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« Oh, j’ai déjà hâte » dit-il de bon cœur; difficile de croire dans des moments comme ça que Fleur était un gamin difficile à vivre. Peut-être que ça aurait été autrement s’il avait perdu, mais en ce moment il se plaisait à croire que rien n’aurait changé dans son attitude. Et puis, tu es un peu intouchable, tu sais, Pierrette. Avec tes petits-enfants prêts à prendre les armes pour toi, personne n’aurait accepté qu’on te traite mal. Est-ce que ce genre de menace arrêtait les émotions négatives de Fleur, d’habitude? Non. Mais bon, là il est tout sourire et il ressasse le combat, les bons coups comme les moins bons. « Oui, contre un Cacnéa, ça risque d’être un peu à mon avantage. Mais au fond, un pokémon bien entrainé peut être efficace même contre un type contre lequel il n’est pas très doué. » on l’avait vu dans votre combat, au fond, avec Caèdre qui avait tenu bon à une attaque de feu. C’était pas rien, ça, quand même. « Moi aussi, j’aurai des pokémons différents au prochain combat » te dit-il sur un ton presque de défi – comme pour te dire que tu ne pouvais pas simplement t’asseoir sur les connaissances que tu avais pour le vaincre la prochaine fois, qu’il apportera lui aussi du changement à tout ça. Là, il avait pris ses pokémons les plus entrainés, mais il se demandais ce qui se passera quand il mettra de côté ses valeurs sûres comme Colori, son Manternel, mais aussi Caèdre, son Coléodôme. Et dans tout ça – oh, comme il espérait, le petit, pouvait utiliser son Caratroc un jour en tournoi ou en combat amical. Pour prouver au monde entier que ce pokémon sert à quelque chose. Parce que Fleur l’aime et aimerait que plus de gens l’aiment, aussi.

« Oui, je suppose que ça n’existe pas, tu as raison » convint-il, une moue se dessinant sur son visage alors qu’il considérait la chose. « Et le tiens, de parcours » commence-t-il, curieux, se redressant comme un Fouinar au-dessus des hautes herbes; « il a ressemblé à quoi? » oui; parce que Fleur, il y avait beaucoup de choses qu’il ignorait de toi au fond, et dans son incertitude, il avait besoin de preuve tangible que tout le monde en faisait vraiment, des erreurs. Ses yeux verts-bleus, qui rappellent tellement ceux de sa mère, se posent délicatement sur toi, comme si d’insister trop avec son regard pouvait te blesser. C’était comme ça – Fleur avait l’habitude des moments doux avec ses grands-parents, et pour lui tu étais une extension du bien qu’il ressentait quand il était auprès d’eux. « Après, j’sais pas si le tournoi, c’est vraiment mon rêve. Je crois que c’est juste… quelque chose que je dois faire, pour me prouver jusqu’où je peux aller. Après… après je devrai décider le reste de mon chemin. Mais pour tout de suite, c’est le tournoi qui occupe toutes mes pensées. C’est plutôt agréable, au fond, parce que j’ai moins d’incertitudes pour le futur, au moins pour un court laps de temps. » Et puis il rougit quelque peu, et son regard se détourne, comme de peur que tu deviennes dans les traits de son visage l’attachement profond qu’il ressentait pour cette personne.

« Un·e apprenti·e ranger, oui » te corrige-t-il doucement, répétant bien les mots pour souligner qu’al était ni femme, ni homme, un peu des deux à la fois mais surtout rien de tout ça. Plus que la somme des deux, pour lui en tout cas. « Comme Aina-Kea » précise-t-il comme pour te donner une assisse sur laquelle se positionner. « Al est… ouais, de mon âge. Je crois qu’al a peut-être quelques mois de plus. Je l’ai rencontré en faisant mes travaux volontaires, et puis… le reste est arrivé tout naturellement. C’est le genre de personne que- comment dire, al te fait te sentir vraiment à l’aise. Je peux lui parler d’un peu de tout, et puis, al- » il porte sa main vers sa nuque, la frottant comme pour se rassurer. Parce que tu savais alors il n’y avait pas de mal à dire ces mots-là. Ou avait-il imaginé que tu savais? « Al comprend ce que c'est, d’être trans, alors j’ai pas besoin de lui cacher, enfin, tu sais… » pour moi pense-t-il sans arriver à la dire. Peut-être que c’était pour le mieux, il n’était pas sûr de vouloir parler de ça.

