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Huit-cent-quarante-cinq, huit-cent-quarante-six… encore une marche et voilà Yulian en bas de l’escalier du belvédère. Il se rend si souvent en haut de celui-ci qu’il peut certainement dire sans se tromper qu’il connait son escalier par cœur. Même les rares fois où l’ascenseur fonctionne, il ne l’a jamais emprunté. S’il apprécie tant cet endroit, c’est tout d’abord parce que cela lui fait un bon entrainement, mais aussi parce qu’une fois là-haut, il peut profiter d’une vue à couper le souffle, bien qu’il n’y reste jamais trop longtemps.

Aujourd’hui ne fait pas exception à la règle et c’est d’un pas assuré qu’il s’éloigne du belvédère pour s’engager dans l’une des larges rues d’Hoarford. Pourtant, aujourd’hui n’est pas non plus une journée ordinaire, car on lui a demandé de faire partie de l’équipe chargée de la sécurité pour un grand tournois mêlant aptitudes artistiques et maîtrise Pokémon qui va avoir lieu ici, dans la capitale d’Adamantia. La protection, c’est son domaine et si ses compétences peuvent être utiles, alors il les mettra bien volontiers au service de sa ville ainsi que ses habitants. C’est pourquoi il a bien entendu accepté cette demande sans hésité.

Bon, en revanche, il aurait un peu plus réfléchi si on lui avait demandé de participer. S’il travaille jour après jour pour perfectionner la maitrise de son art, ce n’est pas pour le spectacle. Non, la scène, ce n’est pas pour lui. Il suppose que cela n’aurait pas déplu à Njörd, son fière Tiplouf, qui aurait certainement été ravi de montrer ses talents au monde. Valkyrie, sa belle Rosélia, aurait été plus réservé. Yulian la connait suffisamment maintenant pour savoir que comme lui, elle ne cherche pas la lumière des projecteurs. Et Loki… Il ne sait pas. Il ne connait pas encore très bien le petit Goupix, arrivé récemment dans son équipe.

Sa destination est en vue, à présent. Il peut déjà apercevoir des gens qui attendent près de l’entrée principale. Probablement des personnes là pour assister au spectacle et voulant s’assurer d’avoir les meilleurs places. Mais également des journalistes et des photographes. Il est venu tôt, pourtant. Mais il ne devrait pas être surpris de la part de ces gens-là. Ils attendent très certainement l’arrivée des participants, mais également et sans aucun doute celle de la célèbre cantatrice Assara Van Frisia, présente à cet évènement en tant que juge.

Yulian détourne bien vite le regard, déviant de sa trajectoire pour faire le tour du lieu, à la recherche d’une autre entrée. La raison est toute simple : qu’il tient à ne pas attirer l’attention et à rester discret. Il suppose qu’un humble agent de sécurité n’aurait aucun intérêt aux yeux de ces gens, mais en même temps, il est aussi le garde rapproché de Moira, la dirigeante de l’île de glace. Prudence est mère de sureté. Il laisse bien volontiers les micros et les flash des appareils photos aux autres. Heureusement, personne ne semble l’avoir remarqué et il trouve rapidement ce qu’il cherche, à savoir, une entrée réservée aux membres du personnel.

Une fois à l’intérieur, il constate qu’il y a déjà beaucoup de monde qui s’active afin de régler les derniers détails. Des ingénieurs du son aux éclairagistes, en passant par les personnes charger de chasser le moindre grain de poussière et de faire en sorte que cet endroit soit parfaitement propre. Et bien évidemment, deux agents de sécurité, parce que Yulian ne peut pas assurer la protection d’un tel évènement à lui tout seul.

A présent vêtu d’un uniforme composé d’un pantalon noir ainsi que d’une veste marqué du mot « sécurité » et équipé d’une radio au cas où il serait amené à devoir communiquer avec ses désormais collègues, il commence à faire le tour des lieux, dans l'objectif de se familiarisé avec l’endroit et a repérer les différentes entrées et sorties. Ça serait bête qu’il perde la trace d’un éventuel trouble-fête parce qu’il se serait perdu.

Au fur et à mesure de son exploration, il sent bien que l’atmosphère change. Si au début le personnel semble assez décontracté, certains parlant même entre eux en échangeant quelques banalités, plus le temps passe, plus la pression se fait sentir. Lui, ses pas le mènent au cœur même du lieu du tournois, devant cette immense scène sur laquelle il peut apercevoir des participants qui s’entrainent, probablement dans le but de s’échauffer ou bien de peaufiner les derniers détails de la prestation qu’ils comptent proposer.

Et ils se serait certainement arrêter pour les observer si un éclat d’améthyste n’avait pas attiré son regard sur un visage connu, bien qu’il ne l’ait jamais rencontré en personne.

