Menu

À la base, j’étais venu à Ike Kai pour voir si Neas travaillait aujourd’hui. C’était une très cool soirée, y’a deux jours et ça m’a offert une bonne distraction; ce que j’étais venu chercher à ce moment ((s’éloigner des pensées et des murmures, s’éloigner du temps qui s’effrite et de la neige qui tombe même en plein désert ― de toutes les toiles d’araignées qui m’entourent, m’encerclent)). Avoir su, je serais venu plus tôt ; l’écho de mes paroles se rejoue dans mon esprit. Tant que tu te rattrapes du manquement comme réponse ― ça me paraît donc approprié de me pointer deux jours plus tard seulement. Après tout, j’ai une absence à corriger, pas vrai ? Bon, peut-être qu’y aller en plein jour et pas la nuit, ce n’est pas le meilleur temps ; sauf que les pensées se précipitent et se bousculent ― et ça devient difficile de réfléchir et de respirer, et si je ne me concentre pas sur autre chose, les abysses s’ouvrent sous mes pieds. Je me suis extirpé du précipice au début du mois, il demeure présent, attendant le moment où je trébuche et chute jusqu’à m’écraser au fond ((il n’en possède pas)) chute éternelle.

Mais ma route se suspend ; interrompue par trois adolescents au pas de course ((de celle qui annonce fuite et mauvais coup)) en riant. Immédiatement, le sourcil se fronce, encore plus quand un Caninos les talonne en aboyant. Je n’ai pas besoin de vraiment plus, ni même de saisir complètement la situation pour réagir. Flare à mes pieds grogne, mais un geste de ma part permet de la contenir ; libérer de la pokéball Anthurium. Fleur me l’a rapporté de cette espace dans les montagnes si étrange, là où je me suis égaré début Janvier avec Eagle ― un endroit où le temps et l’espace n’ont plus de lois, que les secondes deviennent heures et heures, secondes. Et que le nord se percute contre le sud, l’est échange sa place avec l’ouest. Paraîtrait qu’il est venu à la conclusion que je serais capable de l’éduquer en parlant avec Vlinder ; eh bien, je suis toujours partant pour un défi. Et pour les mystères.

Il est étrange ; cette espèce de Cadoizo qui n’en est pas un véritablement, mais ce qu’il est rapide. Alors c’est le choix parfait. « Rattrape-les, please, mais ne les attaque pas. » Espérons maintenant qu’il m’écoute véritablement. L’atmosphère se chargea soudainement en électricité, ressentant les crépitements jusqu’au bout de mes doigts et je retiens un soupir, choisissant de lui accorder un peu de ma confiance. Et je suis. Beaucoup moins rapidement que cette créature, mais quand même pas en prenant mon temps, j’lui fais pas assez confiance pour étendre la durée où je ne suis pas présent pour le surveiller. Je me demande vraiment ce qui se passe dans son esprit. Si seulement il pouvait parler. Bref ― ((heureusement pour eux que ce sont les fonds qui me guettent ; pas les étincelles des orages, pas la lave menaçant de s’échapper du volcan grondant, annonçant son éruption prochaine)) et me voilà à leur hauteur désormais. Anthurium les a coincés dans une petite ruelle qui leur empêche tout échappatoire, le champ électrique actif autour de lui. « Suffit. » Heureusement, il choisit de m’écouter et l’air redevient respirable.

Les dévisager de bas en haut, presque les jauger. Vraiment, ce ne sont que des petits cons adolescents ; rien de bien méchant. Mais sérieusement, qui vole en se disant que c’est seulement une petite activité pour briser la routine ? ((Je comprends, voler pour survivre ; les nécessités dans les épiceries quand on ne peut se les fournir ― je comprends, dérober sur les étagères des marchés un peu de nourriture, je ferme l’œil, j’aide)) mais voler quelqu’un, un sac de courses, en riant ; j’laisse pas passer. Je m’appuie sur le poteau à ma droite, croisant les bras en les observant tour à tour. « Bon, comme je suis de bonne humeur, je vous offre le choix. Vous me donnez le sac, ou je vous laisse en pâture à ce Caninos qui semble n’attendre que ça et je n’empêcherais pas mes Pokémon de se joindre. »

