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Tu n'en peux plus, chaque matin, de regarder cette pokeball, danss sa boîte en verre sur ta commode. La pokeball de Pasha. Ton Charibari te manque tellement. Tu as l'impression que les chercheurs n'en finissent plus de leurs recherches. Tu te demandes, même, s'ils n'ont pas tout bonnement abandonné pour faire autre chose. Si ça se trouve, ce sont des bêtises, ce qu'ils disent à la télévision. Qu'ils sont toujours en train de chercher un remède. Tu as besoin de le voir de tes propres yeux, Sasha. Tu as besoin de te rendre compte des choses. Tu ne crois que ce que tu vois, après tout. C'est décidé: demain, tu iras voir. Mais tu as conscience que tu ne peux pas y aller les mains vides. Il te faut un prétexte. Qui te laissera entrer si tu te pointe comme ça, la bouche en coeur? Personne et tu en as parfaitement conscience. Tu te mets donc en cuisine, Sasha. Tu prépares un assortiment de petits gâteaux. Néanmoins, tes gâteaux, cette fois, ont une particularité: ils représentent tous des pokemon qui sont devenus obscurs. A l'image de ton pokemon, mais aussi du petit Grenousse que tu avais croisé il y a quelques mois. En fait, c'est même un peu plus compliqué que cela: ils ont deux faces. Une face normale, à la saveur douce, et une face obscure, au chocolat amer. Tu espères que le message va pouvoir passer. Tu espères parvenir à exprimer que la foule, comme toi, en a assez.

Tu en prépares une bonne cinquantaine - tu ne sais pas combien de personnes travaillent dans le laboratoire et tu veux que tout le monde puisse goûter, histoire de bien les motiver -  et c'est avec le sentiment du travail accompli que tu vas te coucher.

Tu te lèves tôt, le lendemain matin. Tu as la gorge nouée à l'idée de ce que tu t'apprêtes à faire: envahir un laboratoire pour faire entendre ta voix. Tu t'habilles le plus vite que tu peux. Enfin... Tu hésites de longues minutes devant ton placard entre un rare pantalon et une de tes nombreuses jupettes finalement, c'est pour cette dernière option que tu te décides. Tu t'empares d'une courte jupette à carreaux bleus et noirs et d'un petit chemisier blanc à manches courtes légèrement bouffantes. Tu coiffes tes cheveux en une demie queue attachée par un ruban et tu mets à tes pieds des ballerines. Après avoir rangé tes biscuits dans une boîte dans ton panier, avec une lunch-box vide, tu prends avec mille précautions la pokeball de Pasha et, accompagnée par Princess, Quinn B et Athena, tu sors de chez toi, direction le laboratoire.

Oh! Il te faut faire du charme à proximité du laboratoire. Donner quelques biscuits. Prétexter que ton petit ami a oublié son panier déjeuner, preuve en est la lunch-box que tu désignes, avant qu'enfin, un homme ne t'indique la direction précise du laboratoire. Là, tu appuies sur la sonnettes et tu attends qu'on veuille bien t'ouvrir. Tu essayes d'imaginer à quoi peut bien ressembler le responsable, ici. Il est sans doute vieux, complètement décrépit, à lunettes, vouté à force de travailler. Et sans doute pas très grand. songes-tu. Cette description t'amuse. Tu pouffes de rire juste au moment où la porte s'ouvre devant un homme de grande taille - surtout par rapport à toi - et assez jeune, qui te demande si tu viens livrer un produit dont tu oublies immédiatement le nom.

"Non. Je viens... Je... Euh..." Tu baragouines devant ce type au charme fou et secoues la tête pour te reprendre. "Je viens voir le chef de ce laboratoire."

