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Dissonance subite dans cette symphonie émotive, le bruit d'un bris de verre se morcelant résonna dans son esprit malgré la cohue. Implosion sourde soudaine, audible qu'à elle, le nez de la présidente se plissa momentanément à cause du désagrément tandis que ses prunelles gelée vinrent analyser le sol parsemé d'éclats scintillants sous la lumière des diverses lampes-torches. Chaussure à talon brièvement soulevé, l'éclat brisé se révéla à elle tel un coupable prit en flagrant délit ; vitrines brisées et dégâts matériels importants, elle observait en silence les décombres du Mastodonte alors que les autorités compétentes — pompiers, policiers, gardes de sécurité — s'activaient pour tenter de trouver une trace quelconque des responsables. Mains sagement jointes au niveau de son ventre et expression faciale presque neutre, une gênante odeur de brûlé vint lui agresser les narines. Ils avaient tout détruit. Absolument tout détruit. Entourée de débris encore fumants, elle s'était avancée au sein de la galerie d'art en ruine afin de voir la conséquence de cet acte terroriste. Derrière se trouvait son fidèle assistant et interprète Milton qui demandait — sur les ordres de sa supérieure — aux techniciens de tenter d'accéder aux caméras de surveillance de l'endroit.

Vibration dans la poche, un message de la part d'un homme sobrement renommé Père dans son téléphone. Quelques mots à propos des informations qu'il venait de voir, sa femme et lui, sur l'attaque étaient lisibles sur l'écran dernier cri contrairement à la moindre inquiétude vis-à-vis de l'intégrité physique de sa fille. D'aussi loin qu'elle se souvinsses, il ne s'était jamais inquiété de son état, de sa sécurité. Le manque d'intérêt pour sa santé ne la fit même pas sourciller. L'avait-elle seulement relevé ?
Trente années de tolérance mutuelle, l'amour familial ne s'est jamais traduit par de douces attentions. Elevée pour régner sur le reste de l'humanité depuis son plus jeune âge, Victoire n'avait jamais côtoyé ses semblables — école à domicile, enseignement assuré par ses deux parents, l'apprentissage des bonnes manières et de la culture générale fut son unique distraction durant les dix premières années de sa vie. Bouche déjà peu bavarde à l'époque, le stress accumulé par les attentes trop grandes de ses paternels ajouté au manque d'interaction avec d'autres de son âge la fit se renfermer sur elle-même.

Réponse tapotée puis envoyée, elle rangea l'appareil puis s'avança pas à pas, s'enfonçant davantage vers la destruction, jusqu'à atteindre une sorte de petite scène où étaient entreposés plusieurs statues balayées par le souffle de l'une des explosions. Sans se soucier de ceux qui pourraient l'observer le faire, elle grimpa sur scène avant de se retourner. La vue d'ici semblait bien différente de ce qu'elle avait pu voir un peu plus tôt dans sa triste existence.
Violon entre les mains, son premier concerto fut la plus belle expérience de sa vie. Cours de violon débuté vers ses huit ans afin de l'aider à s'exprimer grâce à quelque chose de suffisamment digne — la musique classique — elle était tombée très vite amoureuse de ce petit instrument à cordes. Meilleur ami, seul ami, lors de la solitude que forçait sa vie en tant golden child au sein d'une famille aussi influente que riche, elle était devenue une véritable virtuose en quelques années à peine. Un avenir tout tracé se dessinait pour elle. Chaque jour on pouvait entendre résonner depuis sa chambre des notes jouées avec les justesses des plus grands : il s'agissait-là tout ce que ses lèvres ne parvenaient pas à formuler. Toute sa tristesse, tout son malheur, toute sa solitude, toute sa mélancolie, tout son désir.