« Mademoiselle Van Frisia. Bonjour, n’hésitez pas si vous avez besoin de quoi que ce soit. Peut-être voudriez-vous boire quelque chose ? »

Son ton se veut poli, mais tout comme à son habitude, sa voix est plate et il n’y a aucune expression sur son visage de marbre. Après avoir pris soin d’écouter la réponse de la cantatrice, il tourne son attention vers les participants.

« Ils aiment ce qu’ils font. C’est bien. »

Oui, c’est important qu’ils prennent du plaisir, qu’il ne pratiquent pas leur art juste pour la gloire, l’argent ou par obligation. Il peut sentir la passion vibrante qui se dégage de ces personnes et de leur Pokémon.

Yulian est bien loin d’être un homme extraverti. A vrai dire, il est même le contraire. Dans sa vie de tous les jours, ce n’est pas dans ses habitudes d’aller spontanément aborder les gens. Bien entendu, il y a des exceptions, comme ses proches ou encore les marchands lorsqu’il va faire des courses, par exemple. Et puis, il y a des situations comme celles-ci. Oh, il aurait pu se contenter d’une simple salutation. Rien n’aurait empêché la cantatrice de l’interpeler en cas de besoin. Mais il a reçu une certaine éducation et cette éducation lui dicte que cela n’aurait pas été très courtois. Et puis, ce n’est pas comme s’il était particulièrement occupé. Le concours n’a pas encore commencé, il a du temps.

Ainsi, il note la demande de Mademoiselle Van Frisia, qui souhaiterait donc une tisane au miel d’Apitrini. Un choix de boisson qu’il approuve, du moins intérieurement. Son expression reste la même et il ne fait aucun commentaire à voix haute, se contentant d’un :

« Entendu. »

Il amorce un mouvement pour partir à la recherche de la boisson demandé, mais s’arrête lorsqu’il entend une nouvelle fois la voix de la cantatrice et se remet dans sa position initiale afin de lui faire face à nouveau.

« Certainement. Je m’appelle Yulian. »

C’est sans hésitation aucune qu’il répond. Son prénom n’a rien d’un secret, après tout. Cela dit, il ne juge pas nécessaire de donner son nom de famille. Il suppose que la cantatrice souhaite connaitre son prénom simplement au cas où elle serait amenée à faire appel à lui plus tard.

Sur ces mots, il part ensuite en quête de la tisane, tâchant d’être rapide afin de faire attendre Mademoiselle Van Frisia le moins longtemps possible, mais sans toutefois se précipiter et avec son calme habituel. C’est donc avec la fameuse tasse de tisane au miel d’Apitrini qu’il revient vers la cantatrice.

Il écoute avec attention la prochaine demande de Mademoiselle Van Frisia, qui souhaiterait de l’aide pour trouver les loges des juges et pour savoir où se rendre pendant la compétition. Il doit avouer être étonné d’apprendre que l’organisation l’a en quelque sorte « lâché dans la nature » de la sorte sans rien lui expliquer et s’il était une personne « normal » il aurait certainement affiché un air surpris. Mais là encore, son expression ne change pas, son masque de glace soigneusement en place. Peut-être un oubli de leur part ? L’organisation d’un tel évènement doit demander énormément de travail, après tout.

« Bien sûr. Si vous voulez bien me suivre. »

Quoi qu’il puisse penser sur les membres de l’organisation, il ne fait aucun commentaire à leur sujet. Il n’est pas ici ni pour les défendre, ni pour les critiquer. Il est présent pour assurer la sécurité de l’évènement et c’est bien ce qu’il compte faire.

Tout de même, il songe que c’était définitivement une bonne idée de se familiariser avec les lieux plus tôt. Il conduit donc la cantatrice à travers l’endroit afin de partager les connaissances qu’il a pu acquérir, passant d’abord par les loges des membres du jury avant de se rendre dans la salle principale, tout en lui montrant les zones clés.

La visite guidée s’achève face à la scène, sur laquelle des participants s’entrainent avec ardeur et passion. Ainsi, Yulian profite que son travail n’a pas encore véritablement commencé pour prendre le temps de les observer. Lorsque la compétition commencera, il devra rester concentrer sur sa tâche et ne pourra pas se permettre d’admirer le spectacle que toutes ces personnes offriront aux publique. Cela dit, il prête néanmoins une oreille attentive aux paroles de Mademoiselle Van Frisia.

« Je pense qu’être passionné par ce que l’on fait, quel que soit le domaine, est ce qui nous permet de donner le meilleur de nous-mêmes. »

Pour lui en tout cas, c’est logique. Pour sa part, il ne serait pas capable de mettre toute son énergie dans quelque chose qu’il n’apprécie pas ou qu’il fait par obligation. Et c’est toujours plus motivant et plus inspirant, aussi, de faire quelque chose qui nous plait.

« Je suppose que l’on peut dire que j’ai un certain lien avec le domaine de l’art, bien que cela ne soit pas en rapport avec la musique. »

Et pour cause. Son domaine à lui, c’est plutôt l’art du combat, à vrai dire. Après tout, les arts martiaux, comme l’indique le nom, cela reste une forme d’art.