« Ok, parfait! » dit-il en se saisissant du fouet, mettant les ingrédients dans son bol à mélanger quand tu les lui apportes. Faire des crêpes, après, ce n’est pas très difficile, et lui du jus de bras il en a des masses! « Oh, je- » bredouillement parce que la question l’a pris par surprise, mais il se reprend un peu et te dit : « Ça doit pas sonner idéal, mais je vis dans une suite à l’hôtel de ma… » grosse hésitation, et il finit par dire du bout des lèvres; « mère » un mot qui est lourd et qu’il n’a pas pu prononcer souvent dans sa vie. Mais même si elle avait été seize ans en retard pour se mêler à la sienne, de vie, elle avait depuis quand même eu une bonne influence, quand bien même elle n’était pas très présente et disponible. Elle avait, après tout, sa propre vie à vivre, une vie dans laquelle elle n’avait jamais eu auparavant l’enfant qu’il était. « Du coup j’ai une grande chambre, ma propre salle de bain, un genre de salon, une petite salle à manger et un coin cuisine, avec un réchaud. Par contre je n’ai pas accès à un four, alors ça limite un peu plus ce que je peux cuisiner, mais je m’en sors pas mal je dirais. J’ai même un mini-four que Papy m’a offert, pour faire griller de petits trucs. C’est juste en attendant que… enfin que je puisse avoir mon propre appartement »

Il pourrait te dire, aussi, que sa mère a dévié les fonds qu’elle allouait auparavant à son père pour les offrir directement à Fleur, et qu’ainsi il ne manquait de rien, même qu’il se sentait mal d’être aussi « gâté pourris » en un sens. Mais comme tout son travail, en ce moment, sert à rembourser sa dette envers Anthos, disons que c’était vraiment le bienvenue. Mais dès qu’il aura fini, et après le tournoi, Fleur comptait bien se trouver un petit travail pour économiser et avoir son appartement pour ses dix-huit ans. Il aurait pu te dire tout ça – mais il préférait ne pas étaler le linge sale de sa famille auprès de connaissances de ses grands-parents. C’était qu’au fond, son géniteur avait plus ou moins fraudé sa mère pendant des années, gardant pour lui l’argent qui aurait dû servir à habiller et nourrir son enfant… qu’importe. Ce n’était pas lui que ça regardait, ça, et Fleur n’avait surtout pas envie de parler de Thomas. Tout, sauf lui. C’était pour ça, aussi, qu’il habitait à l’hôtel plutôt que de retourner chez ses grands-parents, parce qu’autant que Fleur les aimait, il ne pouvait pas supporter de vivre dans un environnement instable où son père était le bienvenue. C’était triste, presque cruel pour ses grands-parents qui avaient tout fait pour lui, mais c’était comme ça.

« Je me fais mes propres lunchs pour le travail. Mais c’est vrai que le soir, j’ai un peu trop tendance à prendre un truc sur le chemin du retour. Faut dire que je suis généralement exténué après mes jours de travail, surtout quand c’est des projets de construction » avoue-t-il, son attitude changeant pour aller vers quelque chose de plus léger. « Si tu as des recettes sans passage au four à me proposer, par contre, je suis preneur » ajoute-t-il, toujours content d’en découvrir des nouvelles. Après, une plaque chauffante dans une chambre d’hôtel, c’était quand même du gros luxe comparé à tous les repas qu’il avait du faire sur un feu de camp! « Mais j’aimerais avoir accès à un balcon pour faire pousser quelques légumes. C’est Liang-Xue qui m’a donné cette envie, lui avec son jardin de fleurs. Peut-quand quand j’aurai mon propre appartement » devise-t-il simplement, prenant le bol de mélange à crêpes pour venir te l’apporter à côté de ta cuisinette, comme il avait fini de tout mélanger, même la vanille (qu’il avait faillit oublier…)