Les pulsations dans sa poitrine s'accélérèrent. Mains désormais libérées de l'emprise de l'autre, ses phalanges droites vinrent commencer à tapoter sa cuisse dans un rythme qu'elle seule pouvait définir.
Lors de sa seizième année de vie, ses lèvres retrouvèrent leur utilité. Ses parents furent très heureux de voir que l'instrument avait réussi à l'aider à retrouver la parole ; ils avaient commencé à désespérer.  La question sur l'avenir de Victoire n'avaient jamais débuté — trouble important à surpasser, ils avaient préféré se focaliser en priorité sur son mutisme sélectif. Néanmoins, avec cette barrière franchie, ils commencèrent à doucement mais surement la détourner de son instrument pour l'inciter à étudier davantage. Mais Victoire avait changé. Victoire était persuadée d'avoir trouvé sa voie : elle souhaitait devenir une musicienne de renommée. Elle était déjà la meilleure de sa compagnie, qu'est-ce qui l'empêchait de davantage briller ?
Ses parents.

Milton s'approcha d'elle et lui fit un signe de la main afin de la tirer de cette rêverie éveillée. Il lui indiqua que le musée des avancées de Deus fut aussi touché. Un soupir silencieux s'échappa des lèvres de la femme et elle acquiesça d'un geste avant de lui faire signe qu'ils devaient s'y rendre pour évaluer les dégâts. Et ils s'y rendirent. Vite. Même observations que pour la galerie d'art : il ne restait plus rien. Le sol était jonché de papiers noircis, de bouts de verre détruits. Victoire s'abaissa néanmoins, jambes jointes, au sol et attrapa ce qui semblait être une photographie à moitié brûlé. Elle et Teobald, se serrants la main lors de la cérémonie officielle de son remplacement.  
Elle se souvenaient de tout ce qui avait mené à cette journée.
Clovis et Solène Bray n'avaient jamais voulu la voir en tant que musicienne. Elle se remémorait les remarques désagréables de ses parents à propos de son instrument et des nombreuses disputes par rapport à son futur. La musique ne valait rien dans le monde d'aujourd'hui et beaucoup se cassaient les dents à tenter de devenir le prochain Mozart ou Chopin ; avoir une distraction était utile, encore plus si elle demandait finesse, dextérité et adresse, néanmoins le violon ne devait rester que ça : un simple passe-temps huppé.
Au fil des disputes, Victoire avait fini par céder. L'amour de ses parents prévalait sur ses propres rêves. Frileuse à l'idée de n'être qu'une simple déception à leur égard — eux qui représentaient toujours la majorité de ses liens sociaux — elle accepta simplement de suivre le chemin qu'ils avaient tracé pour elle sans sourciller. Hélas, ce fut le moment où ses lèvres se refermèrent pour la dernière fois.
Diplôme acquis haut la main avec une belle mention, elle démarra même une start-up à Kalos avant de se faire envoyer à Lentis quelques années plus tard vers ses vingt-six ans ; là-bas — ici — un ami de la famille avait besoin d'une personne comme elle pour le conseiller. Du sang neuf pour l'aider à faire grandir son entreprise portant le nom de Deus. Mais ce n'était qu'une excuse. La vérité était que Clovis et Teobald se connaissaient depuis longtemps et que le second avait fait une fleur au premier en octroyant à sa fille une place de choix.
Et cette amitié entre Finch et Bray ne fit que se renforcer grâce au travail immaculé de la jeune recrue. Pistonnée et compétente, elle fut la successeuse parfaite lorsque Teobald devint le dirigeant de Haptos. Victoire sait parfaitement que ce choix n'était pas purement mérité, mais que les liens entre les deux familles ont beaucoup joué. Et depuis, elle avait tenu la barque contre vents et marées ...
Comme cette marée qui s'abattait sur son île depuis quelques semaines.

D'abord la manifestation, puis cette attaque terroriste.
Elle soupira, se redressa sans la photographie et dégaina son téléphone portable avant d'appeler le numéro d'une certaine Sawyer et de passer le téléphone à son assistant. Ses mains bougèrent alors avec vitesse, signant ce que Milton devait dire à l'appareil. Olivia. Je vais avoir besoin de toi.