« Pour tout vous dire, je pratique les arts martiaux depuis mon plus jeune âge. »

Mais peut-être pas ce à quoi pourrait s’attendre Mademoiselle Van Frisia, bien que l’on pourrait éventuellement comparer les arts martiaux à une danse un peu particulière.

La vie réserve parfois des surprises. Quelques fois des mauvaises, d’autres fois des belles. Sa rencontre avec Mademoiselle Van Frisia fait partie des belles surprises. Bien qu’En acceptant ce poste d’agent de sécurité, en sachant qu’elle fait partie des juges de cette compétition, Yulian se doutait qu’ils pourraient être amenés à se croiser. En revanche, l’intérêt que semble manifester la cantatrice envers lui, l’homme de l’ombre au masque de glace, est inattendu.

D’ordinaire, parler de lui, surtout avec une personne qu’il ne connait pas, n’est pas quelque chose qu’il ferait de manière naturelle. Et honnêtement, lorsqu’il lui a dévoilé son domaine artistique, si l’on peut l’appeler ainsi, il ne s’attendait pas à ce qu’elle pose des questions, qu’elle cherche à en savoir plus.

« Uniquement des arts martiaux d’auto-défense, notamment l’Aïkido et le Kickboxing. Les seuls Pokémon de type combat avec qui je me suis toujours entrainé sont ceux de mon père. Mais j’espère avoir un jour mes propres partenaires.

Des Pokémon de type combat, il sait qu’il y en a, dans les terres sauvages d’Adamantia. Mais il lui faudrait aller au-delà des plaines, pour atteindre la grotte lointaine. Ce n’est donc pas pour tout de suite, mais lorsque ses compagnons seront plus entrainés, il a bien l’intention de s’y rendre. Là-bas, il est persuadé de pouvoir trouver des partenaires avec qui il pourra s’exercer à la pratique de son art.

Le temps passe bien vite. Déjà, la sonnerie annonçant le début de l’évènement retentit.

« Bien sûr. »

Yulian répond volontiers à la demande de Mademoiselle Van Frisia en lui indiquant l’endroit où il serait placé. Une position idéale, qui lui offrirait une vue parfaite sur toute la salle.

« Tout le plaisir est pour moi, Mademoiselle Van Frisia. J’en serai ravi. Je vous souhaite une belle soirée et un bon spectacle. À Bientôt. »

C’est sur ses derniers mots qu’il part rejoindre sa place, prêt à remplir sa fonction.

L’avantage d’être juge, c’est de pouvoir effectuer son travail tout en profitant du spectacle. Yulian n’a pas cette chance, bien que techniquement, rien ne l’en empêche. Néanmoins, pour s’assurer de la sécurité des personnes présentes, il doit être attentif à son environnement, il ne peut donc pas se laisser absorber par les prestations qu’offriront les candidats. Et il prend sa mission trop à cœur pour se laisser tenter. Il n’a aucun regret, cependant. Il savait dans quoi il s’engageait lorsqu’il a accepté d’aider les organisateurs.

Il comprend rapidement que quelque chose ne va pas lorsqu’il remarque l’agitation qui s’empare de l’assemblée, remplaçant l’excitation qui vibrait encore quelques instants plus tôt. Alerte, il observe et écoute. Mais pour le moment, de sa position, rien ne lui permet de comprendre quel est le problème. Il est inutile de s’inquiéter trop vite. Peut-être est-ce un micro ou un projecteur défectueux ou un problème avec une caméra. C’est plutôt ennuyeux, surtout juste avant le début de la compétition. Mais si ce n’est que cela, il suppose que cela devrait être rapidement résolu.

Malgré tout, il tient à savoir de quoi il retourne, au cas où. Il décide donc de contacter ses deux collègues à l’aide de sa radio. Mais ses derniers, postés à l’extérieur, n’ont visiblement rien remarqué d’anormal de leur côté. Le regard de Yulian balaye à nouveau la salle. C’est à cet instant qu’il remarque que mademoiselle Van Frisia a quitté sa place. D’ailleurs, il devrait agir, lui aussi. Ce n’est pas en restant planté là qu’il découvrira ce qu’il se passe. Alors il se met en mouvement, allant tout d’abord rejoindre mademoiselle Van Frisia qu’il aperçoit près de la scène.

« Mademoiselle Van Frisia ? Avez-vous des informations sur ce qu’il se passe ? »

Honnêtement, il aurait préféré tenter de la rassurer en disant que tout est sous contrôle. Mais cela aurait été un mensonge. Rien n’est sous contrôle, il ignore même quel est le problème. Il serait bien aller mener l’enquête par lui-même, mais il ne veut pas qu’elle se mette involontairement en danger, raison pour laquelle il est d’abord venue l’interpeler et lui demander si elle savait quelque chose.