Tu te retrouves toute intimidée, Sasha, devant le type qui te fait face. Grand - c'est facile en face de toi qui est toute petite - relativement jeune - tu t'attendais à un vieillard, au cheveu rare et ébouriffé, même si oui, il a l'air un peu ébouriffé - séduisant - un peu trop pour être honnête. Et tu te retrouves à baragouiner en exprimant le motif de ta venue. Un baragouinement qui ne risque pas de s'arranger puisque tu apprends que c'est lui, le chef du laboratoire. "Ah...." Ce n'est pas que ta colère et ton emportement sont retombés comme des soufflés, bien au contraire. tu es toujours à bout de nerfs de ne pas entendre parler d'un antidote à la maladie qui transforme vos compagnons en des pokemon obscurs. Pasha est ton pilier et tu as besoin de pouvoir le retrouver. Même si... Parviendrais-tu à lui faire à nouveau confiance après ce qu'il s'est passé? après qu'il ait essayé de t'étrangler et qu'il ait fallu que Sun l'électrocute jusqu'à ce qu'il perde connaissance? Tu n'en sais rien, mais tu ne peux pas le laisser comme ça, c'est hors de question.

Et pourtant, au lieu de balancer ce que tu as sur le coeur, tu te retrouves à agiter tes doigts sur l'anse de ton panier alors qu'il t'invite à entrer. Tu écarquilles les yeux avant de le suivre à l'intérieur, ne te faisan pas trop prier, finalement. Après tout, une fois entre les murs, il sera plus difficile de te faire partir avant d'avoir délivré ta requête. Au pire... Tu envisages à cent pourcents de libérer ton Charibari de ta pokeball pour appuyer tes dires. Tu es remontée à ce point, Sasha.

Avant d'en venir à de telles extrémités, néamoins, tu sors la boîte contenant tes biscuits, faisant attention de ne pas activer la pokeball de ton cher compagnon emprisonné. Athena, sur ta tête, t'envoie des ondes apaisantes pour essayer de te calmer, tout comme Queen B bourdonne gentiment à ton oreille alors que Princess est collée à ta jambe et retrousse les babines à l'adresse de quiconque aurait l'idée de protester contre votre présence ici. "J'ai apporté des biscuits. Ils ont deux faces." dis-tu, directe, après avoir pris le temps de remettre un peu d'ordre dans tes idées. Surtout, tu ne regardes pas vers le scientifique. "Regardez les deux avant de manger, vous comprendrez ce qui m'amène..."

Il comprend vite de quoi tu veux parler, et tu lui en es gré de ne pas t'obliger à énoncer ce terrible mal. Tu es superstitieuse, Sasha, et tu n'as pas envie de t'attirer davantage de malchance encore. Car avoir un pokemon obscur, n'est-ce pas synonyme de malchance? Autant tu ne crois pas que voir un Corboss à travers une fenêtre soit synonyme de mort. Ce serait tellement dommage pour ce pokemon au vol si élégant! Quoique cela expliquerait pourquoi ils peuvent être chassés dans certains endroits du globe. Par contre, tu as réellement tendance à éviter de passer sous une échelle. A chaque fois que cela t'est arrivé, tu as fini par terre, d'une façon ou d'une autre. Soit parce que tes lacets se sont défaits tous seuls, soit parce que tu as marché dans un trou. Il est même arrivé, une fois, tu t'en souviens encore comme si c'était hier même si tu étais au collège, qu'ils se soient retrouvés comme par magie noués l'un à l'autre.

Parce que oui, la magie, tu y crois, Sasha. Tu crois dur comme fer qu'il y a des choses qui ne s'expliquent pas dans le monde. Sinon, comment expliquer la présence des pokemon, avec leurs capacités toutes plus bizarres les unes que les autres. Comment expliquer cette maladie qui s'est répandue subitement aux quatre coins de Lentis? Comment expliquer que seuls certains pokemon y ait été sensibles? Bien sûr, tu ne crois pas à la magie comme on la voit dans les spectacles, ou un type tire un Sapereau de son chapeau, ou que quelqu'un se retrouve "coupé en deux" avec une scie. Là, tu sais qu'il y a un truc. Tu sais qu'on prend le public pour des jambons. Mais la vraie magie, celle qu'on voit dans les films de Harry Potter, tu as toujours voulu y croire. Ca, c'est une magie qui te fait rêver. Tu rêves dans un miroir, de voir apparaître tes parents décédés, comme ça a été le cas pour Harry dans le miroir de Rised. Tu rêves de voir leurs fantômes pour pouvoir leur parler et leur dire que tu ne leur en veux pas, de ne pas avoir été là. Tu y crois, Sasha, parce que tu as besoin de croire en quelque chose. Parce que sinon, que reste-t-il? Tu y crois, même si ça t'effraye un peu, par certains côtés que tout ne puisse pas trouver d'explication rationnelle. Mais ce que tu refuses de croire par contre, magie ou pas magie, c'est que les scientifiques puissent espérer un jour que le remède à cette maladie qui frappe les pokemon leur arrive comme par magie justement entre les doigts. Et si jamais ça venait à être le cas, tu serais la première à crier à l'arnaque et à te méfier, même si une partie de toi voudrait que ça soit possible et que ça arrive sans crier gare.