« Tu danses? » fait Fleur, qui n'avait même pas un instant osé songer à formuler ça au passé. « Oh, je crois que mamie et papy me l’avait mentionné. Enfin surtout que tu faisais des concours pokémons, avant. » Ils ont dû croire que l’information plairait à leur petit-fils, lui qui ne trouvait pas son chemin dans le circuit habituel de l’école. La grosse différence dans son esprit, à ce moment-là, c’était que toi tu avais choisi de danser – il n’avait jamais été question de danser parce que tu n’étais bonne à rien d’autre. Et pour l’estime de soi d’un jeune adolescent, c’est une nuance très importante qui malheureusement éclipse toute la bonne volonté de ce que tu essaies de lui exprimer. Mais aujourd’hui, Fleur était plus réceptif. « Faudrait que j’apprenne à danser, un jour » observe-t-il simplement, pas tant une demande détournée qu’une réelle constatation. Dans ce monde ci, y’avait beaucoup de plaisir à y avoir en bougeant son corps. « Colori, c’est celui de nous deux qui aime le plus danser, depuis qu’il est tout petit. Maintenant qu’il est un Manternel, il m’a montré deux-trois pas. Je ne sais pas trop d’où il les sort, par contre! » Il rit; le volume un peu trop fort, mais c’était comme une symphonie qu’il faisait à lui tout seul. Quand Fleur riait comme ça, il riait en y mettant vraiment tout son être; son corps se pliait même légèrement vers l’avant, ses yeux se plissaient et ses poumons faisaient pas mal d’efforts.

Et puis il dit, revenant légèrement en arrière dans votre discussion; « Les astres… ça doit être fascinant. Je me demande s’il y a des pokémons qui vivent dans les étoiles » il voulait bien dire littéralement; Fleur savait que le soleil, par exemple, en était une, et le soleil est très, très chaud. Mais les pokémons sont surprenants et il n’était pas dit qu’il n’y avait pas de pokémon, vivant, qui pouvait exister sur le soleil. Vraiment, on aurait cru à quelque chose de plus farfelu que ça quand il est question de leur génétique et leurs capacités. « Quand les ordinateurs se sont développés, hein… » pour lui c'est complètement fou, parce qu’il était né avec un ordinateur au bout des doigts. Il n’osait pas faire de commentaire sur le sujet, du coup, parce que tout ce qu’il aurait pu dire aurait sonné comme ou « wah, mais en fait t’es vachement vieille » et puis, il se rappelle aussi qu’en fait, ses grands-parents sont plus jeune que toi de quoi, dix, quinze, vingt ans? Il n’allait pas le demander, hein, mais c’était quelque chose dans ces eaux-là. Parce que ses grands-parents avaient eu son père jeune, et que son père l’avait eu jeune aussi. Du coup ses grands-parents, à Fleur, avaient quelque chose comme soixante ans. Un peu plus jeune que toi, pour le coup. Mais ça ne vous empêchait pas d’être ami – à partir d’un certain point, l’âge n'est que ça : un âge.

« Oui bon, d’abord je dois passer le processus de sélection, ils ne doivent pas accepter n’importe qui » observe Fleur quant à sa participation au tournoi; « Mais si on écrit une lettre ensemble, alors… » petit coup de rose qui lui monte aux joues, il bafouille un peu avant de dire : « … je crois que j’ai des chances » et s’il ne se pliait pas en deux pour t’offrir des remerciements, en tout cas Fleur était vraiment reconnaissant de ton aide, de ton soutient, et aussi du temps passé à le combattre! « J’espère que je pourrai combattre à nouveau contre toi, au tournoi » dit-il; mais c’est vrai que tu n’étais pas certaine d’être prête ou de vouloir le faire, alors il dit, à la blague : « Ou si c’est pas contre toi, alors ce sera certainement contre un autre Ehu-Kai » parce que tes petits-enfants sont nombreux – et parmi eux il y a Kiya’na, entre autre, qui donnaient carrément l’air d’être faite pour monter dans le stade et combattre avec ses pokémons. Bon, la vérité c’est que les autres, d’Ehu-Kai, il ne les connaissait pas trop, alors peut-être qu’il oubliait des noms. Il verrait bien une fois le tournoi commencé.

