Menu

Tu as toujours eu peur.
Peur que les regards cessent de te considérer ou que les sourires renoncent à te calculer… Derrière la lueur de désinvolture qui anime tes iris bercées de mensonges, c’est l’insupportable capharnaüm engendré par tes craintes qui te garde en vie, qui te pousse à continuer.
(Comme si, même dans la mort, il était possible de t’oublier…)

Ta génération et toi-même ne faites qu’un. Tu t’es greffé·e à elle comme à une bouée, convaincu·e qu’il était plus facile d’exister lorsque l’on partageait les difficultés déconnectées de ceux que la vie a « privilégié ». Il est pourtant si compliqué de mener des guerres que l’histoire n’a jamais narrées ou dont le passé n’a jamais témoigné.
Il n’y aucun code à respecter, aucun exploit à répéter.
Vos aînés vous ont condamnés à porter l’insigne de ceux et celles que les avantages ont abrutis et que le manque d’attention à victimiser. Après tout, il ne faut pas avoir connu la misère pour exiger le droit ridicule d’aimer...
Mais toi, Aina, tu sais.
Tu sais que le symbole dont tu endosses la responsabilité ainsi que ton combat ne sont, en réalité, que les prémices d’un problème titanesque.
Que tu portes, certes, la parole d’une minorité opprimée, mais qu’il n’est pas seulement question de donner une voix à des problèmes longtemps oubliés…
Ce n’est pas que vous.

Ce sont les fondements d’une société construite sur les cendres de ceux que l’on a persécuté.
Et qui sert de chaînes à tes préceptes de liberté – de celles que l’on a trop longtemps égarées.

Car même si ton cœur venait à s’emporter ou que tes sentiments se mettaient soudain à hurler, jamais tu ne serais capable de t’avouer entiché·e et enchaîné·e au cœur d’un·e autre, aussi amoureux iel l’a été…
Véritable astre de liberté, étoile brillant dans un ciel mangé par l’humanité; tu ne peux subsister au travers de ceux qui, pour assurer leur survie, doivent détruire la tienne. Humain·e aux sentiments désœuvrés, tu traces les esquisses de l’insouciance; t’amouraches sans jamais oser franchir le pas qui, par mégarde, risquerait de te lier aux vivants.
Tu es comme ça. Presque trop lunaire pour exister, impossible à saisir et à assujettir.
Mais tu sais, Aina, les bonheurs de cette vie se multiplient lorsqu’ils ont la chance d’être partagés.

Il n’est pas trop tard pour le réaliser.
Pour tromper ta trentaine aux versants déloyaux.

Ambassadeur·ice d’une jeunesse tourmentée dont tu embrasses tous les fondements, les complexes et peur de ta génération chaperonnent tes nuits écourtées par les questions nappées de murmures torturés.
On voit en toi les préoccupations et les valeurs d’un siècle égaré, damné par les agissements de ceux et celles qui vous ont honteusement précédés.

Est-ce pour cette raison que Kopadia a placé sur tes épaules la responsabilité de les diriger? De mener à bien leurs intérêts alors que tu n’as pour qualité que ton indéniable sens l’oration?
Tu t’es souvent questionné·e, remis·e en question.
Jamais tu ne pourras cesser de défendre les intérêts de ceux et celles qui t’ont tout confié : de leurs espoirs fragiles à leurs rêves décomposés… Mais étais-tu vraiment la personne qu’il fallait à l’archipel pour prospérer? Le poids des responsabilité t’a toujours tétanisé·e. De ce fait, il est si difficile de s’opposer aux langues salées qui s’évertuent à contester le choix –  humain – de te remettre Kopadia.

Car lorsque tu n’es pas en train de militer, c’est la désinvolture de celleux que rien ne dérange ou n’atteint qui nourrit le brasier.

Tu t’amuses de l’incompréhension dans les yeux et des sourires ravalés. Le ton taquin qui fait trembler leur voix trahit ta propension à l’indolence voire à la nonchalance. Les autres dirigeant·es ont du mal à te prendre au sérieux, faute d’une légèreté indécente qui fait souvent serrer les dents et parler des larmes de rage aux creux des regards.
Mais comment peut-on choisir la pression du quotidien quand on a éprouvé la douceur d’une vie loin de ses affres impitoyables, des histoires trop compliquées? Tout le monde le sait; ton insouciance est l’oxygène bafouée des fardeaux qu’ils s’en-tête à porter.

Et ça, ils ne peuvent l’accepter.