu’un pokémon de compagnie parmi tant d’autres dans leur foyer déjà surpeuplé.
Un type poison hein ? Contre la terrible Florges d’Eagle, ce serait plus qu’un atout…

« Ok, Carb’ lance Ombre Nocturne puis écarte toi ! »

Et pendant que son Charbambin mena l’assaut spectral, Valentino tira une pokéball vide de sa sacoche et la lança sur le Rapion déboussolé, croisant les doigts quand celle-ci retomba dans un son étouffé par le sable et qu’elle se mit à remuer
une fois
deux fois
trois fois
– déclic.

« Yesss, il souffla. Tout le monde va bien ? » fit-il autant envers ses pokémons –Riptide n’avait heureusement pas l’air souffrante d’un quelconque poison– qu’à la presque inconnue.