Il hoche de la tête sans rien dire de plus – hésitant et aussi complètement gêné de parler de son… ses béguins. Mais la vérité c’est que depuis quelques semaines, il se demandait s'il avait vraiment un béguin pour Kiya’na ((parce qu’après tout, il la connaissait si peu… ça lui faisait l’impression d’avoir le béguin sur une célébrité, genre? Il y avait quelque chose de faux là-dedans, quelque chose qui lui faisait dire que ça devrait être autre chose qu’un béguin. Et plus il y pensait… plus il se disait que peut-être était-il simplement envieux de l’apprentie policière. Et le fait qu’il ait l’impression que Gaby ait un béguin sur Kiya’na n’aidait certainement pas toutes les étranges émotions qu’il ressentait!)) alors tout ça pour dire que ça lui faisait du bien de passer à autre chose. « As-tu… » et là, Fleur, au lieu de changer de sujet, il saute à pieds joints dedans : « t’es-tu déjà demandée si tu avais le temps, dans ta vie, de faire de la place pour de l’amour? » ah; lui qui avait toujours froid, le voilà qui, plutôt, commençait à sentir la chaleur monter. Mais le gamin savait être brave, parfois, alors il continue; « Enfin je sais que tu en as eu mais… est-ce qu’il y a un moment où tu as eu besoin de ralentir tout ce qui arrive autour pour lui laisser de la place? » quelle étrange question, en somme – et pourtant il l’avait posée avec le plus grand sérieux du monde, comme seul les adolescents savent faire.

« Je peux te raconter, pour ma mère » dit-il, le regard incertain et fuyant. « Je suis sûr que mamie et papy seront très content de te dire, sinon » haussement d’épaules désinvolte, Fleur fait clairement semblant que le sujet ne le dérange pas. La vérité c’est que sa mère l’avait sortie d’une situation difficile… mais une partie un peu ingrate de lui-même ne peut s’empêcher de lui murmurer que si elle avait été là dans les années depuis sa naissance, alors peut-être qu’il n’aurait jamais été dans cette position. Sa mère n’avait pas l’air de l’image qu’on se fait d’une mère aimante – elle est un peu froide, c’est vrai, elle lui donnait la main au lieu de lui faire des câlins comme dans des films, mais la vérité c’était que depuis qu’elle s’était présentée à lui, elle avait fait de son mieux pour l’aider dans toutes ses entreprises… et si c’était certainement trop peu, trop tard, au moins elle était là, maintenant, et sa vie en était meilleure du même coup. Disons qu’il avait des amis qui n’avaient pas sa chance, peut-être même certains qui l’enviaient. Parce que c’est vrai qu’au lieu de gérer des parents qui l’empêchent de sortir, Fleur avait sa totale indépendance (ou presque, en dehors de son travail communautaire), sa propre suite d’hôtel où il pouvait inviter qui il voulait, quand il voulait.

Mais la vérité c’était que Fleur, quand on lui ne donnait la chance, il était plutôt doux, comme adolescent. Il n’était pas du genre à faire la fête tous les soirs, ou à inviter des gens pour fumer et boire, ou à coucher avec des gens à gauche et à droite. Et vraiment, à son âge, n'est-ce pas le plus important? « Je veux bien les graines »  dit-il avec un large sourire, plutôt habitué d’être celui qui les offrait, les graines, mais il était heureux d’en recevoir. « Mais bon, c’est pas pour tout de suite! » et hop, la première crêpe va dans la poêle une fois que le beurre y est fondu; son estomac commence à crier famine, d’ailleurs. Faut croire que le combat lui a ouvert l’appétit! Il prend le livre que tu lui indiques avec délicatesse, ne voulant pas le salir avec ses mains pleines de farine, et il se pose docilement à la tête pour regarder les recettes; la vérité c’était qu’il regardait surtout les images en feuilletant (qui n’était pas coupable de ce crime?), se laissant transporter par les imageries à donner l’eau à la bouche. Mais ici et là il pouvait voir des plats qui étaient intéressants – qui utilisaient des ingrédients frais faciles à trouver à Kopadia, par exemple, ou qui peuvent réutiliser un riz de la veille dans un riz frit, par exemple. « Un jour » dit-il en relevant la tête vers toi, « Je veux essayer un friteur à l’air. Parait qu’on peut faire plein de trucs avec ça » puis c’est bien parce que ça n’utilise pas d’huile pour la cuisson. L’huile, c’est chiant à nettoyer (autant dans vos ustensiles de cuisine que sur la plaque chauffante et les alentours), et Fleur trouve que ça a une odeur particulière qu’il n’aime pas toujours. En plus, c’est meilleur pour la santé de ne pas consommer trop de corps gras, au fond. « Je voudrais bien te l’emprunter, oui, ton livre de recette. Si c’est pas un problème; j’aimerais tester au moins pour voir si j’aime comment les recettes sont expliquées » explique-t-il, même si au fond il n'avait pas besoin – c’est toi, après tout, qui avait proposé de le lui prêter!