Étrangement, la décision leur paraît évidente et le sac est simplement lâché ((immédiatement rattrapé par le Caninos)) ; je me décale pour les laisser s’échapper, petits chocs statiques à leur passage ((et un regard désapprobateur envers le Cadoizo-like)). Se tourner vers le canidé. « Tu me guides jusqu’à ton dresseur ? »  

La Caninos hoche la tête, le sac dans la gueule, mais elle ne s’éloigne pas beaucoup avant qu’une silhouette se dessine, aux courbes très prononcées. Silhouette que je reconnais aisément lorsque mon œil se pose sur le visage et un petit rire me secoue (rire amusé) ― se tenir au-dessus du gouffre, de l’abîme, les souvenirs bousculés ((Meera à l’hôpital tout le mois de Janvier ; elle n’avait pas pu se faufiler dans ma chambre songes aux apparences trop réelles qui se mélangent et transforment une réalité qui ne m’appartient que très difficilement)) cette certitude qui me pousse à questionner également la présence de Neffy derrière la porte. Était-elle vraiment venue chaque soir, me parler, me cuisiner un repas intouché, espérant qu’à un moment, la porte s’ouvre ? Ne pas y penser ; m’y perdre me rapproche du néant qui n’attend que le moment pour refermer sa prise autour de mon esprit.

Alors s’attarder sur nos retrouvailles plutôt que sur les semaines qui les précèdent. La dernière fois que l’on s’est vu, c’était au tournoi, là où je me suis mérité le titre de champion (ironiquement) je n’ai rien d’un sauveur, le total inverse. Et bien que la victoire n’était pas aussi serrée qu’à l’affrontement contre Nyna, il faut dire que j’ai bien mené mon bout et que je t’ai suffisamment offert d’opposition pour le rendre intéressant, n’est-ce pas ? Parvenant à me récolter deux KOs. « Lena ! » Le soleil brille dans ma voix, mais est-ce que tu peux y entendre les nuages en arrière-plan ? Le grondement du tonnerre qui crépite, l’ouragan qui patiente, cherchant la moindre ouverture pour éclater. J’espère que non. Je préfère paraître un minimum stable même si ce n’est définitivement pas ce terme qui me représente.

Se rapprocher en rappelant Anthurium dans sa Pokéball (refus catégorique de la créature) et lever l’œil au ciel. Franchement, il va falloir que je travaille son obéissance. Mais il me rappelle Essence et ça me rend peut-être un peu plus tendre à son encontre. « Je ne pensais pas que j’allais te sauver la mise un jour, tiens. » La taquinerie s’envole, si je n’ai pas eu le temps de la réfléchir qu’elle s’évadait de mes cordes vocales, il faut que j’admette que je l’aurais prononcé quand même. C’est plus fort que moi. Tu as roulé sur tes adversaires pendant le championnat et je t’ai connu capable de mettre des brutes par terre sans aucune difficulté. Alors te récupérer ton sac ? C’est inusité comme situation.

« Attends… » Je m’élance assez rapidement vers toi pour passer mon bras autour de ta taille. Ouais, t’es largement plus grande que moi, mais ça ne veut pas dire que je ne peux pas te soutenir. ((Et si autrefois, ce geste possédait d’autres connotations, je ne suis pas aveugle, seulement borgne ― je suis parfaitement capable de comprendre que notre première rencontre et celles d’après reposent désormais dans le passé et ne constituent que souvenirs)) « Il y a un banc à l’entrée de la ruelle. Tu pourras me raconter les épisodes que j’ai visiblement manqué. Un autre enfant, donc ? Qui est l’heureux élu ? » Les enfants… ((l’enfance qui demeure toujours aujourd’hui un sujet si délicat, une pente glissante, les pensées rapides à dérailler quand on s’y embarque, une mère et un père et des jumeaux et moi)) l’enfant que j’étais reste allongé sur un lit de cendres « Tss. Ton indépendance te causera de vrais soucis un jour. » Parce que tu es clairement seule, n’est-ce pas ? Qu’aurais-tu fait si ta tension avait chuté et que tu étais tombée ? Que tu avais eu une baisse de glycémie ? C’est fréquent, chez les femmes enceintes. C’est pas une très bonne idée de se promener comme ça sans personne pour t’accompagner, encore moins quand tu te décides à courir pour rattraper ton Pokémon.

