La sentence des ombres...
Les mois se sont écoulés. Les monolithes, érigés puis abolis autour des villes, ont apporté avec eux leur lot d’horreurs et de violence, de pertes et de larmes. Des doutes, des remises en question, des inquiétudes - toutes cristallisées à mesure des attaques qui se multipliaient dans les terres sauvages… Et le jour où, horreur parmi les horreurs, ce sont finalement les villes qui ont été attaquées.
Le sentiment de sécurité s’est étiolé, émietté, dissous sous vos yeux et entre vos mains.
Si vos quartiers bétonnés ne vous protègent plus, si même Kopadia et Calléis n’ont pas été épargnées, que reste-t-il à croire, que reste-t-il à perdre, désormais ?
Et quand tout est criminel, quand c’est l’homme qui a voulu vos drames, quand ce n’est pas Lentis qui vous fait payer pour vos actes, mais l’arrogance humaine, la quête de pouvoir d’une de vos semblables ; que vous reste-t-il comme force pour lutter ?
Vous pensiez, peut-être, que rien ne pourrait être pire que ce que vous avez déjà traversé.
Le propre de votre espèce se trouve dans sa capacité à tant ressentir l’horreur qu’elle finit par s’y anesthésier. Vous étiez persuadés, peut-être, que le pire était passé. Vos toits ont déjà brûlé… Qu’aurait-elle pu vous prendre de plus, qu’aurait-elle pu vous dérober qu’elle ne vous ait pas déjà ôté ?
… Avez-vous oublié ?
Avez-vous oublié le terme employé par l’un.e de vos dirigeant.es lors du Solem de septembre ?
Propagation ; et celui qu’iel ne prononçait pas -
virus dans un coin du crâne, réprimé pour ne pas éveiller les appréhensions des populations.
N’avez vous jamais craint qu’un jour, Aina-Kea ait raison ? N’avez-vous jamais songé, en observant vos propres Pokémon, protégés jusqu’ici par les initiatives de Teobald et de Deus d’inverser l’effet des monolithes grâce aux restants d’énergie contenue dans les fleurs de cristal, que ces résidus finiraient par s’épuiser ?
N’avez-vous jamais tremblé à l’idée qu’un matin, vos propres compagnons de route puissent se retourner contre vous, aveugles et sourds à vos suppliques et à vos amitiés d’antan ?
Janvier s’entame sous une chape de plomb, la nouvelle année sous le signe de la menace et de l’angoisse, les festivités tamisées par les coups de massue du dernier Sommet que, déjà, quelque chose se remet à trembler.
C’est presque imperceptible, au début.
Ça commence comme une bougie qu’on souffle et dont l’éclat s’étouffe dans la nuit ; la dernière fleur de cristal de Calléis, qui clignotait péniblement depuis près d’un an, s’éteint, un matin, pour ne plus se rallumer. Plus un éclat, plus une étincelle ; c’est l’obscurité et plus aucune lumière sur Harmon’île.
Comme en moquerie du destin, dans les jours qui suivent, c’est un de vos Pokémon qui répond un peu moins à vos ordres, qui désobéit un peu plus fréquemment, qui grogne et montre les dents, qui vous adresse des regards froids et mauvais qu’il n’avait jamais eus à votre intention. Et puis, un jour, ce sont ses crocs ou ses griffes qui en veulent à votre main, à votre bras, à votre présence à ses côtés.
Il s’en prend à vous. C’est comme des vagues ; il s’apaise l’instant d’après, se blottit contre vous, il est de nouveau là, il est de nouveau vôtre… Mais comment ignorer sa peau, sa fourrure ou ses écailles qui, lentement, au fil des jours, se fonce et s’assombrit ; comment ignorer ses yeux qui gagnent des éclats rouges et terrifiants, carmins, couleur de haine et de sang ?
Il n’y a rien à faire : une semaine, deux, peut-être trois, parfois, et il est déjà trop tard.
Le Pokémon que vous avez connu, et peut-être aimé, peut-être choyé, qui vous a accompagné, qui vous a assisté dans vos batailles, qui vous a peut-être sauvé… N’est plus lui-même.
Il est à l’image de ces créatures effroyables qui ont ravagé les villes et aveuglément tué vos semblables,
peut-être vos proches.
Il ne vous reconnaît plus.
Le sortir de sa Pokéball n’est plus une option : c’est à votre
vie qu’il en veut désormais.
Il ne reste plus rien à sauver, en lui, qui ait un jour existé de bon à votre égard…
L’urgence s’installe, à mesure que le phénomène se répand.
C’est une
épidémie à New Pyra ; une explosion des cas, les contaminations qui pullulent, la courbe est vertigineuse à observer, comme une spirale inarrêtable qui gangrène désormais la capitale Haptaise.
À Verpré comme à Hoarford, les chiffres gonflent au fil des jours, plus mesurées que ceux de l’île volcanique, mais assez pour s’inquiéter, pour craindre une hausse soudaine, pour appréhender les jours d’après…
Ike Kai et Harmon’île ne sont pas non plus épargnées. Les cas de Pokémon domestiqués devenus Obscurs tiennent presque des exceptions, leur courbe est la plus basse, la moins inquiétante mais…
Jusqu’à quand ?Combien de temps, avant que le phénomène se répande, encore et encore ; combien de temps avant que l’humanité se retrouve toute entière impuissante face à une Lentis plus Obscure que vive ?
… Et si le sérum, promis par Ivanna, était réellement la seule façon d’enrayer la menace qui pèse désormais sur vous ? Et si votre ultime salvation, c’était bien entre ses mains qu’elle se trouvait, finalement ?
Et si votre temps était compté ?