"L'obscurisation, comme vous dites, c'est pas la magie qui va vous apporter le remède. C'est pas en vous tournant les pouces que vous allez y arriver." l'accuses-tu. Parce que tu as besoin d'un coupable. Tu ne peux pas croire que parce que tu as marché  du pied droit dans une crotte de Rocabot un matin, ça a suffit pour que Pacha change comme ça. Tu ne veux pas non plus ne serait-ce qu'imaginer que le miroir qui s'est brisé lorsqu'il t'a plaquée contre le mur avec sa trompe avant de t'étrangler soit le signe de sept ans de malchance, de maladie pour lui. Tu ne peux pas. Tu ne veux pas. Cette idée même te rend malade.  "Faire de votre mieux, ce n'est pas assez..." dis-tu, des larmes brûlantes au coin des yeux. Tu es une personne sensible, Sasha, et pourtant, tu t'agrippes à la boîte qui renferme les boîtes. Ce que u voudrais, pourtant, c'est venir écraser tes poings contre le torse de ce géant pour lui faire comprendre ta souffrance, celle de centaines, voire de milliers d'autres gens qui sont dans le même cas que toi. Pourtant, tu ne possédais pas 13 pokemon au moment où Pacha est devenu obscur. La malchance qui t'a frappée ce jour-là, elle était gratuite, et tu ne sais toujours pas pourquoi elle s'en est prise à toi, et aux autres.

"Est-ce qu'au moins, à défaut d'un remède, vous avez trouvé ce qui avait causé ça et comment l'empêcher de frapper encore?"

Tu ne réponds pas immédiatement lorsqu'il te dit qu'il travaille jour et nuit sur un remède, mais qu'il manque de certaines choses. Ca te fait froncer les sourcils, cependant. Il devrait avoir des moyens illimités, au contraire. Si les dirigeants ne l'aident pas, c'est parce qu'ils ne se sentent pas concernés. Et tu es à peu près certaine que c'est le cas pour celui d'Haptos. Il est froid et dédaigneux. Tu ne l'aimes pas du tout. Le représentant d'Anthos change malheureusement très souvent depuis que Jay Til a quitté ses fonctions. Pourquoi la population est-elle incapable de choisir quelqu'un et de le garder le temps de gérer la crise? Hein? "Ils ne vous soutiennent pas assez? Dans le fond, c'est vous qui devriez être le représentant d'Anthos. Vous auriez plus de poids pour obtenir ce dont vous avez besoin." dis-tu sans savoir que, dans quelques mois, il sera effectivement ton représentant et celui des autres anthois.

Et puis il y a cette phrase. Sur le ralentissement des obscurs, et l'espoir renait en toi. "C'est vrai?" demandes-tu en agrippant sa veste de tes petites mains menues. Tu lui sauterais volontiers au cou, pour cet espoir qu'il vient de te donner. Parce que c'est toi, tu serais sans doute même capable d'embrasser cet inconnu. Tu te retiens, cependant, tes mains restant sur sa poitrine, désormais à plat. Et lorsque le désespoir sort de sa bouche, tu ne peux retenir un: "Comment puis-je vous aider? Avant que mon pokemon devienne obscur, j'étais infirmière pokemon."