« Alors je dois traîner dans les parages pour te sauver encore ! » Le rire nous enveloppe ; je peux me concentrer sur ta présence, sur ta personne, pour effacer les nuages de mon regard et le tonnerre qui gronde dans mes esprits. Mais le tonnerre étouffé par l’eau qui essaie de me recouvrir. M’éloigner de mes travers pour rester sur terre ((les réminiscences de janvier qui reviennent m’effleurer)) les oublier. Te souviens-tu de nos soirées ? Je pense qu’elles resteront où elles sont, mais ce n’est pas grave. Ce sont de beaux souvenirs, ne trouves-tu pas ?

Et le rire qui revient encore plus franc. Les étincelles sous l’épiderme et le soleil dans le ciel ((laisse-moi retourner aux sommets, voler dans les nuages ; laisse-moi oublier que je ne suis pas invincible, que la nature peut me passer sur le corps et m’enterrer et laisse-moi me perdre dans le flot de mes pensées et changer de sujet, un, deux trois ; je préfère les hauts aux abysses)) parce que c’est toujours plus agréable, l’électricité plutôt que le vide et l’absence et le manque et le froid qui prend toute la place. Je veux courir et je veux me dépenser et m’épuiser et pas ((plonger)) plonger et chuter et ne pas réussir à me rattraper parce qu’il n’y a rien autour. « Lena Weiss qui accepte que l’aide c’est pas mauvais ! Je rêve, c’est définitif. » Ça ne peut pas être autrement. Je ne peux pas avoir entendu vraiment ce que j’ai cru percevoir. « Ou j’hallucine ! » et le rire qui s’invite une nouvelle fois sur les lèvres, en cascades mélodieuses.

Un pas après l’autre, t’aider à progresser jusqu’à l’entrée de la ruelle et t’aider à prendre sur le banc en écoutant ta réponse faisant suite à mon indiscrétion (mais tu es habituée avec moi, je ne suis pas réellement connu pour me soucier de si c’est intime comme sujet) sauf quand je sais que ça touche la douleur et les hauts, et que ça frôle les cicatrices qui ne guérissent jamais complètement. ((Neas)) Meera ((la chasser de mes pensées pour ne pas m’écorcher et affaiblir la lumière qui perce au travers les nuages)) y penser perce le cœur. Parce que novembre et puis décembre et janvier et les mois qui se sont enchaînés et même si c’est plus doux actuellement, les souvenirs don’t stop ((ne me fais pas devenir plus monstre que je ne le suis déjà)) et why are you here ((parce que je ne voulais pas que tu me vois comme ça)) non, oyaris, on a dit, ne pas y penser. Alors, on n’y pense pas.

Franchement, ton histoire est clairement plus intéressante et amusante. « L’alcool fait des ravages eh ? C’est bien pour ça que je ne bois pas. » ((non, les raisons sont autres)) mais ce n’est pas important, ne parlons pas de moi, seulement de toi, toujours de toi, je préfère parler de toi « Alors, quel est son nom ? Et l’enfant ? Garçon, fille ? Tu ne veux pas savoir avant la naissance ? Et le père te traite bien j’espère ? Bon remarque, tu lui botterais le cul si non alors je ne suis pas inquiet. » Les questions s’écoulent, se bousculent ; je m’arroche aux flammèches pour ne pas les laisser me fuir et m’évader. Parce que c’est si agréable quand le soleil brille et ne s’éteint pas. Et que le besoin de dormir s’envole complètement et que les pensées se bousculent.

Le rire léger qui m'anime ; je me tiens sur le fil, mais je retrouve doucement mes ailes. « Tu peux me pincer, mais évite le coup de coude ! » Le corps ne se remet que difficilement du passage à tabac de décembre, des côtes brisées, du crâne fracassé, sifflements aux tympans et dérives et éclats. Quand je m’étire un peu trop, que je bouge trop rapidement, trop brusquement, je ressens encore les reproches de mes côtes, de mes muscles ; de mon corps entier qui m’accuse de ne pas m’être reposé. « Mes os récupèrent toujours, laissons-les tranquille ! » Le ton est pétillant, bien loin de la potentielle sévérité des paroles ; les intentions sont amusées, ne transportent pas la lourdeur de la réalité, je m'en échappe. Ce n'est pas important ; je suis là, vivant, je suis là, éphémère — immortel à ma façon.

