Menu

Le Danger frôle son bras du bout des doigts, comme une caresse. Violet frissonne. Mais ce n’est pas de froid ni de peur. Elle parcourt la vie et les rues avec Danger à son bras, ami fidèle au demi-sourire sarcastique indélébile. Il danse avec elle, il chante avec elle, il boit avec elle ; il la pousse dans les bras d’inconnus dont elle cherche le regard, juste pour quelques minutes ou quelques heures, pour ressentir seulement la brûlure du désir sur sa peau. Pour se convaincre qu’elle n’est pas rien.

Danger, il est un peu expansif, un peu extravagant, il l’encourage aux actes et aux mots les plus fous — qu’importe demain, qu’importe le risque, ce qui compte c’est de vivre, maintenant ((parce que si c’est pas maintenant ce sera jamais)). Danger l’entraîne dans ses danses toujours plus endiablées, la présente à ses amis, jamais bien loin, au fond — Folie, Démesure, Oubli, et même Peur, que Violet connaît pourtant déjà si bien. Il l’encourage au sarcasme et à l’abus, lui souffle de se faire confiance ((toujours, toujours elle peut repousser plus loin les limites)).
Tu en es capable.

Danger marche à son bras, altier et confiant, susurre à l’oreille de Violet dès qu’elle trébuche, hésite ; il est toujours là, prêt à l’encourager et la soutenir. C’est grâce à lui qu’elle vit, n’est-ce pas ? Sa vie n’est-elle pas plus belle et plus remplie depuis qu’elle l’écoute davantage et le laisse guider ses pas ? Violet sourit. Oui, peut-être, sûrement. Aujourd’hui, les gens la regardent — et pas pour la trouver bizarre ou la critiquer. Aujourd’hui elle ose, elle est forte, indépendante ((elle n’a plus besoin de Vlinder)).

Qu’importe si la mi-février approche à si grands pas, n’est-ce pas ? Elle a Danger auprès d’elle, et tous ces regards qu’elle captive, ce pouvoir doucereux et agréable qu’elle tient entre ses doigts. Elle pourrait en jouer ((plus tard)). Là, elle est grisée ; grisée de se rendre compte de l’effet qu’elle peut produire, de savoir que c’est elle qu’on regarde et, peut-être, qu’on aime.

Nouvelle soirée, nouveau bar — heureusement qu’ils ne manquent pas à Kopadia. Elle se sent belle, fondue dans ces artifices qu’elle apprivoise encore, tous ces décors et ces déguisements qui attirent les regards et attisent les flammes. Et elle sait que ça fonctionne, consciente et confiante de son image. Elle sait désormais ce qu’elle admire tant chez Meredith — sa confiance. Il ne lui manquait que ça, ça et quelques paillettes. Noires, évidemment, parce qu’elle ne pouvait imaginer et apprécier autre chose qu’une tenue noire comme la nuit pour contraster avec les braises de sa chevelure.

« Bonsoir. Une pinte de votre meilleure triple, s’il-vous-plaît », fait-elle à l’attention du serveur, lorsqu’il se tourne vers elle pour prendre sa commande.

Elle ne le regarde qu’à peine, pour s’épargner la probable mine d’étonnement — une femme c’est fragile et ça ne boit que des bières à faible taux d’alcool ou des cocktails, c’est bien connu. Elle préfère contempler la salle, chercher la plus belle personne à aborder — peut-être finir la soirée ailleurs, plus tard, en espérant croiser Miroslav en chemin ((juste pour le faire rager)). Parce qu’elle n’a plus peur, et surtout pas de lui. Plus depuis qu’elle s’était rendu compte qu’elle avait davantage de pouvoir sur lui qu’il ne prétendait en avoir sur elle.

Ce regard large a également une seconde raison d’être : s’assurer que ni Vlinder ni Romeo ne la voient se donner en spectacle. Mais ce n’est pas le cas. Alors elle sourit, tandis que ses doigts tapotent le bord du comptoir au rythme de la musique qui se déverse dans le bar.