L'électricité comme énergie, se diffusant dans tous mes muscles et l'euphorie qui guette, que j'encourage. Viens, viens, prends toute la place, sois la bienvenue. Et ta voix comme rappel de la discussion que nous menons présentement. Toi, capable de te montrer raisonnable ? L'étincelle taquine dans ma prunelle s'enflamme ; mais pas de commentaires. Oh, je pourrais définitivement insister, relancer la balle, mais déjà ; mon esprit s'emporte ailleurs. Parce que tu poursuis, réagis à la suite de mes mots ((et déjà, mes pensées s’emmêlent et tellement de trucs à raconter que je m'essouffle avant même de parler)).

« Disons que l'alcool et moi, pas le meilleur mélange ! » La colère scellée sous ma cage thoracique ne possède plus de limites, l'instabilité sous mes pieds provoque des tremblements de terre qui fissurent le sol et je tombe ((je deviens mes démons, monstruosités que je m'acharne à cacher)) et les hauts se parent de reflets vermeils. Les écluses ouvertes, la violence en tsunami et les murmures deviennent hurlements. Non, définitivement, l'alcool et moi, combo à éviter. « Dont un enfant ! » dans la liste de ce que l'alcool t'a entraîné.

Et je sais que mes paroles pourraient être accusatrices, il n'en est rien. La voix si légère, sérieux absent, rien qu'une affectueuse constatation. « Raphaël... Ranger tu dis ? »

Une ampoule grésille dans ma tête, cherche à s'allumer. Une vague impression que ça me dit quelque chose, ce type de déjà-vu très particulier. Oh ! « Raphaël le Ranger qui avait un Spododo au nom imprononçable ? » Tiens, comment je le connais lui, d'ailleurs ? Ehhh... Les souvenirs brouillards. Les souvenirs pêlemêle. Bon, c'est une question pour un autre moment ça. « Le Spododo s'appelle Spores maintenant, il est un emmerdeur et il ne manque de rien. » Il possède suffisamment de plantes pour une vie entière, que j’entretiens régulièrement et si je ne suis pas là, j’ai laissé des indications très claires sur les marches à suivre. Ce qui était autrefois mon bureau est désormais le sien, et il le sait très bien. « Il danse sur la musique à la radio, c’est adorable. » On parlait de quoi déjà ? Oh, tiens.

Incliner très légèrement la tête, pouffer un peu de rire. C’est bien la première fois qu’on ne s’attend pas à autant de curiosité de ma part ; ce trait de caractère, on me le découvre bien rapidement normalement. Peut-être qu’on n’a pas pris le temps de vraiment discuter, quand on se voyait. « Curiosité est mon deuxième prénom ! Avec danger et risques. Du coup, le troisième ? … Ou le quatrième ? Oh, ça devient compliqué tout ça. » J’ai trop de prénoms. J’ai déjà un deuxième prénom en plus, c’est Cethosia. Du coup, est-ce que ça devient Oyaris Cethosia Curiosité Danger Risques Allens ? ((c’est juste une expression, Oyaris)) faudrait pas que je me refile un mal de crâne sur une question aussi ridicule qui … n’a aucunement lieu d’être.

« Une autre petite fille ! Je préfère Arya. » Pas qu’on m’ait demandé mon avis, mais je le donne quand même ((à vrai dire, il s’échappe surtout avant que je n’ai le temps de vraiment comprendre ce que je m’apprêtais à répondre ; ça m’arrive souvent, dans les hauts, quand je parcoure les sommets)) les réflexions fusent à une vitesse si folle que je ne réalise pas les discours que je tiens. Mais est-ce que c’est vraiment important, tiens ? « Et le terme est dû quand ? Je ne suis pas inquiet, Raphaël est super. Et son coloc’ aussi, tiens. Enfin, est-ce que c’est vraiment de la colocation … ? Je n’ai jamais demandé à Lei. Bref. Je parle trop pardon ! » ((il est super au lit aussi, lei ; mais ça, je parviens à le garder pour moi, surtout que maintenant, lei n’est plus disponible alors c’est toujours plus respectueux de se taire))